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01/07/2020 | FRANCE | N°18-25522

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 01 juillet 2020, 18-25522


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 317 F-P+B

Pourvoi n° P 18-25.522

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUILLET 2020

La société DJM capital investissement,

société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° P 18-25.522 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2018 par la cou...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 317 F-P+B

Pourvoi n° P 18-25.522

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUILLET 2020

La société DJM capital investissement, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° P 18-25.522 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2018 par la cour d'appel de Limoges (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Crédit coopératif, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Pimouguet-Leuret-Devos Bot, société civile professionnelle, dont le siège est [...] , en sa qualité de mandataire liquidateur de la société DJM capital investissement,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société DJM capital investissement, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Crédit coopératif, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 23 octobre 2018), la société DJM capital investissement (la société DJM) a été mise en liquidation judiciaire le 25 août 2015 par le tribunal de commerce de Brive, la société Pimouguet-Leuret-Devos Bot étant désignée liquidateur. La société Crédit coopératif (la banque) a déclaré une créance au titre d'un crédit, laquelle a été contestée au motif que le taux effectif global (TEG) indiqué dans l'acte était erroné.

2. Le juge-commissaire s'est déclaré incompétent et a invité la banque à saisir le juge compétent dans le délai d'un mois. La banque ayant saisi le tribunal de commerce de Brive, la société DJM et le liquidateur ont décliné la compétence de cette juridiction en application de la clause, figurant dans l'acte de prêt, attribuant compétence au tribunal de commerce de Versailles.

Examen du moyen unique

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. La société DJM fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence, alors « que la compétence exclusive du tribunal de la procédure collective, prévue par l'article R. 662-3 du code de commerce, ne concerne que les contestations nées de cette procédure ou sur lesquelles elle exerce une influence juridique ; qu'en l'espèce, le juge-commissaire ayant renvoyé les parties à mieux se pourvoir pour trancher la contestation portant sur la validité du taux d'intérêt applicable à la créance du Crédit coopératif, la banque a saisi le tribunal de commerce de Brive ; qu'en jugeant cette juridiction compétente, et non le tribunal de commerce de Nanterre désigné par la clause attributive de compétence stipulée dans le contrat de prêt, au prétexte de la compétence de principe de la juridiction de la procédure collective de la débitrice, quand la contestation existait indépendamment de la procédure de liquidation et qu'elle n'était pas née de cette procédure qui n'exerçait aucune influence juridique sur son issue, la cour d'appel a violé l'article R. 662-3 du code de commerce ».

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 624-5 et R. 662-3 du code de commerce :

4. Il résulte de la combinaison de ces textes que la juridiction compétente pour trancher la contestation sérieuse dont une créance déclarée au passif d'une procédure collective fait l'objet n'est pas le tribunal de la procédure collective mais celui que déterminent une clause attributive de compétence ou, à défaut, les règles de droit commun.

5. Pour rejeter l'exception d'incompétence, l'arrêt énonce que l'article R. 662-3 du code de commerce donne compétence au tribunal saisi de la procédure collective pour connaître des actions qui concernent la procédure. Il constate que c'est dans le cadre de la procédure de vérification des créances que le juge-commissaire s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à saisir le tribunal compétent en application des dispositions de l'article R. 624-5 du code de commerce. Il en déduit que le contentieux qui oppose les parties est né de la procédure collective, de sorte que le tribunal de commerce compétent pour statuer sur la question litigieuse soulevée à l'occasion de la contestation de la créance est celui du lieu d'ouverture de ladite procédure, la clause attributive de compétence ne pouvant recevoir en l'occurrence application.

