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26/11/2020 | FRANCE | N°18-10190

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 26 novembre 2020, 18-10190


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 novembre 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1276 F-P+B+I

Pourvoi n° Y 18-10.190

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020

1°/ M. N... R...,

2°/ Mme G... I...,
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br>tous deux domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° Y 18-10.190 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5)...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 novembre 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1276 F-P+B+I

Pourvoi n° Y 18-10.190

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020

1°/ M. N... R...,

2°/ Mme G... I...,

tous deux domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° Y 18-10.190 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige les opposant à la société Euromaf assurance des ingénieurs et architectes européens, société anonyme, dont le siège est 189 boulevard Malesherbes, 75017 Paris, défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. R... et Mme I..., de la SCP Boulloche, avocat de la société Euromaf assurance des ingénieurs et architectes européens, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 juillet 2017), par contrat du 20 janvier 2008, Mme I... et M. R... ont confié la maîtrise d'oeuvre de travaux d'aménagement de leur appartement à la société Archidécoconseil-Adconseil (la société Adconseil), assurée auprès de la société Euromaf (l'assureur).

2. Le chantier n'ayant pas été mené à son terme, Mme I... et M. R..., après avoir obtenu en référé la désignation d'un expert et l'allocation d'une provision, ont assigné notamment la société Adconseil et l'assureur en indemnisation de leurs préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et cinquième branches, qui est recevable

Enoncé du moyen

3. Mme I... et M. R... font grief à l'arrêt de dire que la société Euromaf, en sa qualité d'assureur de la société Adconseil, est fondée à opposer une non-garantie totale à la suite de la réduction de l'indemnité résultant de l'absence de toute déclaration de chantier et de tout paiement de prime, de rejeter leurs demandes dirigées contre la société Euromaf et de rappeler que l'arrêt vaut titre de restitution de la provision de 262 622,57 euros versée au titre de l'achèvement du chantier en exécution de l'ordonnance de référé du 26 mars 2010, alors :

« 1°/ que si la police d'assurance prévoit, conformément à l'article L. 113-10 du code des assurances, qu'en cas d'inexactitude ou d'omission de déclaration par l'assuré, ce dernier sera sanctionné par une augmentation du montant de la prime, dans la limite de 50 %, cette sanction ne peut être cumulée avec celle prévue à l'article L. 113-9 du code des assurances ; qu'en l'espèce, les consorts R... I... faisaient valoir qu'il résultait des articles 5.12 et 8.21 des conditions générales de la police d'assurance souscrite par la société Adconseil auprès de la société Euromaf que la sanction de l'absence de déclaration d'activité par l'assuré dans les délais prévus au contrat était l'application d'une prime majorée de 50%, ce qui excluait que l'assureur puisse se prévaloir de la règle de la réduction proportionnelle d'indemnité prévue à l'article L. 113-9 du code des assurances ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que seules les sanctions de l'article L. 113-9 du code des assurances étaient applicables, que le contrat d'assurance visait ces dispositions à l'article 5.222 des conditions générales mais qu'en revanche, l'article L. 113-10 du code des assurances « n'[était] nullement visé par la police », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le contrat d'assurance, sans faire expressément référence à l'article L. 113-10 du code des assurances, ne prévoyait pas une sanction reprenant en substance le mécanisme prévu par ce texte, ce qui excluait que l'assureur puisse se prévaloir par ailleurs de la règle de la réduction proportionnelle d'indemnité, quand bien même celle-ci aurait été stipulée dans le contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-9 et L. 113-10 du code des assurances, ensemble l'article 1134 du code civil (dans sa rédaction applicable en la cause, avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; nouvel article 1103 du code civil) ;

