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05/06/2019 | FRANCE | N°18-13843

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 05 juin 2019, 18-13843


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 53 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et 6 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, ensemble les articles 3 bis et 56 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que tout avocat régulièrement inscrit à un barr

eau peut donner des consultations juridiques gratuites en mairie, sans que l'exer...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 53 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et 6 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, ensemble les articles 3 bis et 56 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que tout avocat régulièrement inscrit à un barreau peut donner des consultations juridiques gratuites en mairie, sans que l'exercice de cette activité soit subordonné à l'autorisation préalable du conseil de l'ordre ni que cet avocat soit tenu de démontrer l'existence d'un besoin particulier ou d'un intérêt public local ; qu'il a l'obligation, à l'occasion de ces consultations et sous le contrôle du conseil de l'ordre, de respecter les principes essentiels qui gouvernent sa profession ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par délibération du 15 décembre 2016, le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Bastia a rejeté la demande de Mme Y..., avocat audit barreau, tendant à dispenser des consultations juridiques gratuites dans les locaux de la mairie de la commune de Santa-Lucia-di-Moriani (la commune) ; que Mme Y... a formé un recours aux fins d'annulation de cette décision ; que le Syndicat des avocats de France est intervenu volontairement à l'instance ;

Attendu que, pour rejeter son recours, l'arrêt retient, d'une part, que, faute d'éléments permettant de connaître précisément les modalités d'intervention convenues entre Mme Y... et la commune pour dispenser ces consultations juridiques, il n'est pas possible de savoir si celles-ci généreront une concurrence déloyale et respecteront les règles de confidentialité, d'autre part, que l'existence d'un besoin local n'est pas démontrée ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette le recours formé par Mme Y..., l'arrêt rendu le 6 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne l'ordre des avocats au barreau de Bastia aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme Y... et au Syndicat des avocats de France la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme S... Y... et le Syndicat des avocats de France.

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Maître Y... de son recours tendant à l'annulation de la délibération du conseil de l'ordre des avocats de Bastia en date du 17 décembre 2016.

AUX MOTIFS QUE il est constant qu'un avocat peut donner des consultations juridiques gratuites en mairie, hors le cadre d'un conseil départemental d'accès au droit (CDAD) ; que l'avis du 24 novembre 2011 (n° 2011/049) du centre national des barreaux le rappelle justement ; que toutefois, il apparaît nécessaire, tout d'abord, que les conditions de cette consultation soient fixées entre la mairie intéressée et le conseil, celui-ci agissant pour le compte de la mairie ; que faute d'éléments suffisants et de production de pièces permettant de connaître précisément les modalités d'intervention convenues entre Me S... Y... et la commune de Santa Lucia di Moriani pour dispenser ces consultations juridiques, il n'est pas possible de savoir, comme le fait valoir justement l'ordre des avocats du barreau de Bastia, si celles-ci généreraient une concurrence déloyale et ne respecteraient pas les règles de la confidentialité ; que par ailleurs, les consultations doivent répondre à un besoin local de la population ; qu'aucun élément n'est versé quant à cette condition ; qu'il convient de préciser que la commune de Santa Lucia di Moriani est une commune comprenant 1300 habitants, située à proximité d'autres communes de taille identique ou plus importante et à 40 kilomètres de Bastia ; que de plus, le CDAD de Haute-Corse a instauré des consultations juridiques gratuites, tenues par des avocats au barreau de Bastia, à Moriani ; que dès lors, la demanderesse ne saurait affirmer de façon fondée qu' « aucun service de consultations gratuites n'a été mis en place dans la région » ; qu'aussi, l'existence d'un besoin local n'est pas démontrée, et la condition ci-dessus rappelée n'est pas réunie.

1° ALORS QUE tout avocat régulièrement inscrit dans un barreau peut librement, et sans autorisation préalable de son ordre, donner des consultations gratuites en mairie dans un autre cadre que celui du conseil départemental de l'accès au droit, sans qu'il soit nécessaire qu'une convention fixant les modalités d'organisation soit préalablement signée entre la mairie et le conseil de l'ordre concernés ou que l'avocat ait obtenu l'autorisation préalable de son ordre ; qu'en reprochant à l'avocat exposant de ne pas avoir justifié de ce que les consultations juridiques gratuites avaient donné lieu à une convention entre la mairie intéressée et le conseil de l'ordre des avocats sur les modalités d'organisation et qu'elles ne généreraient pas une concurrence déloyale et respecteraient les règles de confidentialité, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qui n'y figure pas et partant a violé l'article 53 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et l'article 6 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005.

