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28/03/2019 | FRANCE | N°18-14125;18-15855

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 28 mars 2019, 18-14125 et suivant


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 mars 2019

Cassation

Mme FLISE, président

Arrêt n° 453 F-P+B

Pourvois n° A 18-14.125
et F 18-15.855 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Statuant sur le pourvoi n° A 18-14.125

formé par :

1°/ M. U... A...,

2°/ Mme L... C..., épouse A...,

3°/ M. D... A..., domiciliés tous trois [...], contre l'arrêt rendu le 16 janvie...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 mars 2019

Cassation

Mme FLISE, président

Arrêt n° 453 F-P+B

Pourvois n° A 18-14.125
et F 18-15.855 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Statuant sur le pourvoi n° A 18-14.125 formé par :

1°/ M. U... A...,

2°/ Mme L... C..., épouse A...,

3°/ M. D... A..., domiciliés tous trois [...], contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2018 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre C), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Areas dommages, dont le siège est [...],

2°/ à M. Z... S...,

3°/ à Mme Y... P... , épouse S...,

4°/ à M. J... S...,

5°/ à Mme K... B..., domiciliés tous quatre [...],

6°/ à M. Q... S...,

7°/ à Mme M... G..., domiciliés tous deux [...], défendeurs à la cassation ;

II - Statuant sur le pourvoi n° F 18-15.855 formé par :

1°/ M. Z... S...,

2°/ Mme Y... P... , épouse S...,

3°/ M. J... S...,

4°/ M. Q... S...,

5°/ Mme M... G...,

6°/ Mme K... B..., contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :

1°/ à la société Areas dommages,

2°/ à M. U... A...,

3°/ à Mme L... C..., épouse A...,

4°/ à M. D... A..., défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs au pourvoi n° 18-14.125 invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi n° 18-15.855 invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 20 février 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, M. Savatier, conseiller doyen, Mme Rosette, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de Mme L... A... et MM. U... et D... A..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mmes Y... S..., M... G... et K... B... et MM. Z..., J... et Q... S..., de Me Le Prado, avocat de la société Areas dommages, l'avis de M. Lavigne, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Joint les pourvois n° 18-14.125 et 18-15.855 ;

Sur le moyen unique de chaque pourvoi, pris en leur première branche, qui sont similaires :

Vu l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

Attendu que seule est inexcusable au sens de ce texte la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 14 octobre 2012, vers minuit trente, T... S... et M. D... A..., mineurs, circulaient à bicyclettes sur une route départementale, quand ils ont été heurtés par le véhicule conduit par M. F..., qui arrivait en sens inverse et effectuait une manoeuvre de dépassement ; que T... S... est décédé lors de l'accident et M. D... A... a été blessé ; que la société Areas dommages, assureur de M. F..., a assigné M. Z... S... et Mme Y... S..., parents de T... S..., M. D... A..., ainsi que ses parents, M. U... A... et Mme L... A... pour voir juger que les fautes inexcusables des victimes les privaient de tout droit à indemnisation ; que M. J... S..., Mme B..., M. Q... S..., et Mme G... respectivement frère et grands parents de T... S..., sont intervenus volontairement à l'instance ;

Attendu que pour dire que T... S... et M. D... A... avaient commis une faute inexcusable cause exclusive de l'accident et exclure du droit à indemnisation les conséquences dommageables de celui-ci, l'arrêt retient qu'ils ont volontairement de nuit décidé d'emprunter la route départementale au lieu de la piste cyclable pour rentrer plus vite alors qu'ils circulaient sur des bicyclettes dépourvues de tout éclairage et sans aucun équipement lumineux ou réfléchissant et que par ailleurs ils connaissaient les lieux et que compte tenu de leur âge au moment de l'accident, 17 ans et 16 ans, ils avaient conscience du danger comme cela ressort de l'audition de M. D... A... qui avait répondu à son ami que c'était dangereux d'emprunter la route départementale ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les éléments relevés ne caractérisaient pas l'existence d'une faute inexcusable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches des pourvois :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Areas dommages aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Areas dommages ; la condamne à payer à Mmes Y... S..., M... G... et K... B... et MM. Z..., J... et Q... S... la somme globale de 3 000 euros et à Mme L... A... et MM. U... et D... A... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par Me Balat, la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme L... A... et MM. U... et D... A..., demandeurs au pourvoi n° 18-14.125