5°/ que pour mettre hors de cause la compagnie Euromaf, la cour d'appel a retenu que la société Adconseil n'avait pas déclaré le chantier litigieux et que la société EUROMAF « s'[était] engagée à garantir toutes les missions accomplies par son assurée sur les chantiers qu'elle dirigera en subordonnant sa garantie à une exigence, la déclaration par son assurée de tous ses chantiers relevant de la police au plus tard avant le 31 mars de l'année suivante (cf son article 5.12 et 8.115) », ce dont elle a déduit que c'était « en raison d'un défaut total de déclaration de chantier ne pouvant à ce titre justifier aucune prime que la société Euromaf a[vait] procédé à la résiliation de la police » ; qu'en statuant de la sorte, quand les articles 5.12 et 8.115 des conditions générales de la police d'assurance souscrite par la société Adconseil se bornaient à imposer à l'assuré de déclarer son activité professionnelle dans certains délais, à défaut de quoi l'assureur pouvait, si l'absence de déclaration était constatée après un sinistre, réduire l'indemnité en proportion des primes payées par rapport aux primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement et exactement déclarés (article 5.222), et exiger le versement d'une prime majorée (article 8.115), la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'existence dans le contrat d'assurance d'une clause prévoyant que la société Euromaf ne devait sa garantie qu'à la condition que la déclaration d'activité prévue à l'article 5.12 des conditions générales soit effectuée dans les délais fixés par la police, a méconnu les articles L. 113-8 et L. 113-9 du code des assurances, ensemble l'article 1134 du code civil (nouvel article 1103 du code civil). »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La société Euromaf conteste la recevabilité de la première branche comme nouvelle et de la cinquième branche comme contraire à l'argumentation soutenue devant les juges du fond.

5. Au regard des conclusions d'appel, le moyen, pris en sa première branche, n'est pas nouveau et n'est pas contraire, en sa cinquième branche, à la thèse soutenue en appel.

6. Ces griefs sont donc recevables.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 113-9 et L. 113-10 du code des assurances et l'article 1134, devenu 1103, du code civil :

7. Il résulte des deux premiers de ces textes que lorsque l'application du second est stipulée dans un contrat d'assurance, elle est exclusive de l'application du premier. Aux termes du dernier, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

8. Pour dire que l'assureur est fondé à opposer une non-garantie totale à la suite de la réduction de l'indemnité résultant de l'absence de toute déclaration de chantier et de tout paiement de prime, et débouter Mme I... et M. R... de leurs demandes dirigées contre lui, l'arrêt énonce que pour être applicables, les sanctions de l'article L. 113-9 du code des assurances ne doivent pas coexister dans la même police avec celles de l'article L. 113-10 du même code, ce qui est le cas en l'espèce puisque la police ne vise nullement ce dernier texte et fait expressément référence à l'article L. 113-9, lequel est, par conséquent, seul applicable.

9. L'arrêt ajoute que l'assureur s'est engagé à garantir toutes les missions accomplies par son assurée sur les chantiers qu'elle dirigerait en subordonnant sa garantie à une exigence : la déclaration par son assurée de tous ses chantiers relevant de la police au plus tard avant le 31 mars de l'année suivante (cf. ses articles 5.12 et 8.115). L'arrêt retient encore que la déclaration de chantier est en effet exigée pour permettre à l'assureur de déterminer l'assiette de la prime et que l'assurée n'ayant en l'espèce procédé à aucune déclaration de chantier ni payé aucune prime, l'indemnité doit être réduite en proportion du taux de la prime annuelle payée par rapport à celui de la prime qui aurait été due si la mission avait été déclarée, ce qui aboutit, par l'effet de la réduction proportionnelle prévue par l'article L. 113-9 du code des assurances, à un taux de garantie réduit à néant, c'est-à-dire à un défaut de garantie.

