LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 octobre 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 536 F-P+B
Pourvoi n° R 19-17.041
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 OCTOBRE 2020
L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 19-17.041 contre l'arrêt rendu le 4 février 2019 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. E... P...,
2°/ à Mme F... P...,
domiciliés tous deux [...],
3°/ à Mme O... P..., domiciliée [...] ,
tous trois pris tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de C... P...,
4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn-et-Garonne, dont le siège est [...] ,
5°/ à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme P..., tant en leur nom personnel qu'ès qualités, et l'avis de M. Sudre, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 février 2019), C... P... est décédée, le [...], à la suite de la réalisation d'une coronarographie.
2. Après une saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, d'un avis de celle-ci imputant le décès de C... P... à la survenue d'un accident médical grave non fautif indemnisable au titre de la solidarité nationale, et d'un refus de l'offre d'indemnisation amiable adressée par l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM), M. P..., époux de C... P..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de leur fille mineure F..., a assigné celui-ci en indemnisation. Mme O... P..., fille de M. P... et de C... P..., est intervenue volontairement à l'instance.
3. L'indemnisation des préjudices consécutifs au décès de C... P... a été mise à la charge de l'ONIAM sur le fondement de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. L'ONIAM fait grief à l'arrêt de fixer à certaines sommes les préjudices économiques respectifs de M. P... et Mme O... P..., alors « que les revenus du nouveau conjoint du conjoint survivant de la victime directe d'un accident médical non fautif, d'une affection iatrogènes ou d'une infection nosocomiale dont l'indemnisation a eu lieu au titre de la solidarité nationale doivent être pris en compte pour le calcul du préjudice économique de celui-ci ainsi que de leurs enfants ; qu'en refusant de tenir compte des nouvelles ressources dont pouvait bénéficier M. P... à la suite de son remariage pour calculer son préjudice économique ainsi que ceux de ses filles résultant du décès de sa première épouse et pris en charge par l'ONIAM, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. »
Réponse de la Cour
5. L'arrêt retient à bon droit que si, après le décès de sa première épouse, M. P... s'est remarié et bénéficie de nouvelles ressources liées au salaire perçue par sa seconde épouse, celles-ci résultent de la réorganisation de son existence et ne sont pas la conséquence directe du décès, de sorte qu'elles n'ont pas à être prises en compte pour évaluer les préjudices économiques consécutifs au décès de C... P....
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur la seconde branche du moyen, ci-après annexé
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales
Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir condamné l'ONIAM à payer à monsieur P... la somme de 353 738,42 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2016 à hauteur de 259 534,39 euros et à compter du 4 février 2019 à hauteur de 94 204,03 euros, et à O... P... la somme de 17 632,33 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2016 à hauteur de 11 724,81 euros et à compter du 4 février 2019 à hauteur de 5 907,52 euros, au titre de leur préjudice économique respectif, déduction faite des prestations reçues du tiers payeur ;
Aux motifs que, sur les préjudices économiques, au vu des avis d'imposition sur le revenu (revenus de 2007, année pleine précédant le décès survenu en cours d'année 2008) la défunte percevait un salaire annuel net imposable de 16 769 euros et le mari des revenus annuels de 21 288 euros de sorte que les revenus du couple à prendre en considération s'élevaient à la somme de 38 057 euros par an ; que la part conservée par madame P... pour ses besoins personnels doit être fixée à 15 % soit 5 708,55 euros, étant souligné que le couple avait trois enfants à charge ; que le revenu annuel disponible avant le décès pour le conjoint survivant y compris les frais fixes incompressibles du ménage et pour les enfants est donc de 32 348,45 euros (38 057 euros – 5 708,55 euros) ; qu'après le décès, selon ses avis d'imposition 2009 et 2010 (revenus de 2008 et 2009), monsieur P... a continué à percevoir son salaire ; que les nouvelles ressources dont il peut bénéficier, dues à la réorganisation de son existence à compter de février 2010 avec la reconstitution d'un foyer par remariage avec une épouse qui perçoit un salaire, n'ont pas à être prises en considération, s'agissant de revenus qui ne sont pas la conséquence directe du décès ; que la perte annuelle du foyer s'établit ainsi à 11 060,45 euros (32 348,45 euros – 21 288 euros), somme qui était affectée aux besoins personnels du mari, des trois enfants et aux frais fixes incompressibles du ménage ; que le préjudice viager du foyer s'élève ainsi à 406 195,02 euros soit pour la période passée, du décès le [...] au jour de la liquidation soit le 4 février 