LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par un jugement définitif rendu le 8 avril 2015, un tribunal correctionnel a notamment condamné deux personnes pour avoir, le 8 octobre 2013, commis en réunion des faits de violences volontaires à l'encontre de M. X... ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours ; que, se prévalant de ce jugement, M. X... a saisi le président d'une commission d'indemnisation des victimes d'infractions d'une demande d'expertise médicale et de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles 706-6, R. 50-15 de ce code et 1351, devenu 1355, du code civil ;
Attendu que les décisions pénales ont au civil autorité absolue à l'égard de tous en ce qui concerne ce qui a été jugé quant à l'existence du fait incriminé et la culpabilité de celui auquel le fait est imputé ;
Attendu que, pour juger non sérieusement contestable le droit à indemnisation de M. X..., l'arrêt énonce que le déroulement détaillé des faits est inconnu, l'enquête pénale n'ayant pas été versée au dossier, ni à l'initiative du président de la commission, ni à celle du fonds de garantie ; que ce dernier refuse la demande de provision et d'expertise en affirmant que la victime a participé à la rixe du 8 octobre 2013, sans viser précisément les éléments de l'enquête qui lui permettent de soutenir cette argumentation, et procède par des considérations générales telles que "la solidarité de la collectivité ne peut être mise à contribution que pour les victimes innocentes de la délinquance et non pour les personnes qui prennent part à des rixes, de manière délibérée et avec la conscience d'un risque d'altercation violente" ; qu'il résulte de l'application de l'article 9 du code civil qu'il appartient au Fonds qui refuse sa garantie de rapporter concrètement la preuve, au cas d'espèce, de l'existence de motifs justifiant d'exclure sa garantie, qu'il y a lieu de constater qu'il ne rapporte pas cette preuve ni en première instance, ni en cause d'appel ; que l'ordonnance dont il a été fait appel retient, en revanche, que M. X... a été victime de blessures particulièrement graves de la part de deux personnes qui ont été pénalement condamnées de ce chef ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le jugement du tribunal correctionnel du 8 avril 2015 déclare également M. X... coupable de violences volontaires commises, à l'occasion de la rixe du 8 octobre 2013, sur ces deux personnes de sorte qu'elle devait tenir pour établie que la victime avait commis une faute en lien direct avec l'atteinte à son intégrité physique susceptible de rendre sérieusement contestable son droit à indemnisation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :
Vu les articles 706-3, 706-6 du code de procédure pénale, ensemble l'article R. 50-15 de ce code ;
Attendu que ces textes instituent en faveur des victimes d'infractions un mode de réparation répondant à des règles qui lui sont propres ;
Attendu que, pour juger non sérieusement contestable le droit à indemnisation de M. X..., l'arrêt énonce également que le jugement du 8 avril 2015 du tribunal correctionnel précise, tant dans ses motifs que dans son dispositif, que les deux personnes condamnées pour les violences commises sur M. X... sont entièrement responsables du préjudice subi par ce dernier, sans aucun partage de responsabilité ;
Qu'en statuant ainsi, en s'estimant liée par la décision qui a statué sur l'action civile de M. X..., la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et, partant, violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième, troisième et quatrième branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR alloué à M. X... la somme de 3 500 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice définitif et d'AVOIR ordonné une expertise médicale ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte des dispositions des articles 706-6 dernier alinéa et R. 50-15 du code de procédure pénale qu'en tout état de procédure le président de la commission peut accorder une provision ; qu'il communique sans délai la requête au procureur de la République et au Fonds et recueille leurs observations ; que cependant, le droit à indemnisation du requérant ne doit pas être contestable ; que l'article R. 50-13 du code de procédure pénale lui impose d'instruire l'affaire ; qu'en l'espèce, la requête en provision-expertise a été déposée le 9 mars 2016 ; qu'y était joint le jugement rendu par le tribunal correctionnel le 8 avril 2015, un certificat de non appel, ainsi que le certificat médical de description initial des blessures ; que par courrier en date du 22 mars 2017, le Fonds de Garantie s'est opposé à la demande d'indemnité provisionnelle et d'expertise, au motif que « la victime avait pris part à la rixe, de manière délibérée et avec la conscience d'un risque d'altercation » ; que le déroulement détaillé des faits est inconnu, l'enquête pénale n'ayant pas été versée au dossier, ni à l'initiative du président de la commission, ni à celle du fonds de garantie ; que ce dernier refuse la demande de provision et d'expertise en affirmant que la victime a participé à la rixe, sans viser précisément les éléments de l'enquête qui lui permettent de soutenir cette argumentation, et procède par des considérations générales telles que « la solidarité de la collectivité ne peut être mise à contribution que pour les victimes innocentes de la délinquance et non pour les personnes qui prennent part à des rixes, de manière délibérée et avec la conscience d'un risque d'altercation violente » ; qu'il se fonde également sur le fait que Monsieur X... aurait été condamné pénalement, sans que le casier judiciaire de ce dernier ne soit connu autrement que par le jugement qui cite une condamnation par le tribunal pour enfant pour une infraction dont la nature est inconnue ; qu'il résulte de l'application de l'article 9 du code