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04/04/2019 | FRANCE | N°17-16649

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 avril 2019, 17-16649


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 avril 2019

Cassation partielle sans renvoi

Mme FLISE, président

Arrêt n° 474 FS-P+B+I

Pourvoi n° Y 17-16.649

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la caisse p

rimaire d'assurance maladie (CPAM) du Hainaut, dont le siège est [...], contre l'arrêt rendu le 17 février 2017 par la cour d'appel de Douai (s...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 avril 2019

Cassation partielle sans renvoi

Mme FLISE, président

Arrêt n° 474 FS-P+B+I

Pourvoi n° Y 17-16.649

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Hainaut, dont le siège est [...], contre l'arrêt rendu le 17 février 2017 par la cour d'appel de Douai (sécurité sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Eternit, au nom commercial ECCF, société par actions simplifiée, dont le siège est [...],

2°/ à Mme I... B..., veuve W..., domiciliée [...], 59220 Denain,

3°/ à Mme C... W..., épouse J..., domiciliée [...], 59220 Denain, prise tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son fils mineur V... J..., né le [...],

4°/ à M. L... W..., domicilié [...], 59295 Paillencourt, pris tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure, P... W..., née le [...],

5°/ à Mme S... J..., domiciliée [...], 59220 Rouvignies,

6°/ à M. X... J..., domicilié [...], 59220 Denain, défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 mars 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Palle, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, MM. Cadiot, Decomble, Mmes Vieillard, Taillandier-Thomas, Coutou, conseillers, Mmes Brinet, Le Fischer, Vigneras, Dudit, conseillers référendaires, M. de Monteynard, avocat général, Mme Szirek, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Palle, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Eternit, aux droits de laquelle vient la société ECCF, l'avis de M. de Monteynard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre de I... B..., veuve W... ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu les articles L. 452-1 à L. 452-3 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que la faute inexcusable de l'employeur ne pouvant être retenue que pour autant que l'affection déclarée par la victime revêt le caractère d'une maladie professionnelle, il s'ensuit que l'employeur dont la faute inexcusable a été reconnue par une décision irrévocable, dans une instance à laquelle l'organisme social était appelé, n'est pas fondé à contester ultérieurement le caractère professionnel de cette maladie à l'appui d'une demande en inopposabilité de la décision de prise en charge de celle-ci au titre de la législation professionnelle ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 9 juillet 2015, pourvoi n° 14-17.921), et les productions, que F... W..., salarié de 1951 à 1989 de la société Eternit aux droits de laquelle vient la société ECCF (la société), a effectué, le 2 mai 1987, une déclaration de maladie professionnelle en produisant un certificat médical initial faisant état d'une asbestose qui a été prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut au titre du tableau n° 30 A des maladies professionnelles ; que, par jugement du 30 novembre 2001, un tribunal des affaires de sécurité sociale a déclaré son action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur prescrite mais recevable sur le fondement de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998, a dit que sa maladie était due à la faute inexcusable de la société et qu'en application du paragraphe IV de ce texte, la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale supporterait la charge définitive des prestations, rentes et indemnités allouées ; qu'un certificat médical d'aggravation a été établi, le 23 juin 2006, diagnostiquant un mésothéliome malin ; que F... W... étant décédé le [...], ses ayants droit ont effectué une nouvelle déclaration de maladie professionnelle ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Valenciennes (la caisse) ayant, le 27 février 2007, pris en charge l'affection déclarée au titre du tableau n° 30 D des maladies professionnelles, ses ayants droit ont saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande d'indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de l'employeur ; qu'à l'occasion de cette instance ce dernier a contesté l'opposabilité de la décision de la caisse en soutenant le non respect du contradictoire au cours de l'instruction ; qu'une juridiction de sécurité sociale a reconnu la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de la maladie ; qu'en appel, au soutien de sa demande en inopposabilité de la décision de la caisse, l'employeur a contesté le caractère professionnel de la maladie en cause et du décès ;

