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18/11/2020 | FRANCE | N°19-10965

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 novembre 2020, 19-10965


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 novembre 2020

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 703 F-P+B

Pourvoi n° M 19-10.965

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 NOVEMBRE 2020

Mme G... N...-H..., domiciliée [...] , a formé le p

ourvoi n° M 19-10.965 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant à la...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 novembre 2020

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 703 F-P+B

Pourvoi n° M 19-10.965

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 NOVEMBRE 2020

Mme G... N...-H..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° M 19-10.965 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant à la société [...] , société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de Mme N...-H..., de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société [...] , et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 octobre 2018), à la suite du décès de J... S..., la société [...] (la société [...]), mandatée par le notaire chargé de la succession, a identifié Mme N..., parente au cinquième degré du défunt, comme unique héritière. Elle a assigné celle-ci, sur le fondement de la gestion d'affaires, aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement d'une somme correspondant à 20 % hors taxes des actifs nets de la succession perçus ou à percevoir par elle, incluant les éventuels capitaux d'assurance sur la vie, à titre de rémunération et indemnisation de ses frais.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

2. Mme N... fait grief à l'arrêt de fixer la rémunération de la société [...] pour l'établissement de la dévolution successorale de J... S... et de son arbre généalogique ayant permis de régulariser l'acte de notoriété dressé le 29 juillet 2014 par M. K..., notaire, à 8 % hors taxes de l'actif net successoral, en ce compris tous éventuels capitaux d'assurance sur la vie, perçu ou à percevoir par elle dans la succession et de la condamner à verser cette somme au généalogiste, alors :

« 1°/ que le généalogiste successoral ne peut prétendre à une indemnisation que si son intervention a été utile à l'héritier ; qu'en relevant que le tableau généalogique réalisé par la société [...], visé dans l'acte de notoriété et la déclaration de succession, avait permis de certifier l'absence d'autres héritiers possibles dans la ligne maternelle du défunt, après avoir pourtant constaté que Mme N... savait et était en capacité de justifier qu'elle était seule héritière du côté de la branche maternelle, ce qui excluait toute indemnisation du généalogiste, la cour d'appel a violé l'article 1375 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 du code civil ;

3°/ que le généalogiste successoral ne peut prétendre à une indemnisation que si son intervention a été utile à l'héritier ; que le notaire ne peut recourir à un généalogiste avant d'avoir fait lui-même les investigations propres à l'identification et à la localisation des héritiers ; qu'en affirmant qu'il ne pouvait pas être reproché au notaire d'avoir mandaté la société [...], en sa qualité de professionnelle des recherches généalogiques, pour réaliser des vérifications matérielles complexes permettant de sécuriser l'établissement de l'attestation de dévolution successorale, après avoir pourtant relevé que l'intervention du généalogiste mandaté par le notaire moins de vingt jours après le décès n'avait eu aucune utilité sur la révélation du décès du défunt à Mme N..., laquelle n'ignorait pas être la seule héritière dans la ligne maternelle et était en capacité de le justifier, et sans rechercher si le cabinet de généalogiste s'était borné à reconstituer la ligne maternelle du défunt, de sorte que la succession aurait été réglée dans des conditions strictement identiques sans son intervention, ce qui excluait toute indemnisation du généalogiste, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1375 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 du code civil. »

Réponse de la Cour

3. Ayant retenu, par motifs adoptés, que seule l'intervention spécialisée du généalogiste avait permis de vérifier l'absence d'héritier jusqu'au sixième degré dans la branche paternelle, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, en a souverainement déduit que l'intervention de la société [...], si elle n'avait pas eu d'utilité quant à la révélation du décès de J... S... à Mme N..., laquelle n'ignorait pas qu'elle était la seule héritière dans la ligne maternelle, avait, en écartant l'existence d'autres héritiers possibles dans les deux lignes, rendu service à Mme N... en permettant de certifier sa qualité d'héritière exclusive.

