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09/12/2020 | FRANCE | N°19-16448

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 décembre 2020, 19-16448


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 décembre 2020

Déchéance
Irrecevabilité
Cassation

M. CATHALA, président

Arrêt n° 1170 FS-P+B sur la 2e branche du moyen unique du pourvoi principal

Pourvoi n° W 19-16.448

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme F....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 mars 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A

I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 décembre 2020

Déchéance
Irrecevabilité
Cassation

M. CATHALA, président

Arrêt n° 1170 FS-P+B sur la 2e branche du moyen unique du pourvoi principal

Pourvoi n° W 19-16.448

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme F....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 mars 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 DÉCEMBRE 2020

Mme P... F..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° W 19-16.448 contre les arrêts rendus les 6 octobre 2017 et 26 janvier 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre A), dans le litige l'opposant à la société Phocéenne de négoce, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La société Phocéenne de négoce a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demanderesses aux pourvois , tant principal qu'incident, invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation, annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Cabinet Colin-Stoclet, avocat de Mme F..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Phocéenne de négoce, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Gilibert, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Déchéance partielle du pourvoi principal, examinée d'office

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

1. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application du texte susvisé.

2. Selon cet article, à peine de déchéance du pourvoi, le demandeur à la cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

3. La salariée s'est pourvue en cassation contre l'arrêt du 6 octobre 2017, en même temps qu'elle s'est pourvue contre l'arrêt du 28 janvier 2018, mais son mémoire ne contient aucun moyen à l'encontre de la première de ces décisions.

4. Il y a lieu, dès lors, de constater la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 6 octobre 2017.

Faits et procédure

5. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 janvier 2018) et les productions, Mme F..., engagée le 2 janvier 2007 par la société Phocéenne de négoce (la société), a été victime d'un accident le 14 septembre 2007 et placée en arrêt de travail. Elle a été licenciée pour faute grave le 21 novembre 2007.

6. Contestant cette mesure, elle a saisi la juridiction prud'homale.

7. Par un arrêt mixte du 6 octobre 2017 statuant sur renvoi après cassation (Soc., 29 septembre 2016, n° 15-16.449), la cour d'appel d'Aix-en-Provence a dit le licenciement nul, ordonné la réintégration de la salariée ainsi que la réouverture des débats en enjoignant à la salariée de produire un décompte récapitulant les revenus qu'elle a tirés d'une autre activité et les revenus de remplacement qui lui ont été versés pendant la période d'éviction, ainsi que les justificatifs afférents.

8. La salariée a été réintégrée le 13 novembre 2017.

9. Par l'arrêt attaqué, la salariée a été déboutée de sa demande au titre de l'indemnité réparant le préjudice subi du fait de sa perte de salaire pendant la durée de son éviction.

Recevabilité du pourvoi incident, contestée par la défense

Vu les articles 1025, 403 et 621, alinéas 1 et 2, du code de procédure civile :

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des textes susvisés.

11. Il résulte des deux premiers de ces textes que le désistement du pourvoi est non avenu si, postérieurement, une autre partie forme elle-même régulièrement un pourvoi.

12. Il résulte du troisième que si le pourvoi en cassation est rejeté, la partie qui l'a formé n'est plus recevable à en former un nouveau contre le même jugement, hors le cas prévu à l'article 618, et qu'il en est de même lorsque la Cour de cassation constate son dessaisissement, déclare le pourvoi irrecevable ou prononce la déchéance.

13. La déchéance du pourvoi principal de la salariée ayant été prononcée, en ce qu'il vise l'arrêt du 6 octobre 2017, le pourvoi incident formé par la société contre le même arrêt, après qu'elle se soit désistée de son pourvoi principal, doit être déclaré irrecevable.

