LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. P... a été engagé le 10 octobre 1996, par la Caisse régionale d'assurance maladie Midi-Pyrénées, devenue Caisse d'assurance retraite et santé au travail (Carsat) Midi-Pyrénées, en qualité d'ingénieur conseil stagiaire ; qu'il était, en dernier lieu, en charge de l'enseignement supérieur et de l'intérim ; que le 2 juin 2009, le salarié a été placé en arrêt de travail lequel a été pris en charge au titre de la législation des accidents du travail ; que le 10 juillet 2009, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à voir déclarer nul son licenciement, obtenir sa réintégration et le paiement de diverses indemnités ;
Sur le premier moyen, qui est préalable, et sur le second moyen du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen du pourvoi du salarié :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de juger que les revenus de remplacement qu'il a perçus seront déduits de l'indemnité d'éviction due par l'employeur alors, selon le moyen, qu'en application des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail, tout licenciement prononcé pendant la période de suspension provoquée par un accident du travail, en l'absence de faute grave du salarié ou d'une impossibilité pour l'employeur de maintenir le contrat de travail, est nul ; que dès lors qu'il caractérise une atteinte au droit à la protection de la santé, garanti par l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel renvoie celui de la Constitution du 4 octobre 1958, le salarié licencié en période de protection pour accident du travail, qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, sans qu'il y ait lieu de déduire des salaires ou revenus de remplacement perçus pendant cette période ; qu'il importe peu, dès lors qu'est caractérisée la méconnaissance consciente par l'employeur du droit fondamental du salarié à la protection de sa santé lésée par un accident du travail, que son état de santé n'ait pas constitué le motif ayant déterminé l'employeur à rompre le contrat ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué, qui en a prononcé la nullité pour ce motif, que licenciement du salarié a été prononcé pendant la période de suspension provoquée par un accident du travail ; qu'en jugeant cependant que devaient être déduits du montant total des salaires qui auraient dû être perçus par le salarié, les salaires et revenus de remplacement qu'il avait perçus au motif inopérant que le licenciement n'avait pas été prononcé en raison de l'état de santé du salarié, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que le salarié dont le licenciement est nul en application des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen du pourvoi du salarié :
Vu l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu que pour rejeter la demande de régularisation des cotisations sociales afférentes aux sommes versées et de remise des bulletins de salaire afférents, l'arrêt retient que les sommes qui sont allouées au salarié au titre de la reconstitution de ses droits présentent un caractère indemnitaire et ne constituent pas des salaires ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la somme allouée au salarié dont le licenciement a été annulé, correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, est versée à l'occasion du travail et entre dans l'assiette des cotisations sociales, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de régularisation des cotisations sociales afférentes aux sommes versées et de remise des bulletins de salaire afférents, l'arrêt rendu le 20 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;
Condamne la Carsat Midi-Pyrénées aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Carsat Midi-Pyrénées à payer à M. P... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. P....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que les revenus de remplacement perçus par M. P... seraient déduits de l'indemnité d'éviction due par la CARSAT Midi-Pyrénées ;
AUX MOTIFS QUE "le salarié dont la rupture du contrat de travail est jugée nulle et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre la rupture et la réintégration dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ;
QUE cette créance indemnitaire est égale en principe au montant des salaires nets, déduction faite des revenus de remplacement ;
QUE M. P... soutient que, dès l'instant où le licenciement est intervenu en violation d'une liberté constitutionnellement protégée, telle que le droit à la santé, le salarié est en droit de revendiquer l'intégralité des salaires perçus, sans aucune déduction ;
QU'en l'espèce [cependant], si le licenciement est intervenu pendant un arrêt de travail provoqué par un accident du travail, l'état de santé de M. P... est étranger au licenciement dont les motifs ont été rappelés ci-dessus et il n'existe aucun élément de preuve laissant supposer que la rupture aurait pu avoir cette cause ;
QU'il convient donc de chiffrer l'indemnité allouée en déduisant les revenus de remplacement" ;
ET AUX MOTIFS adoptés QUE "M. P... peut prétendre à l'indemnisation de son entier préjudice, lequel ne peut être inférieur aux salaires qu'il aurait dû percevoir s'il n'avait pas été licencié ; qu'il doit cependant être tenu compte des indemnités de rupture qu'il a effectivement perçues ;
