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15/10/2020 | FRANCE | N°20-14271

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 octobre 2020, 20-14271


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 octobre 2020

Cassation partielle sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 746 F-P

Pourvoi n° A 20-14.271

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 OCTOBRE 2020

Mme T... Q..., domiciliée [...] , a formé l

e pourvoi n° A 20-14.271 contre l'ordonnance rendue le 6 mars 2020 par le premier président de la cour d'appel de Poitiers (contentieux des soin...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 octobre 2020

Cassation partielle sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 746 F-P

Pourvoi n° A 20-14.271

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 OCTOBRE 2020

Mme T... Q..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° A 20-14.271 contre l'ordonnance rendue le 6 mars 2020 par le premier président de la cour d'appel de Poitiers (contentieux des soins psychiatriques), dans le litige l'opposant :

1°/ au procureur de la République près le tribunal de grande instance de la Rochelle, domicilié palais de justice, 10 rue du Palais, 17028 La Rochelle cedex,

2°/ au groupe hospitalier La Rochelle, Ré, Aunis, hôpital psychiatrique Marius Lacroix, dont le siège est [...] ,

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Poitiers, domicilié en son parquet général, 4 boulevard maréchal de Lattre de Tassigny, CS 30527, 86020 Poitiers cedex,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme Q..., de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du groupe hospitalier La Rochelle, Ré, Aunis, hôpital psychiatrique Marius Lacroix, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Poitiers, 6 mars 2020), et les pièces de la procédure, Mme Q... a été admise en soins psychiatriques sans consentement le 25 février 2020, sur décision du directeur de l'établissement prise au motif d'un péril imminent, en application de l'article L. 3212-1, II, 2°, du code de la santé publique.

2. Le 28 février, ce dernier a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande aux fins de prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du même code.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en leur première branche, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. Mme Q... fait grief à l'ordonnance de rejeter les irrégularités de procédure soulevées, de déclarer régulière la procédure suivie en application des dispositions de l'article L. 3212-1, II, 2°, du code de la santé publique et d'ordonner la poursuite de son hospitalisation complète, alors :

« 2°/ que le ministère public est tenu d'assister à l'audience des débats lorsqu'il est partie principale, ce qui est notamment le cas lorsqu'il interjette appel ; qu'il résulte des mentions de l'ordonnance attaquée que le ministère public - en la personne du procureur de la République de La Rochelle ou du procureur général de Poitiers - n'a pas comparu à l'audience du 6 mars 2020 ; qu'en statuant hors de sa présence, le délégué du premier président a méconnu les exigences de l'article 431 du code de procédure civile.

3°/ que, lorsqu'il est partie jointe, le ministère public peut faire connaître son avis à la juridiction, soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience ; qu'en statuant au visa des réquisitions écrites du procureur général en date du 5 mars 2020, lequel n'était pas représenté à l'audience, sans constater que lesdites réquisitions avaient été mises à la disposition de Mme Q... afin qu'elle puisse y répondre utilement, le délégué du premier président a violé les articles 16 et 431 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article R. 3211-7 du code de la santé publique, la procédure judiciaire pour connaître des mesures de soins psychiatriques sans consentement est régie par le code de procédure civile sous réserve des dispositions de la section III du chapitre I du titre I du livre deuxième consacré à la lutte contre les maladies mentales.

6. Selon l'article R. 3211-21 du même code, la comparution des parties devant le premier président, statuant en appel d'une décision du juge des libertés et de la détention, est facultative, celles-ci pouvant demander à être entendues ou faire parvenir leurs observations par écrit, auquel cas il en est donné connaissance aux parties présentes à l'audience. Lorsqu'il n'est pas partie principale, le ministère public fait connaître son avis dans les conditions définies par le deuxième alinéa de l'article 431 du code de procédure civile.