10. En se déterminant ainsi, sans constater l'existence, dans le contrat d'assurance, d'une clause prévoyant que l'assureur ne devait sa garantie qu'à la condition que la déclaration d'activités professionnelles prévue par l'article 5.12 des conditions générales soit effectuée dans les délais fixés par la police, et sans rechercher, comme elle y était invitée, si le contrat, sans faire expressément référence à l'article L. 113-10 du code des assurances, ne prévoyait pas une sanction reprenant en substance le mécanisme prévu par ce texte, ce qui aurait exclu que l'assureur puisse se prévaloir de la règle de la réduction proportionnelle d'indemnité prévue par l'article L. 113-9 du même code, quand bien même celle-ci était stipulée dans le contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Euromaf, en sa qualité d'assureur de la société Archidécoconseil-Adconseil, est fondée à opposer une non-garantie totale à la suite de la réduction de l'indemnité résultant de l'absence de toute déclaration de chantier et de tout paiement de prime, déboute Mme I... et M. R... de toutes leurs demandes dirigées contre la société Euromaf et rappelle que l'arrêt vaut titre de restitution pour la provision de 262 622,57 euros versée au titre de l'achèvement du chantier en exécution de l'ordonnance de référé du 26 mars 2010, l'arrêt rendu le 5 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Euromaf aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Euromaf et la condamne à payer à Mme I... et M. R... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Gelbard- Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour M. R... et Mme I...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que la société EUROMAF, en sa qualité d'assureur de la société ARCHIDECOCONSEILADCONSEIL, était fondée à opposer une non garantie totale suite à la réduction de l'indemnité résultant de l'absence de toute déclaration de chantier et de tout paiement de prime, D'AVOIR rejeté les demandes des consorts R... I... dirigées contre la société EUROMAF, et D'AVOIR rappelé que l'arrêt valait titre de restitution pour la provision de 262.622,57 € versée au titre de l'achèvement du chantier en exécution de l'ordonnance de référé du 26 mars 2010 ;