QUE M. P... ne le fait pas ; qu'il demande certes qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'engage à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage qu'il a perçues ; que cela ne peut être satisfaisant dans la mesure où un "donner acte" n'est pas susceptible d'exécution forcée et où Pôle Emploi, tiers à la présente instance, ne pourra se faire délivrer un titre à son encontre pour les indemnités qui lui ont été versées et qui étaient causées ; qu'il ne l'ignore d'ailleurs pas ; qu'il invoque certes une hypothèse où il n'y a pas lieu à déduction des revenus de remplacement ; [que cependant] il s'agit là d'un licenciement nul comme discriminatoire en ce que prononcé à raison de la santé du salarié et donc en violation d'une liberté fondamentale protégée constitutionnellement ; que c'est le seul cas où les revenus de remplacement ne sont pas déduits ; que le licenciement du salarié est certes nul pour avoir été prononcé en violation de la protection particulière des accidentés du travail, mais n'a pas été prononcé à raison de l'état de santé du salarié et dont en violation de cette liberté fondamentale ;
QUE dès lors, il y a bien lieu à déduction des revenus de remplacement" ;
ALORS QU'en application des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du Code du travail, tout licenciement prononcé pendant la période de suspension provoquée par un accident du travail, en l'absence de faute grave du salarié ou d'une impossibilité pour l'employeur de maintenir le contrat de travail, est nul ; que dès lors qu'il caractérise une atteinte au droit à la protection de la santé, garanti par l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel renvoie celui de la Constitution du 4 octobre 1958, le salarié licencié en période de protection pour accident du travail, qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, sans qu'il y ait lieu de déduire des salaires ou revenus de remplacement perçus pendant cette période ; qu'il importe peu, dès lors qu'est caractérisée la méconnaissance consciente par l'employeur du droit fondamental du salarié à la protection de sa santé lésée par un accident du travail, que son état de santé n'ait pas constitué le motif ayant déterminé l'employeur à rompre le contrat ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué, qui en a prononcé la nullité pour ce motif, que licenciement de M. P... a été prononcé pendant la période de suspension provoquée par un accident du travail ; qu'en jugeant cependant que devaient être déduits du montant total des salaires qui auraient dû être perçus par le salarié, les salaires et revenus de remplacement qu'il avait perçus au motif inopérant que le licenciement n'avait pas été prononcé en raison de l'état de santé du salarié, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. P..., victime d'un licenciement nul, de sa demande de régularisation, par la CARSAT Midi-Pyrénées, des cotisations sociales afférentes aux sommes versées et de remise des bulletins de salaire afférents ;
AUX MOTIFS QUE "le salarié dont la rupture du contrat de travail est jugée nulle et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre la rupture et la réintégration dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ;
QUE cette créance indemnitaire est égale en principe au montant des salaires nets, déduction faite des revenus de remplacement (
)" ;
ET AUX MOTIFS QUE "les sommes allouées à M. P... au titre de la reconstitution de ses droits présentent un caractère indemnitaire et ne constituent pas des salaires ; qu'il en résulte que l'employeur n'a pas à s'acquitter de cotisations et à délivrer des bulletins de paie" ;
ALORS QUE l'indemnité d'éviction versée au salarié victime d'un licenciement nul et qui demande sa réintégration, est destinée à le replacer dans la situation qui aurait été la sienne si le licenciement n'avait pas eu lieu ; qu'ayant la nature de salaires, elle est assujetties à cotisations sociales, de sorte que l'employeur doit être condamné à verser aux organismes de sécurité sociale les cotisations sociales y afférentes ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L.1226-13 du code du travail. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils pour la société Carsat Midi-Pyrénées.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la réintégration de M. P... au poste qui était le sien le jour du licenciement ;
AUX MOTIFS QUE « sur la demande de réintégration, dès lors que la nullité du licenciement la nullité du licenciement est constatée, l'employeur est tenu de faire droit à la demande de réintégration du salarié ; que l'impossibilité de la réintégration n'est retenue que dans des cas exceptionnels, tels que disparition de l'entreprise ou impossibilité absolue de réintégration ; que pour s'opposer à la réintégration de M. P..., la Carsat fait valoir : - qu'il résulte des motifs de la rupture que M. P... a volontairement transgressé les instructions qui lui avaient été données par sa hiérarchie, a développé une activité parallèle et présenté de fausses factures de frais de déplacement, ce qui induit déjà une perte totale de confiance dans un cadre supérieur de la sécurité sociale investi d'une large autonomie, - qu'on ne peut réintégrer