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31/05/2017 | FRANCE | N°17-81539

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 mai 2017, 17-81539


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Juan X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'ANGERS, en date du 18 janvier 2017, qui, infirmant l'ordonnance de mise en accusation rendue par le juge d'instruction, a ordonné la poursuite de l'information suivie contre lui des chefs de viol aggravé et infractions à la législation sur les armes ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'artic

le 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Stephan, conseil...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Juan X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'ANGERS, en date du 18 janvier 2017, qui, infirmant l'ordonnance de mise en accusation rendue par le juge d'instruction, a ordonné la poursuite de l'information suivie contre lui des chefs de viol aggravé et infractions à la législation sur les armes ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Stephan, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller STEPHAN, les observations de Me LE PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européénne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 222-22, 222-23 du code pénal, préliminaire, 175-2, 202, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la poursuite de l'information judiciaire et dit qu'il doit être fait retour de la procédure au juge d'instruction saisi ;
" aux motifs que, aux termes de l'article 202 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction peut ordonner qu'il soit informé à l'égard d'une personne mise en examen renvoyée devant elle sur tous les chefs de crimes ou de délits, principaux ou connexes, résultant du dossier de la procédure et qui n'auraient pas été visés par l'ordonnance du juge d'instruction ; que M. X... a vécu maritalement avec Mme Silvina Y..., née le 3 mars 1972 (D1468 et suivants), depuis les années 1990-1991 jusqu'en 2005 ; qu'ensemble, ils ont eu trois enfants ; que son ancienne compagne décrit le mis en examen comme quelqu'un de facile à vivre et jamais violent ; que Mme Y...insiste sur deux événements qui ont changé le cours de la vie de M. X... : tout d'abord, la maladie de Passy-Romberg, qui affecte son visage et serait à l'origine de la décision d'abandonner le métier de maître chien pour celui d'employé des pompes funèbres ; qu'ensuite, le fait que le mis en examen ait été témoin d'un acte de nécrophilie commis par un de ses collègues sur une jeune défunte de seize ans, le traumatisme étant renforcé par la circonstance selon laquelle son employeur ne l'a pas soutenu, bien au contraire ; que la réalité de la maladie de M. X... est établie, tout comme est avéré cet acte de nécrophilie, les conséquences sur le psychisme du mis en examen, ainsi que les conditions anormales, judiciairement sanctionnées, du licenciement intervenu quelques années plus tard ; que depuis, M. X... apparaît avoir vécu d'une manière beaucoup moins stable ; que certes, depuis 2004, il entretient une relation forte avec Mme Amandine B..., née le 19 décembre 1986 (D1151 et suivants) ; que trois enfants sont issus de cette union ; que cependant, pendant les dix années qui se sont écoulées entre la rencontre du couple X...-B... et la plainte déposée par Mme C..., il y a eu des périodes parfois longues de séparation ou d'éloignement ; que dans les années 2010, M. X... a entretenu des relations amoureuses ou sexuelles avec des femmes et des hommes ; qu'il a pu imposer à Mme B... la présence de certaines de ses maîtresses ; que les investigations menées dans le cadre de l'information ont permis d'identifier plusieurs de ces personnes, de tous âges (Mme D...est née en 1952 ; Mme E...et Mme F...en 1961 ; M. G...en 1969 ; Mme H...en 1974 Mme I...en 1982 ; Mme Meriem J...en 1994 ; Mme K...et M. L...en 1995) ; que pour la majorité d'entre eux, ces femmes et hommes font état de rapports sexuels consentis ; que si M. X... a pu se montrer financièrement intéressé dans ses relations avec Mmes D...et E..., aucune d'elles ne formule de grief à l'encontre de M. X..., en terme de violence ou d'absence de respect de sa personne ; que M. G...se borne à émettre une opinion sur l'orientation sexuelle du mis en examen, sans vouloir évoquer plus avant les deux relations sexuelles qu'il dit avoir eu avec M. X... ; qu'il n'en va pas de même pour les trois personnes les