Attendu que l'arrêt déclare inopposable à l'employeur la décision de la caisse du 27 février 2007 au motif que le caractère professionnel de l'affection déclarée n'est pas établi au regard des conditions fixées par le tableau n° 30 D des maladies professionnelles ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la faute inexcusable de l'employeur avait été reconnue par le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes du 14 mai 2010 confirmé par le dispositif de l'arrêt du 30 juin 2011 de la cour d'appel de Douai, non atteint par la cassation avec renvoi du 8 décembre 2012, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré inopposable à la société Eternit, aux droits de laquelle vient la société ECCF, la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut rendue le 27 février 2007 et en ce qu'il a dit que la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut ne pourra réclamer à la société Eternit, aux droits de laquelle vient la société ECCF, les sommes versées aux consorts B...-J... en suite de la maladie professionnelle et du décès de F... W..., l'arrêt rendu le 17 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande de la société Eternit, aux droits de laquelle vient la société ECCF, tendant à voir déclarer inopposable la décision du 27 février 2007 de la caisse primaire d'assurance maladie du Hainault de prise en charge de la maladie et du décès de F... W... au titre du tableau n° 30 D des maladies professionnelles ;

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie du Hainault pourra poursuivre à l'encontre la société ECCF le recouvrement des majorations et indemnisations accordées, consécutives à la faute inexcusable de la société Eternit, aux droits de laquelle vient la société ECCF, telles que fixées par le jugement du 14 mai 2010 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes ;

