LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 février 2019
Rejet
Mme FLISE, président
Arrêt n° 276 F-P+B
Pourvoi n° K 18-13.467
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par Mme W... P..., domiciliée [...], contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2018 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre ), dans le litige l'opposant à la société Colas, société anonyme, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 janvier 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brouard-Gallet, conseiller doyen, Mme Mainardi, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme P..., de Me Le Prado, avocat de la société Colas, l'avis de M. Girard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 janvier 2018), que Mme P... a relevé appel du jugement d'un conseil de prud'hommes rendu dans une instance l'opposant à la société Colas ; qu'en considération de conclusions de désistement prises par Mme P..., le conseiller de la mise en état a donné acte à celle-ci de son désistement d'appel et a constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour d'appel ; que Mme P... a déféré cette ordonnance à la cour d'appel ;
Attendu que Mme P... fait grief à l'arrêt, rendu sur déféré, de confirmer l'ordonnance par laquelle le conseiller de la mise en état avait donné acte à Mme P... de son désistement d'appel et de constater l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour d'appel, alors, selon le moyen, que lorsque le désistement de l'appel est effectué en considération d'un second appel formulé différemment, il ne peut emporter renonciation à l'appel et acquiescement au jugement que si ce second appel est efficace ; qu'à défaut, il est non avenu ; que la cour d'appel a confirmé l'ordonnance par laquelle le conseiller de la mise en état avait donné acte à Mme P... de son désistement d'appel et constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour d'appel, en relevant que "d'ailleurs, cette "seconde déclaration d'appel rectificative" a été effectuée", tout en estimant que "la cour, saisie sur requête contre l'ordonnance du 12 octobre 2017, n'est pas compétente pour statuer sur la validité de la déclaration d'appel du 2 octobre 2017 à la demande de la SA Colas" ; qu'en faisant ainsi produire effet au désistement du premier appel, intervenu en considération du second, motif pris de ce que ce second appel avait été effectué, tout en se déclarant incompétente pour statuer sur sa validité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 403 du code de procédure civile, ensemble les articles 405 et 397 du même code ;
Mais attendu que l'acte de désistement d'appel mentionnant être accompli en vue de la formation d'un nouveau recours, s'il n'emporte pas acquiescement au jugement et renonciation à l'exercice de ce recours, n'en produit pas moins immédiatement son effet extinctif de l'instance ; qu'ayant constaté que Mme P... avait indiqué s'être désistée de son instance d'appel, c'est à bon droit que la cour d'appel a constaté l'extinction de l'instance et son dessaisissement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu, qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, pris en ses première et deuxième branches, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et en sa quatrième branche, qui est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
Rejette le pourvoi.
Condamne Mme P... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à la société Colas la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme P...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué, rendu sur déféré, d'avoir confirmé l'ordonnance par laquelle le Conseiller de la mise en état avait donné acte à Madame P... de son désistement d'appel et constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la Cour ;
Aux motifs qu'il ressort du message adressé par l'avocat de Mme P... par voie du RPVA que celle-ci a indiqué au conseiller de la mise en état le 2 octobre 2017 que Mme P... se désistait de sa déclaration d'appel n°17/8709 du 27 septembre dernier, précisant « je vais procéder à une nouvelle déclaration d'appel dans ce dossier », et adressait à la suite des conclusions de « désistement de la déclaration d'appel » en donnant pour motifs que « l'appelante souhaite rectifier cette déclaration d'appel en procédant à une nouvelle déclaration d'appel ».
L'avocat indique maintenant que le désistement effectué le 2 octobre 2017 était assorti d'une réserve explicite laquelle tenait à l'intention de Mme P... d'introduire une seconde déclaration d'appel rectificative ; néanmoins, contrairement à cette affirmation, le désistement de l'appelante n'était pas fait sous condition, elle donnait au conseiller de la mise en état le motif de son désistement mais ne formait nullement cette demande sous réserve d'introduire une « seconde déclaration d'appel » ; d'ailleurs, cette « seconde déclaration d'appel rectificative » a été effectuée, et ainsi, le désistement, qui n'avait été précédé d'aucun appel ou de demande incidente de la part de l'autre partie, était justement constaté par le conseiller de la mise en état et Mme P... est mal fondée en sa demande de rétractation ou d'annulation de l'ordonnance.
