La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2019 | FRANCE | N°18-12327

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 décembre 2019, 18-12327


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 décembre 2019

Cassation partielle sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 1112 FS-P+B+R+I

Pourvoi n° W 18-12.327

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 DÉCEMBRE 2019

1°/ M. J... U...,

2°/ M.

L... G...,

domiciliés tous deux [...], et agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de R... U... G...,

ont formé le po...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 décembre 2019

Cassation partielle sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 1112 FS-P+B+R+I

Pourvoi n° W 18-12.327

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 DÉCEMBRE 2019

1°/ M. J... U...,

2°/ M. L... G...,

domiciliés tous deux [...], et agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de R... U... G...,

ont formé le pourvoi n° W 18-12.327 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2017 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre A), dans le litige les opposant au procureur général de la cour d'appel de Rennes, domicilié [...], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations et les plaidoiries de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de MM. U... et G..., tant en leur nom qu'ès qualités, l'avis de M. Sassoust, avocat général, à la suite duquel le président a demandé si l'avocat souhaitait présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2019 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Hascher, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Poinseaux, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Azar, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre.

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 décembre 2017), aux termes de son acte de naissance américain, R... U... G... est né le [...] à Las Vegas (Nevada, Etats-Unis d'Amérique) ayant pour « père » M. U... et pour « parent » M. G..., tous deux de nationalité française et mariés le 22 novembre 2014 devant l'officier de l'état civil de la commune de Fouesnant. Les deux hommes ont eu recours à une convention de gestation pour autrui au Nevada.

2. Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s'étant opposé à leur demande de transcription de l'acte de naissance sur les registres de l'état civil consulaire, MM. G... et U... l'ont assigné à cette fin.

3. Par un arrêt du 20 mars 2019 (1re Civ., 20 mars 2019, pourvois n° 18-50.008 et 18-12.327), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Rennes contre l'arrêt ordonnant la transcription partielle des actes de naissance et a sursis à statuer sur le pourvoi n° 18-12.327 formé par MM. G... et U... dans l'attente de l'avis de la Cour européenne des droits de l'homme et de l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation à intervenir sur le pourvoi n° 10-19.053.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

4. MM. U... et G... font grief à l'arrêt de rejeter la demande de M. G... tendant à la transcription de l'acte de naissance dressé par l'officier de l'état civil de l'Etat du Nevada, de R... U... G... s'agissant de sa désignation comme parent de l'enfant alors :

« 1°/ que tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que les actes de naissance et de reconnaissance de l'état civil français énoncent les dates et lieux de naissance des parents ; qu'en infirmant le jugement déféré en ce qu'il avait ordonné la transcription de l'acte de naissance de R... s'agissant de la désignation de M. G... comme « parent », après avoir constaté que selon l'acte de naissance, R... a pour « parents » M. L... G... et M. J... U..., la cour d'appel a violé les articles 47 et 34, a), du code civil ;

2°/ subsidiairement, qu'en infirmant le jugement en ce qu'il avait ordonné la transcription sur les registres de l'état civil français de l'acte de naissance de R... s'agissant de la désignation de M. G... comme parent, la cour d'appel a méconnu le principe général de droit international privé de continuité du statut personnel, procédant également de l'intérêt supérieur de l'enfant, garanti par l'article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 47 du code civil :

5. Aux termes de l'article 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.

6. Aux termes de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

7. Aux termes de l'article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

8. Il se déduit du deuxième de ces textes, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme (avis consultatif du 10 avril 2019), qu'au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant, la circonstance que la naissance d'un enfant à l'étranger ait pour origine une convention de gestation pour autrui, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du code civil, ne peut, à elle seule, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l'enfant, faire obstacle à la transcription de l'acte de naissance établi par les autorités de l'Etat étranger, en ce qui concerne le père biologique de l'enfant, ni à la reconnaissance du lien de filiation à l'égard de la mère d'intention mentionnée dans l'acte étranger, laquelle doit intervenir au plus tard lorsque ce lien entre l'enfant et la mère d'intention s'est concrétisé (Ass. plén., 4 octobre 2019, pourvoi n° 10-19.053, publié, paragraphe 6).

9. Le raisonnement n'a pas lieu d'être différent lorsque c'est un homme qui est désigné dans l'acte de naissance étranger comme « parent d'intention ».

