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20/03/2019 | FRANCE | N°17-18924

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 mars 2019, 17-18924


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 février 2017), que la société civile immobilière Goncelin ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 30 avril 2007 et 29 avril 2008, la Caisse régionale de crédit agricole des Savoie (la Caisse), qui lui avait consenti un crédit destiné à financer l'acquisition d'un immeuble, a déclaré sa créance, laquelle a été admise à titre privilégié ; que n'ayant été payée que partiellement par le liquidateur sur le

prix de vente de l'immeuble, elle a assigné, par un acte du 12 février 2015, M. R.....

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 février 2017), que la société civile immobilière Goncelin ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 30 avril 2007 et 29 avril 2008, la Caisse régionale de crédit agricole des Savoie (la Caisse), qui lui avait consenti un crédit destiné à financer l'acquisition d'un immeuble, a déclaré sa créance, laquelle a été admise à titre privilégié ; que n'ayant été payée que partiellement par le liquidateur sur le prix de vente de l'immeuble, elle a assigné, par un acte du 12 février 2015, M. R..., en qualité d'associé, en paiement du solde au prorata des droits de ce dernier dans le capital social ; que M. R... lui a opposé la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale prévue à l'article 1859 du code civil ;

Attendu que la Caisse fait grief à l'arrêt de déclarer son action prescrite alors, selon le moyen :

1°/ que la décision d'admission d'une créance déclarée dans le cadre de la liquidation judiciaire d'une société civile est opposable aux associés à l'égard desquels elle a autorité de chose jugée sans que ceux-ci, tenus à l'égard des tiers indéfiniment des dettes sociales à proportion de leurs parts dans le capital social, puissent se prévaloir de la prescription éventuelle de la créance ; que la Caisse faisait valoir que sa créance avait été définitivement admise en 2010 et qu'elle ne pouvait agir à l'encontre des associés avant le 24 juin 2014, date à laquelle le liquidateur en lui transmettant un dernier dividende, l'informait que le solde de sa créance était définitivement irrecouvrable ; qu'en retenant que la SCI Goncelin a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 29 avril 2008, que la Caisse a déclaré sa créance, qu'elle n'a pas été dans l'impossibilité d'agir contre les associés alors qu'au surplus les opérations de réalisation de l'actif lancées par le liquidateur judiciaire et le certificat d'irrécouvrabilité qu'il a ensuite délivré confirment sans équivoque et concrètement que le Crédit agricole ne pouvait attendre des opérations de répartition de l'actif de liquidation judiciaire une quelconque efficacité pour couvrir la totalité de sa créance, que le délai de cinq années ayant couru au moins à compter de la date de cette connaissance de la liquidation judiciaire, la prescription était acquise lors de la délivrance de l'assignation, la cour d'appel, qui n'a pas pris en considération l'admission définitive de la créance de la Caisse en 2010, laquelle avait autorité de chose jugée à l'égard de l'associé qui ne pouvait lui opposer la prescription de sa créance en vertu de l'autorité de chose jugée attachée à la décision d'admission, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1858 et suivants du code civil, et 1351 dudit code dans leur rédaction applicable à l'espèce ;

2°/ que la Caisse faisait valoir que du fait de la liquidation judiciaire de la société civile immobilière, elle était légalement dans l'impossibilité d'agir à l'encontre des associés et ce d'autant qu'elle avait reçu plusieurs dividendes, que lorsque sa créance a été admise en 2010 elle était dans l'attente d'un désintéressement de sa créance, qu'elle a d'ailleurs perçu 98,86 % de sa créance déclarée sauf intérêts, que ce n'est qu'après réception du dernier dividende le 24 juin 2014 que le liquidateur l'a informé que "le solde de votre créance est définitivement irrecouvrable" ; qu'en retenant que la SCI Goncelin a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 29 avril 2008, que la Caisse a déclaré sa créance, qu'elle n'a pas été dans l'impossibilité d'agir contre les associés alors qu'au surplus les opérations de réalisation de l'actif lancées par le liquidateur judiciaire et le certificat d'irrécouvrabilité qu'il a ensuite délivré confirment sans équivoque et concrètement que le Crédit agricole ne pouvait attendre des opérations de répartition de l'actif de liquidation judiciaire une quelconque efficacité pour couvrir la totalité de sa créance, que le délai de cinq années ayant couru au moins à compter de la date de cette connaissance de la liquidation judiciaire, la prescription était acquise lors de la délivrance de l'assignation, quand seul le certificat d'irrecouvrabilité de la créance du 24 juin 2014 établissait que la Caisse pouvait désormais agir à l'encontre de l'associé de la société civile en liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 1859 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission de la créance au passif de la procédure collective d'une société ne prive pas l'associé, poursuivi en exécution de son obligation subsidiaire au paiement des dettes sociales, d'opposer au créancier la prescription de l'article 1859 du civil, distincte de celle résultant de la créance détenue contre la société, et propre à l'action du créancier contre l'associé ;