AUX MOTIFS QUE « II) Sur Les demandes formées par les consorts R... I... à l'encontre de la société EUROMAF recherchée en sa qualité d'assureur de la société ARCHIDECOCONSEIL-ADCONSEIL que pour exercer leur action directe à l'encontre de l'assureur de celle-ci, il incombe aux consorts R... I... d'établir la responsabilité de la société ARCHIDECOCONSEIL-ADCONSEIL ; que les consorts R... I... recherchent sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 du code civil ; qu'en effet, il ressort du rapport d'expertise que lors de la première réunion d'expertise du 30 octobre 2008, le chantier était manifestement abandonné avec des matériaux stockés sur place ; qu'aucune réception des travaux n'est intervenue suite à cet abandon du chantier de sorte que le litige ne relève effectivement pas de la garantie décennale de cette société ; que le rapport d'expertise tel qu'analysé par le jugement met clairement en évidence le comportement fautif de la société ARCHIDECOCONSEIL-ADCONSEIL, générateur des désordres ; que le jugement a ainsi déclaré celle-ci responsable de leur préjudice en vertu de l'article 1147 du code civil ; Qu'ils demandent en conséquence la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la garantie de la société EUROMAF en sa qualité d'assureur de la société ARCHIDECOCONSEIL-ADCONSEIL ; qu'à titre principal , la compagnie EUROMAF conteste devoir toute garantie à la société ADCONSEIL aux motifs : - que la société ARCHI DECO CONSEIL (ADCONSEIL), missionnée par contrat du 20 janvier 2008, ne lui a déclaré aucune activité professionnelle au titre de l'année 2007, ce qui l'a conduite pour ce motif à résilier sa police à effet au 28 juillet 2008 et qu'a fortiori, la société ne lui déclaré aucun chantier ou mission au titre de l'année 2008 , - que celle-ci ne lui a par conséquent payé aucune prime, si bien que la police a été résiliée à effet du 28 juillet 2008 , - que le chantier litigieux ne lui ayant pas été déclaré dans les formes prévues par le contrat d'assurance, elle est en droit d'opposer une position de non-garantie pour absence de déclaration du risque ; Que subsidiairement, la compagnie EU.ROMAF invoque la réduction proportionnelle prévue par l'article L113-9 du Code des assurances ; qu'elle conteste toute responsabilité au titre de l'article 1382 du code civil pour avoir délivré une attestation d'assurance à son assurée ; Qu'en réplique, les époux R... soutiennent au contraire : - A titre principal : - que la compagnie EUROMAF ne rapporte ni la preuve de cette absence de déclaration de chantier, ni le défaut de paiement de prime, - et qu'en tout état de cause, s'agissant d'une police à risques et primes variables, la déclaration périodique des chantiers n'est pas une condition de la garantie et que l'omission de déclaration est sanctionnée par l'article L113-10 du code des assurances et par la majoration de la prime de 50% ; - A titre subsidiaire, si la Cour retenait l'application de l'article L. 113-9 du code des assurances , la Cour de Cassation a jugé que "l'indemnité devait être réduite en proportion du taux de la prime annuelle payée par rapport à celui de la prime qui aurait été due si la mission avait été déclarée » en se référant aux arrêts suivants Cass, 2ème civ. 17 avril 2008, N° 07-13053 et Cass. Civ. Ière 24juin 2003, N° 98-1:3334 ; - Sur le défaut de déclaration de chantiers et le non-paiement de primes invoqué par la société EUROMAF que la société EUROMAF affirme que son assurée n'a effectué aucune déclaration de chantier en 2007 et que c'est pour cette raison qu'elle a résilié la police à effet du 28 juillet 2008 ; qu'elle ajoute que la société ADCONSEIL n'a pas fait davantage de déclaration de chantier en 2008 ; Qu'en réplique les consorts R... I... font valoir que par lettre du 5 juin 2008, la société EUROMAF a demandé à la société ADCONSEIL le règlement du "Solde de la prime correspondant à la déclaration précitée ou, faute de nous fournir cette déclaration, une prime forfaitaire de 6.193,61 € » ; que s'appuyant sur la formulation de cette lettre, ils affirment que la société AD CONSEIL s'est acquittée, au moins pour partie, du règlement de sa prime ; qu'ils en déduisent que la société EUROMAF ne rapporte donc ni la preuve de ce que la société AD CONSEIL n'aurait pas déclaré d'activité professionnelle au titre de l'année 2007, ni de ce que cette dernière n'aurait payé aucune prime ; Mais considérant que cette lettre, datée du 5 juin 2008 commence par "Vous n'avez toujours pas adressé votre déclaration d'activité professionnelle de l'année 2007. Or ce document aurait dû nous parvenir au plus tard pour le 31 mars 2008...."; Que la société EUROMAF y met ensuite son assurée en demeure : 1) d'adresser sa déclaration d'activité professionnelle de l'année 2007 dans les 10 jours suivant l'envoi de cette lettre 2) puis de lui régler dans les 30 jours suivant ce délai de 10 jours c'est à dire dans les 40 jours suivant l'envoi de la lettre le "solde de la prime correspondant à la déclaration précitée vu, faute de nous fournir cette déclaration, une prime forfaitaire de 6.193,61 €" ; qu'il résulte de la lecture de cette lettre qu'en réalité, dans la mesure où dès le début de ce courrier, la société EUROMAF y reproche clairement à son assurée de n'avoir effectué aucune déclaration d'activité professionnelle pour l'année 2007, ce "solde" de la prime évoqué ne pourrait se calculer que sur la déclaration de chantier de "rattrapage" que la société EUROMAF demande de lui faire parvenir dans les 10 jours suivants l'envoi de cette lettre du 5 juin 2008 ; Que cependant, au vu des 4 correspondances adressées par la société EUROMAF à la société ADCONSEIL entre juin et septembre 2008 la mettant en demeure de lui adresser sa déclaration d'activité professionnelle puis l'informant de la suspension et enfin de la résiliation de son contrat d'assurance en raison de la non-transmission de cette déclaration et du non-paiement des primes s'y rapportant, il apparaît que la société ADCONSEIL n'a déclaré de chantier ni pour l'année 2007 ni pour l'année 2008 de sorte qu'elle n'a pas déclaré le chantier litigieux ; Que dans ces conditions, la seule mention d'un "solde" de prime dans ce courrier du 5 juin 2008 ne peut suffire à rapporter la preuve d'une souscription d'une garantie pour ce chantier ; - Sur l'application de l'article L113-9 du code des assurances et non de l'article L11310 du même code que la société EUROMAF invoque sa non garantie et subsidiairement, la réduction proportionnelle prévue par l'article L113-9 alinéa 3 du code des assurances qui dispose que "Dans le cas où la constatation n'a lieu qu'après un sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés" ; Que pour leur part, les consorts R... I... invoquent l'article L113-10 du code des assurances ; Mais que la police souscrite par la société ADCONSEIL ne vise nulle part l'article L113-10 du code des assurances alors qu'elle fait expressément référence à l'article L.113-9 du même code ; Que pour être applicables, les sanctions de l'article L113-9 du code des assurances invoquées subsidiairement par la société EUROMAF ne doivent pas coexister dans la même police avec celles de l'article L113-10 du même code ce qui est le cas en l'espèce puisque ce dernier texte n'est nullement visé par la police ; Que par conséquent, dès lors que l'article L113-10 n'est pas du tout visé par la police qui ne fait expressément référence qu'à l'article L.113-9 de ce code en son article 5.222 des conditions générales de la police, seul l'article L113-9 du code des assurances est applicable ; que la police rappelle ainsi expressément les termes de ce dernier texte, à savoir que "Dans le cas où la constatation n'a lieu qu'après un sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés " ; que la société EUROMAF s'est engagée à garantir toutes les missions accomplies par son assurée sur les chantiers qu'elle dirigera en subordonnant sa garantie à une exigence, la déclaration par son assurée de tous ses chantiers relevant de la police au plus tard avant le 31 mars de l'année suivante (cf son article 5.12 et 8.115) ; que la déclaration de chantier est en effet exigée pour permettre à l'assureur de déterminer l'assiette de la prime ; que l'assurée n'ayant en l'espèce procédé à aucune déclaration de chantier ni payé aucune prime, l'indemnité doit être réduite en proportion du taux de la prime annuelle payée par rapport à celui de la prime qui aurait été due si la mission avait été déclarée, ce qui aboutit par l'effet de la réduction proportionnelle prévue par l'article L113-9 du code des assurances à un taux de garantie réduit à néant ce qui aboutit à un défaut de garantie (cf Cass civ 3° 05-05-2015 n°1411.758) ; Que c'est d'ailleurs en raison d'un défaut total de déclaration de chantier ne pouvant à ce titre justifier aucune prime que la société EUROMAF a procédé à la résiliation de la police - Sur l'attestation d'assurance délivrée par la société EUROMAF que les consorts R... I... produisent aux débats une attestation d'assurance non datée délivrée par la compagnie EUROMAF à la SARL ARCHI DECO CONSEIL ADCONSEIL (cf leur pièce n°39) ; que cependant, cette attestation stipule expressément qu'elle "ne peut engager la société d'assurance au-delà des conditions et limites du contrat auquel elle se réfère"; en définitive que les consorts R... I... seront déboutés comme mal fondés de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société EUROMAF recherchée en sa qualité d'assureur de la SARL ARCHI DECO CONSEIL ADCONSEIL ; Que le jugement sera infirmé en ce sens » ;