10. La jurisprudence de la Cour de cassation (1re Civ., 5 juillet 2017, pourvois n° 15-28.597, Bull. 2017, I, n° 163, n° 16-16.901 et 16-50.025, Bull. 2017, I, n° 164 et n° 16-16.455, Bull. 2017, I, n°165) qui, en présence d'un vide juridique et dans une recherche d'équilibre entre l'interdit d'ordre public de la gestation pour autrui et l'intérêt supérieur de l'enfant, a refusé, au visa de l'article 47 du code civil, la transcription totale des actes de naissance étrangers des enfants en considération, notamment, de l'absence de disproportion de l'atteinte portée au droit au respect de leur vie privée dès lors que la voie de l'adoption était ouverte à l'époux ou l'épouse du père biologique, ne peut trouver application lorsque l'introduction d'une procédure d'adoption s'avère impossible ou inadaptée à la situation des intéressés.

11. Ainsi, dans l'arrêt précité, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a admis, au regard des impératifs susvisés et des circonstances de l'espèce, la transcription d'actes de naissance étrangers d'enfants nées à l'issue d'une convention de gestation pour autrui, qui désignaient le père biologique et la mère d'intention.

12. Au regard des mêmes impératifs et afin d'unifier le traitement des situations, il convient de faire évoluer la jurisprudence en retenant qu'en présence d'une action aux fins de transcription de l'acte de naissance étranger de l'enfant, qui n'est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, ni la circonstance que l'enfant soit né à l'issue d'une convention de gestation pour autrui ni celle que cet acte désigne le père biologique de l'enfant et un deuxième homme comme père ne constituent des obstacles à la transcription de l'acte sur les registres de l'état civil, lorsque celui-ci est probant au sens de l'article 47 du code civil.

13. Pour ordonner la transcription partielle de l'acte de naissance de R... et rejeter la demande en ce que cet acte désigne M. G... en qualité de parent, l'arrêt retient que cet acte n'est pas conforme à la réalité et que la transcription partielle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l'enfant dès lors que l'adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant, de créer un lien de filiation entre celui-ci et l'époux de son père.

14. En statuant ainsi, alors que, saisie d'une demande de transcription d'un acte de l'état civil étranger, elle constatait que celui-ci était régulier, exempt de fraude et avait été établi conformément au droit de l'Etat du Nevada, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. G... tendant à la transcription, sur les registres de l'état civil, de l'acte de naissance dressé par l'officier de l'état civil de l'Etat du Nevada, de R... U... G... , né le [...] à Las Vegas (Comté de D..., Etat du Nevada, Etats-Unis d'Amérique), s'agissant de sa désignation comme parent de l'enfant, l'arrêt rendu le 18 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement rendu le 23 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Nantes ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. U... et G... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour MM. U... et G...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. L..., K..., H... G..., né le [...] à Douarnenez, de sa demande de transcription de l'acte de naissance dressé par l'officier de l'état civil de l'Etat du Nevada, de R... U... G..., né le [...] à Las Vegas (Comté de D..., Etat du Nevada, Etats-Unis d'Amérique), s'agissant de sa désignation comme parent de l'enfant ;

