LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Francesco X...,
- M. Thierry X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 16 février 2016, qui, pour fraude fiscale, les a condamnés, le premier à huit mois d'emprisonnement avec sursis, le second à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 mai 2017, poursuivie le 18 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DE LA LANCE, les observations de la société civile professionnelle RICHARD, de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAILLARDOT ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire en demande, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 du code général des impôts et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Thierry X... coupable du délit de fraude fiscale et l'a condamné à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'au paiement des impôts fraudés, assortis des majorations et pénalités, solidairement avec la société GMLM, pour la période du 1er mai 2008 au 31 janvier 2009 ;
" aux motifs que M. Thierry X..., poursuivi pour les faits de fraude fiscale postérieurs au 1er mai 2008, a fait plaider sa relaxe ; que s'il a bien été désigné gérant de droit de la société à cette date, il n'avait à ses dires aucune compétence pour assumer cette fonction, laquelle en réalité était en entièrement exercée par son père ; que les premiers juges ont néanmoins retenu à juste titre sa culpabilité, tout gérant de droit étant responsable, sauf délégation de pouvoirs, des obligations fiscales de la société qu'il dirige ;
" alors que le gérant de droit d'une personne morale n'est personnellement responsable des obligations comptables et fiscales de l'entreprise qu'autant qu'il n'a pas délégué à une autre personne l'accomplissement de ces formalités ; qu'en déclarant néanmoins M. Thierry X... coupable du délit de fraude fiscale, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il avait délégué à son père, M. Francesco X..., le pouvoir de satisfaire aux obligations fiscales de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que faute d'avoir été proposé devant les juges du fond, le moyen, qui invoque pour la première fois devant la Cour de cassation l'existence d'une délégation de pouvoirs déchargeant le gérant de droit d'une société de ses obligations comptables et fiscales, est mélangé de fait, nouveau et, comme tel, irrecevable ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 du code général des impôts, L. 228 du livre des procédures fiscales et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Francesco X... coupable du délit de fraude fiscale et l'a condamné à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'au paiement des impôts fraudés, assortis des majorations et pénalités, solidairement avec la société GMLM pour la période du 1er mai 2008 au 31 janvier 2009 ;
" aux motifs que, tirant argument de ce que le ministère public, en matière fiscale, ne pouvait pas poursuivre des faits non visés par la plainte de l'administration fiscale, M. Francesco X... a également fait conclure à sa relaxe pour les faits postérieurs au 1er mai 2008, les faits de fraude fiscale en sa qualité de gérant de fait n'ayant pas été spécifiquement visés dans la plainte des services fiscaux ; qu'en application de l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales, les plaintes tendant à l'application des sanctions pénales en matière d'impôts doivent être déposées par l'administration, sous peine d'irrecevabilité, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales ; que l'avis émis par la Commission des infractions fiscales ayant un caractère réel et non personnel, le ministère public dispose de la faculté de poursuivre le gérant de fait sans être lié par le fait que la commission n'ait rendu un avis favorable qu'à l'égard du gérant de droit ; que M. Francesco X... a reconnu qu'en réalité, il avait continué à gérer la société après avoir pris sa retraite ; que sa culpabilité, retenue par les premiers juges, sera donc confirmée ;
" alors que, sous peine d'irrecevabilité, les plaintes tendant à l'application de sanctions pénales en matière d'impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d'affaires, de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre sont déposées par l'administration sur avis conforme de la Commission des infractions fiscales ; que l'action publique ne peut donc être exercée au titre de faits qui ne sont pas visés dans la plainte, même si elle peut être exercée à l'encontre de personnes qui n'ont pas été nommément désignées ; qu'il en résulte que la plainte de l'administration fiscale visant les seuls gérants de droit de la personne morale exclut que des poursuites pénales puissent être exercées à l'encontre des gérants de fait, la gestion de fait constituant un fait distinct de la gestion de droit ; qu'en décidant, que, bien que la plainte de l'administration fiscale ait exclusivement visé les gérants de droit de la société GMLM, M. Francesco X... pouvait, néanmoins, être poursuivi en qualité de gérant de fait, la cour d'appel a exposé sa décision à la cassation " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. Francesco X... a été poursuivi du chef de fraude fiscale, en sa qualité de gérant de droit du 1er janvier 2007 au 30 avril 2008 et de gérant de fait du 1er mai 2008 au 31 janvier 2009 de la société GMLM, son fils étant devenu gérant de droit le 1er mai 2008, lui-même ayant pris sa retraite ; qu'il a plaidé sa relaxe pour les faits postérieurs au 1er mai 2008 en soutenant que ces faits en sa qualité de gérant de fait n'avaient pas été visés dans la plainte des services fiscaux ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de fraude fiscale en sa qualité de gérant de fait de la société GMLM à compter du 1er mai 2008, les juges énoncent que les plaintes de l'administration fiscale doivent être déposées sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, que cet avis a un caractère réel et non personnel, le ministère public ayant la faculté de poursuivre le gérant de fait sans être lié par l'avis favorable rendu à l'égard du seul gérant de droit et que le prévenu a reconnu avoir continué à diriger la société après avoir pris sa retraite ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, si la plainte de l'administration fiscale saisit nécessairement le procureur de la République de tous les faits qu'elle dénonce et si ce magistrat ne peut exercer de poursuites devant le tribunal correctionnel que de ces seuls faits, il peut poursuivre toutes personnes, même non visées dans la plainte, contre lesquelles il estime qu'il existe des charges suffisantes d'avoir commis les délits dénoncés ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.