LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 février 2017), qu'un arrêt irrévocable du 17 juin 2010 a condamné la société civile immobilière Carlton (la SCI) à payer diverses indemnités à M. et Mme Y... à la suite du non-renouvellement de leur bail commercial ; qu'en raison de la non-réinstallation de M. et Mme Y..., la SCI les a assignés en répétition des indemnités de remploi, pour trouble commercial et pour frais de déménagement ; que M. et Mme Y... lui ont opposé l'autorité de la chose jugée ;
Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen, que la répétition de l'indu est exclue lorsque les sommes ont été versées en exécution d'une décision de justice devenue irrévocable ; que les juges du fond ont constaté que les indemnités dont la SCI Carlton sollicitait la répétition correspondaient à des condamnations à payer prononcées contre elle par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en- Provence du 17 juin 2010 ; que pour condamner M. et Mme Y... à répéter ces indemnités, l'arrêt attaqué a affirmé qu'il appartenait à la SCI Carlton de prouver la non-réinstallation des exposants dans un commerce et leur absence d'intention de se réinstaller lorsqu'ils ont reçu le paiement des indemnités, puis a retenu que cette preuve était rapportée ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, sans constater que la SCI Carlton établissait qu'après qu'elle eut payé, l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en- Provence du 17 juin 2010 aurait été éradiqué de l'ordonnancement juridique, seule circonstance qui eût autorisé la SCI Carlton à se prévaloir de la répétition de l'indu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1376 du code civil ;
Mais attendu que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'ayant relevé que, postérieurement à la décision du 17 juin 2010, M. et Mme Y... ne s'étaient pas réinstallés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme Y... et les condamne à payer à la SCI Carlton la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné monsieur et madame Y... à payer à la SCI Carlton la somme de 62 807,63 € correspondant aux indemnités de remploi, de trouble commercial et de déménagement versées indûment ;
AUX MOTIFS QUE « sur le fond, que l'article L 145-14 du code de commerce prévoit que le bailleur qui refuse le renouvellement du bail commercial doit payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction qui comprend la valeur marchande du fonds de commerce, augmentée éventuellement des frais de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ; Que l'indemnité pour trouble commercial est destinée à compenser la perte commerciale pendant la période de réinstallation et que l'indemnité de remploi est destinée à couvrir les frais d'acquisition d'un nouveau fonds, de sorte qu'elles ne sont dues, comme les frais de déménagement qu'à raison de la réinstallation du locataire ; qu'il appartient au bailleur qui conteste en être redevable de rapporter la preuve de la non-réinstallation de son locataire ; qu'en l'espèce, la SCI Carlton qui réclame la restitution au titre de l'indu des sommes versées à M. et Mme Y... au titre de ces indemnités, a la charge de démontrer que M. et Mme Y... ne se sont pas réinstallés et n'avaient pas la réelle intention de se réinstaller lorsqu'ils ont sollicité et encaissé les indemnités ; Que force est de constater que, plus de six ans après la fixation de l'indemnité d'éviction à leur profit, M. et Mme Y... ne se sont pas effectivement réinstallés dans un nouveau fonds de commerce ; Qu'il est avéré que M. Y..., alors âgé de 73 ans, a sollicité un dossier de retraite auprès de la Carsat du Sud Est le 30 septembre 2011, même s'il n'est pas justifié de la suite donnée à cette demande et de la liquidation de sa retraite ; Que Mme Y..., alors âgée de 67 ans, a fait valoir ses droits à la retraite auprès du RSI Côte d'Azur à compter du 1er janvier 2010, certes, en demandant à bénéficier du régime cumul emploi retraite lui permettant de cumuler sa retraite avec tout autre revenu professionnel ; mais qu'elle ne s'est pas réinstallée et que les quelques justificatifs produits ne permettent pas de considérer qu'elle a recherché sérieusement à se réinstaller ; que les attestations délivrées par l'agence Mont-Blanc Côte d'Azur et par la Sari FAC faisant état de la recherche par Mme Y... « courant 2012 » et « début 2013 » d'un fonds de commerce à la vente ne sont pas suffisamment précises pour être probantes et pour établir la recherche sérieuse par Mme Y... d'une réinstallation ; que les autre recherches sont toutes postérieures à l'assignation, notamment l'annonce passée le 11 décembre 2015, soit plus de cinq ans après le paiement de l'indemnité d'éviction, ou les démarches effectuées en décembre 2015 auprès de divers commerçants de Sainte Maxime ; que Mme Y... s'est d'ailleurs inscrite à Pole Emploi sur la liste des demandeurs d'emploi en novembre 2014 ; Qu'il convient en conséquence de constater que la SCI Carlton démontre l'absence de réinstallation de ses locataires, six ans après le paiement de l'indemnité d'éviction, et l'absence de véritable et sérieuse intention de ceux-ci de se réinstaller, de sorte que sa demande en répétition des sommes versées au titre du trouble commercial, de l'indemnité de remploi et des frais de déménagement doit être accueillie » ;
ALORS QUE la répétition de l'indu est exclue lorsque les sommes ont été versées en exécution d'une décision de justice devenue irrévocable ; que les juges du fond ont constaté que les indemnités dont la SCI Carlton sollicitait la répétition correspondaient à des condamnations à payer prononcées contre elle par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 17 juin 2010 ; que pour condamner monsieur et madame Y... à répéter ces indemnités, l'arrêt attaqué a affirmé qu'il appartenait à la SCI Carlton de prouver la non-réinstallation des exposants dans un commerce et leur absence d'intention de se réinstaller lorsqu'ils ont reçu le paiement des indemnités, puis a retenu que cette preuve était rapportée ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, sans constater que la SCI Carlton établissait qu'après qu'elle eut payé, l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 17 juin 2010 aurait été éradiqué de l'ordonnancement juridique, seule circonstance qui eût autorisé la SCI Carlton à se prévaloir de la répétition de l'indu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1376 du code civil.