4. Il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. Mme N... fait grief à l'arrêt de fixer la rémunération de la société [...] pour l'établissement de la dévolution successorale de J... S... et de son arbre généalogique ayant permis de régulariser l'acte de notoriété dressé le 29 juillet 2014 par M. K..., notaire, à 8 % hors taxes de l'actif net successoral, en ce compris tous éventuels capitaux d'assurance sur la vie, perçu ou à percevoir par elle dans la succession et de la condamner à verser cette somme au généalogiste, alors « que le généalogiste successoral ne peut prétendre à une indemnisation que si son intervention a été utile à l'héritier ; qu'en affirmant que seule l'intervention spécialisée du généalogiste avait permis de vérifier l'absence d'héritiers ab intestat jusqu'au sixième degré dans la branche paternelle S..., en s'abstenant de rechercher si le généalogiste s'était borné à communiquer au notaire l'arbre généalogique de la branche maternelle du défunt et à indiquer qu'il n'existait aucun héritier au degré successible dans la branche paternelle, que le notaire avait déjà pu en grande partie reconstituer, sans justifier d'aucune investigation à ce titre, ce qui excluait toute indemnisation du généalogiste, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1375 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1375 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

6. En cas de gestion d'affaires, ce texte n'accorde au gérant que le remboursement des dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites, mais non le paiement d'une rémunération, quand bien même il aurait agi à l'occasion de sa profession. Il en résulte que le généalogiste qui, par son activité professionnelle, a rendu service à l'héritier, ne peut être indemnisé, en l'absence de tout contrat, qu'à hauteur des dépenses spécifiques, utiles ou nécessaires qu'il a exposées pour la recherche de l'héritier considéré et la détermination de ses droits successoraux.

7. Pour condamner Mme N... à payer à la société [...] une rémunération calculée à hauteur de 8 % hors taxes de l'actif net de la succession, en ce compris les capitaux d'assurance sur la vie, l'arrêt, tant par motifs propres qu'adoptés, relève, d'abord, que l'intervention du généalogiste n'a pas eu d'utilité quant à la révélation du décès de J... S..., Mme N... étant en capacité de justifier par l'établissement de son arbre généalogique qu'elle était seule héritière du côté de la branche maternelle. Il retient, ensuite, qu'en revanche, seule l'intervention du généalogiste a permis de vérifier l'absence d'héritier jusqu'au sixième degré dans la branche paternelle et de sécuriser l'établissement de l'attestation de dévolution successorale et que la réalisation du tableau généalogique ayant permis la rédaction de l'acte de notoriété a nécessité des investigations complexes pour écarter l'existence d'autres héritiers dans les deux lignes, n'étant pas contesté que le défunt vivait une vie isolée et secrète. Il ajoute que si la société [...] n'expose pas, dans sa note analytique de travail, le nombre d'heures, d'investigations et de personnel affecté à la tâche et, plus largement, ne verse aucune pièce aux débats permettant de justifier précisément de ses débours et de son travail, celui-ci a été utile dans la mesure où il a permis d'aboutir à une dévolution successorale certifiée, ce qui justifie le paiement d'honoraires.

