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11/10/2017 | FRANCE | N°15-24946

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 octobre 2017, 15-24946


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu les articles 389-6 et 389-7 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015, ensemble l'article 499 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que l'administrateur légal, même placé sous contrôle judiciaire, a le pouvoir de faire seul les actes d'administration ; qu'il peut, à ce tit

re, procéder à la réception des capitaux échus au mineur et les retirer du compte...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu les articles 389-6 et 389-7 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015, ensemble l'article 499 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que l'administrateur légal, même placé sous contrôle judiciaire, a le pouvoir de faire seul les actes d'administration ; qu'il peut, à ce titre, procéder à la réception des capitaux échus au mineur et les retirer du compte de dépôt sur lequel il les a versés ; que la banque n'est pas garante de l'emploi des capitaux ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z..., administratrice légale sous contrôle judiciaire de son fils mineur Marius Y..., a ouvert un compte de dépôt au nom de ce dernier auprès de la société Banque CIC Ouest (la banque), sur lequel elle a placé une somme de 20 000 euros provenant de la succession de son père ; que, sur ce montant, elle a prélevé, à son profit, la somme de 14 151,04 euros, par divers retraits et virements bancaires effectués du 3 avril 2007 au 23 février 2011 ; que, le juge des tutelles des mineurs ayant ouvert une tutelle aux biens le 11 janvier 2011, le département de la Haute-Vienne, agissant en qualité de tuteur aux biens du mineur, a assigné en responsabilité et remboursement des sommes prélevées la banque, qui a appelé en garantie Mme Z... ;

Attendu que, pour condamner la banque au paiement de la somme de 4 200 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par le mineur, l'arrêt retient que les prélèvements effectués par la mère sur le compte de celui-ci, sur la période du 27 janvier au 3 février 2011, par trois retraits et un virement à hauteur de 4 200 euros, auraient dû, par leur répétition, leur importance et la période resserrée d'une semaine sur laquelle ils ont eu lieu, attirer l'attention de la banque et entraîner une vigilance particulière de sa part, s'agissant d'un compte ouvert au nom d'un mineur soumis à une administration légale sous contrôle judiciaire ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen du pourvoi principal et sur le pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Condamne Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Banque CIC Ouest, demanderesse au pourvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la société Banque CIC Ouest à payer à l'association Aide sociale à l'enfance de la Haute-Vienne, prise en sa qualité de tuteur aux biens du mineur Marius Y..., la somme de 4.200 €, outre les intérêts au taux légal à compter de chacun des détournements effectués par Mme Cécile Z... épouse A..., à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par ce mineur ;

AUX MOTIFS QUE si les trois premiers prélèvements effectués par Mme Z... au moyen de trois virements ponctuels et très espacés (de 151,04 euros le 3 avril 2007, 1.000 euros le 5 août 2009 et 5.000 euros le 26 novembre 2010) sont par eux-mêmes insuffisants pour permettre de retenir une faute caractérisée de la Banque CIC, il n'en est, en revanche, pas de même des quatre détournements de fonds, réalisés par trois retraits (de 600 euros le 27 janvier 2011, 600 euros le 1er février 2011, 1.000 euros le 3 février 2011) et par un virement (de 2.000 euros le 1er février 2011), dont la répétition, l'importance et la période resserrée d'une semaine sur laquelle ils ont eu lieu, avec 2 opérations concomitantes (le 1er février 2011), auraient nécessairement dû attirer l'attention du CIC et entraîner une vigilance particulière de cette banque s'agissant d'un compte ouvert au nom d'un mineur soumis à une administration légale sous contrôle judiciaire, et ce, indépendamment même de l'absence au dossier de preuve de l'envoi, par l'ASE, de la lettre datée du 27 janvier 2011 informant le CIC de l'existence du jugement du tribunal de grande instance de Limoges du 11 janvier 2011 ayant ouvert la tutelle aux biens du mineur Marius Y..., et a fortiori de preuve de la réception de ce document, en temps utile, par cette banque ; que si le CIC, qui a reconnu avoir eu connaissance de l'ouverture de la tutelle aux biens du mineur par une télécopie reçue le 4 février 2011, à 16 heures 17, a admis sa responsabilité à hauteur de la somme de 3.800 euros - qu'elle a déjà remboursée à l'ASE, ès qualités, par chèque du 11 juin 2012 - pour les trois derniers prélèvements opérés par Mme Z... au moyen de deux retraits (de 800 euros et 1 000 euros les 11 et 20 février 2011) et d'un virement (de 2.000 euros le 23 février 2011), son attitude fautive, qui est en lien direct avec le dommage financier subi par le mineur Marius Y..., et donc sa responsabilité doivent également être retenues pour les opérations que, par son insuffisance de vigilance et de contrôle sur la période du 27 janvier au 3 février 2011, elle a indûment permises à concurrence de la somme de 4.200 euros ; qu'infirmant partiellement le jugement entrepris, le CIC sera donc condamné à payer à l'ASE, ès qualités de tuteur aux biens de M. Marius Y..., la somme de 4.200 euros, avec intérêts au taux légal à compter de chaque prélèvement sur le capital, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi par ce mineur ;

