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27/09/2017 | FRANCE | N°16-16670

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 septembre 2017, 16-16670


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 621-2 et L. 631-22 du code de commerce ;

Attendu que l'adoption d'un plan de cession totale de l'entreprise fait obstacle à l'extension à un tiers, pour confusion des patrimoines, de la procédure collective du débiteur ;

Attendu que la société Interface cosmétiques et parfums a été mise en redressement judiciaire le 17 décembre 2013, la société C... -D... étant désignée mandataire judiciaire ; que celle-ci a ass

igné en extension de procédure pour confusion de patrimoines la société Badico, baillere...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 621-2 et L. 631-22 du code de commerce ;

Attendu que l'adoption d'un plan de cession totale de l'entreprise fait obstacle à l'extension à un tiers, pour confusion des patrimoines, de la procédure collective du débiteur ;

Attendu que la société Interface cosmétiques et parfums a été mise en redressement judiciaire le 17 décembre 2013, la société C... -D... étant désignée mandataire judiciaire ; que celle-ci a assigné en extension de procédure pour confusion de patrimoines la société Badico, bailleresse des locaux d'exploitation, laquelle a opposé l'irrecevabilité de la demande, en se prévalant du jugement du 16 avril 2014 arrêtant le plan de cession ; que le redressement a été converti en liquidation judiciaire le 24 juin suivant, la société C... -D... étant désignée liquidateur ;

Attendu que pour déclarer l'action recevable, l'arrêt retient qu'aux termes des articles L. 631-22 et R. 631-42 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, le plan de cession n'est qu'une opération de réalisation des actifs qui ne détermine pas le sort de la personne morale qui exploitait l'entreprise et dont les actifs ont été cédés ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société C... -D..., en qualité de liquidateur de la société Interface cosmétiques et parfums, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Badico, représentée par la SELARL AJA associés, ès qualités,

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir étendu à la société Badico la procédure de liquidation judiciaire ouverte le 24 juin 2014 à l'encontre de la société Interface Cosmétique et Parfums ;

AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article L. 621-2 alinéa 2 du code de commerce "A la demande de l'administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs personnes autres personnes, en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale" ; qu'aux termes de l'article L. 641-14 du même code l'article précité est applicable à la procédure de liquidation judiciaire ; que pour contrer la demande d'extension, la société Badico soutient à titre liminaire que conformément à l'article L. 621-2 du code de commerce et à une jurisprudence constante, la demande en extension d'une procédure collective n'est recevable que s'il n'a pas été définitivement statué sur le sort de l'entreprise, or, elle entend faire valoir qu'en l'espèce, le plan de cession totale adopté par le tribunal le 16 avril 2014, a mis fin à la procédure de liquidation judiciaire ; que cependant, comme l'oppose valablement la selarl C... - D..., et conformément aux termes des articles L. 631-22 et R. 631-42 du code de commerce issus de la loi dite de Sauvegarde n° 2005-845 du 26 juillet 2005, le plan de cession qu'il soit total ou partiel n'est qu'une opération de réalisation des actifs qui ne détermine pas le sort de la personne morale qui exploitait l'entreprise et dont les actifs ont été cédés ; qu'ainsi, et même à l'issue d'une cession totale des dits actifs, la procédure collective se poursuit ; qu'il en résulte qu'est possible l'extension de la procédure collective de la société ICP à l'égard de la société Badico ; que ceci posé, il convient de rechercher si la preuve est faite par le liquidateur judiciaire des éléments fondant de prononcer l'extension sollicitée ; que la discussion porte sur l'existence ou non de flux financiers anormaux ou de relations financières anormales entre sociétés que sont susceptibles de caractériser des transferts patrimoniaux effectués par action ou par abstention, sans justification, et entraînant un déséquilibre patrimonial significatif ; qu'ainsi, l'anormalité se déduira de l'absence de toute contrepartie ; qu'il importe de souligner, d'une part, contrairement à ce qui est prétendu par la société Badico que cette dernière et la société ICP, qui ont un dirigeant commun, monsieur Jean-Louis B..., associé avec son épouse des deux sociétés, n'ont en revanche pas de liens capitalistiques entre elles et n'appartiennent pas à un même groupe de sociétés ; qu'il ne peut qu'être constaté, d'autre part, que durant cinq années, la société Badico, en contrariété avec son objet social portant sur la location de terrain et de biens immobiliers parmi lesquels l'ensemble immobilier situé à Gisors, est demeurée passive en l'absence de toute contrepartie face au non paiement de ses loyers par la société ICP ; qu'aucun commandement de payer visant la clause résolutoire n'a été délivré à la locataire défaillante, ni aucune demande sous quelque forme tendant à obtenir le paiement dû ; que la société Badico prétend qu'un paiement serait intervenu le 31 octobre 2013 -soit un mois avant la déclaration de cessation des paiements de la société ICP à hauteur de la somme de 294.924,23 euros correspondant à deux années de loyers par la société Unipar, société elle-même en liquidation judiciaire depuis le 27 juillet 2014, dont monsieur B... était également le gérant et qui aurait bénéficié d'une délégation de paiement de la société ICP ; que cependant, et même passé outre les circonstances d'une telle délégation, il reste que la réalité n'en est pas démontrée, et que le paiement prétendu est de plus contredit par la déclaration de créance de la société Badico au passif de la procédure collective de la société IPC, pour un montant au titre de la dette de loyers de 854.726,02 euros ne prenant pas en compte le règlement aujourd'hui allégué afin de caractériser l'interruption de relations financières anormales et partant l'absence de volonté systématique de telles relations proscrites ; qu'ainsi, les développements qui précèdent caractérisent la réalité de flux financiers ayant conduit à une confusion des patrimoines des deux sociétés, au sens de l'article L. 621-2 alinéa 2 précité du code de commerce, et permis de poursuivre des activités déficitaires au détriment des créanciers ; que les demandes de la société Badico seront en conséquence toutes rejetées et la décision déférée confirmée en toutes ses dispositions » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur la recevabilité de l'action en extension, la réalisation des actifs de la société débitrice ICP dans le cadre d'un plan de cession ne fait pas obstacle à une extension engagée par son Liquidateur après conversion en liquidation judiciaire ; que « aucun texte ou principe n'interdit au Tribunal d'étendre la procédure de Liquidation Judiciaire d'une personne morale à une autre personne morale tant que cette procédure n'est pas clôturée » (Cass. com 13/11/2002 n° 99-16827 ) ; que la procédure de liquidation judiciaire de la société ICP est toujours en cours .Attendu qu'une même société ne peut être soumise simultanément à deux procédures, liquidation et redressement judiciaires, mais que la Conciliation, procédure amiable, n'est pas concernée par ce principe d' exclusivité ; que le Tribunal déboutera BADICO de son exception d'irrecevabilité ; que sur le mérite de l'action en extension, la SNC BADICO a mis à disposition de ICP un ensemble immobilier sans que les loyers lui soient réglés pendant près de 5 ans, soit au total une somme de 854 726,02 € ; que depuis la signature du bail en janvier 2009 BADICO n' a jamais procédé à aucune action de recouvrement de sa créance auprès de ICP, notamment par voie judiciaire, ni requis l'application de la clause résolutoire du bail ; que M. B... dirigeant de ICP est également gérant de BADICO ; qu'en conséquence, il a existé durant ces 5 années des flux financiers anormaux entre BADICO et ICP ; que ces relations financières anormales caractérisent la confusion des patrimoines entre BADICO et ICP et justifient l'extension de la liquidation judiciaire de ICP à BADICO, conformément aux dispositions de l'article L.622-2 al. 2 du Code de Commerce ; que le Tribunal prononcera l'extension de la procédure de liquidation judiciaire ouverte pour ICP à l'encontre de BADICO et dira que les opérations de liquidation judiciaire se poursuivront sous patrimoine commun » ;