Condamne la société ECCF aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société ECCF et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QUE, statuant dans les limites de sa saisine suite à l'arrêt de la Cour de cassation du 9 juillet 2015, il a infirmé le jugement entrepris statuant à nouveau et y ajoutant déclaré inopposable à la société ETERNIT la décision de la CPAM du Hainaut rendue le 27 février 2007 et dit que la CPAM du Hainaut ne pourra réclamer à la société ETERNIT les sommes versées aux consorts B.../J... en suite de la maladie professionnelle et du décès de M.W... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « La société ETERNIT soutient que la preuve du caractère primitif du mésothéliome malin dont était atteint M.W... n'est pas démontrée alors qu'il s'agit d'une condition requise pour sa reconnaissance comme maladie professionnelle. La CPAM du Hainaut fait sur ce point valoir que l'expert judiciaire M... désigné avant dire droit par le TASS a conclu que M.W... était décédé des suites d'un mésothéliome péritonéal malin relevant d'une reconnaissance au tableau 30 D et que son caractère primitif ne fait pas de doute dans la mesure où il s'agissait d'un cancer primitif de la plèvre. Sur ce, le Tableau 30 D figurant en annexe de l'article R 461-3 du de la sécurité sociale fixant la liste des maladies professionnelles comprend, sous la rubrique des affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante, le « mésothéliome malin primitif de la plèvre, du péritoine, du péricarde », avec un délai de prise en charge de 30 ans. Pour caractériser l'existence d'une telle affection, la CPAM produit les éléments suivants, le dossier des consorts W... J... ne contenant aucune pièce différente sur le point débattu : -le certificat initial du docteur U..., pneumologue, en date du 23 juin 2006 ainsi rédigé : «14/1.W... est actuellement porteur d'une asbestose actuellement indemnisée à 100%. Ce patient s'est vu découvrir récemment une pathologie abdominale avec infiltration épiploique dont les prélèvements ont montré l'existence d'un mésothéliome malin dans sa forme épithéliale. Devant ces signes d'aggravation de maladie professionnelle notamment selon le tableau 30 C je demande qu'il puisse bénéficier d'une expertise...» le certificat du même médecin rédigé le 8 août 2006 suite au décès de M.W... «le soussigné certifie que M.W... est décédé dans le service de pneumologie du CH de DENAIN le [...] du fait d'une évolutivité d'un mésothéliome pleural abdominal venant compliquer une asbestose indemnisée... » Un dossier d'enquête administrative portant sur une asbestose professionnelle 30 A demandée le 19 janvier 2007, avec avis favorable de l'enquêteur à la prise en charge en 30D - deux imprimés non signés mentionnant, sous le timbre d'un médecin-conseil, un avis favorable ainsi rédigé : «reconnaissance d'une maladie professionnelle inscrite dans un tableau numéro de MP 030ADC451 date d'effet de la décision 23 juin 2006 le décès est imputable à l'AT MP ». Le rapport sur pièces de l'expert M... nommé par le tribunal des affaires de sécurité sociale caractérise les éléments suivants: M W... a été exposé à l'inhalation chronique de poussières d'amiante durant son activité professionnelle, il a souffert d'une asbestose professionnelle depuis 1987, il s'est vu découvrir en 2006 un mésothéliome malin ayant abouti à son décès le [...] , la mise en évidence du mésothéliome en août 2006 en terme de pathologie constitue une aggravation de celle-ci en terme d'incapacité permanente, le décès étant imputable à sa maladie professionnelle dont la première reconnaissance remonte à 1987, La Cour observe qu'il n'est fourni aucune pièce médicale permettant d'établir le caractère primitif du mésothéliome alors que le tableau des maladies professionnelles en fait une condition de reconnaissance de la maladie professionnelle sous la rubrique 30 D. Il ne ressort pas par ailleurs des certificats du docteur U... et du rapport de l'expert que le mésothéliome de M.W..., dont il est indiqué qu'il aurait été découvert quelques jours avant son décès, constitue une pathologie exempte de lien originel avec l'asbestose, le pneumologue évoquant selon le cas ou « aggravation» ou une «complication» de celle-ci. L'expert M... indique pour sa part :«l'amiante est le principal facteur de risque connu dans la survenue du mésothéliome malin primitif de la plèvre et du péritoine. Ces deux pathologies sont donc indépendantes quant à leur évolution mais liées toutes deux directement l'inhalation de fibres d'amiante ce qui les placent dans le même tableau des maladies professionnelles; ce qui permet d'englober l'IPP liée à l'asbestose à celle liée au mésothéliome. ». Les conclusions de cette expertise, réalisée sur pièces sans que le contenu desdites pièces soit détaillé, ne suffisent pas à établir l'existence d'un mésothéliome ayant pris naissance et s'étant développé indépendamment de l'asbestose. A cette absence d'élément probant quant à la primitivité du mésothéliome dans le cas de M.W... s'ajoutent les données de la littérature médicale versée aux débats aux termes de laquelle en raison du nombre important de cancers métastasant dans les poumons la preuve du caractère primitif d'un mésothéliome malin, affection rare, nécessite des examens médicaux particuliers (thorascopie, endoscopie, biopsies, thoracotomie) non réalisés en l'espèce. La Cour relèye enfm, comme le soutient l'employeur, qu'en application de l'article D461-7 dire" la sécurité sociale le certificat médical initial ne pouvait être pris en considération par la CPAM qu'après un examen radiologique dont l'existence n'est ni établie ni même alléguée. Il en sera déduit que le mésothéliome dont était atteint M.W... ne peut être considéré, vu les éléments versés aux débats, comme primitif au sens du tableau 30 D des maladies professionnelles » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, la faute inexcusable de l'employeur ne peut être retenue que pour autant que l'affection déclarée par la victime revêt le caractère d'une maladie professionnelle ; que de la même manière la décision de prise en charge d'une affection au titre de la législation professionnelle n'est opposable à l'employeur que pour autant que l'affection déclarée par la victime revêt le caractère d'une maladie professionnelle ; que lorsque l'employeur et la CPAM sont attraits à une même instance, visant tant à la reconnaissance de la faute inexcusable qu'à l'appréciation du bien-fondé de la décision de prise en charge, dans le cadre d'une demande d'inopposabilité, il est exclu que les juges décident que la prise en charge est fondée, s'agissant de la question de la faute inexcusable, mais qu'elle est infondée s'agissant de la question de l'opposabilité ; qu'au cas d'espèce, et dès lors que, dans l'instance ayant donné lieu à l'arrêt, la faute inexcusable était acquise, sur la base, notamment, du bien-fondé de la décision de prise en charge, les juges d'appel ne pouvaient décider que la décision de prise en charge était infondée, pour dire la prise en charge inopposable à l'employeur ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L. 452-1, L. 452-2, L. 452-3 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;

