LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 23 septembre 2016), que par un acte du 29 novembre 2006, les sociétés Batiroc Bretagne, devenue Batiroc - Bretagne Pays de Loire, Fructicomi, devenue Natixis Lease Immo, et Finamur (les crédits-bailleurs) ont constitué un pool à l'effet de conclure avec la Société mécanique Atlantique de précision (la SMAP) un contrat de crédit-bail immobilier portant sur un immeuble à usage industriel à construire, le montant de l'investissement ayant été porté à la somme de 1 680 003 euros, selon avenant du 3 avril 2007 ; que dans ces deux actes, M. X... (la caution), gérant de la SMAP, s'est rendu caution solidaire des engagements de cette dernière dans la limite de 170 000 euros, portée à 194 700 euros ; que, le 15 décembre 2008, la SMAP a été mise en redressement judiciaire, procédure convertie en liquidation judiciaire le 29 juillet 2009 ; que, par une lettre du 24 août 2009, le liquidateur a résilié le contrat de crédit-bail ; que les crédits-bailleurs ont assigné en paiement la caution, qui leur a opposé la disproportion de son engagement ;
Attendu que la caution fait grief à l'arrêt de dire que les crédits-bailleurs peuvent se prévaloir de son engagement de caution et de la condamner à leur payer la somme de 194 700 euros, outre intérêts capitalisés, alors, selon le moyen, que, pour apprécier le caractère disproportionné du cautionnement, les juges ne peuvent prendre en considération les revenus de la caution lorsque ceux-ci proviennent exclusivement de l'activité de la société cautionnée, dont la défaillance est de nature à provoquer tout à la fois la mise en oeuvre du cautionnement et la perte de ces revenus ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
Mais attendu que l'arrêt énonce à bon droit que, si ne peuvent être pris en considération les revenus escomptés de l'opération garantie pour apprécier la disproportion du cautionnement au moment où il a été souscrit, il doit, en revanche, être tenu compte des revenus réguliers perçus par la caution jusqu'à la date de son engagement, quand bien même ceux-ci proviendraient de la société dont les engagements sont garantis par le cautionnement ; que le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses première, troisième, quatrième et cinquième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer la somme globale de 3 000 euros aux sociétés Batiroc - Bretagne Pays de Loire, Natixis Lease Immo et Finamur ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que les sociétés Batiroc Bretagne-Pays de Loire, Finamur et Natixis Lease Immo peuvent se prévaloir de l'engagement de caution de M. X..., condamné ce dernier à payer à ces sociétés la somme de 194.700 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2009, et autorisé la capitalisation des intérêts par années entières à compter du 6 novembre 2009 ;
Aux motifs qu'aux termes de l'article L.341-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution ne lui permette de faire face à ses obligations au moment où elle est appelée ; que le premier juge ne pouvait donc, en toute hypothèse, annuler l'engagement de caution de M. X... pour cause de disproportion, dès lors qu'il résulte de ce texte qu'un cautionnement disproportionné n'est pas nul mais inopposable à la caution ; qu'en 2006, année où le cautionnement a été consenti, M. X... a, selon l'avis d'imposition produit, bénéficié d'un revenu mensuel moyen de 6.907 euros avec lequel il devait assumer les charges de la vie courante de la famille qu'il composait avec son épouse, sans revenus propres déclarés, ainsi que de deux enfants, et faire face à un encours de crédits professionnels antérieurement contractés lui imposant une charge mensuelle de remboursement de 2.690 euros (1.133,72 + 1.556,09) ; que si ne peuvent être pris en considération les revenus escomptés de l'opération financée pour apprécier la disproportion du cautionnement au moment où il a été souscrit, il doit en revanche être tenu compte des revenus réguliers perçus par la caution jusqu'à la date de son engagement, quand bien même ceux-ci provenaient de la SMAP ; que, d'autre part, son patrimoine était constitué par un immeuble dépendant de la communauté et estimé en septembre 2007, date proche des actes de cautionnement de novembre 2006 et avril 2007, à une somme de 300.000 à 320.000 euros, ainsi que par une créance en compte courant d'associé de la SMAP d'un montant de 135.000 euros ; que si le solde créditeur d'un compte courant d'associé constitue bien en principe un élément d'actif du patrimoine de la caution, il sera ici observé que les crédits-bailleurs avaient, à titre de garantie, imposé à celui-ci de bloquer le compte à hauteur de cette somme pendant toute la durée du crédit-bail, de sorte que, déjà affecté à titre de sûreté distincte du cautionnement, ce solde créditeur ne peut être prise en compte dans l'appréciation de la proportionnalité de ce cautionnement ; qu'en revanche, la valeur de l'immeuble de 300.000 à 320.000 euros doit être prise en compte dans sa totalité, dès lors que l'épouse de M. X... a consenti au cautionnement et que, partant, les crédits-bailleurs sont, en application de l'article 1415 du code civil, fondés à exercer leurs poursuites sur les biens et revenus propres de la caution comme sur ceux dépendant de la communauté ; que cet actif patrimonial était toutefois déjà