LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 145-60 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 juillet 2016), que la société Hôtel Pension Floride exploite un fonds de commerce d'hôtel dans les locaux que la SCI Casaflore lui a donnés à bail en 1946 ; que, le 1er janvier 1989, M. B... X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire de ses enfants, Mme Marie-Hélène B... X..., M. Henry B... X...,
Mme Lucile B... X... et Mme Marie-Ange B... X... (les consorts B...
X...), lui a donné à bail un terrain contigu à celui de l'hôtel à usage de parking pour une durée d'un an renouvelable par tacite
reconduction ; que, le 25 septembre 2012, les bailleurs ont donné congé à la locataire pour le 31 décembre suivant ; que, le 12 décembre 2012, celle-ci les a assignés en nullité du congé au motif que ce congé n'était pas conforme aux dispositions du statut des baux commerciaux ; que les bailleurs ont soulevé la prescription biennale de l'action ;
Attendu que, pour déclarer recevable l'action, l'arrêt retient que, le bail consenti à la société Hôtel Pension Floride, immatriculée au registre du commerce et exploitant un hôtel sur une parcelle contigüe, étant susceptible de relever du statut des baux commerciaux sous réserve de répondre aux conditions de l'article L. 145-1 du code de commerce et s'étant poursuivi pendant plus de vingt-trois ans à usage de parking réservé aux clients de l'hôtel, au vu et au su du bailleur, l'action en nullité du congé ne pouvait être engagée par la société locataire qu'à partir de la date à laquelle lui avait été dénié le droit au bénéfice du statut des baux commerciaux ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le point de départ de la prescription biennale applicable à la demande tendant à la requalification d'une convention en bail commercial court à compter de la date de la conclusion du contrat, peu important que celui-ci ait été renouvelé par avenants successifs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Hôtel Pension Floride aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile rejette la demande de la société Hôtel Pension Floride et la condamne à payer à Mme Marie-Hélène B... X..., M. Henry B... X..., Mme Lucile B... X... et Mme Marie-Ange B... X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour les consorts B... X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et D'AVOIR déclaré le congé délivré par les consorts B... X... le 25 septembre 2012 nul et de nul effet ;
AUX MOTIFS QUE, sur la prescription, les consorts B... X... invoquent en cause d'appel la prescription de l'action de la société Hôtel Pension Floride en faisant valoir que celle-ci tend à la requalification en bail commercial du contrat de bail souscrit le 1er janvier 1989 et qu'elle est à ce titre soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce ; qu'il ressort toutefois de l'acte de bail lui-même que ce dernier n'a jamais été qualifié autrement que par l'appellation « bail de terrain nu », les seules exclusions visées à l'acte de manière non équivoque étant celles relatives aux dispositions concernant les baux d'habitation, étant pour le reste « soumis aux seules clauses du présent contrat et aux dispositions non contraires des articles 1714 à 1762 du code civil » ; que, dans ces conditions, ce bail de terrain nu consenti au bénéfice de la société Hôtel Pension Floride immatriculée au registre du commerce et exploitant un hôtel sur la parcelle contigüe étant susceptible de relever du statut des baux commerciaux sous réserve de répondre aux conditions visées à l'article L. 145-1 du code de commerce et s'étant poursuivi pendant plus de 23 ans pour un usage notamment de parking réservé aux clients de l'hôtel au vu et au su du bailleur, l'action en nullité du congé qui a été délivré à la société locataire pour mettre fin au bail dans les trois mois, ne pouvait être invoquée par la société qu'à partir de cette date où lui était dénié le caractère accessoire au bail commercial principal et le statut protecteur des baux commerciaux ;
ALORS, 1°), QUE le délai de prescription biennale, applicable à la demande qui tend à la reconnaissance du statut des baux commerciaux, court à compter de la conclusion du contrat ; qu'en faisant valoir, à l'appui de sa demande en nullité du congé, que les stipulations du bail relatives aux formes et délais du congé devaient être écartées au profit du statut des baux commerciaux, la locataire présentait une demande tendant à la reconnaissance du statut des baux commerciaux ; qu'en considérant que le délai de prescription de son action avait couru, non dès la conclusion du contrat, mais seulement à partir de la date à laquelle les bailleurs avaient dénié l'application du statut des baux commerciaux, la cour d'appel a violé l'article L. 145-60 du code de commerce ;
ALORS, 2°), QUE le « bail de terrain nu » conclu entre les parties stipulait « être soumis aux seules clauses et conditions du présent contrat et aux dispositions non contraires des articles 1714 à 1762 du code civil » ; qu'il était conclu pour une durée d'un an susceptible de tacite reconduction et prévoyait que le congé soit donné trois mois à l'avance par lettre recommandée ou par acte d'huissier de justice ; que ces stipulations étaient exclusives de toute volonté des parties de soumettre leur convention au statut des baux commerciaux ; qu'en considérant, pour ne faire courir le délai de prescription qu'à compter de la date à laquelle le bailleur avait dénié l'application du statut des baux commerciaux, que le bail était, au vu de ses stipulations, susceptible de relever du statut des baux commerciaux, la cour d'appel l'a dénaturé, en méconnaissance du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause.