La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2020 | FRANCE | N°18-20809

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 01 octobre 2020, 18-20809


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er octobre 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 726 FS-P+B+I

Pourvoi n° R 18-20.809

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020

La société Mutuelle des architectes français (MAF), do

nt le siège est 189 boulevard Malesherbes, 75856 Paris cedex 17, a formé le pourvoi n° R 18-20.809 contre l'arrêt rendu le 29 mai 2018 par la cou...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er octobre 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 726 FS-P+B+I

Pourvoi n° R 18-20.809

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020

La société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est 189 boulevard Malesherbes, 75856 Paris cedex 17, a formé le pourvoi n° R 18-20.809 contre l'arrêt rendu le 29 mai 2018 par la cour d'appel de Fort-de-France (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme Y... Q..., domiciliée [...] ,

2°/ à M. N... E..., domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pronier, conseiller, les observations de la SCP Boulloche, avocat de la société Mutuelle des architectes français, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme Q..., et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Pronier, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Fort de France, 29 mai 2018), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 21 janvier 2016, pourvoi n° 14-23.495), Mme Q... a confié à M. E..., architecte assuré auprès de la société Mutuelle des architectes français (la MAF), la réalisation de deux bungalows.

2. Les travaux ont démarré en février 2008 et ont été abandonnés en avril 2008.

3. Mme Q... a assigné M. E... et la MAF en résolution du contrat et indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La MAF fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme Q... la somme de 91 460,44 euros, alors « que l'article 5.21 des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par M. E... stipule que la déclaration de chaque mission constitue une condition de la garantie pour chaque mission ; que par suite, en cas d'absence de déclaration d'une mission, la réduction de l'indemnité ne peut être calculée par référence à l'ensemble des chantiers déclarés annuellement par l'architecte mais par référence à la seule mission litigieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rappelé que M. E... avait omis de déclarer la mission complète confiée par Mme Q... le 5 décembre 2007 ; que néanmoins, elle a calculé la réduction de la garantie de la MAF en se référant aux cotisations payées pour l'ensemble des missions au titre de l'année 2008, dénaturant ainsi l'article 5.21 des conditions générales du contrat d'assurance, en violation de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et les articles L. 112-6 et L. 124-3 du code des assurances :

5. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

6. Il résulte de la combinaison des deux derniers que l'assureur peut opposer au tiers lésé, qui invoque le bénéfice de la police, les exceptions opposables au souscripteur originaire.

7. En l'état d'un contrat d'assurance de responsabilité professionnelle d'architecte soumettant la garantie de l'assureur à la déclaration préalable de chaque mission, l'omission de déclaration équivaut à une absence d'assurance, opposable au tiers lésé.

8. Pour condamner la MAF à garantir les condamnations prononcées à l'encontre de M. E..., l'arrêt retient que la clause précisant que l'absence de déclaration équivaut à une absence de garantie, ajoutée au visa de l'article L. 113-9 du code des assurances alors qu'elle contredit les termes de cette disposition, doit être écartée.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la déclaration de chaque mission constituait une condition de la garantie pour chacune d'elles, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre ;

Condamne Mme Q... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Mutuelle des architectes français.

Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Mutuelle des Architectes Français à payer à Mme Q... la somme de 91 460,44 euros, outre intérêts à compter de son arrêt,

