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28/06/2017 | FRANCE | N°16-83372

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 juin 2017, 16-83372


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Nordine X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 21 mars 2016, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et 50 000 euros d'amende ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 mai 2017 poursuivie le 18 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Chauchis, conseiller rapporteur, M. Soulard

, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rappor...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Nordine X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 21 mars 2016, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et 50 000 euros d'amende ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 mai 2017 poursuivie le 18 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Chauchis, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CHAUCHIS, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAILLARDOT ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 324-1 du code pénal, 28-1, 385, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, confirmatif, a rejeté le moyen de nullité de l'enquête diligentée et des actes de la procédure subséquente ;
" aux motifs que M. X... invoque la nullité de la procédure sur le fondement de l'article 28-1 du code de procédure pénale au motif que le service national de douane judiciaire, auquel l'enquête a été confiée, n'avait pas compétence pour enquêter sur les Tracfin du 20 décembre 2010 ; qu'aux termes de l'article 28-1 du code de procédure pénale, les agents des douanes peuvent être habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en particulier sur réquisition du procureur de la République, mais ils ne sont compétents que pour rechercher et constater les infractions visées par ce texte dont le blanchiment fait partie et les infractions connexes à celles-ci, ces agents ne pouvant accomplir d'autres actes à peine de nullité ; que s'il est exact que ni le signalement Tracfin du 20 décembre 2010, ni le soit transmis du 21 février 2011 repris dans le procès-verbal de saisine du 31 mai 2011 ne visent expressément le blanchiment ou une autre infraction limitativement énumérée à l'article 28-1 du code de procédure pénale, c'est cependant à juste titre que le tribunal correctionnel a considéré que le signalement Tracfin ne visait pas exclusivement le délit d'abus de faiblesse, mais décrivait en premier lieu une situation financière suspecte en ce que les fonds placés par les époux X... pouvaient provenir de l'infraction d'abus de faiblesse, connexe au blanchiment ; qu'en effet, il sera rappelé que Tracfin concluait sa note d'information en indiquant que les éléments relatés prêtaient « à de fortes suspicions d'abus de faiblesse commis par M. X... au préjudice de M. Y...» et que « les ponctions opérées sur les comptes de ce dernier pourraient avoir permis d'assurer la subsistance de la famille de M. X... permettant à celui-ci de dégager les revenus nécessaires à la construction de son patrimoine », ce qui aurait pu caractériser le blanchiment, comme le service national de douane judiciaire l'a conclu dans son rapport de synthèse du 1er août 2014 en raison des placements de la famille X... dont tout ou partie des fonds pouvaient provenir de l'abus ; qu'il s'en déduit donc que le blanchiment, même non explicitement nommé, était compris dans le signalement et que le service désigné était dès lors compétent pour enquêter, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la nullité soulevée ;
" 1°) alors qu'en vertu de l'article 28-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut habiliter des agents des douanes à effectuer des enquêtes portant sur une liste limitative d'infractions, dont le blanchiment, et sur toute infraction qui lui serait connexe ; qu'il n'appartient pas aux enquêteurs de se saisir de faits qui n'auraient pas été qualifiés pénalement dans les réquisitions ou les pièces jointes et n'entrant pas dans la liste des infractions pour lesquelles ils ont reçu compétence pour enquêter ; que, pour rejeter le moyen de nullité soulevé par le prévenu, qui soutenait que le procureur de la République avait requis les agents des douanes pour enquêter sur des faits constitutifs d'abus de faiblesse, qui n'est pas l'une des infractions visée par l'article 28-1 du code de procédure pénale, la cour d'appel a estimé que les réquisitions du procureur renvoyaient au signalement du Tracfin, lequel faisait état de soupçons d'abus de faiblesse, dans un contexte qui permettait de supposer que les fonds frauduleusement obtenus avaient permis au prévenu de financer des acquisitions immobilières, visant ainsi implicitement des soupçons de blanchiment, qui permettaient de considérer que l'abus de faiblesse, délit connexe au blanchiment qui en aurait été la conséquence, entrait effectivement dans le cadre de la compétence des agents des douanes en vertu de l'article 28-1 8° du code de procédure pénale ; que le signalement du Tracfin n'ayant pas expressément fait état de soupçons portant sur des faits pouvant être qualifiés de blanchiment, les réquisitions aux fins d'enquête qui y renvoyaient ne pouvaient avoir visé un délit qui n'y était pas soupçonné, et les agents des douanes ne pouvant se saisir de faits simplement évoqués dans une pièce jointe, la cour d'appel a méconnu l'article 28-1 du code des douanes ;
