LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. André X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-8, en date du 13 avril 2016, qui, pour aide à l'entrée ou au séjour irrégulier d'étrangers en bande organisée, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, 100 000 euros d'amende, et a ordonné la confiscation des scellés ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 septembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Carbonaro, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARBONARO, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4 et 132-71 du code pénal, L. 622-1 et L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a confirmé le jugement et déclaré M. X... coupable d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d'un étranger en France ;
" aux motifs que M. X..., prévenu d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France ou dans un état partie à la convention de Schengen, en bande organisée, assisté de ses deux avocats, conteste les faits qui lui sont reprochés, affirmant avoir toujours agi dans la stricte limite des droits de la défense et être, en définitive, victime de la vindicte des fonctionnaires de la police de l'air et des frontières, qui n'admettent pas ses succès constants dans la défense des étrangers entrés irrégulièrement sur le territoire français ; que l'auxiliaire de justice conteste par ailleurs appartenir à une filière d'immigration clandestine, affirmant notamment avoir d'autres clients et ne pas agir uniquement pour les intérêts de la seule filière marocaine dirigée par M. Y... ; que l'appartenance de M. X... à la filière d'immigration dirigée par M. Y..., et le recrutement de l'auxiliaire de justice par la filière, comme l'aide en toute connaissance de cause apportée par l'auxiliaire de justice à la filière résultent des déclarations précises et concordantes de MM. Y..., Z... et A... ; qu'entendu le 25 mai 2010 sur commission rogatoire, M. Y... devait préciser : " Question : Dans les comptes d'D..., il y a la mention E... ou F... et la somme de 1 500 euros inscrit en face à quoi cela correspond-t-il ? Réponse : X... est un avocat français qui travaille avec mon réseau. 1 500 euros est le tarif qu'il demande pour défendre mes clients. Les consignes aux clandestins : " Je donne rendez-vous aux clandestins dans Casablanca je vérifie qu'ils ont bien versé l'argent chez une personne de confiance, je les oriente vers l'agence Air-France, rue des Far ou Rabat afin qu'ils réservent leur voyage, je leur explique qu'ils doivent prendre un vol avec transit tel que la Turquie ou le Brésil ; quand ils sortent je leur remets une carte SIM d'un réseau de téléphonie française achetée à Paris, je leur conseille de prendre deux batteries, je leur demande de prendre un sac léger. Le clandestin vient avec son propre téléphone portable et deux batteries pour éviter de tomber en panne. Je donne le numéro d'G... aux clandestins quand c'est moi qui les ait recrutés et inversement quand c'est lui qui les a recrutés ; les puces utilisées par les clandestins me reviennent rarement arrivés à Paris, ils me contactent et je les guide. Les horaires de passage se font au hasard en fonction des places disponibles dans l'avion. J'adapte mon guidage en fonction du lieu de stationnement de l'avion. Dès le départ, le clandestin a 1 500 euros en espèces dans sa poche et il sait que cela servira à payer les honoraires de notre avocat qui ne prend que des espèces. Arrivé à Paris, si il y a un contrôle de police, on place au plan B et c'est l'avocat, qui les fera sortir de toute manière. Je les rassure en leur disant que l'avocat est au courant de l'existence du réseau et qu'il travaille pour nous. Concernant l'avocat au service de votre réseau : " Pour mon réseau, il y a un avocat qui est là exclusivement ; il s'appelle X..., je le lui ai jamais parlé au téléphone et je ne l'ai jamais vu, c'est M. Z... qui a le contact, on a appris que M. X... faisait sortir beaucoup de clandestins et on s'est approché de lui pour le mettre dans le réseau, c'est M. Z... qui s'est occupé de son recrutement ; que cela fait un an environ qu'il travaille pour nous, il demande 1 500 euros par clandestin défendu, il exige d'être payé uniquement en espèces, c'est lui qui a fixé le tarif ; que peu lui importe la situation financière du clandestin, il doit recevoir 1 500 euros pour le défendre ; que M. X... est connu parmi les trafiquants de migrants, il sait qu'il travaille pour notre réseau qui se charge de faire passer des clandestins ; que d'ailleurs, il travaille avec d'autres réseaux d'Amérique du Sud ; que je connais le fax de M. X..., c'est H...qui me l'a communiqué. Pour les fausses demandes d'asile politique, c'est X... qui nous a conseillés sur le mode opératoire : à savoir, il fallait déclarer être menacé dans son pays par les autorités bien que nous au Maroc, on n'a pas de souci particulier ; que c'est sa façon de travailler en mentant à la justice pour faire libérer nos clients. Concernant l'avocat au service du réseau : " Le réseau a rencontré il y a quelque temps des problèmes parce que les clandestins étaient sécurisés par les policiers et il a fallu trouver une solution. J'ai appris que des clandestins avaient demandé J... et avaient été libérés grâce à un avocat. Depuis, pour mon réseau, il y a un avocat qui est là exclusivement, il s'appelle M. X..., je le lui ai jamais parlé au téléphone et je ne l'ai jamais vu, c'est M. Z... qui a le contact. On a appris que X... faisait sortir beaucoup de clandestins et on s'est approché de lui pour le mettre dans le réseau, c'est M. Z... qui s'est occupé de son recrutement. Je connais le fax de X..., c'est G... qui me l'a communiqué. X... a conseillé les choses suivantes pour réussir ces libérations : il faut que les clandestins ne parlent pas français, ne communiquent pas son nom, refusent de signer tous tes documents que les policiers pourraient lui présenter et surtout en cas de réacheminement au Maroc, refuser d'embarquer. Si on n'a pas besoin de l'avocat, les 1 500 euros reviennent à G... et c'est déduit de sa part. X... a un assistant nommé A... qui gère le paiement et le transport, c'est lui qui fait l'intermédiaire entre Z...et X..., comme cela M. X... se fait moins remarquer. L'avocat est toujours rémunéré avant ou après la plaidoirie, ça dépend, le clandestin régie la note et s'il n'a pas assez d'argent Z...complète, remet l'argent à M. A... qui le remet ensuite à M. X.... M. Z... prévient M. X... dès l'arrivée des clandestins en zone d'attente où il est prévenu d'avance, quand M. X... est en vacances, on arrête l'envoi des clandestins. J'en suis informé par M. Z... qui tient l'information de M. A.... Question : qui a mis en place les faux garants qui servent de garantie de représentation pour faciliter la libération du tribunal ? Réponse : c'est l'avocat qui a mis cela en place, M. Z... doit trouver des faux garants, si il n'en trouve pas, M. X... en trouvera pour notre réseau. Pour la rémunération des faux garants. M. X... se sert des 1 500 euros qu'il reçoit, mais je ne sais pas combien ils louchent. Je ne connais pas le nom des garants ce n'est pas ma partie, c'est la gestion de M. X... " ; que s'agissant du rôle et de l'action de MM. X..., Z..., entendu par les services de police le 26 mai 2010 déclarait : " Question : Que se passe-t-il dans le cas où les clandestins n'arrivent pas à sortir ? Réponse : Dans le cas où ils n'arrivent pas à sortir, ils appellent I...qui m'appelle aussitôt. Ils doivent ensuite aller voir la police et c'est I...qui gère. Il y a environ un an ou un an et demi un clandestin en zone d'attente a été défendu par Maître X.... Il est sorti et comme I...a vu que cela marchait ; il a décidé que nous devions travailler avec lui il l'a appelé et lui a dit que nous devions travailler ensemble. X... a accepté et a fixé le prix ferme à 1 500 euros par clandestin qu'il défend, qu'il réussisse à le faire sortir ou non. Maître X... se rendait en zone d'attente, il récupérait l'argent auprès des clandestins et ensuite il leur donnait pour consigne défaire des demandes d'asile politique. X... a précisé que les clandestins devaient arriver avec la somme en espèces sur eux. Dans le cas où il n'ont pas toute la somme, c'est la famille qui le paie. Soit, c'est moi qui récupère l'argent et le lui donne, soit c'est directement la famille. Je précise qu'au début, avant que A... ne travaille pour X..., je traitais directement avec lui puis j'ai toujours remis l'argent à A.... J'ajoute que D... faisait le même travail que moi et qu'il lui arrivait de remettre de l'argent directement à X... ou A.... Question : Maître X... savait-il qu'il oeuvrait pour un réseau d'immigration clandestine ? Réponse : Il le sait puisque lorsque nous avons des clandestins en zone d'attente, il s'adresse à moi et non à la famille pour récupérer son argent ; que lors de l'audience de la cour, M. Z... a confirmé ses propos, en présence du prévenu M. X... ; qu'interrogé encore par le magistrat instructeur sur le fait de savoir si M. X... savait que les migrants ayant recours à la filière mise en place par M. Y... et interpellés sur le territoire français étaient des clandestins, M. Z... a répondu par l'affirmative, précisant que l'auxiliaire de justice qui travaillait depuis longtemps avec I...