ET ALORS QUE, DEUXIEMENT, la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en relevant que le caractère professionnel de l'affection déclarée par M. W... n'était pas établi, pour dire la décision inopposable à l'employeur, quand il ressortait des motifs du jugement, qui s'incorporaient à l'arrêt, que le caractère professionnel de l'affection déclarée par M. W... était établi, pour les besoins de la qualification de la faute inexcusable, la Cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QUE, statuant dans les limites de sa saisine suite à l'arrêt de la Cour de cassation du 9 juillet 2015, il a infirmé le jugement entrepris statuant à nouveau et y ajoutant déclaré inopposable à la société ETERNIT la décision de la CPAM du Hainaut rendue le 27 février 2007 et dit que la CPAM du Hainaut ne pourra réclamer à la société ETERNIT les sommes versées aux consorts B.../J... en suite de la maladie professionnelle et du décès de M.W... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « La société ETERNIT soutient que la preuve du caractère primitif du mésothéliome malin dont était atteint M.W... n'est pas démontrée alors qu'il s'agit d'une condition requise pour sa reconnaissance comme maladie professionnelle. La CPAM du Hainaut fait sur ce point valoir que l'expert judiciaire M... désigné avant dire droit par le TASS a conclu que M.W... était décédé des suites d'un mésothéliome péritonéal malin relevant d'une reconnaissance au tableau 30 D et que son caractère primitif ne fait pas de doute dans la mesure où il s'agissait d'un cancer primitif de la plèvre. Sur ce, le Tableau 30 D figurant en annexe de l'article R 461-3 du de la sécurité sociale fixant la liste des maladies professionnelles comprend, sous la rubrique des affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante, le « mésothéliome malin primitif de la plèvre, du péritoine, du péricarde », avec un délai de prise en charge de 30 ans. Pour caractériser l'existence d'une telle affection, la CPAM produit les éléments suivants, le dossier des consorts W... J... ne contenant aucune pièce différente sur le point débattu : -le certificat initial du docteur U..., pneumologue, en date du 23 juin 2006 ainsi rédigé : «14/1.W... est actuellement porteur d'une asbestose actuellement indemnisée à 100%. Ce patient s'est vu découvrir récemment une pathologie abdominale avec infiltration épiploique dont les prélèvements ont montré l'existence d'un mésothéliome malin dans sa forme épithéliale. Devant ces signes d'aggravation de maladie professionnelle notamment selon le tableau 30 C je demande qu'il puisse bénéficier d'une expertise...» le certificat du même médecin rédigé le 8 août 2006 suite au décès de M.W... «le soussigné certifie que M.W... est décédé dans le service de pneumologie du CH de DENAIN le [...] du fait d'une évolutivité d'un mésothéliome pleural abdominal venant compliquer une asbestose indemnisée... » Un dossier d'enquête administrative portant sur une asbestose professionnelle 30 A demandée le 19 janvier 2007, avec avis favorable de l'enquêteur à la prise en charge en 30D - deux imprimés non signés mentionnant, sous le timbre d'un médecin-conseil, un avis favorable ainsi rédigé : «reconnaissance d'une maladie professionnelle inscrite dans un tableau numéro de MP 030ADC451 date d'effet de la décision 23 juin 2006 le décès est imputable à l'AT MP ». Le rapport sur pièces de l'expert M... nommé par le tribunal des affaires de sécurité sociale caractérise les éléments suivants: M W... a été exposé à l'inhalation chronique de poussières d'amiante durant son activité professionnelle, il a souffert d'une asbestose professionnelle depuis 1987, il s'est vu découvrir en 2006 un mésothéliome malin ayant abouti à son décès le [...] , la mise en évidence du mésothéliome en août 2006 en terme de pathologie constitue une aggravation de celle-ci en terme d'incapacité permanente, le décès étant imputable à sa maladie professionnelle dont la première reconnaissance remonte à 1987, La Cour observe qu'il n'est fourni aucune pièce médicale permettant d'établir le caractère primitif du mésothéliome alors que le tableau des maladies professionnelles en fait une condition de reconnaissance de la maladie professionnelle sous la rubrique 30 D. Il ne ressort pas par ailleurs des certificats du docteur U... et du rapport de l'expert que le mésothéliome de M.W..., dont il est indiqué qu'il aurait été découvert quelques jours avant son décès, constitue une pathologie exempte de lien originel avec l'asbestose, le pneumologue évoquant selon le cas ou « aggravation» ou une «complication» de celle-ci. L'expert M... indique pour sa part :«l'amiante est le principal facteur de risque connu dans la survenue du mésothéliome malin primitif de la plèvre et du péritoine. Ces deux pathologies sont donc indépendantes quant à leur évolution mais liées toutes deux directement l'inhalation de fibres d'amiante ce qui les placent dans le même tableau des maladies professionnelles; ce qui permet d'englober l'IPP liée à l'asbestose à celle liée au mésothéliome. ». Les conclusions de cette expertise, réalisée sur pièces sans que le contenu desdites pièces soit détaillé, ne suffisent pas à établir l'existence d'un mésothéliome ayant pris naissance et s'étant développé indépendamment de l'asbestose. A cette absence d'élément probant quant à la primitivité du mésothéliome dans le cas de M.W... s'ajoutent les données de la littérature médicale versée aux débats aux termes de laquelle en raison du nombre important de cancers métastasant dans les poumons la preuve du caractère primitif d'un mésothéliome malin, affection rare, nécessite des examens médicaux particuliers (thorascopie, endoscopie, biopsies, thoracotomie) non réalisés en l'espèce. La Cour relèye enfm, comme le soutient l'employeur, qu'en application de l'article D461-7 dire" la sécurité sociale le certificat médical initial ne pouvait être pris en considération par la CPAM qu'après un examen radiologique dont l'existence n'est ni établie ni même alléguée. Il en sera déduit que le mésothéliome dont était atteint M.W... ne peut être considéré, vu les éléments versés aux débats, comme primitif au sens du tableau 30 D des maladies professionnelles » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, si le tableau n°30 D des maladies professionnelles pose une condition de primitivité du cancer, cette condition signifie que le cancer ne doit pas résulter de métastases, issues d'un cancer primitif logé dans un autre organe ; qu'en exigeant la preuve de ce que le mésothéliome ait pris naissance et se soit développé indépendamment de l'asbestose – soit d'une fibrose pulmonaire non cancéreuse – dont l'assuré était atteint, quand le lien entre l'asbestose et le mésothéliome n'était pas de nature à remettre en cause le caractère primitif du mésothéliome, les juges d'appel ont violé l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, ensemble le tableau 30 D des maladies professionnelles ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, en retenant, pour dire la décision inopposable, que le certificat médical initial ne pouvait être pris en considération par la CPAM qu'après un examen radiologique quand le tableau n°30 D des maladies professionnelles n'exige aucun examen de ce type et quand, eu égard au caractère incontesté et incontestable du respect de la condition tenant au délai de prise en charge, les dispositions de l'article D. 461-7 du Code de la sécurité sociale, qui prévoient la réalisation d'un examen pour la détermination de la date de première constatation médicale était inapplicables, la Cour d'appel a violé les articles L. 461-1, L. 461-2 et D. 461-7 du Code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n°30 D des maladies professionnelles.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-16649
Date de la décision : 04/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Procédure - Procédure préliminaire - Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie - Décision de la caisse - Décision de prise en charge - Contestation - Faute inexcusable reconnue par une décision antérieure irrévocable - Effets - Détermination - Portée