2019, date du présent arrêt, soit 126 mois la somme de 116 134,72 euros (11 060,45 euros / 12 mois x 126 mois), et pour la période à venir, au vu de l'euro de rente viagère du barème de capitalisation pour un homme âgé de 52 ans en février 2019 pour être né le [...] , soit un indice de 26,225, la somme de 290 060,30 euros (11 060,45 euros x 26,225) ; que l'époux étant plus âgé que son conjoint né le [...] avait, selon les tables de mortalité, l'espérance de vie la plus faible de sorte que l'euro de rente à prendre en considération est le sien et non celui de l'épouse ; que la part revenant à chaque enfant (étant précisé que l'aînée R... tout juste majeure lors du décès mais encore à charge n'est pas partie à la procédure) pour ses besoins personnels doit être fixée à 15 % de la perte annuelle soit 1 659,06 euros par an (15 % de 11 060,45 euros) de sorte que leur préjudice économique s'établit respectivement : pour O... à 19 070,89 euros, pour la période passée du décès le 28 juillet 2008 au jour de la liquidation soit le 4 février 2019, date du présent arrêt, soit 126 mois la somme de 17 420,13 euros (1 659,06 euros / 12 mois x 126 mois) et pour la période à venir au vu de l'euro de rente temporaire jusqu'à 25 ans pour une personne de sexe féminin âgée de 24 ans en février 2019 pour être née le [...] , soit un indice de 0,995, la somme de 1 650,76 euros (1 659,06 euros x 0,995), et pour F... à 27 193,65 euros, pour la période passée du décès le 28 juillet 2008 au jour de la liquidation soit le 4 février 2019, date du présent arrêt, soit 126 mois la somme de 17 420,13 euros (1 659,06 euros / 12 mois x 126 mois) et pour la période à venir au vu de l'euro de rente temporaire jusqu'à 25 ans pour une personne de sexe féminin âgée de 19 ans en février 2019 pour être née le [...] , soit un indice de 5,891, la somme de 9 773,52 euros (1 659,06 euros x 5,891) ; que le préjudice économique de monsieur P... s'établit à 359 930,48 euros soit la perte viagère du foyer (406 195,02 euros) déduction faite de la part temporaire des deux enfants (19 070,89 euros + 27 193,65 euros) ; qu'n effet, la part temporairement absorbée par les enfants doit revenir au conjoint survivant lorsqu'ils auront cessé d'être à la charge du parent et seront devenus financièrement autonomes au-delà de 25 ans ; que de chacune de ces indemnités doit être déduit, comme l'ensemble des parties l'admettent, les sommes versées par la CNRACL gérée par la Caisse des dépôts et consignations au titre des pensions d'W... ou de la pension anticipée de réversion, soit 1 438,56 euros pour O..., 35 530,18 euros pour F... et 6 192,06 euros pour monsieur P... du 1er août 2008 au 13 février 2010, date de son remariage, ce qui les ramène respectivement à 17 632,33 euros (19 070,89 euros – 1 438,56 euros) pour O..., 0 euros (27 193,65 euros – 35 530,18 euros) pour F... et 353 738,42 euros (359 930,48 euros – 6 192,06 euros) pour monsieur P... ; qu'en effet, les prestations ainsi versées aux ayants droit de la victime directe par la CNRACL en raison du décès de madame P... relèvent de prestations mentionnées à l'article 7 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 et à l'article 29 2° de la loi du 5 juillet 1985 applicable quel que soit l'événement dommageable et réparent incontestablement le poste de leur préjudice économique ; qu'elles doivent être déduites des indemnités judiciairement allouées pour ce chef de dommage, même si l'organisme en cause ne peut effectivement exercer son recours subrogatoire à l'encontre de l'ONIAM, dès lors qu'il n'est pas l'auteur responsable de l'accident survenu à la victime mais assure la prise en charge des conséquences de l'accident médical non fautif au titre de la solidarité nationale ;
1) Alors que les revenus du nouveau conjoint du conjoint survivant de la victime directe d'un accident médical non fautif , d'une affection iatrogènes ou d'une infection nosocomiale dont l'indemnisation a eu lieu au titre de la solidarité nationale doivent être pris en compte pour le calcul du préjudice économique de celui-ci ainsi que de leurs enfants ; qu'en refusant de tenir compte des nouvelles ressources dont pouvait bénéficier monsieur P... à la suite de son remariage pour calculer son préjudice économique ainsi que ceux de ses filles résultant du décès de sa première épouse et pris en charge par l'ONIAM, la cour d'appel a violé l'article L.1142-1, II, du code de la santé publique ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;
2) Alors, par ailleurs, que le préjudice doit être indemnisé intégralement, sans perte ni profit pour la victime ; qu'en allouant à monsieur P..., au titre de son préjudice économique, une somme calculée à partir du revenu de son épouse avant son décès ainsi que de son propre revenu à ce moment-là avec application à la perte annuelle du foyer de l'euro de rente viagère du barême de capitalisation pour un homme âgé de 52 ans en février 2019 sur la base de ses revenus d'activité après le décès de son épouse en 2008 et 2009, sans tenir compte de la diminution de ces revenus à partir de la date prévisible du départ à la retraite de chacun des époux concernés, la cour d'appel a violé l'article L.1142-1, II, du code de la santé publique, ensemble le principe susvisé.