LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
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M. Ramazan X... ,
M. Emrah X...,
Mme Serife X..., épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 4e chambre, en date du 30 août 2016, qui, pour violences aggravées, a condamné les deux premiers à dix mois d'emprisonnement dont huit mois avec sursis et mise à l'épreuve et la troisième à six mois d'emprisonnement assortis d'un sursis mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 septembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Ingall-Montagnier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller INGALL-MONTAGNIER, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 385, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'exception de nullité de la procédure et a refusé de surseoir à statuer ;
"aux motifs que les conclusions des appelants soulèvent à nouveau une exception de nullité que les premiers juges ont rejetés ; que ces conclusions de nullité ont été déposées in limine litis et plaidées en première instance avant que le tribunal ne joigne l'incident au fond ; que l'exception de nullité n'a toutefois pas été soutenue à l'audience en cause d'appel ; qu'il échet, en conséquence, de la déclarer irrecevable en application de l'article 385 du code de procédure pénale ; que les conclusions des appelants demandent à la cour de surseoir à statuer dans l'attente "des audiences et jugements relatifs aux faits des 21 et 25 juin 2015, comme du 27 août 2015" ; qu'il n'est pourtant nulle part question de faits commis les 24 et 25 juin 2015 dans le corps desdites conclusions, qu'il pourrait s'agir des plaintes des 26 et 27 juin 2014 relatives à des faits survenus le 24 juin 2014 selon les pièces n°l8 à n°19 du bordereau de communication de la défense ainsi que, peut-être, des plaintes des 26 et 27 juin 2014 pour des faits du 25 juin 2014, pièces n°20 et 23, encore que le conseil ajoute que l'enquête de police diligentée au sujet de ces derniers n'a toujours pas abouti près de deux ans plus tard ; qu'ainsi, la demande de sursis à statuer par rapport "aux faits du 24 et 25 juin 2015" est vague, imprécise et non justifiée par l'existence d'une autre instance en cours ; que "s'agissant des faits du 27 août 2015", les concluants rapportent qu'alors qu'Alexandre X... faisait le plein à la station d'essence du Carrefour Market de Saint-Fons, accompagnée de sa femme, de ses enfants et de sa soeur Mme Y..., M. Z... l'avait agressé en lui donnant un coup de poing avant de jeter des pierres sur son pare-brise puis de partir en le menaçant, pièces n° 34 et 35 ; que le conseil ne justifie aucunement de la poursuite de cette affaire devant une juridiction pénale ; que l'existence d'une autre instance en cours à ce sujet n'est pas démontrée ; que, dans ces conditions, la demande de sursis à statuer de ce chef n'est pas sérieuse ; qu'en outre, la cour n'est saisie que des seuls faits du 28 août 2015, dont le jugement à venir ne dépend aucunement du sort des affaires antérieures qui ont pu opposer les mêmes parties ; que la cour, au travers des débats et à la lecture des écritures des appelants, outre des pièces communiquées, contradictoirement débattues, est à même d'apprécier le contexte dans lequel les faits du 28 août 2015 se sont déroulés, lequel est abondamment développé dans les écritures des appelants avec des relations entre les parties débutant en 2008 ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer en l'espèce ;
"1°) alors que la procédure pénale doit être équitable ; qu'elle ne saurait ainsi conduire à juger des prévenus, invoquant le fait que la crédibilité des propos de la partie civile et des témoins doit pouvoir être appréciée à l'aune des faits qui leur sont reprochés dans d'autres dossiers, sans que les juges connaissent de ces faits, s'ils sont liés ; que, dans les conclusions déposées pour les prévenus, il était soutenu qu'ils ne pouvaient être jugés selon la procédure de comparution immédiate, sans que les juges soient également saisis des faits reprochés à la partie civile, en lien avec ceux visés à la procédure ; que, pour rejeter cette exception, la cour d'appel a estimé que le moyen de nullité n'ayant pas été soulevé in limine litis devant elle, l'exception était irrecevable ; que dès lors que les conclusions déposées pour les prévenus faisaient état de l'exception de nullité et qu'elles ont été déposées à l'audience, après que la cour d'appel, soulevant le moyen tiré de la régularité de sa saisine, ait obtenu le consentement des prévenus de comparaître devant elle, en l'absence de citation régulière, en estimant que cette exception n'avait pas été soulevée in limine litis, ce que le moyen qu'elle avait relevé d'office rendait impossible, la cour d'appel a méconnu l'article 385 du code de procédure pénale et l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"2°) alors qu'à tout le moins, en refusant de surseoir à statuer dans l'attente de la poursuite des faits antérieurs qui auraient en partie été commis par la partie civile, au motif que la preuve de telles poursuites n'était pas rapportée, sans avoir sollicité les explications du parquet, sur les plaintes dont faisaient état les prévenus, la cour d'appel a encore méconnu le droit à un procès équitable, tel que garanti par l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Vu les articles 385 et 386, 459 et 512 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes des articles 385 et 386 du code de procédure pénale, le tribunal doit statuer sur les exceptions que le prévenu lui soumet dans des conclusions régulièrement déposées avant toute défense au fond ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Emrah X..., M. Ramazan X... et Mme Y... ont été poursuivis des chefs de violences avec arme et en réunion devant le tribunal correctionnel qui les a condamnés par un jugement dont ils ont fait appel avec le ministère public ;
Attendu que, pour dire irrecevable l'exception de nullité tirée du recours à la procédure de comparution immédiate, l'arrêt attaqué retient que les conclusions des appelants soulèvent à nouveau une exception de nullité que les premiers juges ont rejetée, mais que celle-ci n'a toutefois pas été soutenue à l'audience en cause d'appel ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il ressort des mentions de l'arrêt que l'avocat des prévenus a déposé à l'audience, avant toute défense au fond, des conclusions de nullité et qu'en l'absence de renonciation expresse, la cour d'appel était tenue d'y répondre même si ladite exception n'a pas été soutenue oralement ;
Que la cassation est, dès lors, encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 30 août 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre octobre deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.