1) ALORS, D'UNE PART, QUE l'administrateur légal, même placé sous contrôle judiciaire, a le pouvoir de faire seul les actes d'administration ; qu'il peut, à ce titre, procéder à la réception des capitaux échus au mineur et les retirer de la banque dans laquelle il les a déposés ; qu'en aucun cas cette banque n'est garante de l'emploi des capitaux ; qu'en l'espèce, pour dire engagée la responsabilité de la société Banque CIC Ouest, la cour d'appel a retenu que celle-ci avait manqué à son obligation de vigilance et de contrôle en laissant Mme Z..., en qualité d'administratrice légale de son fils mineur Marius Y..., réaliser sur le compte ouvert au nom de celui-ci, trois retraits de 600 €, 600 € et 1.000 € et un virement de 2.000 €, dont la répétition, l'importance et la période resserrée d'une semaine sur laquelle ils avaient eu lieu aurait dû attirer l'attention de la banque et entraîner une vigilance particulière de celle-ci ; qu'en se déterminant ainsi, alors que Mme Z... avait le pouvoir, en sa qualité d'administratrice légale, de prélever du compte ouvert au nom de son fils mineur les capitaux y étant déposés et que la banque, qui n'était pas garante de l'emploi de ces capitaux, n'avait aucune obligation de vérification à ce titre, la cour d'appel a violé les article 389-6 et 389-7 du code civil ;

2) ALORS, D'AUTRE PART, QUE dans ses conclusions d'appel, la société Banque CIC Ouest soutenait que les actes de retrait effectués par Mme Z..., en qualité de représentant légal du titulaire mineur du compte, constituaient, selon le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, des actes d'administration pouvant être accomplis seuls et sans contrôle du juge des tutelles, à l'inverse des actes de dispositions également visés par le décret, tels la clôture du compte ouvert au nom du mineur ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent, de nature à exonérer la banque de toute responsabilité pour les détournements opérés par l'administrateur légal, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit par Me Bertrand , avocat aux Conseils pour l'Aide sociale à l'enfance de la Haute-Vienne, ès qualités, demanderesse au pourvoi incident

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir limité à la somme de 4.200 euros, outre les intérêts au taux légal, le montant de la condamnation prononcée contre la société Crédit industriel et commercial Ouest au profit de l'Aide sociale à l'enfance du département de la Haute-Vienne, ès qualités de tuteur aux biens du mineur Marius Y... ;

