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15/01/2020 | FRANCE | N°18-25894

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 janvier 2020, 18-25894


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 375-7, alinéa 4, du code civil, ensemble l'article 1199-3 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque le juge des enfants décide que le droit de visite du ou des parents de l'enfant confié à une personne ou un établissement ne peut être exercé qu'en présence d'un tiers, il en fixe la fréquence dans sa décision, sauf à ce que, sous son contrôle, les conditions d'exercice de ce droit soient laissées

à une détermination conjointe entre le ou les parents et la personne, le service ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 375-7, alinéa 4, du code civil, ensemble l'article 1199-3 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque le juge des enfants décide que le droit de visite du ou des parents de l'enfant confié à une personne ou un établissement ne peut être exercé qu'en présence d'un tiers, il en fixe la fréquence dans sa décision, sauf à ce que, sous son contrôle, les conditions d'exercice de ce droit soient laissées à une détermination conjointe entre le ou les parents et la personne, le service ou l'établissement à qui l'enfant est confié ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un juge des enfants a ordonné le placement à l'aide sociale à l'enfance de L... et J... H..., nés respectivement les [...] et [...] ;

Attendu que l'arrêt accorde à chacun des parents un droit de visite médiatisé qui s'exercera sous le contrôle du service gardien, sauf à en référer au juge en cas de difficultés ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait au juge de définir la périodicité du droit de visite accordé, ou de s'en remettre, sous son contrôle, à une détermination conjointe des conditions d'exercice de ce droit entre les parents et le service à qui les enfants étaient confiés, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

Attendu que les mesures critiquées ont épuisé leurs effets ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme la décision du juge des enfants du 6 novembre 2017, ayant accordé un droit de visite médiatisé à chacun des parents devant s'exercer sous le contrôle du service gardien, l'arrêt rendu le 16 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Laisse les dépens, incluant ceux exposés devant les juges du fond, à la charge du Trésor public ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour Mme M...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir maintenu le placement des enfants L... et J... H... au service de l'aide sociale à l'enfance de Paris pour une durée d'un an à compter du 5 novembre 2017, dit que le droit de visite en présence d'un tiers de chacun des parents s'exercera sous le contrôle du service gardien, et que les contacts téléphoniques parents-enfants s'effectueront à une fréquence au moins hebdomadaire en présence d'un tiers et sous le contrôle du service gardien, sauf à en référer au juge des enfants en cas de difficulté ;

aux motifs, sur l'appel contre le jugement du 6 novembre 2017, qu'« au vu des pièces du dossier telles que rapportées ci-dessus et débattues contradictoirement, c'est à juste titre et pour des motifs que la cour adopte sans qu'il soit besoin d'y ajouter que le premier juge a pris la décision déférée » ; que sur le placement, « à ce jour, Monsieur H... et Madame M... ont montré de nouveau, à travers des accusations réciproques devant la cour, leur incapacité à dépasser leur conflit dans l'intérêt des enfants, qu'ils persistent à mettre au coeur de leurs différends et à utiliser l'un contre l'autre, sans tenir compte des effets délétères de ce comportement sur ceux-ci. Les mineurs se sont apaisés tant au foyer qu'à l'école et commencent à pouvoir utiliser leurs capacités jusque-là inhibées par le contexte familial ; / qu'en l'absence de toute évolution des éléments à l'origine de la décision déférée, pour la protection des enfants dont les conditions d'éducation et de développement physique, affectif, intellectuel et social restent gravement compromises au sein de leur famille, celle- ci sera confirmée ; que, sur le droit de visite et le droit de communication téléphonique, « les acquis des enfants sont récents. Pour les mêmes motifs que précédemment et pour limiter l'exposition des mineurs au fonctionnement familial décrit, il est prématuré dans leur intérêt d'élargir le droit de visite et le droit de communication téléphonique de Madame M.... La décision déférée sera confirmée sur ce point
» (arrêt p. 6) ;