Et attendu, d'autre part, qu'en cas de liquidation judiciaire d'une société civile de droit commun, la déclaration de créance au passif de cette procédure dispense le créancier d'établir l'insuffisance du patrimoine social ; qu'il en résulte que le créancier, serait-il privilégié, qui a procédé à la déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société, n'est pas dans l'impossibilité d'agir contre l'associé ; qu'ayant relevé que, s'il n'était pas établi que le jugement de conversion ait été publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, la Caisse avait déclaré sa créance le 5 juin 2008, ce qui manifestait sa connaissance du prononcé de la liquidation judiciaire, la cour d'appel en a exactement déduit que la Caisse n'était pas dans l'impossibilité d'agir contre M. R..., de sorte que l'action exercée contre ce dernier le 12 février 2015 était prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR déclaré la demande de la Caisse de Crédit Agricole des Savoie irrecevable comme prescrite ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions émises par les parties dans le dispositif de leurs dernières écritures récapitulatives ; que l'article 472 de ce même code doit la conduire à vérifier que les prétentions du Crédit Agricole sont, au regard de la décision de première instance, régulières, recevables et bien fondées ; qu'aux termes de l'article 1857 du code civil : « A l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leurs parts dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements » ; que les premiers juges ne sont pas critiqués en ce qu'ils ont retenu que l'article L. 137-2 du code de la consommation ne pouvait recevoir application en l'espèce ; que l'article 1858 du code civil prévoit que « les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale » ; que l'article suivant de ce code édicte une prescription quinquennale ; que le point de départ de la prescription ne peut être antérieur à la connaissance par le créancier du caractère vain de toute poursuite ; que, dès lors que la personne morale fait l'objet d'une procédure collective, la discipline qui lui est inhérente s'impose à ses créanciers, soumis à ses règles et aléas ; que la SCI Goncelin a été placée en redressement judiciaire le 30 avril 2007, ses créanciers étant insusceptibles alors de déterminer l'efficacité de quelconque poursuite ou même de leur déclaration de créance avant même que ne soit orientée la procédure collective vers un plan d'apurement ou une autre des mesures prévues par le code de commerce ; que dès sa prise de connaissance effective de la liquidation judiciaire intervenue le 29 avril 2008, le Crédit Agricole, qui avait déjà déclaré sa créance, était interdit de quelconque poursuite ; que s'il n'est pas justifié en l'espèce de la date de publication au BODACC de cette décision de liquidation judiciaire, il n'en demeure pas moins que la nouvelle déclaration de créance du Crédit Agricole du 5 juin 2008 manifeste cette connaissance à la fois de l'événement et du caractère définitivement impossible de toute poursuite contre la société débitrice ; qu'il est ainsi manifeste que l'appelant n'a pas été dans l'impossibilité d'agir contre les associés de la SCI Goncelin, alors qu'au surplus les opérations de réalisation de l'actif lancées par le liquidateur judiciaire et le certificat d'irrécouvrabilité qu'il a ensuite délivré, confirment sans équivoque et concrètement que le Crédit Agricole ne pouvait attendre des opérations de répartition de l'actif de liquidation judiciaire une quelconque efficacité pour couvrir la totalité de sa créance ; que le délai de cinq années ayant couru au moins à compter de la date de cette connaissance de la liquidation judiciaire, la prescription était acquise lors de la délivrance de l'assignation ; que si les premiers juges l'ont ainsi à bon droit retenu, ils n'en ont pas tiré la bonne connaissance, leur décision devant être infirmée en ce qu'ils ont débouté le créancier, seule l'irrecevabilité de la demande présentée par le Crédit Agricole devant être prononcée ;