AUX MOTIFS QUE si les trois premiers prélèvements effectués par Mme Z... au moyen de trois virements ponctuels et très espacés (de 151,04 euros le 3 avril 2007, 1.000 euros le 5 août 2009 et 5.000 euros le 26 novembre 2010) sont par eux-mêmes insuffisants pour permettre de retenir une faute caractérisée de la banque CIC, il n'en est, en revanche, pas de même des quatre détournements de fonds, réalisés par trois retraits (de 600 euros le 27 janvier 2011, 600 euros le 1er février 2011, 1.000 euros le 3 février 2011) et par un virement (de 2.000 euros le 1er février 2011), dont la répétition, l'importance et la période resserrée d'une semaine sur laquelle ils ont eu lieu, avec 2 opérations concomitantes (le 1er février 2011), auraient nécessairement dû attirer l'attention du CIC et entraîner une vigilance particulière de cette banque s'agissant d'un compte ouvert au nom d'un mineur soumis à une administration légale sous contrôle judiciaire, et ce, indépendamment même de l'absence au dossier de preuve de l'envoi, par l'ASE, de la lettre datée du 27 janvier 2011 informant le CIC de l'existence du jugement du tribunal de grande instance de Limoges du 11 janvier 2011 ayant ouvert la tutelle aux biens du mineur Marius Y..., et a fortiori de preuve de la réception de ce document, en temps utile, par cette banque ; que si le CIC, qui a reconnu avoir eu connaissance de l'ouverture de la tutelle aux biens du mineur par une télécopie reçue le 4 février 2011, à 16 heures 17, a admis sa responsabilité à hauteur de la somme de 3.800 euros - qu'elle a déjà remboursée à l'ASE, ès qualités, par chèque du 11 juin 2012 - pour les trois derniers prélèvements opérés par Mme Z... au moyen de deux retraits (de 800 euros et 1.000 euros les 11 et 20 février 2011) et d'un virement (de 2 000 euros le 23 février 2011), son attitude fautive, qui est en lien direct avec le dommage financier subi par le mineur Marius Y..., et donc sa responsabilité doivent également être retenues pour les opérations que, par son insuffisance de vigilance et de contrôle sur la période du 27 janvier au 3 février 2011, elle a indûment permises à concurrence de la somme de 4 200 euros (arrêt attaqué p. 3) ;

ALORS QUE l'administrateur légal placé sous contrôle judiciaire n'a pas le pouvoir d'accomplir seul les actes de disposition consistant à retirer du compte qu'il gère au nom du mineur la quasi totalité des sommes figurant sur ce compte, de telles opérations engageant le patrimoine de la personne protégée et entraînant une dépréciation significative de ce patrimoine ; qu'engage sa responsabilité la banque qui, ne pouvant ignorer la nature des fonds déposés et l'administration légale sous contrôle judiciaire à laquelle se trouve soumis le gérant du compte, ne procède à aucun contrôle sur de telles opérations ; qu'en retenant à bon droit que le CIC avait engagé sa responsabilité en laissant s'opérer les détournements constatés au détriment du mineur Marius Y..., ayant eu pour effet de vider le compte de ce dernier, mais en excluant du champ de cette responsabilité "les trois premiers prélèvements effectués par Mme Z... au moyen de trois virements ponctuels et très espacés (de 151,04 euros le 3 avril 2007, 1.000 euros le 5 août 2009 et 5.000 euros le 26 novembre 2010)" au motif que ces prélèvements étaient "par eux-mêmes insuffisants pour permettre de retenir une faute caractérisée de la banque CIC", la cour d'appel, qui ne justifie pas le caractère "insuffisant" des prélèvements en cause, notamment au regard de leur importance, a privé sa décision de motif et a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-24946
Date de la décision : 11/10/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

MINEUR - Administration légale - Administration légale sous contrôle judiciaire - Administrateur légal - Acte pouvant être accompli seul - Acte d'administration - Retrait des capitaux échus au mineur sur un compte de dépôt - Portée

BANQUE - Responsabilité - Compte - Ouverture de compte - Ouverture au nom d'un mineur - Obligation du banquier - Devoir de vigilance - Etendue - Limites - Détermination

Il résulte des articles 389-6 et 389-7 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015, et 499 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, que l'administrateur légal, même placé sous contrôle judiciaire, a le pouvoir de faire seul les actes d'administration ; qu'il peut, à ce titre, procéder à la réception des capitaux échus au mineur sur un compte de dépôt et les retirer de ce même compte ; que la banque n'est pas garante de l'emploi des capitaux. Viole ces textes une cour d'appel qui retient la responsabilité d'une banque, au titre des prélèvements effectués par la mère d'un mineur, administratrice légale sous contrôle judiciaire, sur le compte de dépôt de ce dernier, au motif que l'importance des prélèvements et la période resserrée d'une semaine sur laquelle ils ont eu lieu auraient dû attirer l'attention de la banque et entraîner une vigilance particulière de sa part, s'agissant d'un compte ouvert au nom d'un mineur soumis à une administration légale sous contrôle judiciaire


Références :

articles 389-6 et 389-7 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015

article 499 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 08 juillet 2015

Sur la responsabilité de la banque en cas de retraits effectués par l'administrateur légal sous contrôle judiciaire sur un compte ouvert au nom d'un mineur, à rapprocher : 1re Civ., 20 mars 1989, pourvoi n° 87-15899, Bull. 1989, I, n° 126 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 oct. 2017, pourvoi n°15-24946, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.24946
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