et aux motifs adoptés des premiers juges « que dans le cadre d'une mesure éducative en milieu ouvert instituée au profit L... et d'J..., il a pu être relevé que les retards scolaires et le mal-être persistant témoignaient de leurs difficultés de grandir en raison de l'antagonisme entre leurs parents les plaçant dans une situation de conflit de loyauté générant une souffrance extrême ; / que dès lors, afin d'extraire les deux frères du danger dans lequel les dysfonctionnements familiaux les plongeaient et compromettaient leur évolution, leur placement provisoire a été prononcé auprès de l'Aide sociale à l'enfance de façon à leur donner un cadre de vie neutre leur permettant de ne plus être instrumentalisés dans le conflit du couple parental, de se poser dans un lieu rassurant et de pouvoir de ce fait réinvestir leur scolarité ; / qu'au terme de six mois de placement, L... et J... ont déjà connu deux lieux d'accueil. Ils ont été accueillis dans un premier temps à la MAE où ils se sont rapidement adaptés, se montrant en lien avec leurs pairs - ils ont été décrits comme agréables et généreux avec les autres enfants - ainsi qu'avec les professionnels. Arrivés aux AGE de Ménilmontant depuis mi-octobre 2017, ils se sont également intégrés de façon positive dans leurs groupes respectifs où ils apparaissent calmes et apaisés ; / que s'agissant de leurs scolarités, alors que L... a intégré l'EMP Chaillot comme cela avait été prévu, J... est demeuré dans l'école où il était scolarisé l'an dernier ce qui a contribué, pour chacun des garçons, à leur apporter une certaine stabilité. Concernant L..., cette orientation a été débattue dans la mesure où le petit garçon a été décrit comme n'étant pas déficient mais en proie à des crises passagères notamment à l'école qui s'analysent comme l'expression d'une grande souffrance ; / que dans le cadre du placement, les liens médiatisés parents enfants ont permis à L... et J... d'être mis à distance des dysfonctionnements familiaux ; que la nature de la relation avec leur mère a été décrite par la MAE comme étant de qualité, J... ayant cependant pu manifester une opposition témoignant d'une recherche de limite que Mme C... peut avoir du mal à lui poser. Les garçons ont manifesté davantage d'appréhension avant de voir leur père qui s'est présenté de façon très bienveillante vis à vis de ses enfants, lesquels se sont montrés au cours de la visite davantage calmes et posés qu'avec leur mère ; / que ces constats méritent cependant d'être nuancés dans l'attente des observations de Contexte et Thérapie en charge des rencontres médiatisées parents-enfants depuis le mois de septembre 2017 ; / que l'accompagnement éducatif à destination de Mme C... et de M. H... est pour l'instant resté à l'état d'ébauche en l'absence de "dynamique d'élaboration autour de [leurs] difficultés éducatives Le discours de chaque parent sur l'autre est demeuré très négatif et sans prise en compte de l'intérêt des enfants y compris en ce qui concerne un certain "envahissement du lieu de placement" par leurs appels téléphoniques dont le service gardien a sollicité de ce fait la suspension ; / qu'à l'approche de l'audience, l'angoisse perçue chez L... a fait écho au courrier du Dr R... E... du CMPP de la Grange Batellière préconisant de laisser à une instance extérieure le soin de décider du sort des enfants à qui demander "de choisir éventuellement de vivre chez l'un ou chez l'autre de leurs parents les placeraient dans un conflit de loyauté et dans une culpabilité très dommageable vis à vis d'eux pour leur équilibre psychique actuellement fragile ; / que l'audience à laquelle L... et J... ont souhaité assister après avoir été reçus chacun seul et séparément a de nouveau été le terrain de dénigrement systématique de chacun des parents estimant l'autre incapable de s'occuper des enfants et représentant même un danger pour eux, mais n'en tirant pas les même conséquences : Mme C... souhaitant de ce fait récupérer ses fils, tandis que M. H... estime toujours le placement opportun pour leur protection ; / que dès lors si à ce stade il convient de souligner le caractère bénéfique du placement pour les enfants en ce qu'il leur permet de se poser et de s'apaiser à distance des conflits parentaux, il y a lieu aussi de faire le constat d'avancées moins notables de la part des parents qui demeurent dans leurs positionnements initiaux : aucune communication n'est possible entre Mme C... et M. H... malgré une volonté d'ouverture qui apparaît être de façade, chacun estime que l'autre représente un danger pour leurs enfants communs et ne perçoit pas les conséquences extrêmement préjudiciables pour L... et J... de grandir dans un tel climat ; / que la mesure de garde dont les conséquences positives n'irriguent pas encore toute la sphère familiale doit donc être maintenue sur un plus long terme de façon à protéger les enfants du conflit massif et persistant entre les parents et tenter d'accompagner ces derniers vers une prise de conscience et la recherche de l'intérêt supérieur de leurs enfants ; / qu'en conséquence les visites médiatisées qui viennent de commencer au sein de Contexte et thérapie doivent perdurer en ce qu'ils sont un maillon essentiel du travail éducatif, il n'y a cependant pas lieu de suspendre les contacts téléphoniques parents-enfants qui peuvent demeurer à une fréquence au moins hebdomadaire dans la mesure où ils s'effectuent en présence d'un tiers de façon à garantir que L... et J... ne soient pas envahis par la problématique familiale » (Tribunal p. 1 et s.) ;

alors qu'aux termes de l'article 1180-5 du code de procédure civile, ensemble l'article 375-7 al. 4 et 5 du code civil, quand une mesure d'assistance éducative est prononcée, il appartient au juge de fixer la périodicité et durée du droit de visite médiatisé des parents ; qu'à défaut d'avoir précisé ces éléments, la cour a violé les textes susvisés.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-25894
Date de la décision : 15/01/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

MINEUR - Assistance éducative - Intervention du juge des enfants - Mesures d'assistance - Placement - Droit de visite des parents - Exercice - Modalités - Fixation - Pouvoirs du juge

Il résulte de la combinaison des articles 375-7, alinéa 4, du code civil et 1199-3 du code de procédure civile que, lorsque le juge des enfants décide que le droit de visite du ou des parents de l'enfant confié à une personne ou un établissement ne peut être exercé qu'en présence d'un tiers, il en fixe la fréquence dans sa décision, sauf à ce que, sous son contrôle, les conditions d'exercice de ce droit soient laissées à une détermination conjointe entre le ou les parents et la personne, le service ou l'établissement à qui l'enfant est confié


Références :

article 375-7, alinéa 4, du code civil

article 1199-3 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 février 2018

Sur les pouvoirs du juge dans la fixation des modalités du droit de visite des parents en cas de placement de l'enfant, à rapprocher : 1re Civ., 13 mars 2007, pourvoi n° 06-11674, Bull. 2007, I, n° 112 (cassation partielle) ;1re Civ., 15 janvier 2020, pourvoi n° 18-25313, Bull. 2020, I, (cassation partielle sans renvoi)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 jan. 2020, pourvoi n°18-25894, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Hémery, Thomas-Raquin et Le Guerer

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.25894
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