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que T... S... et D... A... avaient commis une faute inexcusable cause exclusive de l'accident du 14 octobre 2012 et que les conséquences dommageables de l'accident étaient exclues du droit à indemnisation ;

AUX MOTIFS QUE selon les articles 1 et 3 de la loi du 5 juillet 1985 les victimes, hormis les conducteurs, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne subies à l'occasion d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, sauf si leur faute inexcusable est la cause exclusive de l'accident ; que constitue par ailleurs une faute inexcusable, la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; qu'en l'espèce il ressort de l'enquête de gendarmerie que l'accident s'est produit sur la route départementale 613 au environ de minuit trente et que H... F... qui circulait à bord d'un véhicule Ford Fiesta dans le sens Montpellier-Mèze avait entrepris un dépassement autorisé lorsqu'il a percuté un cycliste arrivant en sens inverse ; qu'il ressort de l'audition de D... A... que un peu avant dans la soirée au environ de 21 heures, lui et son ami T... S... s'étaient rendus de Boutiques à Mèze par la piste cyclable sans éclairage mais qu'ils connaissaient le trajet ; qu'il ressort également de l'audition de D... A... que pour le trajet de retour à Bouzigues ils avaient d'abord pris la direction Nord où débute la piste cyclable mais qu'en roulant T... S... avait dit de prendre la grande route pour rentrer plus vite ; que D... A... ajoute dans sa déposition avoir répondu à son ami que c'était dangereux mais que ce dernier ne l'aurait pas écouté et aurait pris la direction de la route départementale ; que par ailleurs il n'est pas contesté que les vélos étaient dépourvus d'éclairage ou de tout système lumineux ou réfléchissant et que les cyclistes ne portaient aucun équipement de signalisation ; qu'il ressort en outre le l'expertise en accidentologie réalisée par V... R... à la demande du procureur de la république que le conducteur de la Ford Fiesta circule en direction de Mèze sur la même route que les cyclistes et qu'arrivé sur une zone rectiligne dont la chaussée est tracée d'une ligne médiane discontinue il entame le dépassement d'un véhicule plus lent, le précédent, empruntant pour ce faire la voie de circulation opposée et que le véhicule Ford Fiesta percute alors T... S... qui est projeté à 40 mètres plus loin ; que l'expert après un examen du vélo de la victime et du véhicule automobile, des plans et de la topologie des lieux et une simulation de l'accident avec le logiciel Virtuel Crash conclut que lorsque le conducteur a entamé son dépassement les deux cyclistes ne sont pas visibles, que la nuit un véhicule dont les codes sont allumés éclaire à 30 mètres et le faisceau lumineux est asymétrique afin de ne pas éblouir les autres usagers arrivant en sens inverse, que quand les cyclistes entrent dans le faisceau des phares de la Ford Fiesta il est trop tard pour que le conducteur puisse tenter une manoeuvre d'évitement car le temps de réaction minimum est de une seconde et le temps d'action mécanique de 0,2 seconde, que même à la vitesse de 90 km/h l'accident était inévitable car 1,2 seconde a cette vitesse représente 30 mètres et le conducteur n'avait donc pas le temps de réagir ; qu'il ressort donc de l'ensemble de ces éléments que D... A... et T... S... ont volontairement de nuit décidé d'emprunter la route départementale au lieu de la piste cyclable pour rentrer plus vite alors qu'ils circulaient sur des vélos dépourvu de tout éclairage et sans aucun équipement lumineux ou réfléchissant, que