(Y...), avait leurs dossiers ; que s'agissant du rôle exact de l'avocat M. X..., le coursier de ce dernier, M. Mody A..., homme dans lequel il avait toute confiance, entendu à plusieurs reprises tant au cours de l'enquête de police que de l'information, a confirmé que l'auxiliaire de justice dont les honoraires étaient fixés à 1 500 euros par clandestin, était désigné par G... (M. H...Z...) pour défendre les clandestins se trouvant en zone d'attente pour personne en instance (ZAPI) à Roissy-en-France ; que l'auxiliaire de justice ne pouvait ignorer qu'il travaillait pour un réseau, ayant lui-même conscience de son implication dans le réseau d'immigration clandestine marocaine ; qu'il connaissait l'existence de faux garants recrutés par G... (M. H...Z...) fournis par l'avocat M. X... au tribunal ; que le même M. A... a, par ailleurs, confirmé devant le magistrat instructeur ses agissement délictueux, déclarant s'agissant de X..., que ce dernier avait conscience que les clients que lui envoyait G... (M. H...Z...) étaient des clandestins, son patron l'ayant mis en relation avec G..., avec lequel il travaillait depuis longtemps ; qu'il ressort ainsi des déclarations de M. Y..., comme de M. Z..., qu'environ un an et demi avant leur interpellation, M. X... avait été approché par M. Z... afin de travailler pour le compte du réseau d'immigration clandestine existant entre le Maroc et la France et que ce dernier avait accepté, moyennant paiement d'une somme de 1 500 euros par personne, quel qu'en soit le résultat ; qu'il avait été convenu que cet argent serait versé en espèces par le ressortissant marocain et qu'à défaut par ce dernier d'être porteur d'une somme suffisante, sa famille ou M. Z... réglerait le solde des honoraires dus ; que de très importantes sommes en liquide ont d'ailleurs été saisies au domicile de M. X... ; qu'il ressort, par ailleurs, des pièces de la procédure que M. X... était le seul avocat du réseau et que lorsque ce dernier prenait des vacances, le réseau d'immigration clandestine interrompait ses activités ; que lors de leurs échanges téléphoniques, MM. Y... et Z... ont évoqué l'avocat M. X... comme faisant partie intégrante du réseau ; que c'est encore sur les conseils de l'avocat M. X..., qu'ont été données les consignes aux ressortissants clandestins marocains, utilisant la filière mise en place par M. Y..., de ne pas s'exprimer en Français, de ne pas communiquer le nom de l'avocat, de refuser de signer tout document et de faire une demande d'asile en arguant de menaces dans leur pays ; que l'auxiliaire de justice a par ailleurs mis en place le recours à de faux garants, incitant M. Z... à en trouver pour les ressortissants marocains et s'en chargeant lui-même en cas d'échec de ce dernier ; qu'en outre, il ressort clairement des écoutes téléphoniques et contrairement à ce qu'a soutenu M. X..., que les ressortissants marocains recourraient à ses services, non pas eu égard à sa réputation, mais sur recommandation des membres du réseau et plus particulièrement de M. Z... et que la somme réclamée aux étrangers incluait les honoraires de l'avocat ; que M. X... a été informé, avant leur arrivée sur le sol français, de la venue d'un ou plusieurs ressortissants marocains ; que M. X... ne saurait soutenir ignorer l'existence de fausses attestations versées aux dossiers des ressortissants marocains qu'il défendait dans la mesure où M. Larbi B... a déclaré que l'auxiliaire de justice lui avait dit : " si le juge te pose la question, tu dis que c'est de la famille " et où M. Z... a indiqué qu'il fournissait de faux garants se faisant passer pour des membres de la famille, à la demande de M. X... ; que les premiers juges pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de M. X..., après avoir rappelé que le délit d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France ou dans un état partie à la convention de Schengen, en bande organisée ne saurait s'appliquer à l'avocat, qui exerce régulièrement la défense d'un client, mais par contre, s'applique à l'avocat qui, par des actes concrets commis au delà de l'exercice des droits de la défense, agit sciemment dans le cadre d'une organisation frauduleuse ayant pour objet de permettre ou de faciliter l'entrée, la circulation et le séjour irréguliers d'étrangers en France, ont justement retenu, dans la période de prévention soit de 2007 au 21 mai 2010, la participation de M. X... à une organisation frauduleuse correspondant à un " réseau " ou " bande organisée ", dont