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25/01/2018 | FRANCE | N°16-27905

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 25 janvier 2018, 16-27905


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 septembre 2016), que l'Association d'aide aux maîtres d'ouvrages individuels (l'AAMOI) a assigné la Caisse de garantie immobilière du bâtiment (la CGI BAT), intervenant comme garant de livraison à prix et délais convenus en application de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation, en suppression de certaines clauses des actes de cautionnement comme illicites ou abusives ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la CGI BAT fait gri

ef à l'arrêt de déclarer illicite ou abusive la clause stipulant que « les ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 septembre 2016), que l'Association d'aide aux maîtres d'ouvrages individuels (l'AAMOI) a assigné la Caisse de garantie immobilière du bâtiment (la CGI BAT), intervenant comme garant de livraison à prix et délais convenus en application de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation, en suppression de certaines clauses des actes de cautionnement comme illicites ou abusives ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la CGI BAT fait grief à l'arrêt de déclarer illicite ou abusive la clause stipulant que « les pénalités de retard cesseront de courir à la réception de la maison faite avec ou sans réserves, ou à la livraison ou la prise de possession de celle-ci par le maître de l'ouvrage », d'en ordonner sous astreinte la suppression et d'ordonner la publication de la décision alors, selon le moyen :

1°/ que, pour juger abusive ou illicite et ordonner la suppression de la clause relative au terme des pénalités de retard, les juges du fond ont relevé qu'elle visait la date de réception, la date de livraison et la date de prise de possession et qu'elle créait une confusion inutile en prévoyant plusieurs termes cependant que le terme le plus favorable était la livraison ; qu'en statuant ainsi, sans tenir compte de ce que les clauses doivent s'interpréter dans le sens le plus favorable aux consommateurs, de ce que la clause ouvrait ainsi une option au maître d'ouvrage entre les trois dates selon celle qu'il estimait la plus favorable, et de ce que la réception peut être la date la plus tardive donc la plus favorable, la cour d'appel n'a pas caractérisé le caractère abusif ou illicite de la clause et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 421-6 ancien du code de la consommation, ensemble les articles L. 231-6 et L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ;

2°/ qu'en ordonnant la suppression de la totalité de la clause relative au terme des pénalités de retard, lors même que cette clause était à tout le moins licite et non abusive en tant qu'elle visait comme terme la date de livraison, de sorte que la suppression devait être cantonnée au visa de la date de réception et de la date de prise de possession, la cour d'appel a violé les articles L. 421-6 ancien du code de la consommation, ensemble les articles L. 231-6 et L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu qu'en application des dispositions des articles L. 231-6 et L. 231-2 i) du code de la construction et de l'habitation, les pénalités de retard ont pour terme la livraison de l'ouvrage et non sa réception avec ou sans réserves et constaté que la clause prévoyait plusieurs termes possibles, la cour d'appel, qui ne pouvait qu'écarter la clause qu'elle jugeait illicite, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour déclarer illicite ou abusive la clause stipulant que « les dépassements de prix ne résultant pas formellement d'une défaillance du constructeur sont formellement exclus de la garantie. Il en va ainsi des augmentations, dépassements ou pénalités forfaitaires dus : - à l'exécution des travaux supplémentaires faisant l'objet d'avenants augmentant le prix de la construction et non acceptés formellement par la caisse de garantie », l'arrêt retient que la garantie de livraison à prix et délais convenus, qui constitue une garantie légale distincte d'un cautionnement, ne peut être privée d'efficacité par l'effet d'une novation du contrat de construction de maison individuelle et que, dès lors, un avenant au contrat de construction pour travaux supplémentaires ne peut prolonger le délai de livraison de la maison en l'absence d'accord des parties sur ce point, que le montant de la prime due par le constructeur au garant ait été ou non modifié ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la validité de la garantie, relativement à son étendue, doit s'apprécier à la date à laquelle la garantie est donnée et en considération des travaux qui sont l'objet du contrat de construction à cette date, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare illicite ou abusive la clause stipulant que « les dépassements de prix ne résultant pas formellement d'une défaillance du constructeur sont formellement exclus de la garantie. / Il en va ainsi des augmentations, dépassements ou pénalités forfaitaires dus : / - à l'exclusion des travaux supplémentaires faisant l'objet d'avenants augmentant le prix de la construction et non acceptés formellement par la caisse de garantie. », en ordonne la suppression sous astreinte et ordonne la publication de la décision dans deux magazines au choix de l'AAMOI dans une limite de 5 000 euros par publication, l'arrêt rendu le 16 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne l'Association d'aide aux maîtres d'ouvrages individuels aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Caisse de garantie immobilière du bâtiment