Aux motifs que « la cour constate que le contrat passé entre M. E... et Mme Q... est bien un contrat d'architecte encadré par la loi du 3 janvier 1977 sur la profession d'architecte, la loi du 4 janvier 1978 sur la responsabilité et l'assurance dans le domaine de la construction, et le code de la propriété intellectuelle. Mme Q... avait la qualité de maître de l'ouvrage avec l'obligation de souscrire une assurance dommage-ouvrage, et M. E..., s'était engagé à élaborer le dossier administratif de demande de travaux, faire les plans, consulter les entreprises, assurer la coordination du chantier, faire des comptesrendus, assister le maître de l'ouvrage à la réception, puis, suivre les reprises en cas d'éventuelle réserve jusqu'à la levée des réserves en présence de Maître de l'ouvrage et des entrepreneurs concernés.
Il s'agit très exactement d'une prestation de maîtrise d'oeuvre habituelle caractérisant la profession d'architecte, ce qu'a confirmé l'expert en page 12 de son rapport.
L'expert n'a pas constaté de désordres pour les deux constructions qui n'avaient pour ainsi dire pas commencé.
L'action de Mme Q... contre M E... telle que reçue par la première cour d'appel n'est donc pas fondée sur la responsabilité du constructeur sanctionnée par les articles 1792 et suivants du code civil, mais la responsabilité civile contractuelle de l'architecte pour avoir failli dans l'exercice de sa prestation de maîtrise d'oeuvre.
Le contrat précise que l'architecte est assuré contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité professionnelle auprès de la MAF, par contrat n°44604H25, conforme aux obligations posées par la loi du 3 janvier 1977 et la loi du 4 janvier 1978. Au vu des conditions générales d'assurance souscrite par M. E..., les obligations contractuelles pesant sur lui à l'égard de Mme Q... étaient normalement couvertes par l'objet du contrat, ainsi que les dommages subis par Mme Q..., qui se définissent comme des dommages immatériels non consécutifs. Aucune cause d'exclusion n'est encourue en l'espèce.
Par conséquent, seule la réduction proportionnelle de l'indemnité dans les conditions posées par l'article L 113-9 du code des assurances sanctionnant le défaut de déclaration d'une mission peut être opposée à Mme Q.... La clause précisant que l'absence de déclaration équivaut à une absence de garantie, ajoutée au visa de l'article L 113-9 du code des assurances alors qu'elle contredit les termes de cette disposition, doit être écartée.
Le principe est que la cotisation de l'année n, est calculée sur la base des missions déclarées au titre de l'année n-1.
En 2008, M. E... a déclaré pour 45 000 € de missions complètes et 30 023 € de missions sans exécution de travaux sur l'année 2007, ce qui a permis un calcul de la cotisation à hauteur de 594,84 €.
S'il n'avait pas omis la mission complète confiée par Mme Q... le 5 décembre 2007 d'un montant de 45 526 €, au vu des taux appliqués, la cotisation sur ce poste de cotisations aurait été de 481,56 € au lieu de 249,75 €. En y ajoutant la cotisation sur les autres missions de 105,09 € et la cotisation de base de 240 €, c'est un montant de 826,65 € qui aurait été appelé pour l'année 2008, soit une surprime de 231,81 € représentant un manque à gagner pour l'assureur de 28 %.
Appliquée à la somme définitivement mise à la charge de M. E... au titre de l'inexécution du contrat de Mme Q..., soit 127.028,38 € la garantie de la MAF doit être réduite à la somme de 91 460,44 € » (arrêt p. 5 à 7) ;

1/ Alors que selon l'article L. 113-9 du code des assurances, l'omission ou la déclaration inexacte de la part de l'assuré est sanctionnée, quand elle est constatée après sinistre, par une réduction de l'indemnité en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés ; qu'en cas d'omission de déclaration d'un chantier par un architecte, et donc de paiement de primes afférentes, il résulte de cet article que l'indemnité peut être réduite à zéro, équivalant ainsi à une absence de garantie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la clause contractuelle précisant que l'absence de déclaration équivalait à une absence de garantie contredisait les termes de l'article L. 113-9 du code des assurances, violant ainsi cette disposition ;

2/ Alors que l'article 5.21 des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par M. E... stipule que la déclaration de chaque mission constitue une condition de la garantie pour chaque mission ; que par suite, en cas d'absence de déclaration d'une mission, la réduction de l'indemnité ne peut être calculée par référence à l'ensemble des chantiers déclarés annuellement par l'architecte mais par référence à la seule mission litigieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rappelé que M. E... avait omis de déclarer la mission complète confiée par Mme Q... le 5 décembre 2007 ; que néanmoins, elle a calculé la réduction de la garantie de la MAF en se référant aux cotisations payées pour l'ensemble des missions au titre de l'année 2008, dénaturant ainsi l'article 5.21 des conditions générales du contrat d'assurance, en violation de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3/ Alors que dans ses conclusions d'appel, la MAF a soutenu que le contrat d'assurance n'avait pas vocation à garantir une condamnation de son assuré à restituer des honoraires qu'il avait perçus (concl. d'appel, p. 16) ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a condamné la MAF à garantir les condamnations prononcées contre M. E... par l'arrêt du 16 mai 2014, lequel incluait une condamnation de M. E... à restituer des sommes perçues à titre de prestations non exécutées ou correspondant à des dépenses inutiles, d'un total de 32 107,40 € ; qu'en incluant cette somme dans la condamnation à garantie de la MAF sans répondre à son moyen invoquant une absence de garantie sur ce point, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-20809
Date de la décision : 01/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

ASSURANCE RESPONSABILITE - Garantie - Conditions - Déclaration préalable de chaque mission - Omission - Portée

ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Assurance - Assurance responsabilité - Garantie - Etendue - Non déclaration d'une mission - Effets - Absence de garantie - Portée ASSURANCE (règles générales) - Garantie - Conditions - Architecte - Déclaration préalable de chaque mission - Omission - Portée

En l'état d'un contrat d'assurance de responsabilité professionnelle d'architecte soumettant la garantie de l'assureur à la déclaration préalable de chaque mission, l'omission de déclaration d'une mission équivaut à une absence d'assurance, opposable au tiers lésé


Références :

Article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016

articles L. 112-6 et L. 124-3 du code des assurances.

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 29 mai 2018

A rapprocher :3e Civ., 4 novembre 2004, pourvoi n° 03-13821, Bull. 2004, III, n° 188 (rejet)

arrêt cité ;

3e Civ., 27 juin 2019, pourvoi n° 17-28872, Bull. 2019, (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 01 oct. 2020, pourvoi n°18-20809, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.20809
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award