la finalité était de permettre ou à de faciliter l'entrée, la circulation et le séjour irréguliers d'étrangers en transit à l'aéroport de Roissy, dépourvus de tout document de voyage autorisant leur entrée sur le territoire national français, intégrant le recours à l'avocat unique pour assurer la défense du ressortissant clandestin marocain devant le juge des libertés et de la détention, et dont les honoraires d'intervention étaient inclus dans le prix du passage conçu comme un " paquet " ou un " forfait " tous frais compris, selon un prix fixé en amont, en dehors de toute situation litigieuse et sans aucune prestation immédiate ; que le tribunal a justement souligné que l'étranger, comme tout autre justiciable, dispose de la liberté de choix de son avocat, sans immixtion possible de quiconque dans l'exercice de cette liberté, et qu'il ne saurait l'être ainsi s'il est démontré que l'avocat refuse la défense de l'étranger non reconnu par le réseau ; que de façon tout aussi pertinente, le tribunal a relevé que M. X... privilégiait une clientèle totalement captive, dont l'objectif était de pénétrer irrégulièrement sur le territoire français, grâce à l'assurance depuis le départ du Maroc de pouvoir bénéficier d'un ensemble intégré de services incluant la prestation de défense en cas d'interpellation et de maintien en zone d'attente ; qu'il ajustement considéré que la conscience de contribuer au fonctionnement d'une bande organisée se déduisait des consignes données aux étrangers de ne pas donner le nom de l'avocat tant qu'ils se trouvaient en zone d'attente, afin qu'aucun rapprochement ne puisse être opéré, et même de dire qu'ils n'avaient pas d'avocat alors que l'intervention de celui-ci avait été réglée en amont ; que le tribunal a également justement retenu que M. X... incitait au recrutement de faux garants, qui acceptaient moyennant rémunération, de fournir un hébergement fictif, invitait des étrangers à se présenter comme des membres de la famille du clandestin à l'audience et à défaut, offrait lui même d'aller " à la chasse " aux garants, expression explicite sur le défaut de sincérité des attestations recherchées et produites ensuite en justice ; qu'il a exactement caractérisé la mise en scène destinée à donner force et crédit au document mensonger et à tromper la religion du juge à l'audience et considéré que ces méthodes sont constitutives d'un exercice irrégulier de l'office de l'avocat, quand bien même, dans certains cas, elles n'auraient pas été déterminantes de la décision du juge ; que les premiers juges ont procédé en fait et en droit à une analyse précise et exacte des éléments de la cause, que la cour adopte, et que c'est par suite à juste titre que le tribunal, tirant des circonstances de la cause les conséquences juridiques qui s'imposaient, a retenu la culpabilité de M. X... d'avoir à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, à Bobigny et en tous cas sur le territoire national, de 2007 au 21 mai 2010, en tous cas depuis temps n'emportant pas prescription, facilité par aide directe ou indirecte, l'entrée, la circulation et le séjour irréguliers d'étrangers en France, en l'espèce des ressortissants marocains, et ce en bande organisée ; que M. X... a participé activement à l'aide et au séjour irrégulier d'étrangers en France, en bande organisée, en s'engageant à défendre devant le juge des libertés et de la détention les clandestins ressortissants marocains, clients de la filière mise en place par M. Y..., en cas de non-admission sur le territoire français, sur signalement de M. Z..., un des correspondants du réseau en France, en organisant la présence de faux garants, la rétention des passeports de certains clients, non à jour de leurs honoraires, en les faisant conduire chez M. Z... et en étant rémunéré par ce dernier ; que cette aide a été apportée dans le cadre d'une organisation recrutant les candidats à l'immigration au Maroc, leur fournissant des billets d'avion, une carte téléphonique et les coordonnées de leur interlocuteur en France, leur donnant les consignes à suivre sur l'aéroport mais également en zone d'attente et leur assurant l'assistance d'un avocat, en cas de besoin, le tout moyennant paiement d'une somme comprise entre 4 000 et 7 500 euros, l'avocat X..., étant rémunéré 1 500 euros, par personne ; que cette aide à l'entrée et au séjour irréguliers sur le territoire français de ces clandestins a été réalisée en pleine connaissance de cause, M. Y..., MM. Z... et A... déclarant travailler pour le compte d'un réseau d'immigration clandestine, ce que n'ignorait pas M. X... qui devait recommander à ses différents interlocuteurs de la filière de ne plus venir chez lui, se sentant surveillé ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé sur la déclaration de culpabilité de M. X..., dans les termes de l'acte de poursuite ;