par ailleurs ils connaissaient les lieux et que compte tenu de leur âge au moment de l'accident, 17 ans pour D... A... et 16 ans pour T... S..., ils avaient conscience du danger comme cela ressort de l'audition de D... A... ; que par ailleurs il y a une absence de toute cause justificative dans cette décision d'emprunter de nuit sans éclairage une route départementale ; qu'enfin il est établi que non seulement le conducteur du véhicule Ford Fiesta a effectué un dépassement autorisé et que même s'il avait roulé à la vitesse de 90 km/h au lieu de 100 km/h comme indiqué l'accident était inévitable le conducteur n'ayant pas le temps de tenter une manoeuvre d'évitement ; que par conséquent T... S... et D... A... ont commis une faute d'une gravité exceptionnelle dérivant d'un acte volontaire avec conscience du danger et en l'absence de toute cause justificative qui ne peut que s'analyser en une faute inexcusable ; que cette faute inexcusable étant en outre la cause exclusive de l'accident du 14 octobre 2012 les conséquences dommageables de ce dernier sont exclues du droit à indemnisation ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE seule est inexcusable, au sens de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; que pour retenir la faute inexcusable de D... A..., l'arrêt relève qu'il avait volontairement de nuit décidé d'emprunter la route départementale au lieu de la piste cyclable pour rentrer au plus vite alors qu'il circulait sur un vélo dépourvu de tout éclairage et sans équipement lumineux ou réfléchissant ; qu'en se déterminant par de tels motifs qui ne caractérisent pas l'existence d'une faute inexcusable, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE la faute inexcusable, au sens de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, requiert l'absence, chez la victime, de raison valable de s'exposer au danger ; que le jugement de première instance, qui écarté la faute inexcusable des deux victimes, a relevé (p. 4, alinéa 3) que le père de T... S... avait indiqué lors de son audition que les deux adolescents avaient fait le choix d'emprunter la route départementale pour éviter les dangers que représentait la piste cyclable non éclairée, « défoncée » et « jonchée d'obstacles », ce qui permettait de comprendre que les deux adolescents avaient fait le choix d'emprunter la route départementale pour éviter les dangers que pouvaient présenter la piste cyclable de nuit en minimisant celui représenté par la circulation des véhicules automobiles et en accordant aux phares de ces derniers une capacité de visibilité suffisante pour leurs conducteurs ; qu'en infirmant ce jugement sans s'expliquer sur ces motifs déterminants dont il résulte que D... A... avait eu une raison valable de décider d'emprunter de nuit la route départementale plutôt que la piste cyclable non éclairée et en très mauvais état, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE pour exclure le droit à indemnisation d'une victime de la circulation, sa faute inexcusable doit être la cause exclusive de l'accident ; qu'en estimant que la faute inexcusable était la cause exclusive de l'accident, après avoir pourtant constaté qu'au moment de l'accident, le conducteur du véhicule roulait à une vitesse excessive et effectuait de nuit sur une route départementale le dépassement d'un véhicule avec la visibilité réduite offerte par le seul éclairage de ses codes, manoeuvre certes autorisée par le code de la route mais à condition que le conducteur se soit assuré au préalable qu'il peut le faire sans danger, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;

ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE le jugement de première instance a relevé que le comportement du conducteur du véhicule impliqué avait également été à l'origine de l'accident dès lors que ce dernier roulait, au moment de l'impact, à la vitesse de 103,81 km/h en infraction à ses obligations de jeune titulaire du permis de conduire qui aurait dû rouler sur ce type de voie à 80 km/h et que si tel avait été le cas, il est vraisemblable que le dépassement du véhicule le précédent, à supposer qu'il ait roulé à une vitesse inférieure à 80 km/h ce qui n'est pas établi, ne se serait produit qu'après le passage des deux cyclistes au regard des mesures figurant au rapport d'expertise ; qu'en infirmant le jugement sans s'expliquer sur ces motifs déterminants, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985.
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mmes Y... S..., M... G... et K... B... et MM. Z..., J... et Q... S..., demandeurs au pourvoi n° F 18-15.855

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que T... S... et D... A... avaient commis une faute inexcusable cause exclusive de l'accident du 14 octobre 2012 et que les conséquences dommageables de l'accident étaient exclues du droit à indemnisation ;

AUX MOTIFS QU' en l'espèce il ressort de l'enquête de gendarmerie : que l'accident s'est produit sur la route départementale 613 aux environs de minuit trente ; que H... F... qui circulait à bord d'un véhicule FORD FIESTA dans le sens MONTPELLIER-MEZE avait entrepris un dépassement autorisé lorsqu'il a percuté un cycliste arrivant en sens inverse ; il ressort de l'audition de D... A... que un peu avant dans la soirée aux environs de 21 heures, lui et son ami T... S... s'étaient rendus de BOUZIGUES à MEZE par la piste cyclable sans éclairage mais qu'ils connaissaient le trajet ; il ressort également de l'audition de D... A... que pour le trajet de retour à BOUZIGUES ils avaient d'abord pris la direction Nord où débute la piste cyclable mais qu'en roulant T... S... avait dit de prendre la grande route pour rentrer plus vite ; D... A... ajoute dans sa déposition avoir répondu à son ami que c'était dangereux mais que ce dernier ne l'aurait pas écouté et aurait pris la direction de la route départementale ; par ailleurs il n'est pas contesté que les vélos étaient dépourvus d'éclairage ou de tout système lumineux ou réfléchissant et que les cyclistes ne portaient aucun équipement de signalisation ; il ressort en outre de l'expertise en accidentologie réalisée par V... R... à la demande du procureur de la République que : le conducteur de la FORD FIESTA circule en direction de MEZE sur la même route que les cyclistes et qu'arrivé sur une zone rectiligne dont la chaussée est tracée d'une ligne médiane discontinue il entame le dépassement d'un véhicule plus lent, le précédent, empruntant pour ce faire la voie de circulation opposée, le véhicule FORD FIESTA percute alors T... S... qui est projeté à 40 mètres plus loin ; l'expert après un examen du vélo de la victime et du véhicule automobile, des plans et de la topologie des lieux et une simulation de l'accident avec le logiciel VIRTUEL CRASH conclut : que lorsque le conducteur a entamé son dépassement les deux cyclistes ne sont pas visibles, que la nuit un véhicule dont les codes sont allumés éclaire à 30 mètres et le faisceau lumineux est asymétrique afin de ne pas éblouir les autres usagers arrivant en sens inverse, que quand les cyclistes entrent dans le faisceau des phares de la FORD FIESTA il est trop tard pour que le conducteur puisse tenter une manoeuvre d'évitement car le temps de réaction minimum est de 1 seconde et le temps d'action mécanique de 0,2 seconde, que même à la vitesse de 90 km/h l'accident était inévitable car 1,2 seconde a cette vitesse représente 30 mètres et le conducteur n'avait donc pas le temps de réagir ; il ressort donc de l'ensemble de ces éléments que D... A... et T... S... ont volontairement de nuit décidé d'emprunter la route départementale au lieu de la piste cyclable pour rentrer plus vite alors qu'ils circulaient sur des vélos dépourvus de tout éclairage et sans aucun équipement lumineux ou réfléchissant, que par ailleurs ils connaissaient les lieux et que compte tenu de leur âge au moment de l'accident, 17 ans pour D... A... et 16 ans pour T... S..., ils avaient conscience du danger comme cela ressort de l'audition de D... A... ; par ailleurs il y a une absence de toute cause justificative dans cette décision d'emprunter de nuit sans éclairage une route départementale ; enfin il est établi que non seulement le conducteur du véhicule FORD FIESTA a effectué un dépassement autorisé et que même s'il avait roulé à la vitesse de 90 km/h au lieu de 100 km/h comme indiqué l'accident était inévitable le conducteur n'ayant pas le temps de tenter une manoeuvre d'évitement ; par conséquent T... S... et D... A... ont commis une faute d'une gravité exceptionnelle dérivant d'un acte volontaire avec conscience du danger et en l'absence de toute cause justificative qui ne peut que s'analyser en une faute inexcusable ; cette faute inexcusable étant en outre la cause exclusive de l'accident du 14 octobre 2012 les conséquences dommageables de ce dernier sont exclues du droit à indemnisation ;

