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06/09/2018 | FRANCE | N°17-21337

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 06 septembre 2018, 17-21337


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2017), que la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine (la banque) ayant consenti à M. X... un prêt par acte notarié, celle-ci lui a fait délivrer un commandement à fin de saisie immobilière ; que, par un arrêt du 5 mai 2010, une cour d'appel a confirmé le jugement d'orientation d'un juge de l'exécution ayant ordonné la vente forcée du bien et mentionné le montant de la créance ; que le bien a été adjugé

et le projet de répartition du prix de vente homologué par une décision du juge d...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2017), que la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine (la banque) ayant consenti à M. X... un prêt par acte notarié, celle-ci lui a fait délivrer un commandement à fin de saisie immobilière ; que, par un arrêt du 5 mai 2010, une cour d'appel a confirmé le jugement d'orientation d'un juge de l'exécution ayant ordonné la vente forcée du bien et mentionné le montant de la créance ; que le bien a été adjugé et le projet de répartition du prix de vente homologué par une décision du juge de l'exécution du 26 octobre 2012 ; que, par requête du 24 octobre 2013, la banque a fait convoquer M. X... devant un tribunal d'instance à fin de tentative de conciliation, en vue de la saisie de ses rémunérations afin d'obtenir le paiement du solde de sa créance ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'autoriser la saisie de ses rémunérations pour la somme de 27 177,25 euros, outre les intérêts au taux de 4,30 % du 11 décembre 2012 au 4 octobre 2013, alors, selon le moyen :

1°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en l'absence de contestation relative à l'existence ou au montant de la créance, le jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution en matière de saisie immobilière et qui se borne à "mentionner" la créance du saisissant est dépourvu de toute autorité de chose jugée quant à la détermination du montant de cette créance ; qu'en affirmant, pour autoriser la saisie des rémunérations de M. X..., que le jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution en matière de saisie immobilière a l'autorité de la chose jugée quant à l'existence et au montant de la créance du créancier poursuivant, peu important que le montant n'ait pas fait l'objet de contestation, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil, ensemble les articles R. 311-5, R. 322-15 et R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°/ que l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ; qu'à supposer que le jugement d'orientation, en mentionnant la créance du saisissant, fixe irrévocablement la créance de ce dernier, alors il faut en déduire que l'effet interruptif attaché au commandement de payer ne vaut que jusqu'au jugement d'orientation, qui fait droit à la demande du créancier et fixe définitivement sa créance à l'égard du débiteur ; qu'en décidant que cet effet interruptif se prolonge jusqu'à l'ordonnance homologuant le projet de répartition du prix de vente, la cour d'appel a violé, ensemble, l'article 2242 du code civil et l'article R. 322-8 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu qu'ayant relevé que lors de la procédure de saisie immobilière engagée à l'encontre de M. X..., le juge de l'exécution avait constaté dans le dispositif du jugement d'orientation que la créance de la banque en principal, frais, intérêts et accessoires, s'élevait à la somme de 109 827,44 euros au 17 juin 2009, la cour d'appel a exactement décidé que cette décision avait autorité de la chose jugée et s'imposait au juge de la saisie des rémunérations, même en l'absence de contestation formée devant le juge de l'exécution sur l'existence ou le montant de la créance ;

Et attendu qu'ayant rappelé qu'en vertu de l'article 2242 du code civil, l'interruption de la prescription résultant de la demande en justice produisait ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance, la cour d'appel, qui a retenu à bon droit que l'instance engagée par la saisine du juge de l'exécution ayant donné lieu au jugement d'orientation du 17 décembre 2009 ne s'était éteinte que par l'ordonnance d'homologation du projet de répartition du prix de vente de l'immeuble du 31 octobre 2012, en a exactement déduit que l'action en saisie des rémunérations engagée le 24 octobre 2013, était recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir autorisé la saisie des rémunérations de Monsieur X... pour la somme de 27.177,25 euros outre les intérêts au taux de 4,30% du 11 décembre 2012 au 4 octobre 2013 ;