" 1°) alors que l'article L. 622-1 du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile incrimine le délit d'aide au séjour irrégulier d'un étranger en France sous réserve des exemptions prévues à l'article L. 622-4 du même code ; que selon cette réserve, il y a lieu à exemption lorsque l'acte reproché n'a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ; que selon la chambre criminelle, « l'incrimination d'aide au séjour irrégulier d'un étranger en France, définie dans des termes suffisamment clairs aux articles L. 622-1 et L. 622-4 du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne saurait s'appliquer à un avocat assurant régulièrement l'assistance et la défense d'un étranger séjournant sur le territoire français » ; qu'en déclarant M. X... coupable d'aide au séjour irrégulier, lorsqu'il n'a fait qu'assurer de façon régulière la défense des étrangers qui venaient le consulter, la cour d'appel, qui devait lui reconnaître ainsi le bénéfice de l'exemption légale, a méconnu les textes visés au moyen ;
" 2°) alors que les droits de la défense tels que garantis par l'article 6 de la Convention européenne interdisent à un Etat membre d'entraver la mission d'assistance d'un avocat envers son client sauf à caractériser à son encontre la méconnaissance d'une disposition légale ; que l'aide et l'assistance d'un avocat à son client étranger cherchant à se maintenir sur le territoire de la République ne peut être pénalement condamnée par elle-même ; qu'en déclarant M. X... coupable d'aide au séjour irrégulier, lorsque les modalités de sa désignation, les actes effectués et le mode de rémunération ne peuvent être pris en compte pour apprécier l'infraction sans porter atteinte au secret professionnel, à la liberté de choix du défenseur et à l'exercice des droits de la défense, la cour d'appel a méconnu ces exigences conventionnelles " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4 et 132-71 du code pénal, L. 622-1 et L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a confirmé le jugement et déclaré M. X... coupable d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d'un étranger en France ;
" alors que l'action publique pour des faits d'aide à l'entrée irrégulière ne peut être mise en mouvement que lorsqu'ils ont été constatés dans les circonstances de l'article 53 du code de procédure pénale ; qu'en déclarant le prévenu coupable d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier, lorsque le délit principal d'entrée irrégulière n'a jamais été constaté en flagrance et, partant, n'est pas punissable, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen " ;
Le moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que courant 2009, les services de police aux frontières ont constaté la recrudescence de tentatives d'entrées illégales sur le territoire national de ressortissants marocains qui arrivaient de Casablanca à l'aéroport de Roissy-en-France, en transit, munis d'un billet pour l'Amérique du Sud mais profitaient de leur transit pour pénétrer sur le territoire national, n'ayant aucunement l'intention de se rendre à leur destination finale ; que la police aux frontières a alerté la compagnie aérienne Air-France qui leur a alors signalé le 15 octobre 2009 un individu, M. C..., correspondant à cette description ; que ce dernier a été interpellé en flagrance avec la personne lui servant de chauffeur, M. D..., et une information judiciaire a été ouverte le 18 octobre 2009 ; que par courrier du 23 octobre 2009 adressé au président du tribunal de grande instance de Bobigny, le juge des libertés et de la détention a attiré l'attention de ce dernier sur le comportement d'un avocat du barreau de Seine-Saint-Denis, M. X..., qui s'était présenté le 21 octobre à son greffe pour consulter le dossier de M. D... et s'était entretenu avec lui avant l'audience relative à la détention provisoire de l'intéressé, alors que M. D... avait désigné un autre avocat pour l'assister ; que les écoutes téléphoniques ordonnées dans le cadre de cette instruction ont fait apparaître que M. X... était en relation fréquente, notamment au sujet de ses honoraires, avec un couple organisant l'immigration de clandestins ; que des témoins ont précisé que M. X... avait été recruté pour défendre ces clandestins, qu'il demandait 1 500 euros par étranger, avait mis un système de faux garants en place et que