1°) ALORS QUE si la police d'assurance prévoit, conformément à l'article L. 113-10 du code des assurances, qu'en cas d'inexactitude ou d'omission de déclaration par l'assuré, ce dernier sera sanctionné par une augmentation du montant de la prime, dans la limite de 50%, cette sanction ne peut être cumulée avec celle prévue à l'article L. 113-9 du code des assurances ; qu'en l'espèce, les consorts R... I... faisaient valoir (leurs conclusions d'appel, p. 18-19) qu'il résultait des articles 5.12 et 8.21 des conditions générales de la police d'assurance souscrite par la société AD CONSEIL auprès de la société EUROMAF que la sanction de l'absence de déclaration d'activité par l'assuré dans les délais prévus au contrat était l'application d'une prime majorée de 50%, ce qui excluait que l'assureur puisse se prévaloir de la règle de la réduction proportionnelle d'indemnité prévue à l'article L. 113-9 du code des assurances ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que seules les sanctions de l'article L. 113-9 du code des assurances étaient applicables, que le contrat d'assurance visait ces dispositions à l'article 5.222 des conditions générales mais qu'en revanche, l'article L. 113-10 du code des assurances « n'[était] nullement visé par la police », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le contrat d'assurance, sans faire expressément référence à l'article L. 113-10 du code des assurances, ne prévoyait pas une sanction reprenant en substance le mécanisme prévu par ce texte, ce qui excluait que l'assureur puisse se prévaloir par ailleurs de la règle de la réduction proportionnelle d'indemnité, quand bien même celle-ci aurait été stipulée dans le contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-9 et L. 113-10 du code des assurances, ensemble l'article 1134 du code civil (dans sa rédaction applicable en la cause, avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ; nouvel article 1103 du code civil) ;