affecté en garantie d'un encours de cautionnement antérieur de 98.400 euros (50.400 + 48.000) ; qu'il s'évince néanmoins de ce qui précède que, même en tenant compte des charges de famille, des impôts ainsi que des encours de crédits et de cautionnements antérieurs, l'engagement de caution consenti par M. X... en novembre 2006 et avril 2007 dans la limite de 194.700 euros n'était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus, ces derniers suffisants à assumer les charges de la vie courante ainsi que le remboursement des emprunts, et son patrimoine immobilier étant d'une valeur suffisante pour lui permettre de faire face à ses engagements de caution antérieurs comme à celui consenti aux crédits-bailleurs ; que le moyen selon lequel la cour a, par un précédent arrêt du 10 mars 2015, dit qu'un autre créancier ne pouvait se prévaloir d'un autre cautionnement est inopérant, dès lors que cet engagement de caution avait été consenti par M. X... en juin 2007 et qu'à cette date, l'encours des cautionnements antérieurs n'était plus de 98.400 euros mais de 437.100 euros, soit une somme notablement supérieure à son actif patrimonial ; qu'il résulte du contrat, de l'avenant et des déclarations de créance qu'il reste dû aux crédits-bailleurs 104.659,95 euros au titre des loyers et 1.126.329,22 euros au titre de l'indemnité de résiliation dont les modalités de calcul sont déterminées par l'article 26 du contrat et dont rien ne démontre qu'elle revête un caractère manifestement excessif ; qu'il convient donc de condamner M. X... au paiement de la somme de 194.700 euros, limite de son engagement de caution, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 septembre 2009 ; qu'il échet, en outre, d'autoriser la capitalisation des intérêts de retard par années entières à compter de la demande du 6 novembre 2009 ;
1) ALORS QUE le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que les revenus de M. X... suffisaient pour assumer les charges de la vie courante ainsi que le remboursement des emprunts et que son patrimoine immobilier lui permettait de faire face aux cautionnements antérieurs et au cautionnement litigieux ; qu'en statuant ainsi, quand le patrimoine de M. X... était grevé d'un encours de cautionnements antérieurs d'un montant de 98.400 euros, et que cette somme, ajoutée à celle du montant du cautionnement litigieux de 194.700 euros, approchait la valeur de l'immeuble commun des époux X..., évalué par la cour à un montant compris entre 300.000 et 320.000 euros, la cour d'appel, en l'état d'un poids d'endettement de nature à faire peser une menace sur la propriété du logement de M. X..., s'est prononcée par un motif impropre à écarter le caractère manifestement disproportionné du cautionnement litigieux, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
2) ALORS QUE pour apprécier le caractère disproportionné du cautionnement, les juges ne peuvent prendre en considération les revenus de la caution lorsque ceux-ci proviennent exclusivement de l'activité de la société cautionnée, dont la défaillance est de nature à provoquer tout à la fois la mise en oeuvre du cautionnement et la perte de ces revenus ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L.341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
3) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la cour d'appel a relevé qu'il devait être tenu compte des revenus réguliers perçus par la caution jusqu'à la date de son engagement, quand bien même ceux-ci provenaient de la SMAP ; qu'en postulant que M. X... continuerait à percevoir ces revenus pour la période postérieure à cet engagement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article L.341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
4) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le consentement exprès au cautionnement contracté par un époux, qui permet d'étendre l'assiette du droit de gage du créancier aux biens communs et aux revenus de l'autre époux, n'autorise pas pour autant le créancier professionnel à se prévaloir d'un engagement manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution ; qu'en prenant en considération, pour apprécier le caractère disproportionné du cautionnement contracté par M. X... seul, la valeur totale de l'immeuble commun aux époux X..., évalué à un montant compris entre 300.000 et 320.000 euros, au motif inopérant que Mme X... avait donné son consentement exprès au cautionnement contracté par son époux, la cour d'appel a violé l'article L.341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, ensemble l'article 1415 du code civil ;
5) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que ce droit inclut la conservation de la jouissance du logement familial ; qu'en permettant aux crédits-bailleurs de se prévaloir du cautionnement litigieux, sans rechercher si l'ensemble de l'endettement de M. X..., une fois pris en compte ce cautionnement, n'était pas de nature à faire peser une menace sur la propriété du logement de famille des époux X..., ayant deux enfants à charge, et porter ainsi, nonobstant la légitimité du but poursuivi par l'article L 341-4 du code de la consommation tendant à instaurer un équilibre entre la protection de la caution et la sécurité du crédit, une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée et familiale de la caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.