La cour, saisie sur requête contre l'ordonnance du 12 octobre 2017, n'est pas compétente pour statuer sur la validité de la déclaration d'appel du 2 octobre 2017 à la demande de la SA Colas.
Alors, d'une part, que le désistement de l'appel ne peut emporter renonciation à l'appel et acquiescement au jugement lorsqu'il est équivoque ; qu'en confirmant l'ordonnance par laquelle le Conseiller de la mise en état avait donné acte à Madame P... de son désistement d'appel et constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la Cour, quand les conclusions de « désistement de la déclaration d'appel » de Madame P... du 2 octobre 2017 précisent clairement que « l'appelante souhaite rectifier cette déclaration d'appel en procédant à une nouvelle déclaration d'appel » et que « c'est la raison pour laquelle elle se désiste de sa déclaration d'appel enregistrée sous le n° 17/08709 », et que le message de transmission de ces conclusions au greffe indique pareillement « je vais procéder à une nouvelle déclaration d'appel dans ce dossier », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ce désistement n'était pas équivoque, de sorte qu'il ne pouvait emporter acquiescement au jugement, dès lors qu'il en ressortait que Madame P... entendait régulariser une nouvelle déclaration d'appel, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 403 du code de procédure civile, ensemble les articles 405 et 397 du même code ;
Alors, d'autre part, que Madame P... soutenait que « le désistement d'appel intervenu en raison d'une erreur concernant la façon de rectifier un premier acte est dépourvu de tout effet d'acquiescement au jugement de première instance : il en est ainsi chaque fois que, dans le cadre de son désistement d'appel, l'appelant n'a pas manifesté d'intention claire et non équivoque d'acquiescer au jugement de première instance », cependant qu'en l'espèce, « par souci de bonne administration de la justice, le conseil de Madame P... décidait, quelques minutes avant d'effectuer la seconde déclaration d'appel, de retirer la première déclaration d'appel faite le 27 septembre 2017, dans le seul et unique but que l'affaire ne soit pas enregistrée à deux reprises, sous deux numéros de rôle distincts. Or, en réalité, il eût convenu de conserver les deux déclarations d'appel, puis d'en demander éventuellement la jonction par la suite de la procédure », de sorte que ledit désistement « constituait donc une erreur de procédure », ce qui excluait, de plus fort, puisqu'il ne résultait pas, dès lors, d'une volonté certaine et non équivoque, qu'il puisse valoir renonciation à l'appel et acquiescement au jugement ; qu'en ne répondant pas aux conclusions qui lui étaient ainsi soumises, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, de troisième part, que lorsque le désistement de l'appel est effectué en considération d'un second appel formulé différemment, il ne peut emporter renonciation à l'appel et acquiescement au jugement que si ce second appel est efficace ; qu'à défaut, il est non avenu ; que la Cour d'appel a confirmé l'ordonnance par laquelle le Conseiller de la mise en état avait donné acte à Madame P... de son désistement d'appel et constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la Cour, en relevant que « d'ailleurs, cette « seconde déclaration d'appel rectificative » a été effectuée », tout en estimant que « la cour, saisie sur requête contre l'ordonnance du 12 octobre 2017, n'est pas compétente pour statuer sur la validité de la déclaration d'appel du 2 octobre 2017 à la demande de la SA Colas » ; qu'en faisant ainsi produire effet au désistement du premier appel, intervenu en considération du second, motif pris de ce que ce second appel avait été effectué, tout en se déclarant incompétente pour statuer sur sa validité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 403 du code de procédure civile, ensemble les articles 405 et 397 du même code ;
Et alors, enfin, et en toute hypothèse, qu'en confirmant l'ordonnance déférée, par laquelle le Conseiller de la mise en état avait non seulement donné acte à Mme P... de son désistement d'appel, mais également constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la Cour, après avoir estimé que « la cour, saisie sur requête contre l'ordonnance du 12 octobre 2017, n'est pas compétente pour statuer sur la validité de la déclaration d'appel du 2 octobre 2017 à la demande de la SA Colas », de sorte qu'elle ne pouvait pas constater l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la Cour, la Cour d'appel n'a pas tiré de ses propres énonciations les conséquences qui s'en évinçaient nécessairement au regard des articles 403 et 384 du code de procédure civile, ensemble les articles 405 et 397 du même code, qu'elle a ainsi violés.