8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la nature des investigations accomplies par la société [...] ni les dépenses spécifiques, utiles ou nécessaires exposées par celle-ci pour établir la qualité certaine d'héritière de Mme N..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la rémunération de la société [...] pour l'établissement de la dévolution successorale de J... S... et de son arbre généalogique ayant permis de régulariser l'acte de notoriété dressé le 29 juillet 2014 par M. K..., notaire au Perray-en-Yvelines, à 8 % hors taxes de l'actif net successoral, en ce compris tous éventuels capitaux d'assurance-vie, perçu ou à percevoir par Mme N... dans la succession et condamne cette dernière à payer cette somme à la société [...] , l'arrêt rendu le 4 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société [...] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [...] et la condamne à payer à Mme N... une somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour Mme N...-H....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la rémunération de la société [...] dans le cadre de l'établissement de la dévolution successorale de J... S... et de son arbre généalogique ayant permis de régulariser l'acte de notoriété dressé le 29 juillet 2014 par M. K..., notaire au Perray-en-Yvelines, à 8 % HT de l'actif net successoral, en ce compris tous éventuels capitaux d'assurance-vie, perçu ou à percevoir par Mme N...-H... dans le cadre de la succession, et d'avoir condamné Mme N...-H... à verser cette somme au généalogiste ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' aux termes de l'article 1370 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, certains engagements se forment sans qu'il intervienne aucune convention, ni de la part de celui qui s'oblige, ni de la part de celui envers lequel il est obligé ; que les uns résultent de l'autorité seule de la loi; les autres naissent d'un fait personnel à celui qui se trouve obligé ; que les engagements qui naissent d'un fait personnel à celui qui se trouve obligé, résultent ou des quasi-contrats, ou des délits ou quasi-délits ; que l'article 1371 du même code dispose que les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties ; qu'il résulte des dispositions de l'article 1372 du code civil que lorsque volontairement on gère l'affaire d'autrui, soit que le propriétaire connaisse la gestion, soit qu'il l'ignore, celui qui gère contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il a commencée, et de l'achever jusqu'à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même ; qu'enfin, l'article 1375 dispose que le maître dont l'affaire a été bien administrée doit remplir les engagements que le gérant a contractés en son nom, l'indemniser de tous les engagements personnels qu'il a pris, et lui rembourser toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites ; que le généalogiste qui est parvenu par son activité professionnelle à découvrir les héritiers d'une succession peut prétendre, en l'absence de tout contrat, à une rémunération de ses travaux sur le fondement de la gestion d'affaires s'il a rendu service à l'héritier ; qu'en l'absence de convention régularisée entre les parties, il appartient à Mme N..., qui conteste l'utilité de l'intervention du généalogiste, de démontrer que, sans son intervention, l'existence de la succession et de ses conséquences devait normalement parvenir à sa connaissance ; que si Mme N... ne conteste pas avoir été informée du décès de son parent au 5e degré, J... S..., par la société [...], par courrier du 3 mars 2014, il résulte des attestations produites aux débats qu'en dépit de la distension des liens familiaux, elle manifestait de l'intérêt pour la situation de celui-ci même si elle n'avait plus de nouvelles de lui qu'indirectement en raison du mode de vie solitaire qu'il avait adopté depuis de nombreuses années ; que M. D... Q..., ami et voisin de J... S..., seul présent aux obsèques avec son épouse, confirme son existence particulièrement isolée et son refus de toute relation sociale, précisant que J... S... ne répondait pas au téléphone ni au courrier alors que Mme N...-H... justifie avoir pris régulièrement de ses nouvelles, ayant été notamment informée de son hospitalisation en octobre 2013 ; que le premier juge a souligné à juste titre que l'intervention particulièrement rapide du cabinet de généalogiste, mandaté par le notaire moins de vingt jours après le décès de J... S... et ayant pris contact avec Mme N... par courrier daté du 3 mars 2014, ne permet pas de vérifier l'utilité ni l'opportunité de celle-ci alors qu'il résulte des attestations produites aux débats ainsi que des documents généalogiques que Mme N..., prenant régulièrement des nouvelles de son cousin, aurait eu connaissance de son décès et n'ignorait pas qu'elle était la seule héritière dans la ligne maternelle ; qu'il en résulte que l'intervention de la société [...] n'a pas eu d'utilité quant à la révélation du décès de J... S... à Mme N..., la décision entreprise étant confirmée sur ce point ; que toutefois, les recherches généalogiques réalisées par la société [...] ont permis l'établissement de l'acte de notoriété, le 29 juillet 2014, auquel est annexé le tableau généalogique, qui précise que Mme N... est "la parente la plus proche dans la ligne maternelle ainsi qu'il résulte du tableau généalogique établi le 25 juin 2014 par Mme A... C..., généalogiste (...). Cette dernière missionnée par Me K..., notaire soussigné, en vue d'établir la dévolution successorale de Monsieur J... S... et de produire ledit tableau généalogique", ainsi que la déclaration de succession en date du 13 octobre 2014, signée par Mme N..., qui précise que sa qualité d'unique héritière "résulte du tableau généalogique établi le 25 juin 2014 par Madame A... C..., généalogiste"; et de l'inventaire établi le 2 octobre 2014 qui rappelle que Mme N... est "la parente la plus proche dans la ligne maternelle ainsi qu'il résulte du tableau généalogique établi le 25 juin 2014 par Mme A... C..., généalogiste (...) ; le dit tableau généalogique étant demeuré joint et annexé à l'acte de notoriété reçu par Maître K..., notaire soussigné, le 29 juillet 2014" ; que si le notaire qui établit un acte de notoriété, a l'obligation d'exercer, dans la mesure du possible, un certain contrôle, de manière à assurer la validité de l'acte qu'il dresse et qu'il doit procéder à toutes les vérifications de nature à en assurer l'efficacité, il ne peut réaliser ce contrôle que dans la mesure de ses moyens de sorte qu'il ne peut être valablement reproché au notaire d'avoir mandaté la société [...], en sa qualité de professionnelle des recherches généalogiques, pour réaliser des vérifications matérielles complexes permettant de sécuriser l'établissement de l'attestation de dévolution successorale, ainsi que l'a justement souligné le premier juge ; qu'en effet, il résulte des éléments du dossier qu'en dépit des affirmations de Mme N... selon lesquelles les seuls livrets de famille retrouvés au domicile de