6. En statuant ainsi, alors que la question de la validité du TEG auquel était soumis le prêt conclu avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société DJM se serait posée de la même manière si cette dernière n'avait pas été soumise à une procédure collective, ce dont il résultait que la clause attributive de compétence s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Condamne la société Crédit coopératif aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour la société DJM capital investissement.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de confirmer le jugement du 13 octobre 2017 en déboutant la SARL DJM Capital Investissement et la SCP Pimouguet-Leuret-Devos Bot, ès qualités, de leur demande d'incompétence du tribunal de commerce de Brive au profit du tribunal de commerce de Nanterre ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 23, - attribution de compétence - du contrat de prêt en date du 2 juillet 2010 stipule qu'en « cas de difficulté sur l'interprétation ou l'exécution des présentes, les parties acceptent l'attribution de juridiction, devant les tribunaux du siège social du prêteur, sous réserve des dispositions de l'article 48 du nouveau code de procédure civile » ; qu'en l'espèce, si le siège social de la société Crédit Coopératif (le Crédit Coopératif) est situé à Nanterre, la procédure collective dont fait l'objet la Sarl DJM Capital Investissement est ouverte auprès du tribunal de commerce de Brive, compte tenu de la situation du siège social de la société ; qu'aux termes de l'article R. 662-3 du code de commerce, « sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire, le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connait de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8, à l'exception des actions en responsabilité civile exercées à l'encontre de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du tribunal de grande instance » ; qu'or il est constant que le tribunal de commerce de Brive a été saisi à la suite d'une ordonnance en date du 19 septembre 2016 rendue par le juge-commissaire, qui s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à saisir le tribunal compétent en application des dispositions de l'article R. 624-5 du code de commerce, dans le cadre de la procédure de vérification du passif, la Sarl DJM Capital Investissement et la Scp PLDB ès qualités de mandataire judiciaire ayant émis des contestations relatives à la créance déclarée par le Crédit Coopératif ; que le contentieux qui oppose les parties est donc bien né de la procédure collective, de sorte que le tribunal de commerce compétent pour statuer sur la question litigieuse soulevée à l'occasion de la contestation de la créance du Crédit Coopératif est celui du lieu d'ouverture de ladite procédure, la clause attributive de compétence ne pouvant recevoir en l'occurrence application ; que le tribunal de commerce de Brive doit donc être confirmé en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur la contestation formée par la Sarl DJM Capital Investissement et la Scp PLDB ès qualités ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la clause attributive de compétence pour tout litige prévue dans le contrat de prêt du Crédit Coopératif à la Sarl DJM Capital Investissement, aux juridictions du siège social du prêteur, à savoir le tribunal de commerce de Nanterre, telle que prévue dans le contrat, ne s'applique pas dans le cadre d'une procédure collective, ce qui est le cas en l'espèce ; que le contentieux soumis au tribunal s'inscrit dans le cadre d'une contestation de créance et est né de la procédure collective ; que le tribunal de commerce compétent au fond est celui du lieu d'ouverture de la procédure collective concernant la Sarl DJM Capital Investissement ; que le tribunal de commerce de céans, tribunal du lieu d'ouverture de la procédure collective, est de ce fait compétent pour statuer ;

1°) ALORS QUE la compétence exclusive du tribunal de la procédure collective, prévue par l'article R. 662-3 du code de commerce, ne concerne que les contestations nées de cette procédure ou sur lesquelles elle exerce une influence juridique ; qu'une contestation n'est pas née de cette procédure par la seule circonstance qu'elle a été élevée à l'occasion de la déclaration de créance ; qu'en estimant que le contentieux qui oppose les parties est bien né de la procédure collective, car relatif à la créance déclarée par le Crédit Coopératif dans le cadre de la procédure de vérification du passif, la cour d'appel a violé l'article R. 662-3 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE la compétence exclusive du tribunal de la procédure collective, prévue par l'article R. 662-3 du code de commerce, ne concerne que les contestations nées de cette procédure ou sur lesquelles elle exerce une influence juridique ; qu'en l'espèce, le juge-commissaire ayant renvoyé les parties à mieux se pourvoir pour trancher la contestation portant sur la validité du taux d'intérêt applicable à la créance du Crédit coopératif, la banque a saisi le tribunal de commerce de Brive ; qu'en jugeant cette juridiction compétente, et non le tribunal de commerce de Nanterre désigné par la clause attributive de compétence stipulée dans le contrat de prêt, au prétexte de la compétence de principe de la juridiction de la procédure collective de la débitrice, quand la contestation existait indépendamment de la procédure de liquidation et qu'elle n'était pas née de cette procédure qui n'exerçait aucune influence juridique sur son issue, la cour d'appel a violé l'article R. 662-3 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-25522
Date de la décision : 01/07/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Procédure (dispositions générales) - Organes de la procédure - Tribunal - Compétence matérielle - Exclusion - Actions ne concernant pas la procédure collective - Cas - Contestation sérieuse d'une créance déclarée au passif

COMPETENCE - Compétence territoriale - Clause attributive de compétence - Validité - Conditions - Contestation ne concernant pas la procédure collective

Il résulte de la combinaison des articles R. 624-5 et R. 662-3 du code de commerce que la juridiction compétente pour trancher la contestation sérieuse dont une créance déclarée au passif d'une procédure collective fait l'objet n'est pas le tribunal de la procédure collective mais celui que déterminent une clause attributive de compétence ou, à défaut, les règles de droit commun


Références :

articles R. 624-5 et R. 662-3 du code de commerce.

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 23 octobre 2018

A rapprocher :Com., 16 juin 2015, pourvoi n° 14-13970, Bull. 2015, IV, n° 106 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 01 jui. 2020, pourvoi n°18-25522, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.25522
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