7. Le premier président pouvait dès lors statuer hors la présence du ministère public, partie principale en sa qualité d'appelant, en donnant connaissance oralement à l'audience de ses réquisitions écrites.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

9. Mme Q... fait le même grief à l'ordonnance, alors :

« 3°/ que dans le cas d'une hospitalisation complète pour péril imminent, le directeur de l'établissement d'accueil informe dans un délai de vingt-quatre heures, sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci ; qu'en retenant, pour écarter toute irrégularité sur ce point, que le docteur F... indique que toutes les démarches entreprises pour contacter des personnes justifiant de relations antérieures à l'admission leur donnant qualité pour agir sont restées vaines et que la consultation du répertoire de contacts du téléphone portable de Mme Q..., outre le fait qu'elle pourrait être considérée comme une atteinte à la vie privée, n'est pas de nature à donner la garantie que les contacts s'y trouvant soient des personnes ayant qualité pour agir dans son intérêt, le délégué du premier président n'a pas caractérisé des difficultés particulières empêchant le directeur de l'hôpital Marius Lacroix d'informer les proches de Mme Q... de son admission en hospitalisation complète en violation de l'article L. 3212-1 II 2°du code de la santé publique ;

4°/ que dans le cas d'une hospitalisation complète pour péril imminent, le directeur de l'établissement d'accueil informe dans un délai de vingt-quatre heures, sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci ; qu'il appartient au directeur d'établissement de justifier qu'il a correctement exécuté cette obligation d'information et non au patient de démontrer que tel n'est pas le cas ; qu'en retenant, pour écarter toute irrégularité sur ce point, que Mme Q... ne contredit pas l'indication du docteur F... selon laquelle toutes les démarches entreprises pour contacter des personnes justifiant de relations antérieures à l'admission leur donnant qualité pour agir sont restées vaines, le délégué du premier président a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1353 du code civil, ensemble l'article L. 3212-1, II, 2°, du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

10. Selon l'article L. 3212-1, II, 2°, du code de la santé publique, lorsqu'il prononce une décision d'admission pour péril imminent, le directeur de l'établissement informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille du patient et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé, ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci.

11. L'ordonnance relève, d'une part, que Mme Q... a affirmé, lors de son audition, qu'elle n'avait plus aucune famille et qu'elle ne bénéficiait d'aucune mesure de protection juridique, d'autre part, que, dans son certificat établi le 26 février 2020, le médecin a indiqué, sans être contredit, que toutes les démarches entreprises pour contacter des personnes justifiant de relations antérieures à l'admission et leur donnant qualité pour agir étaient demeurées vaines, enfin, que la consultation du répertoire de contacts du téléphone portable de Mme Q..., outre qu'elle pouvait être considérée comme une atteinte à sa vie privée, n'était pas de nature à donner la garantie que les contacts s'y trouvant correspondaient à des personnes habilitées à agir dans l'intérêt de celle-ci.

12. En l'état de ces énonciations, le premier président a, sans inverser la charge de la preuve, caractérisé les difficultés particulières rencontrées pour informer un proche de Mme Q... de la mesure d'hospitalisation prise à son égard.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

14. Mme Q... fait le même grief à l'ordonnance, alors « que l'autorité administrative qui prend une mesure de placement ou de maintien en hospitalisation sans consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit, d'une manière appropriée à son état, l'informer le plus rapidement possible de cette décision, de sa situation juridique et de ses droits ; qu'en retenant, pour écarter toute irrégularité sur ce point, que, le délai de moins de quarante-huit heures entre la décision d'hospitalisation sous contrainte prise le 25 février 2020 et sa notification à Mme Q... le 27 février 2020, apparaît un délai raisonnable au regard des constatations cliniques sur l'état d'agitation de la patiente à son admission, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le certificat médical des vingt-quatre heures démontrait qu'elle n'était toujours pas en état de recevoir cette signification plus tôt, le délégué du premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3211-3, alinéa 3, du code de la santé publique :

15. Selon ce texte, toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement est informée le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission, ainsi que des raisons qui la motivent.

16. Pour dire la procédure régulière, l'ordonnance retient que la décision d'hospitalisation sous contrainte prise le 25 février 2020 a été notifiée à Mme Q... le 27 février et que le délai de moins de quarante-huit heures, au regard des constatations cliniques sur l'état d'agitation de la patiente à son admission, apparaît un délai raisonnable ne caractérisant pas une irrégularité sanctionnable.