1°) ALORS QUE l'adoption d'un plan de cession totale de l'entreprise fait obstacle à l'extension à un tiers, pour confusion des patrimoines, de la procédure collective du débiteur ; qu'en décidant néanmoins d'étendre à la société Badico la procédure de liquidation judiciaire ouverte le 24 juin 2014 à l'encontre de la société ICP, qui a fait l'objet d'un plan de cession totale au profit de la société Eurasia Groupe prononcé par jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 avril 2014, motifs pris que le plan de cession, qu'il soit total ou partiel, n'est qu'une opération de réalisation des actifs qui ne détermine pas le sort de la personne morale qui exploitait l'entreprise et dont les actifs ont été cédés, de sorte que l'extension de la procédure collective de la société ICP, qui s'est poursuivie, était possible à l'égard de la société Badico, la cour d'appel a violé l'article L. 621-2 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 ;

2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en se contenant de relever, pour dire que l'existence de flux financiers ayant conduit à une confusion des patrimoines des deux sociétés était caractérisée, que la société Badisco était demeurée passive face au non-paiement de loyers dus par la société ICP, cependant que le défaut de paiement des loyers non réclamés n'était pas constaté sur une période de plusieurs années consécutives, de sorte qu'aucune volonté systématique de la société Badico d'entretenir des relations financières anormales avec sa locataire ne pouvait être caractérisée, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence de relations financières anormales et, partant d'une confusion des patrimoines entre les sociétés Badico et ICP, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-16670
Date de la décision : 27/09/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Ouverture - Cas - Confusion des patrimoines - Action en extension - Obstacle - Plan de cession totale de l'entreprise

L'adoption d'un plan de cession totale de l'entreprise fait obstacle à l'extension à un tiers, pour confusion de patrimoines, de la procédure collective du débiteur


Références :

articles L. 621-2 et L. 631-22 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 mars 2016

Dans le même sens que :Com., 5 avril 2016, pourvoi n° 14-19869, Bull. 2016, IV, n° 59 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 27 sep. 2017, pourvoi n°16-16670, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.16670
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