aux motifs que « les premiers juges pour faire droit à la demande de transcription complète de l'acte de naissance de R... U... G... né le 19 décembre 2014 dans l'Etat du Nevada, ayant pour mère/parent nom légal actuel L..., K..., H... G..., né le [...] en France et pour père/parent nom légal actuel J..., N..., C... U... , né le [...] en France, après avoir relevé que la régularité formelle de l'acte n'est pas contestée par le ministère public, l'acte étant régulièrement traduit et apostillé conformément à la Convention de La Haye, ont dit que comme le reconnaît le ministère public, la réalité de l'article 47 du code civil n'est pas nécessairement une réalité factuelle ou biologique, mais correspond à une réalité juridique, que selon le certificat de coutume produit, la loi de l'Etat du Nevada permet de déclarer un enfant de couple de personnes de même sexe et avoir le nom des deux parents sur son acte de naissance, que l'acte est conforme à la loi américaine qui lui est applicable, que les faits qui y sont déclarés correspondent à la réalité juridique, qu'il n'est nullement contesté que l'enfant disposerait d'autres liens de filiation que celui qui résulte de son acte de naissance dressé aux Etats-Unis, que l'acte est donc conforme à la réalité juridique ; que la loi du 17 mai 2013 permet à un couple homosexuel d'adopter, que l'acte de naissance de l'enfant adopté portera comme parents le nom de deux personnes de même sexe et l'article 34 a du code civil précise que les actes de l'état civil énonceront les dates et lieux de naissance des parents dans les actes de naissance et de reconnaissance et ne fait pas référence au père et à la mère, que le fait que l'enfant ait pour parents deux personnes du même sexe n'est donc pas contraire à l'ordre public international français puisque l'ordre public interne français reconnaît cette possibilité expressément dans le cadre de l'adoption, qu'il y a lieu à l'application des dispositions des articles 311-14 et non de l'article 311-15 du code civil, du fait que l'enfant a deux nationalités, qu'un refus de transcription de l'acte de naissance ne peut être opposé à un droit régulièrement acquis à l'étranger car ce refus aurait pour conséquence de porter atteinte aux droits garantis par les conventions internationales ratifiées par la France, en particulier, le droit au respect de la vie privée et familiale de l'enfant, le droit à une identité familiale qui inclut la filiation ; l'article 47 du code civil énonce que « tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité » ; le juge, saisi d'une demande de transcription de l'acte de naissance sur les registres de l'état civil français, est tenu d'examiner la question à la lumière de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, garantissant à l'enfant, dont l'intérêt supérieur est une considération primordiale dans toutes les décisions le concernant en vertu de l'article 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l'enfant, le droit au respect de sa vie privée et familiale ; en considération de l'intérêt supérieur des enfants déjà nés, le recours à la gestation pour autrui ne fait plus obstacle à la transcription d'un acte de naissance étranger sur les registres de l'état civil français, lorsque les conditions de l'article 47 du code civil sont remplies, ni à l'établissement de la filiation paternelle ; la marge d'appréciation dont disposent les Etats au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, est atténuée en matière de parenté d'intention ; (
) concernant la désignation de « la mère/parent/nom légal actuel » en la personne de M. G... dans l'acte de naissance, la réalité au sens de l'article 47 du code civil est la réalité juridique consacrée par la loi française ; en effet, si le droit opère transformation du réel au sens de l'article 47 du code civil par des mécanismes de substitution, le droit positif ne permet de déroger à la réalité matérielle ou biologique que dans les cas expressément prévus et organisés par le législateur, correspondant à une situation juridique nouvelle, comme en matière d'adoption ou de procréation médicalement assistée ; si le droit français reconnaît à un couple homosexuel le droit de devenir parents depuis la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage et l'adoption pour les couples de personnes de même sexe, c'est uniquement par la voie de l'adoption de l'enfant du conjoint (article 345-1-1 du code civil ou l'adoption réalisée conjointement par le couple homosexuel), ceci constituant le cadre juridique à partir duquel il convient de vérifier si l'acte de naissance étranger est conforme à la réalité juridique de l'article 47 du code civil ; en l'espèce, l'acte de naissance dressé dans le Nevada institue comme parent légal M. G... sans qu'une adoption ait consacré le lien de filiation à l'égard du conjoint du père biologique des enfants (M. U... ) et ne correspond pas à la réalité, en l'absence de statut juridique conféré à la paternité d'intention et alors que la présomption de paternité est expressément exclue en l'espèce par la loi du 17 mai 2013 ; contrairement à ce que relèvent les premiers juges, le mécanisme de substitution opéré par la voie légale de l'adoption n'est donc pas transposable en l'espèce et il n'y a pas lieu de raisonner par analogie ; s'agissant du droit au respect de la vie privée et familiale de l'enfant, garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le refus de transcription de la filiation paternelle d'intention, lorsque l'enfant est né à l'étranger à l'issue d'une convention de gestation pour autrui, résulte de la loi et poursuit un but légitime en ce qu'il tend à la protection de l'enfant et de la mère porteuse et vise à décourager cette pratique, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du code civil ; le refus de transcription ne crée pas de discrimination injustifiée en raison de la naissance et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'enfant, au regard du but légitime poursuivi ; en effet, l'accueil de l'enfant au sein du foyer constitué par le père et son époux n'est pas remis en cause par les autorités françaises et l'adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant, de créer un lien de filiation entre R... et l'époux de son père ; le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a ordonné la transcription sur les registres de l'état civil français, de l'acte de naissance de R... U... G... , s'agissant de la désignation de L... G... comme parent ; la transcription partielle dudit acte de naissance s'agissant de la filiation paternelle de l'enfant sera donc ordonnée » ;

