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23/01/2018 | FRANCE | N°17-81373;17-81377

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 janvier 2018, 17-81373 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° A 17-81.373 FS-P+B
N° E 17-81.377
N° 3476

VD1
23 JANVIER 2018

REJET

M. Soulard président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET et cassation sans renvoi sur les pourvois formés par M. Jean Y..., contre les arrêts n°

1 et n° 2 de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 2 février 2017, qui, pour diffamation publique envers un par...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° A 17-81.373 FS-P+B
N° E 17-81.377
N° 3476

VD1
23 JANVIER 2018

REJET

M. Soulard président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET et cassation sans renvoi sur les pourvois formés par M. Jean Y..., contre les arrêts n° 1 et n° 2 de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 2 février 2017, qui, pour diffamation publique envers un particulier, l'ont chacun condamné à 500 euros d'amende et ont prononcé sur les intérêts civils AR ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 décembre 2017 où étaient présents : M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Cathala, Ricard, Parlos, Mme Ménotti, conseillers de la chambre, MM. Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Desportes ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller Bonnal, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, THOUVENIN et COUDRAY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Desportes ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

Attendu qu'il résulte des arrêts attaqués, des jugements qu'ils confirment et des pièces des procédures que M. Philippe C..., candidat malheureux à la mairie de Cannes en 2008 et dont la liste était arrivée en deuxième position à l'issue du premier tour, engageant deux poursuites parallèles, a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef susvisé, à la suite de la mise en ligne, au mois de juin 2013, sur le site internet Médiapart, d'une part, d'un article intitulé "Comment la famille C... a voulu m'acheter", d'autre part, d'une vidéo, accessible depuis ce même article par un lien hypertexte, d'une interview accordée par M. Jean Y..., dont la liste était arrivée en troisième position ;

Que les propos visés par la plainte relative à l'interview (procédure ayant donné lieu à l'arrêt n° 1) étaient les suivants : "Au lendemain ou au surlendemain du 1er tour, j'ai eu un certain nombre d'appels, nombreux d'ailleurs, notamment celui de M. Michel D..., qui, à l'époque, avant le 1er tour, me soutenait. Il m'a appelé en m'indiquant qu'il avait eu M. Philippe C... en me disant "J'ai pris toutes les dispositions. Tu vas rencontrer Philippe C... et tout va bien se passer pour toi. Tu peux demander tout ce que tu veux"", "Il y a une proposition financière qui commence à 100 000 euros et qui se termine à plusieurs centaines de milliers d'euros", "Le même jour à l'hôtel Y... et à ce moment-là Philippe C... me demandait ce que je souhaitais et a évoqué, sans jamais préciser, une somme d'argent mais a évoqué le fait que, pour tout ce qui était aspects financiers, Il fallait voir Rocky C..., ou Roch C... que je ne connais pas. Et Philippe C... me dit textuellement : pour tout ce qui est histoire d'argent, tu vois mon frère" et "Michel D... m'avait dit textuellement : tu peux demander ce que tu veux. Ce à quoi j'ai répondu : c'est pas ça qui m'intéresse. Tu veux 100 000, 500 000, tu peux les avoir. Et à un moment donné, Roch C... a évoqué le fait qu'il pouvait doubler la somme" ;

Que les passages incriminés au sein de l'article lui-même (procédure ayant donné lieu à l'arrêt n° 2) étaient les suivants : "Une tentative de corruption, sans fioriture, sur fond de l'élection locale [...] : M. Y..., candidat divers droite à la mairie de Cannes en 2008, révèle dans un entretien à Mediapart, que le secrétaire national de l'UMP Philippe C... lui a offert, via plusieurs intermédiaires, jusqu'à 500 000 euros pour obtenir son retrait au second tour cette année-là. Selon l'ancien candidat cannois, M. Roch C..., l'aîné de la fratrie, mis en cause dans une vaste escroquerie immobilière en Espagne, venu tout spécialement à Cannes pour les municipales, aurait proposé aux colistiers de Y... de "doubler la somme". Ce qui laisse supposer que les C... étaient susceptibles de débloquer jusqu'à un million d'euros, à cette occasion", "Les faits dévoilés par M. Y... pourraient corroborer l'hypothèse de financements politiques illégaux opérés avec l'argent liquide sorti de la société immobilière de M. Roch C...", "Michel D... m'a téléphoné, il avait vu Philippe C..., explique Jean Y.... Il m'a dit "demande ce que tu veux : tu peux demander entre 100 000 et 500 000 euros". Je lui ai dit que je n'allais pas me rallier à un homme qui n'a pas un vrai parcours d'homme politique", "Pour ce qui est de l'argent, tu vois ça avec mon frère Rochy". Je lui ai dit que ça ne m'intéressait pas. A la fin de l'entretien, il m'a redit : "Tu vois mon frère" et "Roch leur a proposé de doubler la somme." Doubler la somme : en prenant en compte le haut chiffre de D... - 500 000 euros -, les C... auraient donc été en mesure d'offrir jusqu'à 1 million d'euros à leur rival" ;

Qu'au terme de deux informations distinctes, M. Y... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, en qualité de complice de diffamation publique, en même temps que le directeur de publication, s'agissant de l'interview, et que le directeur de la publication et les journalistes, s'agissant de l'article ; que le directeur de la publication, dans un cas, et celui-ci et les journalistes, dans l'autre, ont été renvoyés des fins de la poursuite par les premiers juges, qui ont, dans chacune des procédures, condamné le seul M. Y... du chef de diffamation publique ; que ce prévenu et la partie civile ont relevé appel des deux jugements ;

En cet état :

I - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt n° 1 ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, alinéa 1, 29, alinéa 1, et 32, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881, 387 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de jonction de la procédure n° [...] avec la procédure n° [...] ;

"aux motifs que M. Jean Y... sollicitait la jonction des deux procédures ayant donné lieu au jugement déféré numéro [...] et au jugement numéro [...] rendu à la même date, également déféré à la cour et examiné à la même audience, les propos reprochés repris dans l'article de Médiapart visés par la première procédure étant identiques à ceux diffusés en même temps sur le même site sous la forme d'une vidéo, visés par la seconde procédure ; que la confusion et l'unicité des faits ayant donné lieu à des poursuites distinctes était telle que les deux procédures avaient été examinées simultanément devant le tribunal, que le parquet avait requis une seule fois et que les avocats des parties n'avaient également plaidé qu'une seule fois ; que le tribunal avait néanmoins condamné deux fois M. Y... alors que celui-ci, qui n'avait donné qu'une seule interview, n'était évidemment pas maître de la forme journalistique de sa publication ; que toutefois l'élément matériel du délit de diffamation était caractérisé par l'acte de publication ; que les propos litigieux étaient poursuivis dans le cadre de procédures distinctes ouvertes par deux plaintes avec constitution de partie civile, en raison de deux faits de publication distincts, à savoir la publication d'un article dont les journalistes et l'interviewé pouvaient être déclarés complices et la publication d'une vidéo, dont seul l'auteur des propos pouvait être poursuivi en cette qualité ; qu'il ne pouvait donc être fait droit à la demande de jonction, même si le contenu des propos était similaire, s'agissant de faits de publications distincts justifiant de poursuites distinctes ;

"1°) alors que constitue une infraction unique la publication d'une interview sur une seule page internet d'un journal en ligne, sous forme d'une vidéo et d'un article ; que la cour d'appel ne pouvait refuser la jonction des procédures au prétexte qu'elles concernaient deux faits de publication distincts, à savoir la publication d'un article dont les journalistes et l'interviewé pouvaient être déclarés complices et la publication d'une vidéo dont seul l'auteur des propos pouvait être poursuivi en cette qualité, quand l'auteur des propos était poursuivi dans les deux procédures en qualité de complice et non d'auteur principal ;

"2°) alors qu'en outre, la vidéo de l'interview et l'article des journalistes avaient fait l'objet d'une seule publication sur une même page, l'article reprenant en les commentant les propos tenus dans l'interview filmé ; que, dans ces conditions, l'existence de deux faits de publication ne pouvait être retenue" ;

Attendu que le demandeur ne saurait faire grief à la cour d'appel, saisie de la procédure concernant l'interview, d'avoir écarté la demande de jonction avec la procédure concernant l'article, dès lors qu'à supposer que les deux poursuites dont elle est saisie portent sur le même fait, la juridiction correctionnelle n'a d'autre obligation que de statuer dans celle portant sur la prévention la plus large et de constater dans l'autre l'extinction de l'action publique en application du principe ne bis in idem ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, §§ 1 et 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 388 et 593 du code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu (M. Y..., le demandeur), poursuivi du chef de complicité de diffamation publique, coupable de diffamation publique et l'a condamné à une amende délictuelle de 500 euros ;

"1°) alors que le prévenu a le droit d'être informé de la qualification juridique donnée aux faits qui lui sont imputés et doit être mis en mesure de débattre contradictoirement de la requalification envisagée par le juge ; que le tribunal avait déclaré le demandeur coupable du délit de diffamation publique quand il était prévenu de complicité de diffamation publique, sans l'en avoir préalablement informé afin qu'il soit à même de préparer sa défense ; que la cour d'appel ne pouvait se borner à confirmer cette décision sans inviter le prévenu à présenter ses observations sur la nouvelle qualification retenue ;

"2°) alors qu'en omettant de répondre aux écritures du prévenu qui faisait valoir que le tribunal avait tacitement décidé cette requalification sans mieux s'en expliquer malgré la différence dans les éléments constitutifs des deux infractions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'en n'invitant pas spécialement le prévenu à s'expliquer sur la requalification effectuée par le tribunal, décision sur la pertinence de laquelle elle n'était saisie d'aucune demande, et dès lors que, d'une part, les éléments constitutifs du délit retenu étaient compris dans les termes de la prévention initiale, d'autre part, la requalification ayant été opérée par les premiers juges, le prévenu a été mis en mesure de se défendre devant la cour d'appel, cette dernière n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, lequel n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, alinéa 1, 29, alinéa 1, et 32, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu (M. Y..., le demandeur) coupable de diffamation publique et l'a condamné à une amende délictuelle de 500 euros ;

"aux motifs que M. Y... maintenait que les propos qu'il avait tenus résultaient de ce que ses soeurs lui avaient rapporté de façon précise et concordante sur les propositions financières émises par M. Roch C... ainsi que sur les propos menaçants qui les accompagnaient ; que sa soeur, Michèle, avait réitéré ses propos devant le tribunal ; qu'il n'avait accepté qu'après plusieurs sollicitations des journalistes de rappeler ce qu'il avait déjà déclaré en mars 2008, lors du débat politique sur FR3, sans susciter de démentis ni de MM. Philippe ni de Roch C... et qu'il n'avait cédé à l'insistance des journalistes, en dehors de toute période électorale et sans que ses propos aient pu avoir une incidence sur une possible candidature de la partie civile ; que l'intérêt général de sa démarche n'avait pas été mis en cause par le tribunal ni sa sincérité et qu'aller plus loin dans l'exigence de prudence et de vérification des faits revenait à amalgamer l'excuse de bonne foi et l'administration de la preuve de la véracité de ces faits pour un sujet d'intérêt général, ce qui apparaissait contraire à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que, toutefois, si l'on pouvait admettre que M. Y... n'avait accepté de s'exprimer publiquement en 2014, sur les élections municipales de 2008, qu'à la demande pressante des journalistes de Médiapart et non pour jeter le discrédit sur la partie civile, et que le sujet qu'il avait abordé relevait de l'information légitime du citoyen et futur électeur, encore fallait-il qu'il eût disposé d'éléments factuels suffisants, au regard de la gravité des faits de tentative de corruption imputés à la partie civile ; que, sans qu'il y eût lieu d'exiger de M. Y... qu'il rapportât la preuve de la véracité des propos tenus soit par M. Michel D..., soit par M. Philippe C..., soit par M. Roch C..., force était de constater, comme le tribunal, que les témoignages de ses deux soeurs ne pouvaient suffire à corroborer ses propres affirmations en raison de l'extrême proximité familiale, sinon politique, des intéressés ; qu'il en était de même des propos qu'il avait tenus lors d'un débat télévisé organisé le 3 mars 2008 sur la chaîne France 3, à l'occasion duquel, démentant le fait qu'il eût pu avoir des propositions financières de la part du maire de l'époque, il avait évoqué que "des gens" entourant M. Philippe C... lui avaient bien fait de telles propositions qui ne lui avaient pas convenu et que "d'autres avaient doublé la mise" ; que l'absence de poursuites qui, en tout état de cause, n'auraient pu que difficilement prospérer en raison de l'incertitude régnant sur les personnes réellement visées ne permettait pas à M. Y... de considérer que ses affirmations, parce qu'elles n'avaient pas été contredites, pouvaient être reprises en visant cette fois nommément les auteurs de ces prétendues propositions financières ; qu'il convenait d'ailleurs d'observer que M. Y..., dans le cadre d'une action qu'il avait engagée, sans succès, à l'encontre du Canard Enchaîné, n'avait, pour sa part, pas estimé devoir réagir à l'attestation produite par M. Philippe C..., dans laquelle celui-ci évoquait très précisément ses exigences en cas de victoire électorale, portant notamment sur des emplois à réserver à des membres de sa famille ; qu'enfin, s'agissant de M. Michel D..., précisément et directement visé par les propos litigieux, celui-ci avait formellement contesté avoir pu servir d'intermédiaire pour une quelconque proposition financière ;

"1°) alors que le fait justificatif de bonne foi, distinct de l'exception de vérité des faits diffamatoires, se caractérise par la légitimité du but poursuivi, l'absence d'animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l'expression ainsi que par le sérieux de l'enquête ; que la cour d'appel ne pouvait refuser au prévenu l'excuse de bonne foi au prétexte qu'il n'avait pas disposé d'éléments factuels suffisants, le témoignage de ses deux soeurs ne pouvant corroborer ses propos diffamatoires en raison de l'extrême proximité familiale, sinon politique, des intéressés, exigeant ainsi la preuve de la vérité des faits ;

"2°) alors que le prévenu faisait valoir d'un côté, qu'il n'avait aucune raison de ne pas croire les propos rapportés par sa soeur qui, en sa qualité d'avocate, était en mesure de déterminer la nature et l'importance des propos qu'elle avait entendus et, de l'autre, qu'il n'était animé d'aucune animosité personnelle à l'encontre des personnes mises en cause ; que la cour d'appel ne pouvait priver le prévenu de l'excuse de bonne foi quand, en l'absence d'enquête pénale, rien ne permettait de douter qu'il eût sincèrement et légitimement pu croire que l'information était exacte" ;

Attendu que, pour refuser le bénéfice de la bonne foi au prévenu et après avoir admis que celui-ci n'a accepté de s'exprimer qu'à la demande de l'organe de presse et non pour jeter le discrédit sur la partie civile, et que le sujet qu'il aborde relève de l'information légitime des citoyens, l'arrêt énonce notamment que la base factuelle des graves accusations proférées est insuffisante, le prévenu, à qui il n'incombe pas de prouver que M. D... et MM. Philippe et Roch C... ont bien tenu les propos qu'il leur prête, ne pouvant se prévaloir que du témoignage de ses deux soeurs, et aucune conséquence ne pouvant être tirée de l'absence de réaction de la partie civile aux propos qu'avait tenus M. Y... en 2008, trop vagues pour donner lieu utilement à des poursuites ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et n'a pas subordonné l'existence d'une base factuelle suffisante à la preuve de la vérité des faits, a exposé les circonstances particulières invoquées par le prévenu et énoncé les faits, dont elle a déduit à bon droit qu'ils ne justifiaient pas l'admission à son profit du bénéfice de la bonne foi ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

II - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt n° 2 ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, alinéa 1, 29, alinéa 1, et 32, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881, 387 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de jonction de la procédure n° [...] avec la procédure n° [...] ;