2° ALORS QUE, en tout état de cause, pèse sur l'avocat dans l'exercice de son activité professionnelle, l'obligation au secret professionnel et l'interdiction de concurrence déloyale ; qu'en reprochant à l'avocat exposant de ne pas avoir justifié que la consultation juridique gratuite qu'elle avait organisée ne générerait pas une concurrence déloyale et ne respecterait pas les règles de confidentialité quand ces obligations lui incombaient dans l'exercice de sa profession et qu'il n'avait, par conséquent, aucune preuve à rapporter, la cour d'appel a violé l'article 55 de la loi du 31 décembre 1971, le décret du 12 juillet 2005 et le règlement interne unifié national de la profession d'avocat.

3° ALORS QUE la consultation juridique gratuite, destinée notamment à fournir aux habitants de la commune des renseignements pratiques et à les orienter vers les services administratifs, les juridictions ou les hommes de loi compétents, assurée par un avocat à la cour d'appel, répond nécessairement à un besoin de la population d'une commune lorsqu'aucun service de cette sorte n'existe déjà sur son territoire ; qu'ayant constaté qu'aucune consultation juridique gratuite n'existait dans la commune de Santa Lucia di Moriani, tout en refusant d'en déduire qu'elle répondait à un besoin local de la population, la cour d'appel a violé l'article 53 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et l'article 6 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005.

4° ALORS QUE, en tout état de cause, en considérant que le besoin local de la population d'avoir un service de consultations juridiques gratuites n'existait pas parce que des communes de taille identique ou plus importante existaient à proximité de Santa Lucia di Moriani et que 40 kilomètres la séparaient de Bastia, quand, d'une part, elle s'est abstenue de relever que dans les communes situées à proximité une consultation juridique gratuite était déjà en place et, d'autre part, une distance de 40 kilomètres constitue pour certaines personnes un obstacle à l'accès au droit, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et partant a violé l'article 53 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et l'article 6 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005.

5° ALORS QUE en considérant que le besoin local de la population d'avoir une permanence juridique gratuite n'existait pas dans la mesure où le conseil départemental d'accès au droit de Haute-Corse avait instauré des consultations juridiques gratuites, tenues par des avocats du barreau de Bastia à Moriani, sans répondre au moyen de l'avocat exposant qui soulignait qu'il se déduisait de la création de ces consultations qu'un besoin existait à Santa Lucia di Moriani et qu'en toute hypothèse, ces consultations n'étaient pas systématiquement tenues par des avocats mais par des assistantes juridiques et n'avaient lieu qu'un mois sur deux sur la commune de Ghisonnaccia, de sorte que le besoin au sein de la commune de Santa Lucia di Moriani était toujours actuel, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-13843
Date de la décision : 05/06/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Exercice de la profession - Consultations juridiques - Consultations gratuites en mairie - Conditions - Détermination

AVOCAT - Déontologie - Principes essentiels de la profession - Domaine d'application - Consultations juridiques gratuites en mairie - Portée AVOCAT - Conseil de l'ordre - Autorisation préalable - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Projet d'un avocat de donner des consultations juridiques gratuites en mairie

Il résulte de la combinaison des articles 53 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, 6 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, 3 bis et 56 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que tout avocat régulièrement inscrit à un barreau peut donner des consultations juridiques gratuites en mairie, sans que l'exercice de cette activité soit subordonné à l'autorisation préalable du conseil de l'ordre ni que cet avocat soit tenu de démontrer l'existence d'un besoin particulier ou d'un intérêt public local. Il a l'obligation, à l'occasion de ces consultations et sous le contrôle du conseil de l'ordre, de respecter les principes essentiels qui gouvernent sa profession


Références :

article 53 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991

article 6 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005

articles 3 bis et 56 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 06 septembre 2017

Sur la possibilité pour l'avocat de dispenser des consultations juridiques gratuites en dehors de son cabinet sous réserve du respect des règles déontologiques de la profession, à rapprocher : 1re Civ., 16 juillet 1985, pourvoi n° 84-14834, Bull. 1985, I, n° 221 (rejet)

arrêt cité. Sur le principe de l'absence d'autorisation préalable du conseil de l'ordre quant au projet d'un avocat de donner des consultations juridiques gratuites en mairie, à rapprocher : 1re Civ., 29 avril 1980, pourvoi n° 79-11988, Bull. 1980, I, n° 131 (2) (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 05 jui. 2019, pourvoi n°18-13843, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.13843
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