17. En statuant ainsi, sans rechercher, comme il y était invité, si le certificat médical des vingt-quatre heures établissait que Mme Q... se trouvait alors dans un état tel qu'elle ne pouvait être informée de la décision d'admission, le premier président a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

18. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

19. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour se prononcer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare le procureur de la République de la Rochelle recevable en son appel, l'ordonnance rendue le 6 mars 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Poitiers ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

LAISSE à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze octobre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour Mme Q....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté les irrégularités de procédure soulevées par Mme T... Q..., d'avoir déclaré régulière la procédure suivie en application des dispositions de l'article L. 3212-1 II 2° du code de la santé publique et d'avoir ordonné la poursuite de l'hospitalisation complète de Mme T... Q... ;

AUX MOTIFS QUE « Nous, Béatrice SALLABERRY, présidente de chambre, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers, Assistée, lors des débats, de Christine CHOPELET, greffier placé, avons rendu le l'ordonnance suivante, par mise â disposition au greffe, sur appel formé contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention de La Rochelle en date du 4 Mars 2020 en matière de soins psychiatriques sans consentement.
APPELANT
PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LA ROCHELLE
Palais de Justice
10 Rue du Palais
17028 LA ROCHELLE CEDEX
non comparant
INTIMÉS :
Madame T... Q...
née le [...] à LIVRY GARGAN (93190)
comparante assistée de Me Julien GUILLARD, avocat au barreau de La Rochelle-Rochefort - placé sous le régime de l'hospitalisation complète en soins psychiatriques sans consentement mis en oeuvre par le [...]
[...]
[...]
[...]
non comparant
PARTIE JOINTE
Ministère public, non représenté, ayant déposé des réquisitions écrites ;
Par ordonnance du 4 Mars 2020, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de La Rochelle a ordonné la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète dont PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LA ROCHELLE (lire Madame Q...) fait l'objet au [...], où elle a été placée le 25 février 2020, sur décision du directeur du centre hospitalier suite à un cas de péril imminent.

Cette décision a été notifiée le 4 mars 2020 au PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LA ROCHELLE.
LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LA ROCHELLE en a relevé appel en date du 4 Mars 2020, reçue au greffe de la cour d'appel le 4 Mars 2020 à 18h10.
Vu les avis d'audience adressés, conformément aux dispositions de l'article R. 3211-19 du code de la santé publique, au PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LA ROCHELLE, au directeur du Centre Hospitalier de La Rochelle, à l'avocat, ainsi qu'au Ministère public ;
Vu les réquisitions du ministère public tendant à la confirmation de l'ordonnance entreprise ;
Vu les débats, qui se sont déroulés le 6 Mars 2020 au siège de la juridiction, en audience publique conformément aux dispositions de l'article L. 3211-12-2 du code de la santé publique.
Après avoir entendu :
Mme SALLABERRY en son rapport
Mme SALLABERRY lit le rapport du procureur de la république de la Rochelle Mme SALLABERRY lit les réquisitions du parquet général de Poitiers Le Président a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré par mise à disposition, au 6 Mars 2020.
HO RG 20-00010 PR La Rochelle contre Q... Péril imminent après appel suspensif
Vu la décision d'admission en soins psychiatriques sous contrainte sous la forme de l'hospitalisation complète prise le 25 février 2020 par le directeur du Centre Hospitalier Marius Lacroix à La Rochelle à l'encontre de Mme T... Q... ;
Vu l'ordonnance du 4 mars 2020 rendue par le Juge des libertés et de la détention de la Rochelle ordonnant la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète de Mme T... Q... au [...] ; Vu les notifications faites le 4 mars 2020 avec remise de copie de la décision, à Mme T... Q... à son conseil et au directeur de l'établissement ;
Vu la notification faite au Procureur de la République qui a pris connaissance de la décision le 4 mars 2020 à 13 heures 05 ;
Vu la déclaration d'appel suspensif de cette ordonnance, accompagnée du mémoire motivé, formée par le Procureur de la République la Rochelle, en date du 4 mars 2020, notifiée par télécopie reçue au greffe de la cour d'appel le 4 mars à 18h 10 ;
Vu l'ordonnance rendue le 5 mars 2020 par la présidente de chambre agissant sur délégation du premier président de cette cour ;
Vu les réquisitions du procureur général en date du 5 mars 2020, tendant à l'infirmation de la décision rendue le 4 mars 2020 par le Juge des libertés et de la détention de la Rochelle et à la confirmation de la mesure d'hospitalisation sous contrainte » ;