2°) ALORS QUE l'application de la règle de la réduction proportionnelle d'indemnité ne peut aboutir à une absence de garantie que s'il est établi que l'assuré n'a versé aucune prime au titre de la période considérée ; qu'il résulte des propres énonciations de la cour d'appel que par courrier adressé à son assurée la société AD CONSEIL le 5 juin 2008, la société EUROMAF a mis cette dernière en demeure « 1) d'adresser sa déclaration d'activité professionnelle de l'année 2007 dans les 10 jours suivant l'envoi de cette lettre 2) puis de lui régler dans les 30 jours suivant ce délai de 10 jours c'est à dire dans les 40 jours suivant l'envoi de la lettre le solde de la prime correspondant à la déclaration précitée vu, faute de nous fournir cette déclaration, une prime forfaitaire de 6.193,61 €" »1 ; qu'en jugeant toutefois, après avoir retenu que la société AD CONSEIL n'avait pas déclaré de chantier au titre de l'année 2007, que la seule mention d'un « solde » 1 Soulignement ajouté. de prime dans ce courrier du 5 juin 2008 ne pouvait suffire à rapporter la preuve d'une souscription d'une garantie pour le chantier litigieux, et en déduire que la société AD CONSEIL n'avait réglé aucune prime au titre de l'année 2007 de sorte que l'application de la règle de la réduction proportionnelle de l'indemnité aboutissait à une non-garantie, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 113-9 du code des assurances ;

3°) ALORS QU'aux termes de la lettre qu'elle a adressée à la société AD CONSEIL le 5 juin 2008, la société EUROMAF écrivait à son assuré : « Vous n'avez toujours pas adressé votre déclaration d'activité professionnelle de l'année 2007. Or, ce document aurait dû nous parvenir, au plus tard, pour le 31 mars 2008. En conséquence, conformément aux stipulations de votre (vos) contrat(s) d'assurance, nous sommes contraints de vous mettre en demeure : 1 – d'adresser votre déclaration d'activité professionnelle de l'année 2007 dans les 10 jours suivant l'envoi de la présente lettre recommandée ; 2 – de régler dans les 30 jours suivant les 10 jours indiqués ci-dessus, le solde de la (des primes) correspondant à la déclaration précitée2 ou, faute de nous fournir cette déclaration, une prime forfaitaire de 6.193,61 € » ; qu'en jugeant qu'en dépit de la mention d'un « solde » de prime, la société AD CONSEIL n'avait réglé aucune prime au titre de l'année 2007 de sorte que l'application de la règle de la réduction proportionnelle de l'indemnité aboutissait à une non-garantie, la cour d'appel a dénaturé le courrier du 5 juin 2008, en violation de l'article 1134 du code civil (nouvel article 1292 du code civil), ensemble le principe selon lequel les juges du fond ne doivent pas dénaturer les documents de la cause ;

4°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la preuve de ce que l'assuré n'a versé aucune prime d'assurance et qu'en conséquence, l'application de la règle de réduction proportionnelle de l'indemnité aboutit à une non-garantie incombe à l'assureur qui se prévaut de cette règle ; qu'en se bornant à énoncer que « la seule mention d'un "solde" de prime dans ce courrier du 5 juin 2008 ne peut suffire à rapporter la preuve d'une souscription d'une garantie pour ce chantier », la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que la société AD CONSEIL n'avait payé aucune prime à la société EUROMAF au titre de la période considérée, ce qu'il appartenait à cette dernière de prouver, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-9 du code des assurances, ensemble l'article 1315 du code civil (nouvel article 1353 du code civil) ; 2 Soulignement ajouté.