M. S... suffisaient à établir la dévolution successorale dans la ligne maternelle et sa qualité d'héritière unique, la réalisation du tableau généalogique permettant la rédaction de l'acte de notoriété a nécessité des investigations complexes afin d'écarter l'existence d'autres héritiers possibles dans les deux lignes alors même qu'il n'est pas contesté que J... S... vivait une vie isolée et secrète ; que par ailleurs, les démarches personnelles réalisées par Mme N... en vue de la réalisation de son arbre généalogique dans la branche maternelle ne font pas disparaître l'utilité du travail préalable de la société [...] qui a permis d'aboutir à une dévolution successorale certifiée, servant de base au calcul des droits de Mme N..., la déclaration de succession signée le 13 octobre 2014 par Mme N... faisant elle-même référence au tableau généalogique établi par la société [...] ; que dès lors, l'intervention de la société [...] ayant rendu service à Mme N... en permettant de certifier sa qualité d'héritière exclusive, justifie le paiement d'honoraires calculés sur la base d'un pourcentage appliqué à l'actif net de la succession ; que la société [...] sollicite une rémunération fixée à 20 % de l'actif net successoral mais compte tenu du caractère utile mais limité de l'intervention de la société [...], exposé ci-dessus, le tribunal a à bon escient limité la rémunération de cette dernière à 8 % de l'actif successoral, en ce compris les capitaux d'assurance-vie dont la liquidation est subordonnée à l'ouverture de leur souscripteur ; que la décision entreprise sera donc confirmée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE le généalogiste dont les recherches ont été opportunes et utiles à la révélation ou à l'établissement d'une succession a droit à l'indemnisation de ses débours et à la rémunération de son travail ; que les honoraires du généalogiste ne doivent pas être excessifs au regard des diligences entreprises et du service rendu ; sur la révélation de la succession : qu'il résulte des pièces versées aux débats par les parties, notamment des attestations de X... B... épouse X..., D... Q..., L... H..., Y... H..., E... H..., que G... N... avait connaissance de l'existence solitaire de son cousin célibataire et sans descendance, J... S..., cousin au 5e degré, qu'elle avait fréquenté dans son enfance ; que si ce dernier était secret et ne fréquentait plus personne, à l'exception de D... Q... et son épouse qui étaient les seules personnes à assister à ses obsèques et ignoraient tout de l'existence de membres de sa famille, G... N... avait manifesté à plusieurs reprises tant auprès de ses proches que de tiers son souci quant au sort de son cousin en tentant d'obtenir des informations, et pour la dernière fois en janvier 2014 auprès de X... X... ; que le fait que le cabinet de généalogiste ait été missionné moins de 20 jours après le décès et qu'il ait retrouvé l'existence et les coordonnées de G... N... dans le mois du décès en lui proposant très rapidement un contrat de révélation de succession par courrier du 3 mars 2014 ne permet pas de s'assurer que son intervention rapide ait été opportune et utile pour celle-ci dans la mesure où il est établi par les attestations circonstanciées produites aux débats qu'avec certitude G... N... aurait fini par apprendre dans les mois qui suivent, et par ses propres moyens, que son cousin J... S... était décédé sans autre héritier du côté de sa branche maternelle qu'elle-même ; que dans ces conditions, aucune indemnisation et rémunération n'est justifiée au profit de la société [...] au titre de la révélation de la succession ; sur l'établissement des droits de G... N... : que si dans le cadre de ses devoirs d'information, de conseil et de mise en garde, le notaire rédacteur d'un acte de dévolution successorale ou de notoriété est tenu de prendre toutes les initiatives nécessaires pour assurer l'efficacité et la sécurité de ses actes et notamment de procéder à des investigations pour rechercher les héritiers du défunt, il n'est tenu qu'à une obligation de moyen et n'est pas tenu de procéder par lui-même à des investigations matérielles complexes qui relèvent du champ d'intervention d'un autre professionnel ; que si les explications des parties et les pièces versées aux débats ne permettent pas de connaître dans quelles conditions Maître W... K..., notaire à Le Perrey en Yvelines (78), a été chargé de la succession de J... S..., il est évident que les seuls livrets de famille retrouvés au domicile de J... S... ne lui permettait pas de s'assurer de l'absence d'héritiers ab intestat jusqu'au 6e degré inclus sans passer par les services spécialisés d'un généalogiste ; qu'en effet, si G... N... était en capacité de justifier par l'établissement de son arbre généalogique qu'elle était seule héritière du côté de la branche maternelle Z..., en revanche seule l'intervention spécialisée du généalogiste a pu permettre de vérifier l'absence d'héritier jusqu'au 6e degré dans la branche paternelle S... ; que c'est dans ces conditions que Maître K... a pu dresser le 29 juillet 2014 l'attestation de dévolution successorale au profit de G... N... ; qu'au surplus, l'intervention du généalogiste sécurise l'établissement de l'attestation de dévolution successorale et transfère la responsabilité juridique et financière de remise en cause de celle-ci en cas de découverte d'un héritier, notamment d'un descendant, ce qui n'est pas à exclure compte tenu de la vie secrète menée par J... S... ; que l'intervention de la société [...] était donc utile et opportune pour vérifier l'absence d'héritier dans la branche paternelle du défunt et confirmer que G... N... était la seule et unique héritière connue de J... S... ; que l'aléa tenant à la découverte fortuite ou postérieure d'un héritier ab intestat et la responsabilité endossée par le généalogiste justifie le paiement d'honoraires calculés sur la base d'un pourcentage appliqué à l'actif net de succession ; que G... N... ne verse aucune pièce aux débats permettant d'évaluer l'actif net de succession alors qu'elle est légalement tenue d'en faire la déclaration auprès de l'administration fiscale, notamment en présence de biens immobiliers ; qu'elle ne permet donc pas au tribunal de vérifier le caractère excessif de la rémunération sollicitée par la société [...] ; que parallèlement, la société [...] n'expose pas dans sa note analytique de travail le nombre d'heures, d'investigations et de personnel affecté à la tâche et, plus largement, ne verse aucune pièce aux débats permettant de justifier précisément de ses débours et de son travail ; qu'en tout état de cause, en l'absence d'utilité de l'intervention de la société [...] quant à la révélation de la succession, sa rémunération ne peut être fixée à 20 % de l'actif net successoral sauf à être excessive au regard des investigations menées mais dont elle ne justifie pas le détail ; qu'au vu de ces considérations, la rémunération de la société [...] sera justement fixée à 8 % de l'actif net de succession, en ce compris les capitaux d'assurance vie ;