Examen du moyen du pourvoi principal

Sur le moyen, pris en sa première branche ; ci-après annexé

14. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le même moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

15. La salariée fait grief à l'arrêt du 26 janvier 2018 de la débouter de sa demande d'indemnité d'éviction réparant le préjudice subi du fait de la perte de salaire depuis son licenciement jusqu'à sa réintégration dans l'entreprise, alors « que l'indemnité due au salarié licencié pendant la période de suspension de son contrat de travail à la suite d'un accident du travail est égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, calculée à partir du salaire brut qu'il percevait avant l'accident du travail ; qu'en se fondant, pour calculer l'indemnité due, non pas sur le salaire mensuel brut de Mme F... avant l'accident (qu'elle constatait être de 1 791,60 €) mais sur le salaire perçu dans le cadre du mi-temps thérapeutique (720,73 € nets par mois), la cour d'appel a violé l'article L. 1226-13 du code du travail, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 122-32-1 devenu L. 1226-7, L. 122-32-2, alinéa 1er, devenu L. 1226-9 et L. 122-32-2, alinéa 3, devenu L. 1226-13 du code du travail :

16. Aux termes du premier de ces textes, le contrat de travail d'un salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant toute la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie.

17. Il résulte des deux derniers qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail du salarié consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle.

18. La Cour de cassation juge que le salarié dont le licenciement est nul en application de ces dispositions, et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé (Soc., 16 octobre 2019, n° 17-31.624, publié).

19. Pour débouter la salariée de sa demande d'indemnité réparant le préjudice subi du fait de la perte de salaires pendant la période de son éviction comprise entre la date de son licenciement et celle de sa réintégration, l'arrêt retient que la salariée a été en arrêt de travail du 14 septembre 2007 au 10 novembre 2007, la période du 28 septembre 2007 au 10 novembre 2007 ayant été travaillée dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, que le montant du dernier salaire perçu par la salariée était de 720,73 euros nets sur 13 mois, montant qui doit être pris en compte pour le calcul de l'indemnité d'éviction, que les parties s'accordent pour dire que la salariée a perçu la somme de 120 068 euros au titre des revenus compris entre 2007 et 2016, les revenus de 2017 n'étant pas justifiés par la salariée, de sorte que l'indemnité sera calculée sur une période de neuf ans au lieu des dix années sollicitée, soit la somme de : 720,73 euros x 13 mois x 9 ans = 84 325,41 euros, qu'il en résulte que la salariée n'a pas été privée de revenus pendant la période d'éviction.

20. En statuant ainsi, alors que le salaire à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité était le salaire qu'aurait perçu la salariée si elle avait continué à travailler, pendant la période s'étant écoulée entre son licenciement et sa réintégration, au poste qu'elle occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l'accident du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi principal formé par Mme F..., en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 6 octobre 2017 ;

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi incident formé par la société Phocéenne de négoce ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Phocéenne de négoce aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Phocéenne de négoce et la condamne à payer à la SCP Cabinet Colin-Stoclet la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Cabinet Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour Mme F...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué du 26 janvier 2018 d'avoir débouté Mme P... F... de sa demande d'indemnité d'éviction réparant le préjudice subi du fait de la perte de salaire depuis son licenciement, le 21 novembre 2007, jusqu'à sa réintégration dans l'entreprise le 13 novembre 2017 ;