1°) ALORS QU'en matière civile, le ministère public peut agir comme partie principale ou intervenir comme partie jointe ; qu'il résulte des mentions de l'ordonnance que l'appel a été soutenu par le procureur de la République de La Rochelle mais que le ministère public a également été partie jointe, outre que le délégué du premier président a statué au visa non seulement du mémoire motivé du procureur de la République de La Rochelle mais encore des réquisitions écrites du procureur général de Poitiers ; qu'en statuant dans ces circonstances desquelles il résulte que le ministère public était à la fois partie principale et partie jointe, le délégué du premier président a violé l'article 421 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le ministère public est tenu d'assister à l'audience des débats lorsqu'il est partie principale, ce qui est notamment le cas lorsqu'il interjette appel ; qu'il résulte des mentions de l'ordonnance attaquée que le ministère public - en la personne du procureur de la République de La Rochelle ou du procureur général de Poitiers - n'a pas comparu à l'audience du 6 mars 2020 ; qu'en statuant hors de sa présence, le délégué du premier président a méconnu les exigences de l'article 431 du code de procédure civile ;

3°) ALORS, PLUS SUBSIDIAIREMENT, QUE lorsqu'il est partie jointe, le ministère public peut faire connaître son avis à la juridiction, soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience ; qu'en statuant au visa des réquisitions écrites du procureur général en date du 5 mars 2020, lequel n'était pas représenté à l'audience, sans constater que lesdites réquisitions avaient été mises à la disposition de Mme Q... afin qu'elle puisse y répondre utilement, le délégué du premier président a violé les articles 16 et 431 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
:

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté les irrégularités de procédure soulevées par Mme T... Q..., d'avoir déclaré régulière la procédure suivie en application des dispositions de l'article L. 3212-1 II 2° du code de la santé publique et d'avoir ordonné la poursuite de l'hospitalisation complète de Mme T... Q... ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la régularité de la procédure : que le procureur de la République dans son mémoire d'appel fait état de ce que contrairement à ce qui a été retenu par le juge des libertés et de la détention, le péril imminent a été caractérisé suffisamment par l'état de décompensation maniaque d'une maladie bi-polaire constituant un danger objectif dans le cadre de la conduite d'un véhicule automobile, il souligne que Mme Q... étant sans famille et en l'absence de tiers qualifié pour demander son hospitalisation seule la procédure de péril imminent était à même de répondre à la situation, enfin il soutient que les notifications des décisions d'hospitalisation ont été faites dans des délais raisonnables ; que par conclusions du 5 mars 2020 le procureur général requiert le maintien de la mesure d'hospitalisation complète de Mme Q... et l'infirmation de la décision déférée insistant sur les conduites à risques mises en évidence chez Mme Q... lorsqu'elle est en état de décompensation. Le conseil de Mme T... Q... maintient la demande de mainlevée de l'hospitalisation complète de cette dernière en raison de trois irrégularités, qui seront examinées ci-après, constituant une atteinte aux droits de celle-ci et donc de nature à vicier la procédure de placement en hospitalisation complète et justifiant sa mainlevée en confirmation de la décision déférée ; - 1 - Le défaut de caractérisation du péril imminent : que selon l'article L. 3212-1, I et II, 2° du code de la santé publique : " I. - Une personne atteinte de troubles mentaux peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 322(2)-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1. II.- Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission : (...) 2° Soit lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade. (....)" ; que le certificat médical d'admission du 25 février 2020 du docteur B... P..., médecin de la structure SOS Médecins vise expressément en entête de son certificat, l'admission de la patiente examinée en soins sous contrainte sans tiers en cas de péril imminent. Il relate ensuite avoir constaté les éléments cliniques suivants : "décompensation maniaque constatée par l'hôpital de jour (entre autre, conduite véhicule dangereuse), patiente connue. Episode d'excitation motrice, logorrhée +++, n'a pas conscience de sa dangerosité." ces éléments attestant que Mme Q... est dans l'impossibilité de consentir à son hospitalisation ; que conformément au texte reproduit supra le docteur P... a fait des constatations relatives à l'état mental de la personne malade, a indiqué les caractéristiques principales de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins ; que peu important qu'il ait fait référence aux constatations de l'hôpital de jour puisqu'il n'est pas contesté qu'il a procédé personnellement à l'examen clinique de la patiente et ne s'est pas contenté de reproduire les dires d'autres personnes ; que peu important également qu'il n'ait pas vu Mme Q... au volant de son véhicule puisque c'est elle même qui a donné cet élément factuel, qu'elle ne conteste pas, au personnel soignant l'ayant accueillie ce jour là ; que l'agitation psychomotrice constatée dans le cadre de la décompensation en phase maniaque de la pathologie bi-polaire de Mme Q..., associée à un traitement neuroleptique et anxiolytique est à l'évidence contre-indiqué pour la conduite d'un véhicule , cet état altérant les réflexes, la capacité de contrôle et créant ainsi un risque pour la personne et pour les autres usagers de la route ; qu'il est indifférent à cet égard que Mme Q... soit toujours titulaire du permis de conduire, son état clinique constaté le 25 février 2020 étant indépendant des décisions d'interdiction judiciaires ou administratives prises suite à la constatation d'infraction, il serait paradoxal d'exiger ou d'attendre la commission d'une infraction ou la réalisation d'un accident pour caractériser à cet égard le péril imminent ; qu'il s'ensuit que le péril imminent est suffisamment caractéris ; - 2 - le retard injustifié dans la notification des droits de la patiente et des décisions qui la concernent : qu'en application de l'article L 3211-3 du code de la santé publique toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques sous contrainte est informée : " (..) a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ; b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L 3211-12-1.(..) ; qu'en l'espèce la décision d'hospitalisation sous contrainte prise le 25 février 2020 a été notifiée à Mme Q... le 27 février 2020, le délai de moins de 48 h au regard des constatations cliniques sur l'état d'agitation de la patiente à son admission apparaît un délai raisonnable ne caractérisant pas une irrégularité sanctionnable ; qu'il en est de même pour la notification de la décision de maintien de la mesure prise le vendredi 28 février 2020 soit au début du week-end et notifiée le lundi 2 mars 2020, étant précisé que Mme Q... avait déjà eu connaissance, le 28 février 2020, de sa convocation à l'audience devant le juge des libertés et de la détention pour le 4 mars suivant et avait fait le choix de son avocat Me Julien Guillard ; que le grief tiré de ce qu'elle était tenue dans l'ignorance de ses droits est donc inopérant ; qu'il s'ensuit que l'irrégularité des notifications ne sera pas retenue ; - 3 - le défaut d'information de tiers requis en matière d'hospitalisation pour péril imminent : qu'en application des dispositions de l'article L. 3212-1, I et II, 2° du code de la santé publique le directeur de l'établissement hospitalier d'accueil "informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci." ; qu'il est constant et confirmé par Mme Q... lors de son audition qu'elle n'a plus aucune famille, qu'elle ne bénéficie d'aucune mesure de protection juridique ; que dans le certificat médical établi le 26 février 2020 le docteur F... indique sans être contredit que toutes les démarches entreprises pour contacter des personnes justifiant de relations antérieures à l'admission et lui donnant qualité pour agir sont restées vaines ; que la consultation du répertoire de contacts du téléphone portable de Mme Q..., outre le fait qu'elle pourrait être considérée comme une atteinte à la vie privée, n'est pas de nature à donner la garantie que les contacts s'y trouvant soient des personnes ayant qualité pour agir dans son intérêt ; que l'irrégularité soulevée de ce chef n'est pas démontrée » ;

1°) ALORS QUE le directeur d'établissement prononce la décision d'admission en hospitalisation complète d'un patient lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande d'un proche et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constatée par un certificat médical ; que ce certificat constate l'état mental de la personne, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins ; ; qu'en l'espèce, dans le certificat médical d'admission du 25 février 2020, le docteur B... P..., médecin de la structure SOS Médecins, a constaté les éléments cliniques suivants : « décompensation maniaque constatée par l'hôpital de jour (entre autre, conduite véhicule dangereuse), patiente connue. Episode d'excitation motrice, logorrhée +++, n'a pas conscience de sa dangerosité » ; qu'en retenant, pour juger que le péril imminent était suffisamment caractérisé, qu'il importe peu que le docteur P... ait fait référence aux constatations de l'hôpital de jour puisqu'il n'est pas contesté qu'il a procédé personnellement à l'examen clinique de la patiente et ne s'est pas contenté de reproduire les dires d'autres personnes, quand ce médecin ne pouvait réellement se prononcer sur l'état mental de Mme Q... sans avoir lui-même constaté une décompensation maniaque, le délégué du premier président a violé l'article L. 3212-1 II 2° du code de la santé publique ;