civil qu'il appartient au Fonds qui refuse sa garantie de rapporter concrètement la preuve, au cas d'espèce, de l'existence de motifs justifiant d'exclure sa garantie ; qu'il y a lieu de constater qu'il ne rapporte pas cette preuve ni en première instance, ni en cause d'appel ; que l'ordonnance dont appel retient en revanche que Monsieur X... a été victime de blessures particulièrement graves de la part de A... et Frédéric B... qui ont été reconnus coupables par le tribunal ; que le tribunal a pris soin de préciser, tant dans les motifs de son jugement que dans son dispositif que ces derniers étaient entièrement responsables du préjudice subi par Monsieur X... et ceci sans aucun partage de responsabilité ; qu'il y a lieu dès lors de juger que l'obligation de garantie du fonds n'est pas sérieusement contestable, et de confirmer l'ordonnance rendue ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE si les blessures subies par le requérant résultent d'une rixe à laquelle il a participé, il a été victime des violences particulièrement graves de la part de A... et Frédéric B... reconnus coupables par le tribunal qui a pris soin de préciser, tant dans les motifs de son jugement que dans son dispositif, qu'ils étaient entièrement responsables du préjudice subi par M. X... et ceci sans aucun partage de responsabilité ; que dans ces conditions, il ne peut être retenu que la participation de Monsieur X... serait de nature à considérer qu'une réciprocité de coups pourrait faire obstacle à l'indemnisation de la victime ayant eu une ITT de 45 jours en application de l'article 706-3 du code de procédure pénale ; qu'il serait donc fait droit à la demande de provision à hauteur de la somme demandée et à la demande d'expertise dans les conditions du dispositif ;
1°) ALORS QUE la réparation des dommages causés à la victime d'une infraction peut être refusée ou son montant réduit en raison de la faute de cette victime ; que l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé ; qu'en jugeant que le FGTI ne rapporterait pas la preuve lui incombant de l'existence d'une faute imputable à M. X... quand celui-ci avait pourtant été définitivement condamné pénalement pour violences volontaires commises sur MM. A... et Frédéric B..., le jugement correctionnel, revêtu sur ce point de l'autorité absolue de la chose jugée, retenant l'existence de « coups réciproques donnés dans un contexte de provocations mutuelles », que « des coups ont été portés de toute part » et que « chacun assumera donc sa part de responsabilité » (jugement correctionnel, p. 4, in fine et p. 5, § 2), la cour d'appel a violé le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble l'article 706-3 du code de procédure pénale ;
2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, le FGTI se prévalait expressément du jugement correctionnel ayant retenu, pour condamner M. X... pour violences commises sur MM. A... et Frédéric B..., qu'« il s'agit de coups réciproques donnés dans un contexte de provocations mutuelles », que « des coups ont été portés de toute part » et que « chacun assumera donc sa part de responsabilité » (conclusions, p. 4, § 2 et s.) ; qu'en jugeant que le FGTI « refuse[rait] la demande de provision et d'expertise en affirmant que la victime a participé à la rixe, sans viser précisément les éléments de l'enquête qui lui permettent de soutenir cette argumentation » (arrêt, p. 4, § 3), la cour d'appel a dénaturé les conclusions du FGTI, violant l'article 4 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, le FGTI soutenait que M. X... avait été condamné pénalement pour avoir participé aux violences dont il réclame aujourd'hui l'indemnisation des conséquences prétendument dommageables, soulignant donc l'existence d'une contestation sérieuse portant sur son droit à indemnisation (arrêt, p. 4, § 4) ; qu'en jugeant que le FGTI « se fonde également sur le fait que Monsieur X... aurait été condamné pénalement, sans que le casier judiciaire de ce dernier ne soit connu autrement que par le jugement qui cite une condamnation par le tribunal pour enfant pour une infraction dont la nature est inconnue » (arrêt, p. 4, § 4), quand l'exposant ne se fondait nullement sur les condamnations passées de M. X..., qu'il n'évoquait d'ailleurs même pas, mais uniquement sur la circonstance qu'il avait été condamné pénalement pour avoir participé à la rixe à l'origine du dommage allégué, la cour d'appel a derechef dénaturé les conclusions du FGTI, violant l'article 4 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE la commission ou son président peut se faire communiquer copie des procès-verbaux constatant l'infraction ou de toutes les pièces de la procédure pénale, même en cours ; qu'en jugeant que « le déroulement détaillé des faits est inconnu, l'enquête pénale n'ayant pas été versée au dossier » (arrêt, p. 4, § 2), quand il lui appartenait, si elle s'estimait insuffisamment informée, de solliciter la communication des pièces du dossier pénal, comme le lui autorise l'article 706-6 du code de procédure pénale, faculté dont ne dispose pas le FGTI, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé ce texte ;
5°) ALORS QUE l'article 706-3 du code de procédure pénale institue en faveur des victimes d'infractions un mode de réparation autonome répondant à des règles propres ; qu'en relevant, pour retenir l'absence de contestation sérieuse relative au droit à indemnisation de M. X..., que, statuant sur l'action civile, « le tribunal [correctionnel] a pris soin de préciser, tant dans les motifs de son jugement que dans son dispositif que ces derniers étaient entièrement responsables du préjudice subi par Monsieur X... et ceci sans aucun partage de responsabilité » (arrêt, p. 4, § 7), la cour d'appel, qui s'est estimé liée par la décision ayant statué sur l'action civile, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale.