LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 décembre 2015), que, par acte notarié du 26 novembre 2004, la société européenne d'aménagement foncier (la société Eurofoncier) a vendu en l'état futur d'achèvement un appartement à Mme Y..., le délai de livraison étant fixé "au cours du 1er trimestre 2005" ; que la livraison est intervenue le 23 février 2006 ; que, Mme Y... n'ayant pas réglé le solde du prix, d'un montant de 5 178,74 euros, la société Eurofoncier l'a assignée en paiement de cette somme ; que Mme Y... a formé des demandes reconventionnelles en paiement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Eurofoncier fait grief à l'arrêt d'accueillir la fin de non-recevoir tirée de la prescription pour agir en justice soulevée par Mme Y..., de la déclarer bien fondée et, en conséquence, de déclarer irrecevable la demande en paiement du solde du prix de vente formée par la société Eurofoncier, alors selon le moyen, que la prescription biennale instaurée par l'article L. 137-2 du code de la consommation n'est pas applicable à l'action en paiement du solde du prix de vente d'un immeuble en l'état futur d'achèvement ; qu'en déclarant une telle action prescrite, au prétexte que l'action avait été engagée, au titre de l'immeuble livré par le vendeur professionnel le 23 février 2006, par une assignation délivrée le 31 août 2010 à l'acquéreur ayant la qualité de consommateur, soit plus de deux ans après l'entrée en vigueur, le 19 juin 2008, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation, ensemble l'article 2224 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation disposait que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que ce texte, de portée générale, avait, en l'absence de dispositions particulières, vocation à s'appliquer à l'action de la société Eurofoncier, professionnelle de l'immobilier, en paiement du solde du prix de l'immeuble vendu en l'état futur d'achèvement à Mme Y... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Eurofoncier aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Eurofoncier et la condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Eurofoncier
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR reçu la fin de non-recevoir tirée de la prescription pour agir en justice soulevée par Mme Noëlle Y... et déclaré cette fin de non-recevoir bien fondée et, en conséquence, d'AVOIR déclaré irrecevable la demande en paiement du solde du prix de vente formée par la SARL Société européenne d'aménagement foncier dite Eurofoncier et d'AVOIR condamné cette dernière à payer à Mme Noëlle Y... la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU' « en vertu de l'article L 137-1 du code de la consommation, créé par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription : "Par dérogation à l'article 2254 du code civil, les parties au contrat entre un professionnel et un consommateur ne peuvent, même d'un commun accord, ni modifier la durée de la prescription, ni ajouter aux causes de suspension ou d'interruption de celle-ci". L'article L 137-2 du code de la consommation, également créé par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, ajoute que : "L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans". Ce texte, situé dans le livre I du code de la consommation, intitulé "Information des consommateurs et formation des contrats", sous le Titre III intitulé "Conditions générales des contrats" a une portée générale, et, en l'absence de dispositions particulières relatives à la prescription de l'action des professionnels en matière de VEFA, a vocation à s'appliquer à ce type d'action. Et en vertu de l'article 26 II de la loi précitée "les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure". Aussi, reprenant cette disposition, l'article 2222 alinéa 2 du code civil précise, dans sa nouvelle version, qu'"En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure". En l'espèce, le point de départ initial du délai de prescription de l'action en paiement du solde du prix de vente est la date de mise à disposition du local vendu, soit celle de la livraison du 23.2.2006, qui rend exigible le solde du prix de vente, sauf à considérer que l'acquéreur pouvait consigner 5 % du prix de vente, ce qu'il ne justifie pas. Avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, l'action en paiement du solde du prix de vente d'un bien immobilier acquis en l'état futur d'achèvement était soumise au délai de prescription de droit commun, soit trente ans, selon l'ancien article 2262 du code civil. A compter du 19.6.2008, date d'entrée en vigueur de la loi portant réforme de la prescription, cette action engagée par un professionnel à l'égard d'un consommateur est, en vertu des articles 26 II de cette loi et 2222 alinéa 2 du code civil, soumise au délai de prescription de deux ans de l'article L137-2 du code de la consommation. Il est bien établi ici que la vente en l'état futur d'achèvement d'un bien immobilier fut conclue le 26.11.2004, entre un professionnel : la SARL SOCIÉTÉ EUROPÉENNE D'AMÉNAGEMENT FONCIER dite EUROFONCIER, promoteur vendeur, et un particulier agissant en qualité de consommateur au sens du code de la consommation: Noëlle Y.... L'action engagée par ce professionnel devait donc, pour être recevable, être engagée dans les deux ans de cette date d'entrée en vigueur, le délai de prescription biennale expirant le lundi 21.6.2010 à 24h en application des articles 641 et 642 du Code de procédure civile, puisque le 19.6.2010 était un samedi. L'action engagée par une première assignation délivrée à Noëlle Y... le 31.8.2010, et a fortiori par une nouvelle assignation en paiement délivrée le 16.10.2012, l'a donc été tardivement. Et il n'est justifié d'aucune des causes d'interruption de cette prescription prévues aux articles 2240 à 2246 du code civil, étant rappelé que contrairement à ce qu'a indiqué le premier juge, une simple mise en demeure de payer le solde du prix ne peut avoir d'effet interruptif. La demande en paiement du solde du prix de vente formée par la SARL SOCIÉTÉ EUROPÉENNE D'AMÉNAGEMENT FONCIER dite EUROFONCIER à l'encontre de l'appelante est donc irrecevable. Le jugement déféré doit donc ici être réformé » ;
ALORS QUE la prescription biennale instaurée par l'article L. 137-2 du code de la consommation n'est pas applicable à l'action en paiement du solde du prix de vente d'un immeuble en l'état futur d'achèvement ; qu'en déclarant une telle action prescrite, au prétexte que l'action avait été engagée, au titre de l'immeuble livré par le vendeur professionnel le 23 février 2006, par une assignation délivrée le 31 août 2010 à l'acquéreur ayant la qualité de consommateur, soit plus de deux ans après l'entrée en vigueur, le 19 juin 2008, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation, ensemble l'article 2224 du code civil.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR condamné la société Européenne d'aménagement foncier dite Eurofoncier à payer à Mme Noëlle Y... les sommes de 1 349,80 euros au titre des intérêts intercalaires du prêt bancaire souscrit, pour les mois d'avril 2005 à mars 2006 compris et de 4 400 euros au titre du manque à gagner locatif subi du mois d'avril 2005 au mois de février 2006 compris et, en conséquence, d'AVOIR condamné la société Européenne d'aménagement foncier dite Eurofoncier à payer à Mme Noëlle Y... la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « le contrat de vente stipulait sous le titre "délai d'achèvement" : "Le vendeur devra achever les locaux vendus au cours du 1er trimestre 2005. Toutefois ce délai sera, le cas échéant, majoré des jours d'intempérie au sens de la réglementation du travail sur les chantiers du bâtiment ; ces jours seront constatés par une attestation de l'architecte ou du bureau d'études auquel les parties conviennent de se rapporter à cet égard. Le délai sera également majoré des jours de retard consécutifs à la grève ou au dépôt de bilan d'une entreprise et, de manière générale, en cas de force majeure" (page 16). La livraison devait donc intervenir au plus tard le 31.3.2005. Elle n'a eu lieu que le 23.2.2006, soit avec un retard de 10 mois et 23 jours. Il n'est nullement fait état d'intempéries ayant été à l'origine du retard. Le vendeur invoque d'abord la liquidation judiciaire de deux entreprises intervenues sur le chantier : les sociétés CG BAT et ZT ELECTRIC. Cependant, alors que la liquidation judiciaire de la société ZT ELECTRIC fut prononcée par le tribunal de commerce de Marseille le 8.11.2006, soit plusieurs mois après la livraison, le vendeur ne peut utilement se prévaloir de cette procédure pour estimer qu'elle aurait eu une incidence sur un événement antérieur, à savoir un retard allant d'avril 2005 à février 2006. Et si la liquidation judiciaire de l'entreprise CG BAT, chargée du lot plomberie, fut prononcée le 15.12.2005, soit avant la livraison, dès le mois de juillet 2005, le maître de l'ouvrage avait stigmatisé les carences de cette entreprise par courrier du 29.7.2005, en raison d'une absence de son personnel sur le chantier, critique confirmée par lettre du 26.8.2005, avant que les parties ne décident "d'un commun accord", le 19.9.2005, de mettre fin à leurs relations contractuelles (pièces 10 de l'intimée). Pour cette entreprise, le retard n'est donc pas imputable à la procédure de liquidation judiciaire intervenue près de trois mois après la cessation des relations contractuelles, mais à sa carence sur le chantier, constatée bien avant l'ouverture de cette procédure. En conséquence, le vendeur ne peut utilement se prévaloir de cette seconde liquidation judiciaire. Enfin, s'il est exact que le 9.8.2004 est intervenu sur le chantier un accident de travail ayant, le lendemain, entraîné la mort d'un électricien employé par la société PELESTOR (pièce 14 de l'intimée), à juste titre, l'acquéreur est fondé à rappeler qu'il appartenait au vendeur, une fois connu cet accident, d'en mesurer les conséquences lors de la signature du contrat de vente, intervenue plus de trois mois après, le 26.11.2004. En effet, en qualité de professionnel, il se devait de prendre en compte tous les éléments alors en sa possession pour déterminer, avant de signer l'acte de vente, dans quel délai il serait en mesure d'achever l'immeuble et donc de le livrer S'agissant d'un événement antérieur à la conclusion du contrat, le vendeur ne peut donc l'invoquer utilement pour échapper à son obligation de livrer dans le délai contractuellement fixé et accepté par lui. Devant la cour, Noëlle Y... demande la condamnation de son vendeur à lui payer: ** 1349,80 € au titre des intérêts intercalaires du prêt bancaire payés du mois d'avril 2005 au mois de mars 2006, ** 4 400 € au titre du manque à gagner locatif subi du mois d'avril 2005 au mois de mars 2006. Le vendeur a reconnu lui-même devoir prendre en charge des intérêts intercalaires, puisqu'il les a déduits de son dernier appel de fonds, dans les conditions suivantes : appel de fonds, mise à disposition du logement : 2 957,50 €, à déduire : intérêts intercalaires pour 6 mois, de juillet à décembre, soit 122,71 X 6 = 736,26 €, Soit solde 2 221,24 € (Courrier du 17.2.2006, rappel du 3.3.2006 et mise en demeure du 25.1.2010). Alors que le montant des intérêts intercalaires n'est pas discuté, qu'il est indiqué dans une attestation de la banque (pièce 2 de l'appelante), que le retard de livraison est de 10 mois et 23 jours, que les intérêts en question concernent un mois entier, Noëlle Y... est fondée à obtenir la condamnation de son vendeur à lui payer la somme de 122,71 € X 11 = 1349,81 €, étant précisé cependant qu'elle ne réclame que celle de 1349,80 €. En produisant un bail du 29.8.2006, prenant effet au 1.9.2006, Noëlle Y... justifie percevoir, au titre du logement acquis par elle, un loyer mensuel de 400 €, hors provision sur charges. Compte tenu du retard de livraison de l'appartement, du manque à gagner qui en est résulté, et des termes de sa demande : "manque à gagner locatif subi du mois d'avril 2005 au mois de mars 2006", elle est fondée à obtenir la condamnation de son vendeur à lui payer la somme de 400 € X 11 mois = 4 400 € au titre du manque à gagner locatif » ;
1. ALORS QUE le débiteur est condamné au paiement de dommages et intérêts à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée ; que pour imputer au maître de l'ouvrage le retard pris par le chantier litigieux, l'ouvrage qui devait être livré le 31 mars 2005 ne l'ayant été que le 23 février 2006, l'arrêt attaqué a énoncé que la procédure de liquidation judiciaire de l'entreprise CG BAT, chargée du lot plomberie, n'était intervenue que près de trois mois après la cessation des relations contractuelles entre cette entreprise et le maître de l'ouvrage ; qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que le retard en cause était imputable à la carence de l'entreprise CG BAT sur le chantier, carence qui avait été stigmatisée par le maître de l'ouvrage par courrier du 29 juillet 2005, cette critique ayant été confirmée par lettre du 26 août 2005 avant que les parties ne mettent fin à leurs relations contractuelles le 19 septembre 2005, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que le maître de l'ouvrage avait subi la carence de l'entreprise CG BAT qui ne pouvait lui être imputée, violant par là même l'article 1147 du code civil ;
2. ALORS QU' aux termes de la vente en état futur d'achèvement du 26 novembre 2004, le délai d'achèvement « sera également majoré des jours de retard consécutifs à la grève ou au dépôt de bilan d'une entreprise et, de manière générale, en cas de force majeure » ; qu'en affirmant que le maître de l'ouvrage ne pouvait utilement se prévaloir de la liquidation judiciaire de l'entreprise CG BAT prononcée le 15 décembre 2005, au prétexte que le retard du chantier n'était pas imputable à la procédure de liquidation judiciaire, dès lors que celle-ci était intervenue près de trois mois après la cessation des relations contractuelles entre le maître de l'ouvrage et cette entreprise, sans rechercher si cette liquidation judiciaire n'était pas la conséquence de la carence de l'entreprise CG BAT qu'elle constatait et que le maître de l'ouvrage avait stigmatisée dès le 29 juillet 2005, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR condamné la société Européenne d'aménagement foncier dite Eurofoncier à payer à Mme Noëlle Y... la somme de 4 400 euros au titre du manque à gagner locatif subi du mois d'avril 2005 au mois de février 2006 compris et, en conséquence, d'AVOIR condamné la société Européenne d'aménagement foncier dite Eurofoncier à payer à Mme Noëlle Y... la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « la livraison devait donc intervenir au plus tard le 31.3.2005. Elle n'a eu lieu que le 23.2.2006, soit avec un retard de 10 mois et 23 jours. (...) Qu'en produisant un bail du 29.8.2006, prenant effet au 1.9.2006, Noëlle Y... justifie percevoir, au titre du logement acquis par elle, un loyer mensuel de 400 €, hors provision sur charges. Compte tenu du retard de livraison de l'appartement, du manque à gagner qui en est résulté, et des termes de sa demande : "manque à gagner locatif subi du mois d'avril 2005 au mois de mars 2006", elle est fondée à obtenir la condamnation de son vendeur à lui payer la somme de 400 € X 11 mois = 4400 € au titre du manque à gagner locatif » ;
ALORS QUE seul le préjudice en lien de causalité avec la faute commise par le débiteur donne lieu à réparation ; qu'en affirmant que l'acquéreur, Mme Y..., avait droit à la réparation d'un manque à gagner locatif subi du mois d'avril 2005 au mois de mars 2006, sans s'expliquer, comme il y était invitée, sur la circonstance que l'acquéreur n'avait conclu un bail qu'à effet du 1er septembre 2006, soit plusieurs mois après la livraison intervenue le 23 février 2006, de sorte qu'il n'était pas certain que l'acquéreur avait subi un manque à gagner locatif à compter de la date de livraison prévue le 31 mars 2005, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.