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Action de la victime - Caractère professionnel de l'accident ou de la maladie - Contestation par l'employeur - Contestation postérieure à la décision irrévocable relative à la reconnaissance de la faute inexcusable - Demande en inopposabilité de la décision de prise en charge par la caisse au titre de la législation professionnelle - Recevabilité (non)

La faute inexcusable de l'employeur ne pouvant être retenue que pour autant que l'affection déclarée par la victime revêt le caractère d'une maladie professionnelle, il s'ensuit que l'employeur dont la faute inexcusable a été reconnue par une décision irrévocable, dans une instance à laquelle l'organisme social était appelé, n'est pas fondé à contester ultérieurement le caractère professionnel de cette maladie à l'appui d'une demande en inopposabilité de la décision de prise en charge de celle-ci au titre de la législation professionnelle. Dès lors, viole les articles L. 452-1 à L. 452-3 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel qui accueille la demande en inopposabilité de l'employeur contre la décision de la caisse prenant en charge la maladie au titre de la législation professionnelle, alors qu'elle constate que la faute inexcusable de celui-ci a été reconnue par un jugement irrévocable


Références :

articles L. 452-1 à L. 452-3 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 17 février 2017

Sur l'indépendance de la prise en charge au titre de la législation professionnelle et de l'action en reconnaissance la faute inexcusable de l'employeur, à rapprocher :2e Civ., 8 novembre 2018, pourvoi n° 17-25843, Bull. 2018, II (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 avr. 2019, pourvoi n°17-16649, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.16649
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