AUX MOTIFS QUE (arrêt mixte du 6 octobre 2017), dès lors qu'elle a été victime d'un accident en se rendant vers 14 heures, soit pendant ses horaires de travail et le temps d'ouverture du bureau de poste, pour les besoins du travail, même avec son véhicule personnel, Mme F... a bien été victime d'un accident du travail ; qu'en conséquence, le licenciement de Mme F... étant intervenu le 21 novembre 2007, soit pendant la période de suspension du contrat de travail pour accident du travail (qui a débuté par l'arrêt de travail initial du 14 septembre 2007 et qui a été prolongée par des certificats médicaux successifs établis par son médecin traitant, la salariée ayant été placée en temps partiel thérapeutique du 28 septembre 2007 au 10 novembre 2007 puis considérée comme consolidée le 3 juillet 2009 par le médecin conseil de l'assurance maladie), les dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail, aux termes desquelles l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit d'une faute grave du salarié, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident du travail, ont vocation à s'appliquer ; que la faute grave doit être prouvée par l'employeur ; qu'il ressort de la lettre de licenciement du 21 novembre 2007 que Mme F... a été licenciée pour le motif suivant : « Le vendredi 2 novembre 2007 à 12 heures précises, alors que vous finissiez votre demi-journée de travail à l'entreprise (de 8 heures à 12 heures à mi-temps thérapeutique), vous avez téléphoné à un certain M. U... et lui avez demandé de venir dans l'entreprise. A 12h15, ce dernier a fait irruption dans nos locaux en proférant des insultes à une salariée, Mlle X... J... et en cherchant notre gérant M. Q... D..., en annonçant son intention de l'agresser physiquement. Après l'avoir trouvé, M. U... a menacé et agressé physiquement le gérant, en présence de nombreux témoins salariés et clients. Ces agissements intolérables constituent des fautes graves qui rendent impossible votre maintien dans notre entreprise » ; que compte-tenu de l'arrêt de la cour d'appel du 20 mai 2014, qui a confirmé la décision rendue le 5 novembre 2013 par le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence condamnant d'une part Mme X... et M. R... pour avoir établi des attestations faisant état de faits matériellement inexacts et d'autre part M. D... pour complicité de ces faits et pour avoir fait usage de ces attestations dans le cadre du procès prud'homal, les attestations de ces salariés ne sauraient être prises en considération et ont été d'ailleurs écartées des débats par l'employeur ; que la société Phocéenne de négoce produit la plainte déposée devant les services de gendarmerie par le gérant, M. D..., mais qui, dès lors qu'elle ne fait que reprendre ses dires, est dépourvue de force probante ; que de même, le certificat médical produit atteste de blessures subies par M. D... mais leur auteur reste en l'état non identifié, aucun élément probant ne permet de mettre en cause M. U... ; que les autres pièces du dossier décrivant les conditions d'introduction de M. U... dans les locaux de la société et l'altercation entre ce dernier et M. D... (attestations de Mme C... et de Mme C...) sont produites par Mme F... desquelles il ressort qu'elle a certes autorisé M. U... à pénétrer dans l'entreprise pour venir la chercher après sa journée de travail mais non qu'elle a sollicité l'intervention de M. U... auprès du gérant ; que Mme F... étant décrite comme choquée, en sanglots et tentant de calmer les deux protagonistes ; que dans ces conditions, la société Phocéenne de négoce, qui ne produit aucune pièce probante, échoue à démontrer la faute grave ; que la cause réelle et sérieuse du licenciement n'est pas davantage caractérisée, le seul fait que Mme F... ait permis à M. U... d'entrer dans l'entreprise dans le but initial de venir la chercher après sa journée de travail, ne constitue pas une faute justifiant un licenciement ; qu'au titre de l'indemnisation du préjudice subi, Mme F... demande la somme de 133 325 € correspondant aux salaires perdus de la date de son licenciement à la date de réintégration soit du 21 novembre 2007 au 28 février 2017, sauf à les parfaire jusqu'au prononcé de l'arrêt ; que Mme F... a sollicité sa réintégration devant le conseil de prud'hommes dès septembre 2008 de sorte que l'exercice du droit à indemnisation n'est pas abusif de sa part ; que, par contre, doivent être déduits de la réparation du préjudice subi, les revenus qu'elle a tirés d'une autre activité et les revenus de remplacement qui lui ont été servis pendant cette période ; que Mme F... ne produisant pas de décompte en ce sens, il convient de procéder à la réouverture des débats pour qu'elle justifie des revenus de remplacement perçus pendant la période d'éviction ;