dans une caisse de sécurité sociale un cadre qui aux fins de chantage et de pression pour éviter un licenciement a déposé contre son employeur une plainte pénale pour des faits de harcèlement moral qui a été classée sans suite après enquête approfondie et qui n'a fait l'objet d'aucune citation directe des plaignants ni d'aucune demande devant le juge prud'homal, - qu'il résulte de plus de l'enquête pénale que le service Prévention a connu des difficultés importantes résultant du comportement du groupe de cadres auteur avec M. P... de la plainte pour harcèlement moral contre la caisse, - que la réintégration sollicitée lui paraît dans ces conditions impossible ; qu'il apparaît que les faits reprochés à M. P... dans le cadre d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse -et non pour faute grave- sont contestés par l'intéressé et ne sont en toute hypothèse pas de nature à interdire une réintégration ; que s'agissant de la plainte pénale pour harcèlement moral, il ressort des éléments de l'enquête versés au dossier qu'il existait au sein de l'entreprise une ambiance tout à fait détestable, que les faits de harcèlement dénoncés par les plaignants n'ont pas été établis, et que le comportement de M.P... tel que décrit par plusieurs salariés de la caisse n'était pas exempt de tout reproche ; qu'il apparaît toutefois qu'à l'issue du classement sans suite de la plainte, l'employeur n'a manifestement pas engagé de poursuites disciplinaires à l'encontre des autres salariés auteurs de cette plainte, salariés dont le comportement était pour certains plus critiquable que celui de M. P... au vu des procès-verbaux d'audition ; que dans ses dernières conclusions, la Carsat précise que certains des co-auteurs de la plainte du 6 juillet 2009 ont quitté l'entreprise à titre définitif ou provisoire ( Mme X... le 18 octobre 2012, Mme I... le 27 février 2015, M.E... en mission externe jusqu'au 31 décembre 2012) et que ces départs définitifs et provisoires, associés à des actions de prévention des risques psycho-sociaux, ont permis de résoudre les problèmes de harcèlement dont ces personnes ont pu être les auteurs ; que le sort réservé à M. U..., sévèrement mis en cause par plusieurs salariés, n'est pas précisé ; que dans ces conditions, l'employeur ne caractérise pas une impossibilité absolue lui permettant de s'opposer à la réintégration de M. P... ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a ordonné la réintégration de M. P... au poste qui était le sien au jour de la rupture, et ce sans l'ensemble des précisions sollicitées par le salarié dans ses conclusions (conditions a) à f) » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « M. P... sollicite sa réintégration. Celle-ci est normalement de droit dans cette hypothèse. Il s'agit là d'assurer l'effectivité de la protection en cas d'accident du travail de sorte que l'obligation de réintégrer le salarié qui le demande ne peut céder que face à une impossibilité véritablement établie. La CARSAT ne méconnaît d'ailleurs pas la difficulté mais soutient que la réintégration serait en l'espèce impossible. ; que cette impossibilité doit être véritablement caractérisée. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. Il est exact que M. P... a certes tardé pour saisir la juridiction, cela ne peut toutefois en soi caractériser une impossibilité de le réintégrer. Le fait qu'il ait été remplacé à son poste ne caractérise pas davantage cette impossibilité laquelle relèverait en outre dès lors de la seule faculté de l'employeur. Au surplus, il existe plusieurs ingénieurs conseil au sein de la CARSAT et on ignore tout des effectifs au jour où le conseil statue. La CARSAT fait enfin valoir que le comportement de M. P... lui-même ferait obstacle à sa réintégration dans la mesure où il a entretenu une véritable ambiance clanique par un comportement manipulateur ; que cet argument qui peut apparaître comme le plus sérieux pose tout de même problème. Il est manifeste que l'ambiance au sein de la CARSAT était tout à fait délétère, cela a été retenu ci-dessus. L'employeur soutient que la plainte que le salarié a cru devoir déposer avec d'autres pour harcèlement moral a tourné à sa confusion puisqu'il s'est révélé le harceleur. La situation doit tout de même être nuancée. La plainte pénale est certes riche d'enseignements. On y constate une ambiance tout à fait détestable au sein de l'entreprise avec manifestement deux clans et quelques salariés n'appartenant à aucun et tentant d'avoir une analyse plus objective de la situation. Il n'est pas exclu que le comportement de M. P... ait pu contribuer à ce malaise. Cependant, il n'était manifestement pas le seul, il n'est d'ailleurs pas nécessairement le plus "ciblé" par les plaintes. Or, l'employeur ne donne aucun élément sur les sanctions disciplinaires qu'il aurait prises contre les autres salariés à l'origine de la plainte pénale. Bien qu'il considère que ce sont les trois salariés à l'origine de la plainte pénale qui auraient eu la responsabilité unique de cette ambiance dégradée, ce qui est déjà douteux en soi, il soutient que la réintégration de M. P... serait impossible alors que les autres salariés auraient pu continuer l'exécution de leur contrat. Cela n'est pas satisfaisant. Cela l'est d'autant