1°) ALORS QUE le généalogiste successoral ne peut prétendre à une indemnisation que si son intervention a été utile à l'héritier ; qu'en relevant que le tableau généalogique réalisé par la société [...], visé dans l'acte de notoriété et la déclaration de succession, avait permis de certifier l'absence d'autres héritiers possibles dans la ligne maternelle du défunt, après avoir pourtant constaté que Mme N... savait et était en capacité de justifier qu'elle était seule héritière du côté de la branche maternelle, ce qui excluait toute indemnisation du généalogiste, la cour d'appel a violé l'article 1375 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 du code civil ;

2°) ALORS QUE le généalogiste successoral ne peut prétendre à une indemnisation que si son intervention a été utile à l'héritier ; qu'en affirmant que seule l'intervention spécialisée du généalogiste avait permis de vérifier l'absence d'héritiers ab intestat jusqu'au 6e degré dans la branche paternelle S..., en s'abstenant de rechercher si le généalogiste s'était borné à communiquer au notaire l'arbre généalogique de la branche maternelle du défunt et à indiquer qu'il n'existait aucun héritier au degré successible dans la branche paternelle, que le notaire avait déjà pu en grande partie reconstituer, sans justifier d'aucune investigation à ce titre, ce qui excluait toute indemnisation du généalogiste, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1375 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 du code civil ;