" 2°) alors qu'en outre, l'article 324-1, alinéa 2, du code pénal, a institué une infraction générale et autonome de blanchiment, distincte, dans ses éléments matériel et intentionnel, du crime ou du délit ayant généré un produit, objet du blanchiment ; qu'en estimant que le signalement Tracfin visait des faits pouvant caractériser du blanchiment, aux motifs qu'il avait précisé que « les ponctions opérées sur les comptes de ce dernier pourraient avoir permis d'assurer la subsistance de la famille de M. X..., permettant à celui-ci de dégager les revenus nécessaires à la constitution de son patrimoine », faits qui, à les supposer établis, ne pouvaient aucunement être qualifiés de blanchiment, par le concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect des abus de faiblesse soupçonnés, le Tracfin faisant état de fonds qui auraient été détournés pour la satisfaction de besoins de la famille du prévenu, mentionnant seulement que les fonds propres du prévenu auraient ainsi pu être utilisés pour procéder à des acquisitions, fonds qui n'étaient pas le produit des abus de faiblesse soupçonnés, ce qui expliquait que si le signalement visait expressément des soupçons d'abus de faiblesse, il ne mentionnait aucunement des soupçons de blanchiment ; qu'ainsi, en considérant de manière erronée que le soit-transmis du procureur de la République ayant saisi le service national de douane judiciaire d'une enquête portant sur les faits visés dans le signalement du Tracfin, portait sur du blanchiment, ce qui leur donnait compétence pour enquêter sur les abus de faiblesse qui en seraient l'origine, la cour d'appel a violé les articles 324-1 du code pénal et 28-1 du code de procédure pénale " ;
Vu l'article 28-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que les agents des douanes habilités ne peuvent effectuer des enquêtes judiciaires que sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction visant les infractions mentionnées par l'article 28-1, I, 1° à 7° du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'au vu d'une note d'information de la cellule Tracfin signalant certaines anomalies dans le fonctionnement des comptes bancaires de M Y..., personne seule et âgée, pour lesquels M. Nordine X... disposait d'une procuration, et établissant concomitamment la réalisation par celui-ci d'investissements immobiliers et la souscription de contrats d'assurance-vie, ainsi que l'existence de soldes positifs élevés de ses comptes bancaires et de ceux des membres de sa famille, le procureur de la République a confié une enquête préliminaire au service national de la douane judiciaire ; que M. X..., poursuivi des chefs d'abus de confiance, faux et usage, a été déclaré coupable, par le tribunal correctionnel, du seul chef d'abus de confiance ; que M. X... et le ministère public ont interjeté appel de cette décision ;
Attendu que, pour refuser de faire droit à la demande en nullité de la procédure diligentée par le service national de la douane judiciaire tirée de ce que celui-ci n'était pas compétent pour enquêter sur les éventuels faits d'abus de faiblesse signalés, le 20 décembre 2010, par la cellule TRACFIN, l'arrêt retient que, s'il est exact que ni ce signalement ni le soit-transmis du 21 février 2011 repris dans le procès-verbal de saisine du 31 mai 2011 ne visent expressément le blanchiment ou une autre infraction limitativement énumérée à l'article 28-1 du code de procédure pénale, c'est cependant à juste titre que le tribunal correctionnel a considéré que le signalement TRACFIN ne visait pas exclusivement le délit d'abus de faiblesse, mais décrivait en premier lieu une situation financière suspecte en ce que les fonds placés par les époux X... pouvaient provenir de l'infraction d'abus de faiblesse, connexe au blanchiment ; qu'ils en concluent que le blanchiment, même non explicitement nommé, était compris dans le signalement de sorte que le service désigné était compétent pour enquêter ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs qui font apparaître que ni les réquisitions du procureur de la République saisissant la douane judiciaire ni la note de TRACFIN à laquelle ces réquisitions renvoyaient ne visaient l'une des infractions mentionnées par l'article 28-1, I, 1° à 7° du code de procédure pénale, la cour d'appel a méconnu ce texte ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 21 mars 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-83372
Date de la décision : 28/06/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DOUANES - Agent des douanes - Agent de la douane judiciaire - Compétence - Compétence matérielle - Infractions visées par l'article 28-1 du code de procédure pénale - Enquête portant sur des infractions de droit commun - Régularité - Condition

Les agents des douanes habilités ne peuvent effectuer des enquêtes judiciaires que sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction visant les infractions mentionnées par l'article 28-1, I, 1° à 7°, du code de procédure pénale. Viole cette disposition la cour d'appel qui, pour refuser de faire droit à la demande du prévenu en nullité de la procédure diligentée par le service national de la douane judiciaire tirée de ce que celui-ci n'était pas compétent pour enquêter sur les éventuels faits d'abus de faiblesse signalés par la cellule TRACFIN, se prononce par des motifs desquels il ne ressort nullement que les réquisitions du procureur de la République saisissant la douane judiciaire ou la note de TRACFIN à laquelle ces réquisitions renvoyaient visaient l'une des infractions mentionnées par l'article 28-1 du code de procédure pénale


Références :

article 28-1 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 21 mars 2016

Sur l'étendue des pouvoirs des agents de la douane judiciaire, à rapprocher :Crim., 9 avril 2015, pourvoi n° 14-87660, Bull. crim. 2015, n° 76 (2 et 3) (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 jui. 2017, pourvoi n°16-83372, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Gaillardot
Rapporteur ?: Mme Chauchis
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.83372
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