AUX MOTIFS QUE sur le montant de la créance pour laquelle la saisie est demandée, le tribunal d'instance, pour débouter la CRCAM de sa demande de saisie des rémunérations à hauteur de la somme de 50.590,68 euros, a estimé que la seule créance dont elle justifiait était d'un montant de 67.006,14 euros, montant inférieur à la somme de 82.647,19 euros, perçue par le créancier à la suite de la vente forcée de l'immeuble ; que le premier juge a retenu cette solution après avoir, lors de l'audience de conciliation, fait état de la difficulté devant laquelle il se trouvait pour vérifier la créance et demandé à la CRCAM de produire avant l'audience de contestation, le tableau d'amortissement du prêt, le détail du calcul des intérêts et l'historique complet du compte, et avoir constaté que ces deux derniers documents n'avaient pas été produits ; qu'en cause d'appel, la CRCAM, si elle produit, non pas un historique complet du compte, mais ce qu'elle désigne comme un « historique des paiements » constitué de la liste de divers paiements entre les mois de juillet 2000 et février 2003, s'abstient toujours de produire l'historique complet du compte ainsi que le détail du calcul des intérêts ; que la CRCAM, pour néanmoins maintenir ses demandes, fait valoir qu'elle se fonde sur le décompte accepté par le jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution de Bordeaux le 17 juin 2009, ce jugement ayant, selon elle, autorité de la chose jugée qui fait obstacle à la remise en cause de ce décompte dans la présente instance ; que l'article 1351 du code civil dispose que « l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité » ; que l'article R 121-14 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que « sauf dispositions contraires, le juge de l'exécution statue comme juge du principal » ; que l'article R 322-15 dudit code prévoit qu'à l'audience d'orientation, le juge de l'exécution doit vérifier que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 sont réunies, statuer sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et déterminer les modalités de la poursuite de la procédure en autorisant la vente amiable ou en ordonnant la vente forcée ; qu'en outre, l'article R. 322-18 précise que « le jugement d'orientation mentionne le montant retenu pour la créance du poursuivant en principal, frais et intérêts et autres accessoires » ; qu'en l'espèce, à la suite du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 17 juillet 2009 par la CRCAM sur le fondement de la grosse de l'acte authentique en date du 26 juillet 1999 constatant le prêt d'argent à M. X..., et de l'assignation à comparaître devant le juge de l'exécution délivrée le 19 août suivant, le jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bordeaux le 17 décembre 2009, après avoir relevé l'absence de contestation du montant réclamé par la CRAM au titre de sa créance, a dans son dispositif, constaté « que le montant retenu pour la créance de la [CRCAM] en principal, frais, intérêts et autres accessoires est de 109 827,44 euros au 17 juin 2009 » ; que cette décision du juge de l'exécution quant au montant des sommes dues, au 17 juin 2009, par M. X... à la CRCAM en vertu du prêt d'argent qu'elle lui a consenti, a bien, comme le soutient l'appelante, l'autorité de la chose jugée devant le juge en charge d'une demande de saisie des rémunérations ; qu'en effet, les parties à l'instance sont les mêmes et agissent en la même qualité, que la cause de la demande est la même : l'exécution de l'acte authentique constatant le prêt d'argent, la chose demandée - une mesure d'exécution de ce contrat - est identique, et, enfin, le montant de la créance de la CRCAM était bien l'objet du jugement d'orientation dès lors que l'article R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que ce montant doit y être mentionné ; que contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la circonstance que ce montant n'ait pas, à ce stade, fait l'objet de contestation ne fait pas obstacle à l'autorité de la chose jugée qui est attachée à ce jugement ; que le jugement sera donc infirmé sur ce point ; que la CRCAM fait valoir qu'elle a perçu de la vente de l'immeuble de M. X... la somme de 82 647,19 euros, et que cette somme doit être déduite de celle de 109 824,44 euros retenue par le jugement d'adjudication ; que, contrairement au tableau figurant en page 9 de ses écritures, la différence entre ces deux sommes n'est pas égale à 46 944,90, ni même à 45 214,42 en prenant en considération l'erreur rectifiée par la CRCAM dans son calcul, mais à 27 177,25 euros ; que quant aux intérêts dus sur cette somme de 27 177,25 euros, depuis le 11 décembre 2012, il doit être relevé que si le jugement d'adjudication a autorité de la chose jugée quant au montant de la créance au jour où il statuait, il n'a nullement précisé le taux d'intérêts applicable à la dette de M. X..., de sorte qu'il appartient à la juridiction saisie de la présente demande de saisie des rémunérations de l'apprécier ; que la CRCAM sollicite un taux de 7,30% en se prévalant des stipulations du paragraphe 211 à la page 30 du contrat ; que cependant ce point 211 prévoit deux hypothèses: la « défaillance de l'emprunteur sans déchéance du terme » et la « défaillance de l'emprunteur avec déchéance du terme » ; que la créancière se prévaut à l'appui du taux d'intérêt de 7,30% du paragraphe consacré à la défaillance sans déchéance du terme alors qu'elle indique en page 7 de ses conclusions que la déchéance du terme a été prononcée en 2003 ; que c'est donc la stipulation relative à la « défaillance de l'emprunteur avec déchéance du terme » qu'il convient d'appliquer ; que celle-ci prévoit que les sommes restant dues produiront un intérêt égal à celui du prêt et que, outre une indemnité de résiliation, aucune autre somme ne pourra être réclamée à l'emprunteur à l'exception des frais taxables entraînés par cette défaillance ; qu'il s'en déduit que le taux d'intérêt applicable est de 4,30% ; qu'il n'y a pas lieu à inclure des « cotisations ADI impayées » qui, selon la stipulation précitée du contrat, ne peuvent être réclamés et sont d'ailleurs sans objet, non plus l'indemnité de résiliation qui a été réglée après la vente de l'immeuble et ne figure d'ailleurs pas dans le décompte de la CRACM, la demande de Monsieur X... à l'égard de cette indemnité étant donc sans objet ; que la saisie sera autorisée pour un montant en principal de 27 177,25 euros outre les intérêts au taux de 4,30% du 11 décembre 2012 au 4 octobre 2013, date de l'arrêté de compte ;

1° - ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en l'absence de contestation relative à l'existence ou au montant de la créance, le jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution en matière de saisie immobilière et qui se borne à « mentionner » la créance du saisissant est dépourvu de toute autorité de chose jugée quant à la détermination du montant de cette créance ; qu'en affirmant, pour autoriser la saisie des rémunérations de Monsieur X..., que le jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution en matière de saisie immobilière a l'autorité de la chose jugée quant à l'existence et au montant de la créance du créancier poursuivant, peu important que le montant n'ait pas fait l'objet de contestation, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil, ensemble les articles R. 311-5, R. 322-15 et R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°- ALORS subsidiairement QUE l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ; qu'à supposer que le jugement d'orientation, en mentionnant la créance du saisissant, fixe irrévocablement la créance de ce dernier, alors il faut en déduire que l'effet interruptif attaché au commandement de payer ne vaut que jusqu'au jugement d'orientation, qui fait droit à la demande du créancier et fixe définitivement sa créance à l'égard du débiteur ; qu'en décidant que cet effet interruptif se prolonge jusqu'à l'ordonnance homologuant le projet de répartition du prix de vente, la cour d'appel a violé, ensemble, l'article 2242 du code civil et l'article R. 322-8 du code des procédures civiles d'exécution.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-21337
Date de la décision : 06/09/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SAISIE IMMOBILIERE - Procédure - Audience d'orientation - Assignation - Effet interruptif de prescription - Fin - Extinction de l'instance - Détermination

PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Acte interruptif - Action en justice - Durée de l'interruption - Durée de l'instance

Aux termes de l'article 2242 du code civil, l'interruption de la prescription résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. En conséquence, c'est à bon droit qu'une cour d'appel retient que l'interruption de la prescription résultant de la saisine du juge de l'exécution produit ses effets jusqu'à l'ordonnance d'homologation du projet de répartition du prix de vente de l'immeuble


Références :

Sur le numéro 1 : article 1351 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016

article 480 du code de procédure civile

articles R. 311-5, R. 322-15 et R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution.
Sur le numéro 2 : article 2242 du code civil.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 mai 2017

N1 A rapprocher :Com., 13 septembre 2017, pourvoi n° 15-28833, Bull. 2017, IV, n° 109 (rejet).N2 A rapprocher :2e Civ., 1er mars 2018, pourvoi n° 17-11238, Bull. 2018, II, n° 42 (cassation partiellement sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 06 sep. 2018, pourvoi n°17-21337, Bull. civ.Bull. 2018, II, n° 170
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, II, n° 170

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.21337
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