1°) ALORS QUE seule est inexcusable, au sens de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; que pour retenir la faute inexcusable de T... S..., l'arrêt relève qu'il avait volontairement de nuit décidé d'emprunter la route départementale au lieu de la piste cyclable pour rentrer au plus vite alors qu'il circulait sur un vélo dépourvu de tout éclairage et sans équipement lumineux ou réfléchissant ; qu'en se déterminant par de tels motifs qui ne caractérisent pas l'existence d'une faute inexcusable, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;

2°) ALORS QUE la faute inexcusable, au sens de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, requiert l'absence, chez la victime, de raison valable de s'exposer au danger ; que le jugement de première instance, qui a écarté la faute inexcusable des deux victimes, a relevé que T... S... s'était plaint auprès de son père que la piste cyclable n'était pas « éclairée », qu'elle était « défoncée » et jonchée d' « obstacles », ce qui permettait de comprendre que les deux adolescents avaient fait le choix d'emprunter la route départementale pour éviter les dangers que pouvaient présenter la piste cyclable de nuit en minimisant celui représenté par la circulation des véhicules automobiles et en accordant aux phares de ces derniers une capacité de visibilité suffisante pour leurs conducteurs ; qu'en infirmant ce jugement sans s'expliquer sur ces motifs déterminants dont il résulte que T... S... avait eu une raison valable de décider d'emprunter de nuit la route départementale plutôt que la piste cyclable non éclairée et en très mauvais état, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;

3°) ALORS QUE pour exclure le droit à indemnisation d'une victime de la circulation, sa faute inexcusable doit être la cause exclusive de l'accident ; qu'en estimant que la faute inexcusable était la cause exclusive de l'accident après avoir pourtant constaté qu'au moment de l'accident, le conducteur du véhicule roulait à une vitesse excessive et effectuait de nuit sur une route départementale le dépassement d'un véhicule avec la visibilité réduite offerte par le seul éclairage de ses codes, manoeuvre certes autorisée par le code de la route mais à condition que le conducteur se soit assuré au préalable qu'il peut le faire sans danger, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;

4°) ALORS QUE le jugement de première instance a relevé que le comportement du conducteur du véhicule impliqué avait également été à l'origine de l'accident dès lors que ce dernier roulait, au moment de l'impact à la vitesse de 103,81 km/h en infraction à ses obligations de jeune titulaire du permis de conduire qui aurait dû rouler sur ce type de voie à 80 km/h et que si tel avait été le cas, il est vraisemblable que le dépassement du véhicule le précédant, à supposer qu'il ait roulé à une vitesse inférieure à 80 km/h ce qui n'est pas établi, ne se serait produit qu'après le passage des deux cyclistes au regard des mesures figurant au rapport d'expertise ; qu'en infirmant le jugement sans s'expliquer sur ces motifs déterminants, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-14125;18-15855
Date de la décision : 28/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Indemnisation - Exclusion - Victime autre que le conducteur - Faute inexcusable - Définition

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Victime - Victime autre que le conducteur - Cycliste - Indemnisation - Faute inexcusable non caractérisée

Seule est inexcusable au sens de l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience. Ne caractérise pas une telle faute l'arrêt qui retient que deux cyclistes ont volontairement emprunté, de nuit, la route départementale au lieu de la piste cyclable pour rentrer plus vite, alors qu'ils connaissaient les lieux, qu'ils avaient conscience du danger et qu'ils circulaient sur des vélos dépourvus de tout éclairage ou d'équipement lumineux ou réfléchissant


Références :

article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 16 janvier 2018

A rapprocher :2e Civ., 28 mars 1994, pourvoi n° 92-15863, Bull. 1994, II, n° 110 (cassation), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 28 mar. 2019, pourvoi n°18-14125;18-15855, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : Me Balat, SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14125
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