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a déclaré illicite ou abusive la clause stipulant que « les pénalités de retard cesseront de courir à la réception de la maison faite avec ou sans réserves, ou à la livraison ou la prise de possession de celle-ci par le maître de l'ouvrage », a ordonné sous astreinte la suppression de cette clause, et a ordonné la publication de sa décision dans deux magazines au choix de l'AAMOI et dans la limite de 5 000 € ;

AUX MOTIFS QUE « 1) le terme des pénalités de retard, la clause de l'acte de cautionnement «garantie de livraison» de la COI BAT est rédigée en ces termes "les pénalités de retard cesseront de courir à la réception de la maison faite avec ou sans réserve ou à la livraison ou la prise de possession de celle-ci par le maître de l'ouvrage" ; qu'en application des dispositions des articles L.231-6 et L.231- 2,i) du code de la construction et de l'habitat les pénalités de retard ont pour tenue la livraison de l'ouvrage et non sa réception avec ou sans réserves ; que dès lors, la rédaction de la clause telle que mentionnée ci-dessus crée une confusion inutile en prévoyant plusieurs termes possibles sachant qu'en toute hypothèse, le terme le plus favorable pour le maître de l'ouvrage est celui de la livraison ; qu'en conséquence, la clause doit être déclarée illicite et devra être modifiée » ;

ALORS, premièrement, QUE pour juger abusive ou illicite et ordonner la suppression de la clause relative au terme des pénalités de retard, les juges du fond ont relevé qu'elle visait la date de réception, la date de livraison et la date de prise de possession et qu'elle créait une confusion inutile en prévoyant plusieurs termes cependant que le terme le plus favorable était la livraison ; qu'en statuant ainsi, sans tenir compte de ce que les clauses doivent s'interpréter dans le sens le plus favorable aux consommateurs, de ce que la clause ouvrait ainsi une option au maître d'ouvrage entre les droits dates selon celle qu'il estimait la plus favorable, et de ce que la réception peut être la date la plus tardive donc la plus favorable, la cour d'appel n'a pas caractérisé le caractère abusif ou illicite de la clause et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 421-6 ancien du code de la consommation, ensemble les articles L. 231-6 et L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ;

ALORS, deuxièmement, QU'en ordonnant la suppression de la totalité de la clause relative au terme des pénalités de retard, lors-même que cette clause était à tout le moins licite et non abusive en tant qu'elle visait comme terme la date de livraison, de sorte que la suppression devait être cantonnée au visa de la date de réception et de la date de prise de possession, la cour d'appel a violé les articles L. 421-6 ancien du code de la consommation, ensemble les articles L. 231-6 et L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a déclaré illicite ou abusive la clause stipulant que « les dépassements de prix ne résultant pas formellement d'une défaillance du constructeur sont formellement exclus de la garantie. Il en va ainsi des augmentations, dépassements ou pénalités forfaitaires dus : - à l'exclusion [sic : à l'exécution] des travaux supplémentaires faisant l'objet d'avenants augmentant le prix de la construction et non acceptés formellement par la Caisse de Garantie », a ordonné sous astreinte la suppression de cette clause, et a ordonné la publication de sa décision dans deux magazines au choix de l'AAMOI et dans la limite de 5 000 € ;

AUX MOTIFS QUE « 3) sur la clause selon laquelle le garant ne couvre pas les augmentations, dépassements de prix ou pénalités forfaitaires dus à l'exécution de travaux supplémentaires faisant l'objet d'avenants augmentant le prix de la construction et non acceptés formellement par la caisse de garantie, l'acte de livraison en application depuis octobre 2013 stipule en son article 3 §5-6 : "Les dépassements de prix ne résultant pas formellement d'une défaillance du constructeur sont formellement exclus de la garantie. Il en va ainsi des augmentations, dépassements ou pénalités forfaitaires dus : - à [l'exécution] des travaux supplémentaires faisant l'objet d'avenants augmentant le prix de la construction et non acceptés formellement par la Caisse de Garantie, - à un cas de force majeure" ; qu'aux termes de l'article L. 231-3 du code de la construction et de l'habitation sont réputées abusives les clauses ayant pour objet et pour effet de "décharger de son obligation d'exécuter les travaux dans les délais prévus par le contrat en prévoyant des causes légitimes de retard autres que les intempéries, les cas de force majeure et les cas fortuits" ; que la garantie de livraison à prix et délais convenus, qui constitue une garantie légale, distincte d'un cautionnement ne peut être privée d'efficacité par l'effet d'une novation du contrat de construction de maison individuelle ; que dès lors, un avenant au contrat de construction pour travaux supplémentaires ne peut prolonger le délai de livraison de la maison en l'absence d'accord des parties sur ce point que le montant de la prime due par le constructeur au garant ait été ou non modifié ; qu'en conséquence la clause qui prévoit que le maitre de l'ouvrage est privé de pénalités de retard en cas d'exécution de travaux supplémentaires doit être déclarée illicite » ;

ALORS, premièrement, QUE la clause litigieuse se bornait à préciser que ne relevaient pas de la garantie les seuls dépassements de prix résultant de travaux supplémentaires par rapport aux travaux initialement convenus, faisant l'objet d'un avenant entre le constructeur et le maître de l'ouvrage non accepté par le garant ; que pour juger cette clause illicite ou abusive et en ordonner la suppression, les juges du fond ont retenu que la garantie de livraison ne peut être privée d'efficacité par une novation du contrat de construction et que l'avenant au contrat de construction, même non accepté par le garant, ne peut avoir pour objet de prolonger le délai de livraison ; qu'en statuant par ces motifs, étrangers au libellé de la clause litigieuse, qui n'avait ni pour objet ni pour effet de dénier la garantie ou de prolonger le délai initial de livraison, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 421-6 ancien du code de la consommation, ensemble les articles L. 231-6, L. 231-2 et L. 231-3 du code de la construction et de l'habitation ;

ALORS, deuxièmement, QU'en jugeant illicite ou abusive et en ordonnant la suppression de la clause litigieuse, cependant qu'elle tendait à faire respecter la volonté du garant en empêchant que sa garantie soit étendue sans son accord à des travaux qu'elle ne visait pas, la cour d'appel a violé l'ancien article 1134 du code civil ;

ALORS, troisièmement, QU'en jugeant illicite ou abusive et en ordonnant la suppression de la clause litigieuse, les juges du fond ont considéré que la garantie devait nécessairement s'étendre à des travaux faisant l'objet d'un avenant au contrat de construction conclu postérieurement à l'octroi de la garantie ; qu'en statuant ainsi, quand la validité de la garantie, relativement à son étendue, doit s'apprécier à la date à laquelle la garantie est donnée et en considération des travaux qui sont l'objet du contrat de construction à cette date, la cour d'appel a violé l'ancien article 1134 du code civil ;

ALORS, quatrièmement, QUE la garantie de livraison est conférée en considération du risque apprécié par l'assureur et moyennant la prime qu'il a calculée en contrepartie de ce risque ; qu'en bouleversant cet équilibre en considérant que la garantie devait inclure des travaux supplémentaires objets d'un avenant au contrat de construction non pris en compte dans l'évaluation du risque et de la prime par le garant, la cour d'appel a violé l'ancien article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-27905
Date de la décision : 25/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONSTRUCTION IMMOBILIERE - Maison individuelle - Contrat de construction - Garanties légales - Garantie de livraison - Prix - Dépassement - Clause relative à l'exécution de travaux supplémentaires non acceptés par le garant - Validité - Détermination

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Clauses abusives - Domaine d'application - Contrat de garantie de livraison - Exclusion - Clause relative à l'exécution de travaux supplémentaires non acceptés par le garant

La validité de la garantie de livraison, relativement à son étendue, doit s'apprécier à la date à laquelle la garantie est donnée et en considération des travaux qui sont l'objet du contrat de construction à cette date. Viole l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la cour d'appel qui déclare illicite ou abusive la clause d'un contrat de garantie de livraison stipulant que les dépassements de prix ne résultant pas formellement d'une défaillance du constructeur sont formellement exclus de la garantie et qu'il en va ainsi des augmentations, dépassements ou pénalités forfaitaires dus à l'exécution des travaux supplémentaires faisant l'objet d'avenants augmentant le prix de la construction et non acceptés formellement par la caisse de garantie


Références :

Sur le numéro 1 : articles L. 231-6 et L. 231-2, i), du code de la construction et de l'habitation.
Sur le numéro 2 : article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 septembre 2016

N1 Sur le domaine d'application des pénalités de retard, à rapprocher :3e Civ., 12 septembre 2012, pourvoi n° 11-13309, Bull. 2012, III, n° 118 (1) (cassation partielle)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 25 jan. 2018, pourvoi n°16-27905, Bull. civ.Bull. 2018, III, n° 9
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, III, n° 9

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.27905
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