"aux motifs que M. Jean Y... sollicitait la jonction des deux procédures ayant donné lieu au jugement déféré numéro [...] et au jugement numéro [...] rendu à la même date, également déféré à la cour et examiné à la même audience, les propos reprochés repris dans l'article de Médiapart visés par la première procédure étant identiques à ceux diffusés en même temps sur le même site sous la forme d'une vidéo, visés par la seconde procédure ; que la confusion et l'unicité des faits ayant donné lieu à des poursuites distinctes était telle que les deux procédures avaient été examinées simultanément devant le tribunal, que le parquet avait requis une seule fois et que les conseils des parties n'avaient également plaidé qu'une seule fois ; que le tribunal avait néanmoins condamné deux fois M. Y... alors que celui-ci, qui n'avait donné qu'une seule interview, n'était évidemment pas maître de la forme journalistique de sa publication ; que toutefois l'élément matériel du délit de diffamation était caractérisé par l'acte de publication ; que les propos litigieux étaient poursuivis dans le cadre de procédures distinctes ouvertes par deux plaintes avec constitution de partie civile, en raison de deux faits de publication distincts, à savoir la publication d'un article dont les journalistes et l'interviewé pouvaient être déclarés complices et la publication d'une vidéo, dont seul l'auteur des propos pouvait être poursuivi en cette qualité ; qu'il ne pouvait donc être fait droit à la demande de jonction, même si le contenu des propos était similaire, s'agissant de faits de publications distincts justifiant de poursuites distinctes ;

"1°) alors que constitue une infraction unique la publication d'une interview sur une seule page internet d'un journal en ligne, sous forme d'une vidéo et d'un article ; que la cour d'appel ne pouvait refuser la jonction des procédures au prétexte qu'elles concernaient deux faits de publication distincts, à savoir la publication d'un article dont les journalistes et l'interviewé pouvaient être déclarés complices et la publication d'une vidéo dont seul l'auteur des propos pouvait être poursuivi en cette qualité, quand l'auteur des propos était poursuivi dans les deux procédures en qualité de complice et non d'auteur principal ;

"2°) alors que la vidéo de l'interview et l'article des journalistes avaient fait l'objet d'une seule publication sur une même page, l'article reprenant en les commentant les propos tenus dans l'interview filmé ; que, dans ces conditions, l'existence de deux faits de publication ne pouvait être retenue" ;

Sur le moyen de cassation, pris en sa seconde branche :

Sur le moyen de cassation relevé d'office, pris de la violation du principe ne bis in idem :

Vu ledit principe ;

Attendu que des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elle concomitantes ;

Attendu que pour entrer en voie de condamnation également du chef des propos extraits de l'article, l'arrêt retient que les deux faits de publication parallèlement poursuivis étaient distincts ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les propos poursuivis dans l'article incriminé étaient les mêmes, soit qu'ils soient cités, soit qu'ils soient reformulés sans dénaturation, que ceux parallèlement poursuivis comme ayant été tenus dans l'interview accessible par un lien hypertexte depuis ledit article, de sorte que l'ensemble ainsi formé, sur une même page intégralement mise en ligne au même moment sur un site internet, constituait un unique fait de publication qui ne pouvait donner lieu à deux déclarations de culpabilité, la cour d'appel a méconnu le principe sus-énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de cassation proposés ;

I - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt n° 1 :

Le REJETTE ;

II - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt n° 2 :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé n° 2 de la cour d'appel de Paris, en date du 2 février 2017 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi DAR ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois janvier deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-81373;17-81377
Date de la décision : 23/01/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Diffamation - Eléments constitutifs - Elément matériel - Publicité - Définition

Des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elle concomitantes. Encourent en conséquence la censure les arrêts prononçant deux déclarations de culpabilité du chef de diffamation publique envers un particulier, en raison de propos contenus, d'une part, dans un article mis en ligne sur internet, d'autre part, dans l'interview accessible par un lien hypertexte depuis ledit article, alors que les propos incriminés au sein de l'article étaient les mêmes, soit qu'ils soient cités, soit qu'ils soient reformulés sans dénaturation, que ceux poursuivis comme ayant été tenus dans l'interview, de sorte que l'ensemble ainsi formé, sur une même page intégralement mise en ligne au même moment sur un site internet, constituait un unique fait de publication


Références :

Sur le numéro 1 : principe ne bis in idem

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 février 2017

Sur l'absence d'obligation pour le juge d'ordonner la jonction de procédures connexes, à rapprocher :Crim., 21 novembre 1991, pourvoi n° 91-80830, Bull. crim. 1991, n° 428 (rejet), et les arrêts citésSur l'impossibilité pour un même fait de donner lieu, contre le même prévenu, à deux actions pénales distinctes, à rapprocher : Crim., 19 janvier 2005, pourvoi n° 04-81686, Bull. crim. 2005, n° 25 (cassation sans renvoi)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 jan. 2018, pourvoi n°17-81373;17-81377, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Soulard
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.81373
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