3°) ALORS QUE le généalogiste successoral ne peut prétendre à une indemnisation que si son intervention a été utile à l'héritier ; que le notaire ne peut recourir à un généalogiste avant d'avoir fait lui-même les investigations propres à l'identification et à la localisation des héritiers ; qu'en affirmant qu'il ne pouvait pas être reproché au notaire d'avoir mandaté la société [...], en sa qualité de professionnelle des recherches généalogiques, pour réaliser des vérifications matérielles complexes permettant de sécuriser l'établissement de l'attestation de dévolution successorale, après avoir pourtant relevé que l'intervention du généalogiste mandaté par le notaire moins de vingt jours après le décès n'avait eu aucune utilité sur la révélation du décès du défunt à Mme N..., laquelle n'ignorait pas être la seule héritière dans la ligne maternelle et était en capacité de le justifier, et sans rechercher si le cabinet de généalogiste s'était borné à reconstituer la ligne maternelle du défunt, de sorte que la succession aurait été réglée dans des conditions strictement identiques sans son intervention, ce qui excluait toute indemnisation du généalogiste, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1375 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-10965
Date de la décision : 18/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

QUASI-CONTRAT - Gestion d'affaires - Maître d'affaire - Obligations - Remboursement des dépenses utiles ou nécessaires - Paiement d'une rémunération (non) - Gérant d'affaire ayant agi à l'occasion de sa profession - Absence d'influence

SUCCESSION - Généalogiste - Révélation d'une succession - Contrat - Défaut - Gestion d'affaire - Remboursement des dépenses faites - Dépenses utiles ou nécessaires exposées pour la recherche de l'héritier - Paiement d'une rémunération (non)

En cas de gestion d'affaires, l'article 1375 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, n'accorde au gérant que le remboursement des dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites, mais non le paiement d'une rémunération, quand bien même il aurait agi à l'occasion de sa profession. Il en résulte que le généalogiste qui, par son activité professionnelle, a rendu service à l'héritier, ne peut être indemnisé, en l'absence de tout contrat, qu'à hauteur des dépenses spécifiques, utiles ou nécessaires qu'il a exposées pour la recherche de l'héritier considéré et la détermination de ses droits successoraux


Références :

article 1375 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 04 octobre 2018

A rapprocher : 1re Civ., 29 mai 2019, pourvoi n° 18-16999, Bull. 2019, (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 18 nov. 2020, pourvoi n°19-10965, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.10965
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