ET AUX MOTIFS QUE (arrêt du 26 janvier 2018), en cas de licenciement nul prononcé en application des dispositions de l'article L. 1226-13 du code du travail, le salarié peut demander sa réintégration dans l'entreprise, sans que l'employeur puisse la refuser, ainsi qu'une indemnisation du préjudice subi entre le licenciement et la réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été effectivement privé, le versement d'une indemnité forfaitaire insusceptible de déduction n'étant possible que dans les hypothèses où la nullité du licenciement sanctionne la méconnaissance d'une liberté fondamentale ou d'un droit garanti par la constitution, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que la période concernée pour le calcul de l'indemnité est comprise entre le 21 novembre 2007 (date du licenciement) et le 13 novembre 2017 (date de la réintégration) ; que Mme F... a été en arrêt de travail du 14 septembre 2007 au 10 novembre 2007, la période du 28 septembre 2007 au 10 novembre 2007 ayant été travaillée dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ; que le montant du dernier salaire perçu par Mme F... était de 720,73 € nets sur 13 mois, montant qui doit être pris en compte pour le calcul de l'indemnité d'éviction ; que les parties s'accordent pour dire que Mme F... a perçu la somme de 120 068 € au titre des revenus compris entre 2007 et 2016, les revenus de 2017 n'étant pas justifiés par la salariée, de sorte que l'indemnité sera calculée sur une période de 9 ans au lieu des 10 années sollicitées, soit la somme de 720,73 € x 13 mois x 9 ans = 84 325,41 € nets ; qu'il en résulte que Mme F... n'a pas été privée de revenus pendant la période d'éviction ;

1°) ALORS QUE le salarié dont le licenciement est nul pour avoir été prononcé en raison de son état de santé a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, peu important qu'il ait ou non reçu des salaires ou un revenu de remplacement pendant cette période ; que le licenciement d'un salarié au cours de la suspension de son contrat de travail après un accident du travail est présumé être prononcé en raison de son état de santé ; qu'en déduisant de la rémunération que Mme F... aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration, les sommes qu'elle avait perçues durant cette période, après avoir constaté, d'une part, que Mme F... avait été licenciée au cours de la suspension de son contrat de travail à la suite d'un accident du travail et, d'autre part, que la société Phocéenne de négoce n'apportait aucune justification probante à ce licenciement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que la présomption du lien entre le licenciement de Mme F... et son état de santé n'avait pas été renversée, violant ainsi les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1226-9 et L 1226-13 du code du travail, ensemble l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel renvoie le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

2°) ALORS QUE l'indemnité due au salarié licencié pendant la période de suspension de son contrat de travail à la suite d'un accident du travail est égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, calculée à partir du salaire brut qu'il percevait avant l'accident du travail ; qu'en se fondant, pour calculer l'indemnité due, non pas sur le salaire mensuel brut de Mme F... avant l'accident (qu'elle constatait être de 1 791,60 €) mais sur le salaire perçu dans le cadre du mi-temps thérapeutique (720,73 € nets par mois), la cour d'appel a violé l'article L. 1223-13 du code du travail, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, en se fondant, pour calculer le salaire que Mme F... aurait dû percevoir depuis la date de son licenciement, le 21 novembre 2007, jusqu'à sa réintégration, le 13 novembre 2017, soit pendant près de dix ans, sur le salaire perçu durant son mi-temps thérapeutique, sans constater que si elle n'avait pas été licenciée, Mme F... serait restée en mi-temps thérapeutique pendant toute cette période, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1223-13 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-16448
Date de la décision : 09/12/2020
Sens de l'arrêt : Déchéance et cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Nullité - Effets - Réparation du préjudice - Droit à réparation - Période - Limites - Détermination

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Nullité - Cas - Accident du travail ou maladie professionnelle - Effets - Indemnisation - Etendue - Détermination CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Nullité - Effets - Réintégration - Indemnités - Indemnité d'éviction - Calcul - Salaire de référence - Détermination - Portée

Le salarié dont le licenciement est nul en application des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé. Le salaire à prendre en compte pour le calcul de cette indemnité est celui qu'aurait perçu le salarié s'il avait continué à travailler pendant la période s'étant écoulée entre son licenciement et sa réintégration, au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l'accident du travail


Références :

Articles L. 122-32-1, devenu L. 1226-7, L. 122-32-2, alinéa 1, devenu L. 1226-9 et L. 122-32-2, alinéa 3, devenu L. 1226-13, du code du travail.

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 26 janvier 2018

Sur la réparation du préjudice subi pour licenciement nul dans la limite des revenus dont le salarié a été privé, à rapprocher : Soc., 16 octobre 2019, pourvoi n° 17-31624, Bull. 2019, (cassation partielle), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 déc. 2020, pourvoi n°19-16448, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : SCP Cabinet Colin - Stoclet, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.16448
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