2°) ALORS QUE l'autorité administrative qui prend une mesure de placement ou de maintien en hospitalisation sans consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit, d'une manière appropriée à son état, l'informer le plus rapidement possible de cette décision, de sa situation juridique et de ses droits ; qu'en retenant, pour écarter toute irrégularité sur ce point, que, le délai de moins de quarante-huit heures entre la décision d'hospitalisation sous contrainte prise le 25 février 2020 et sa notification à Mme Q... le 27 février 2020, apparaît un délai raisonnable au regard des constatations cliniques sur l'état d'agitation de la patiente à son admission, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le certificat médical des vingt-quatre heures démontrait qu'elle n'était toujours pas en état de recevoir cette signification plus tôt, le délégué du premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique ;

3°) ALORS QUE dans le cas d'une hospitalisation complète pour péril imminent, le directeur de l'établissement d'accueil informe dans un délai de vingt-quatre heures, sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci ; qu'en retenant, pour écarter toute irrégularité sur ce point, que le docteur F... indique que toutes les démarches entreprises pour contacter des personnes justifiant de relations antérieures à l'admission leur donnant qualité pour agir sont restées vaines et que la consultation du répertoire de contacts du téléphone portable de Mme Q..., outre le fait qu'elle pourrait être considérée comme une atteinte à la vie privée, n'est pas de nature à donner la garantie que les contacts s'y trouvant soient des personnes ayant qualité pour agir dans son intérêt, le délégué du premier président n'a pas caractérisé des difficultés particulières empêchant le directeur de l'hôpital Marius Lacroix d'informer les proches de Mme Q... de son admission en hospitalisation complète en violation de l'article L. 3212-1 II 2° du code de la santé publique ;

4°) ALORS QUE dans le cas d'une hospitalisation complète pour péril imminent, le directeur de l'établissement d'accueil informe dans un délai de vingt-quatre heures, sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci ; qu'il appartient au directeur d'établissement de justifier qu'il a correctement exécuté cette obligation d'information et non au patient de démontrer que tel n'est pas le cas ; qu'en retenant, pour écarter toute irrégularité sur ce point, que Mme Q... ne contredit pas l'indication du docteur F... selon laquelle toutes les démarches entreprises pour contacter des personnes justifiant de relations antérieures à l'admission leur donnant qualité pour agir sont restées vaines, le délégué du premier président a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1353 du code civil, ensemble l'article L. 3212-1 II 2° du code de la santé publique.


Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Modalités de soins psychiatriques - Admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent - Procédure - Appel du ministère public - Absence du ministère public à l'audience - Lecture des réquisitions par le premier président - Possibilité

PROCEDURE CIVILE - Droits de la défense - Principe de la contradiction - Application - Soins psychiatriques - Appel du ministère public - Absence du ministère public à l'audience - Lecture des réquisitions par le premier président - Possibilité

Il résulte de l'article R. 3211-21 du code de la santé publique que le premier président, saisi de l'appel d'une décision du juge des libertés et de la détention rendue en matière de soins psychiatriques sans consentement, peut statuer hors la présence du ministère public, partie principale en sa qualité d'appelant, en donnant connaissance oralement de ses réquisitions écrites


Références :

Article 431 du code de procédure civile

article R. 3211-21 du code de la santé publique.

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 06 mars 2020

A rapprocher : 1re Civ., 16 décembre 2015, pourvoi n° 15-12400, Bull. 2015, I, n° 331 (cassation sans renvoi) ;

1re Civ., 24 mai 2018, pourvoi n° 17-21057, Bull. 2018, I, n° 98 (cassation sans renvoi).


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 1re, 15 oct. 2020, pourvoi n°20-14271, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles
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Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 1
Date de la décision : 15/10/2020
Date de l'import : 28/09/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20-14271
Numéro NOR : JURITEXT000042464453 ?
Numéro d'affaire : 20-14271
Numéro de décision : 12000746
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2020-10-15;20.14271 ?
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