alors 1°/ que tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que les actes de naissance et de reconnaissance de l'état civil français énoncent les dates et lieux de naissance des parents ; qu'en infirmant le jugement déféré en ce qu'il avait ordonné la transcription de l'acte de naissance de R... s'agissant de la désignation de M. G... comme « parent », après avoir constaté que selon l'acte de naissance R... a pour « parents » M. L... G... et M. J... U... , la cour d'appel a violé les articles 47 et 34 a) du code civil ;

alors subsidiairement, 2°/ que si la mère d'un enfant n'est pas connue, la filiation est régie par la loi personnelle de l'enfant ; qu'en considérant que la réalité au sens de l'article 47 du code civil serait la réalité juridique consacrée par la loi française, quand il était constant et acquis au débat que R... n'avait pas de mère connue et qu'il était de nationalité américaine, la cour d'appel a violé l'article 311-14 du code civil ;

alors subsidiairement 3°/ qu'en infirmant le jugement en ce qu'il avait ordonné la transcription sur les registres de l'état civil français de l'acte de naissance de R... s'agissant de la désignation de M. G... comme parent, la cour d'appel a méconnu le principe général de droit international privé de continuité du statut personnel, procédant également de l'intérêt supérieur de l'enfant, garanti par l'article 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l'enfant ;

alors 4°/ que la circonstance qu'un enfant est né dans le cadre d'une convention de gestation pour autrui ne fait pas obstacle à la transcription de son acte de naissance sur les registres français de l'état civil ; qu'en considérant, pour infirmer le jugement en ce qu'il avait ordonné la transcription sur les registres de l'état civil français de l'acte de naissance de R... s'agissant de la désignation de M. G... comme parent, que le refus de transcription de la filiation paternelle d'intention, lorsque l'enfant est né à l'étranger à l'issue d'une convention de gestation pour autrui, résulterait de la loi et poursuivrait un but légitime en ce qu'il tendrait à la protection de l'enfant et de la mère porteuse et vise à décourager cette pratique, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du code civil, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

alors 5°/ qu'en infirmant le jugement déféré en ce qu'il avait ordonné la transcription sur les registres de l'état civil français de l'acte de naissance de R... s'agissant de la désignation de M. G... comme parent, la cour d'appel fait subir à R... un traitement discriminatoire par rapport aux autres enfants nés à l'étranger, en raison des circonstances de sa naissance qui ne lui sont pas imputables, violant ainsi les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-12327
Date de la décision : 18/12/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

ETAT CIVIL - Acte de l'état civil - Acte dressé à l'étranger - Transcription - Cas - Parent d'intention dans le cadre d'une convention de gestation pour autrui - Conditions - Acte de naissance étranger probant au sens de l'article 47 du code civil

FILIATION - Actions relatives à la filiation - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Action aux fins de transcription de l'acte de naissance étranger de l'enfant - Portée

En présence d'une action aux fins de transcription de l'acte de naissance étranger de l'enfant, qui n'est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, ni la circonstance que l'enfant soit né à l'issue d'une convention de gestation pour autrui ni celle que cet acte désigne le père biologique de l'enfant et un deuxième homme comme père ne constituent des obstacles à la transcription de l'acte sur les registres de l'état civil, lorsque celui-ci est probant au sens de l'article 47 du code civil


Références :

article 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant

article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

article 47 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 18 décembre 2017

Sur le caractère probant de l'acte de naissance étranger conditionnant la transcription, à rapprocher :1re Civ., 18 décembre 2019, pourvoi n° 18-11815, Bull. 2019, (cassation partielle sans renvoi) ;1re Civ., 18 décembre 2019, pourvois n° 18-14.751, Bull. 2019, (cassation partielle sans renvoi)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 18 déc. 2019, pourvoi n°18-12327, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.12327
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award