moins qu'il existait déjà toute une série d'alertes sur les risques psychosociaux au sein de l'entreprise que l'employeur ne pouvait ignorer. Il ne peut donc soutenir à présent que c'est uniquement la plainte du salarié qui lui a permis de connaître l'impossibilité d'une réintégration, alors qu'il n'avait absolument rien mis en place à ce titre et que le licenciement ne portait pas sur un tel comportement. L'argument est ainsi purement conjoncturel et ne peut être retenu ; qu'il Il y a en conséquence lieu à réintégration du salarié. Il sera constaté que M. P... demande à bénéficier de ses congés pour 131 jours et non leur indemnisation pour l'effectivité de la réintégration. Celle-ci sera ordonnée au poste d'ingénieur conseil qui était le sien au jour de la rupture à ce stade sans l'ensemble des précisions sollicitées au regard des motifs ci-après exposés » ;
1°/ ALORS QU'en cas de prononcé par le juge de la nullité du licenciement, la réintégration ne peut être ordonnée si elle est devenue matériellement impossible ; que la réintégration est matériellement impossible lorsque le comportement du salarié adopté ou révélé postérieurement au licenciement est incompatible avec son retour dans l'entreprise ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que M. P... avait déposé une plainte pénale à l'encontre de la direction de l'organisme de sécurité sociale pour harcèlement moral et que l'enquête diligentée, postérieurement au licenciement, avait donné lieu à un classement sans suite et avait mis en lumière le caractère mensonger des accusations portées par ce cadre à l'égard de l'organisme ; qu'il résulte également des constatations de l'arrêt attaqué que l'enquête diligentée, postérieurement au licenciement, avait révélé que M. P... avait harcelé moralement plusieurs agents de la caisse ; que ces comportements fautifs, dont la teneur avait été révélée postérieurement au licenciement, rendaient impossible tout retour de M. P... dans l'entreprise, nonobstant l'annulation de son licenciement ; qu'en estimant néanmoins qu'il n'était pas caractérisé une impossibilité absolue de réintégrer M. P..., au motif inopérant que la CARSAT n'aurait pas sanctionné disciplinairement les autres auteurs de la plainte dont certains avaient eu un comportement plus critiquable que M. P..., la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
2°/ ALORS QU'en contraignant l'organisme de sécurité sociale à réintégrer M. P... dans son emploi, cependant qu'il avait été établi postérieurement au licenciement que les accusations de harcèlement moral de ce cadre dans une plainte pénale dirigée contre la décision de la CARSAT étaient mensongères et que M. P... avait, avec d'autres cadres, harcelé moralement plusieurs agents, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée et par conséquent méconnu la liberté contractuelle et la liberté d'entreprendre découlant de l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ensemble le principe constitutionnel de continuité du service public.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la CARSAT Midi-Pyrénées à verser à M. P... une somme de 10.000 € de dommages-intérêts pour préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE « sur la demande de dommages et intérêts : M. P... allègue un préjudice moral lié au choc psychologique qu'a provoqué le licenciement à son égard et à celui de sa famille, un préjudice professionnel dans la mesure où il a vu sa réputation professionnelle ternie par cette rupture injustifiée et un préjudice financier puisque s'il obtient gain de cause les sommes obtenues seront imposées dans le cadre d'un foyer fiscal réduit à 2 parts au lieu de 3,5, ses enfants n'étant plus rattachés à son foyer fiscal ; que la Carsat réplique que le préjudice moral n'est pas objectivé, M. P... s'étant immédiatement rétabli professionnellement, que l'atteinte à la réputation professionnelle n'est ni explicitée ni objectivée, et que le préjudice lié à la fiscalisation des indemnités n'est pas établi, les sommes ayant un caractère indemnitaire n'étant pas imposables ; que les salariés dont le licenciement est nul ont droit, en sus des salaires dus au titre de la période couverte par la nullité, à des dommages et intérêts au titre de la violation des dispositions protectrices ; qu'en l'espèce, la violation des dispositions protectrices a causé à M. P... un préjudice moral que la cour chiffre à 10.000 €. M. P..., qui ne justifie pas avoir subi un préjudice supplémentaire, sera débouté du surplus de sa demande » ;
ALORS QUE le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement correspondant à la totalité de son préjudice au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ; que cette indemnisation couvre l'ensemble des préjudices matériels et moraux résultant de la nullité du licenciement et subis au cours de la période d'éviction de l'entreprise ; qu'en allouant à M. P..., en plus d'une indemnité correspondant à la différence entre le montant des salaires et accessoires qui auraient dû être versés au cours de la période d'éviction et les revenus de remplacement perçus au cours de cette même période, des dommages-intérêts pour préjudice moral au titre de violation des règles protectrices, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.