ALORS D'UNE PART QUE la décision d'admission d'une créance déclarée dans le cadre de la liquidation judiciaire d'une société civile est opposable aux associés à l'égard desquels elle a autorité de chose jugée sans que ceux-ci, tenus à l'égard des tiers indéfiniment des dettes sociales à proportion de leurs parts dans le capital social, puissent se prévaloir de la prescription éventuelle de la créance ; que la Caisse exposante faisait valoir que sa créance avait été définitivement admise en 2010 et qu'elle ne pouvait agir à l'encontre des associés avant le 24 juin 2014, date à laquelle le liquidateur en lui transmettant un dernier dividende, l'informait que le solde de sa créance était définitivement irrecouvrable ; qu'en retenant que la SCI Goncelin a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 29 avril 2008, que la Caisse exposante a déclaré sa créance, qu'elle n'a pas été dans l'impossibilité d'agir contre les associés alors qu'au surplus les opérations de réalisation de l'actif lancées par le liquidateur judiciaire et le certificat d'irrécouvrabilité qu'il a ensuite délivré confirment sans équivoque et concrètement que le Crédit Agricole ne pouvait attendre des opérations de répartition de l'actif de liquidation judiciaire une quelconque efficacité pour couvrir la totalité de sa créance, que le délai de cinq années ayant couru au moins à compter de la date de cette connaissance de la liquidation judiciaire, la prescription était acquise lors de la délivrance de l'assignation, la cour d'appel qui n'a pas pris en considération l'admission définitive de la créance de la Caisse exposante en 2010, laquelle avait autorité de chose jugée à l'égard de l'associé qui ne pouvait lui opposer la prescription de sa créance en vertu de l'autorité de chose jugée attachée à la décision d'admission, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1858 et suivants du code civil, et 1351 dudit code dans leur rédaction applicable à l'espèce ;

ALORS D'AUTRE PART QUE la Caisse exposante faisait valoir que du fait de la liquidation judiciaire de la société civile immobilière, elle était légalement dans l'impossibilité d'agir à l'encontre des associés et ce d'autant qu'elle avait reçu plusieurs dividendes, que lorsque sa créance a été admise en 2010 elle était dans l'attente d'un désintéressement de sa créance, qu'elle a d'ailleurs perçu 98,86 % de sa créance déclarée sauf intérêts, que ce n'est qu'après réception du dernier dividende le 24 juin 2014 que le liquidateur l'a informé que « le solde de votre créance est définitivement irrecouvrable » ; qu'en retenant que la SCI Goncelin a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 29 avril 2008, que la Caisse exposante a déclaré sa créance, qu'elle n'a pas été dans l'impossibilité d'agir contre les associés alors qu'au surplus les opérations de réalisation de l'actif lancées par le liquidateur judiciaire et le certificat d'irrécouvrabilité qu'il a ensuite délivré confirment sans équivoque et concrètement que le Crédit Agricole ne pouvait attendre des opérations de répartition de l'actif de liquidation judiciaire une quelconque efficacité pour couvrir la totalité de sa créance, que le délai de cinq années ayant couru au moins à compter de la date de cette connaissance de la liquidation judiciaire, la prescription était acquise lors de la délivrance de l'assignation, quand seul le certificat d'irrecouvrabilité de la créance du 24 juin 2014 établissait que la Caisse exposante pouvait désormais agir à l'encontre de l'associé de la société civile en liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 1859 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-18924
Date de la décision : 20/03/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Article 1859 du code civil - Société civile immobilière - Liquidation judiciaire - Action en paiement d'un créancier - Action exercée contre un associé - Autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission de la créance au passif de la procédure - Absence d'influence

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Liquidation judiciaire - Patrimoine - Créance - Admission - Opposabilité - Prescription de l'article 1859 du code civil - Obligation subsidiaire au paiement des dettes sociales - Action exercée contre un associé SOCIETE CIVILE - Associés - Obligations - Dettes sociales - Paiement - Action du créancier social - Responsabilité au titre des engagements sociaux - Preuve de l'insuffisance du patrimoine social - Dispense - Créance déclarée au passif de la procédure - Société en liquidation judiciaire SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE - Associés - Obligations - Responsabilité au titre des engagements sociaux - Action du créancier social - Conditions - Poursuite préalable de la société - Poursuite vaine - Caractérisation - Dispense - Cas - Société en liquidation judiciaire - Portée

L'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission de la créance au passif de la procédure collective d'une société ne prive pas l'associé, poursuivi en exécution de son obligation subsidiaire au paiement des dettes sociales, d'opposer au créancier la prescription de l'article 1859 du code civil, distincte de celle résultant de la créance détenue contre la société, et propre à l'action du créancier contre l'associé. En cas de liquidation judiciaire d'une société civile de droit commun, la déclaration de créance au passif de cette procédure dispense le créancier d'établir l'insuffisance du patrimoine social. Il en résulte que le créancier, serait-il privilégié, qui a procédé à la déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société, n'est pas dans l'impossibilité d'agir contre l'associé


Références :

article 1859 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 23 février 2017

A rapprocher :Ch. mixte, 18 mai 2007, pourvoi n° 05-10413, Bull. 2007, Ch. mixte, n° 4 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 mar. 2019, pourvoi n°17-18924, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Boulloche

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.18924
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