lorsqu'il était en vacances, l'immigration était suspendue ; que M. X..., mis en examen pour aide à l'entrée ou au séjour irrégulier d'étrangers en bande organisée, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de ce chef ; que les juges du premier degré l'ont déclaré coupable de ce délit et condamné à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et 100 000 euros d'amende ; que M. X... et le ministère public ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que le jugement, confirmé par l'arrêt attaqué, énonce qu'il est apparu, tant au travers des déclarations de membres du réseau que de l'exploitation de la téléphonie des différents protagonistes que M. X... était au courant des pratiques du réseau dont il était l'unique avocat, qu'il a suscité la recherche et la production de " faux garants " et que ses honoraires d'intervention étaient inclus dans le prix du passage conçu comme un « forfait » tous frais compris ; que les juges ajoutent qu'ainsi conçue, la prestation de l'avocat peut être analysée, non comme l'exercice régulier de l'office de la défense, mais comme l'un des moyens envisagés pour pénétrer sur le territoire français ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi et dès lors que l'infraction d'aide à l'entrée ou au séjour est un délit autonome, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ; Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a condamné M. X... à la peine de deux ans d'emprisonnement dont un an ferme ;
" aux motifs que considérant sur le prononcé des peines que les agissements répétés de M. X..., s'inscrivent dans la durée et dans le cadre d'une bande organisée ; que la manière d'opérer, la nature de l'infraction commise, l'importance du profit financier tiré par ce dernier, le détournement de la mission de défense opéré par l'intéressé, la volonté de celui-ci de porter atteinte à l'autorité de l'Etat et de tirer profit de la misère humaine de jeunes candidats à l'immigration signent un ancrage certain de M. X... dans la délinquance organisée à visée lucrative et un professionnalisme qui doivent être sanctionnés en dernier ressort par une peine d'emprisonnement sans sursis, la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur, par ailleurs déjà condamné à deux reprises, rendant cette peine nécessaire en dernier ressort et toute autre sanction étant manifestement inadéquate ;
" alors que, le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; que, dans le cas où la peine n'est pas supérieure à deux ans, ou à un an pour une personne en état de récidive légale, le juge, s'il décide de ne pas l'aménager, doit en outre motiver spécialement cette décision, soit en établissant que la personnalité et la situation du condamné ne permettent pas un tel aménagement, soit en constatant une impossibilité matérielle ; qu'en se bornant, pour condamner M. X... à la peine de deux ans d'emprisonnement dont un an assorti du sursis, à relever l'importance du profit financier tiré par ce dernier, le détournement de la mission de défense opéré par l'intéressé, la volonté de celui-ci de porter atteinte à l'autorité de l'Etat et de tirer profit de la misère humaine de jeunes candidats à l'immigration, sans s'expliquer ni sur le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ni sur l'aménagement de la peine d'emprisonnement prononcée, la cour d'appel a méconnu l'article 132-19 du code pénal " ;
Attendu qu'après avoir relevé que la manière d'opérer, la nature de l'infraction commise, l'importance du profit financier tiré par M. X..., le détournement de la mission de défense opéré par ce dernier, sa volonté de porter atteinte à l'autorité de l'Etat et de tirer profit de la misère humaine de jeunes candidats à l'immigration signent un ancrage certain dans la délinquance organisée à visée lucrative et un professionnalisme qui doivent être sanctionnés par une peine d'emprisonnement sans sursis, l'arrêt retient que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur, par ailleurs déjà condamné à deux reprises, rendent cette peine nécessaire, toute autre sanction étant manifestement inadéquate, et que la cour ne dispose pas de suffisamment d'éléments précis, actualisés et vérifiés concernant la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale du condamné ou son évolution pour apprécier la possibilité de prononcer en sa faveur une mesure d'aménagement de peine ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs qui répondent aux exigences de l'article 132-19 du code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit octobre deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.