5°) ALORS, ENFIN, QUE pour mettre hors de cause la compagnie EUROMAF, la cour d'appel a retenu que la société AD CONSEIL n'avait pas déclaré le chantier litigieux (p. 9, 3ème et 4ème §), et que la société EUROMAF « s'[était] engagée à garantir toutes les missions accomplies par son assurée sur les chantiers qu'elle dirigera en subordonnant sa garantie à une exigence, la déclaration par son assurée de tous ses chantiers relevant de la police au plus tard avant le 31 mars de l'année suivante (cf son article 5.12 et 8.115) », ce dont elle a déduit que c'était « en raison d'un défaut total de déclaration de chantier ne pouvant à ce titre justifier aucune prime que la société EUROMAF a[vait] procédé à la résiliation de la police » ; qu'en statuant de la sorte, quand les article 5.12 et 8.115 des conditions générales de la police d'assurance souscrite par la société AD CONSEIL se bornaient à imposer à l'assuré de déclarer son activité professionnelle dans certains délais, à défaut de quoi l'assureur pouvait, si l'absence de déclaration était constatée après un sinistre, réduire l'indemnité en proportion des primes payées par rapport aux primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement et exactement déclarés (article 5.222), et exiger le versement d'une prime majorée (article 8.115), la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'existence dans le contrat d'assurance d'une clause prévoyant que la société EUROMAF ne devait sa garantie qu'à la condition que la déclaration d'activité prévue à l'article 5.12 des conditions générales soit effectuée dans les délais fixés par la police, a méconnu les articles L. 113-8 et L. 113-9 du code des assurances, ensemble l'article 1134 du code civil (nouvel article 1103 du code civil).


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-10190
Date de la décision : 26/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

ASSURANCE (règles générales) - Risque - Déclaration - Erreur ou omission - Article L. 113-10 du Code des assurances - Application exclusive de celle de l'article L. 113-9 du même Code

ASSURANCE (règles générales) - Risque - Déclaration - Omission ou déclaration inexacte - Article L. 113-9 du code des assurances - Application - Exclusion - Cas - Police prévoyant l'application de l'article L. 113-10

Lorsque un contrat d'assurance prévoit de faire application des dispositions de l'article L. 113-10 du code des assurances, celle-ci exclut l'application de l'article L. 113-9 de ce même code, quand bien même cette dernière serait également prévue par le contrat. Dès lors, prive sa décision de base légale la cour d'appel qui retient qu'en l'absence de toute déclaration de chantier et de tout paiement de prime, l'assureur est fondé à opposer à son assuré une non-garantie totale par application de la réduction proportionnelle de l'indemnité prévue par l'article L. 113-9 du code des assurances et mentionnée au contrat, sans constater l'existence d'une clause prévoyant que l'assureur devait sa garantie à la condition que la déclaration de chantier soit effectuée dans les délais fixés par la police et sans rechercher, comme elle y était invitée, si le contrat, sans faire expressément référence à l'article L. 113-10 du code des assurances, ne prévoyait pas une sanction reprenant en substance le mécanisme prévu par ce texte, de nature à exclure que l'assureur puisse se prévaloir de la règle de réduction proportionnelle d'indemnité prévue par l'article L. 113-9 du même code


Références :

Articles L. 113-9 et L. 113-10 du code des assurances.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 05 juillet 2017

A rapprocher : 1re Civ., 31 mars 1998, pourvoi n° 96-12526, Bull. 1998, I, n° 129 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 26 nov. 2020, pourvoi n°18-10190, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Boulloche

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.10190
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