plus jeunes qui ont été entendues par les enquêteurs. Mme J...dit avoir rencontré M. X... en août 2012, alors qu'elle venait juste d'avoir 18 ans ; qu'elle explique qu'il lui a promis un travail par l'intermédiaire de Mme Christelle M..., amie très proche du mis en examen ; que, de ce fait, elle a résidé chez cette femme où elle dormait dans le même lit que M. X... ; que, au bout de trois semaines, ils ont eu des relations sexuelles non protégées ; qu'elle est rapidement tombée enceinte ; qu'elle souhaitait garder l'enfant, mais M. X... a fait pression sur elle pour qu'elle avorte, menaçant de s'en prendre à sa famille, lui montrant une arme, puis la conduisant dans une clinique où il s'est présenté comme étant son oncle et est resté avec elle au moment où elle a pris le médicament ; que Mme J...fait état de certaines relations non consenties, poursuivies par M. X... alors qu'elle l'injuriait et cherchait à le repousser physiquement ; qu'elle précise qu'elle avait touché un héritage de 48 000 euros, l'avait dit à M. X..., qui avait alors agi en sorte qu'elle lui donne de l'argent pour un total d'environ six mille euros ; que Mme Christelle K...a noué une relation avec M. X... en février 2013, alors qu'elle était âgée de 17 ans ; que certes, au cours du deuxième trimestre 2013, la mère de la jeune femme a écrit au procureur de la République, car elle s'inquiétait des conditions de vie de sa fille ; que, entendue par les services de gendarmerie, Christelle K...(D1025 et 1026), alors enceinte de M. X..., a expliqué avoir rencontré cet homme par l'intermédiaire de son neveu, à qui elle avait demandé de la raccompagner chez elle ; que le mis en examen était venu et, au lieu de conduire la jeune femme chez sa mère, il était avec elle dans le mobil home qu'il a installé sur un terrain dont il est propriétaire ; que lors de cette première audition, elle a dit qu'elle vivait une relation consentie ; mais que, entendue plus d'un après, Mme K...nuance très largement son propos ; qu'elle explique avoir été amoureuse de M. X... ; qu'à une certaine époque, Mme B..., est venue les rejoindre ; que la jeune femme dit que M. X... a alors exprimé à plusieurs reprises le désir de se livrer au triolisme ; qu'elle décrit le stratagème dont il a usé pour parvenir à ses fins et la scène de double viol qui s'en est suivie, étant précisé que, à la date des faits, Mme B... était enceinte de son troisième enfant ; que, après cette scène, Mme K...dit avoir subi un certain nombre de relations qu'elle ne souhaitait pas, sans pour autant décrire les faits d'une manière précise ; que M. Benjamin L...déclare avoir discuté sur la toile avec M. X... vers la fin du premier semestre 2013, alors qu'il était âgé de 17 ans révolus ; que le jeune homme a pensé que le mis en examen, qui se présentait comme étant medium, pourrait l'aider à surmonter la mort de son père ; qu'il a alors accepté que M. X... vienne le chercher à son domicile, sur Chartres, et le conduise à son mobil home ; que M. L..., qui est dans une démarche de changement de sexe, explique s'être exécuté quand M. X... lui a demandé de s'habiller en fille ; qu'il explique que, après avoir fait une séance de spiritisme, le mis en examen lui a imposé une sodomie dont il ne voulait pas, qui a provoqué chez lui d'importantes douleurs et des saignements pendant une quinzaine de jours ; que, à l'issue de cette audition en date du 7 mai 2015, M. L...dépose plainte pour viol ; que ces déclarations de trois personnes, qui ne se connaissent pas, qui étaient toutes âgées de 17 ans ou 18 ans au moment de leur rencontre avec M. X..., qui décrivent une relation d'emprise et des relations sexuelles contraintes ou imposées de la part du mis en examen sur une période de temps proche (entre août 2012 et fin 2013), ne peuvent être d'emblée écartées, sans que l'institution judiciaire ne se penche plus avant sur la crédibilité qui peut leur être accordée. Mme C...ne connaît pas non plus Mmes J..., K..., ni M. L...; qu'elle aussi est plus jeune que M. X..., puisqu'elle a quinze ans de moins, là où les trois autres ont vingt ans de moins, ce qui signifie que tous quatre ont une expérience de la vie bien moindre que celle du mis en examen ; que la plainte de Mme C..., qui a trait à une agression sexuelle survenue au cours d'une même période de deux années, vient en écho des trois autres déclarations ; qu'à supposer les faits dénoncés établis, cela signifierait que M. X... a agi à plusieurs reprises en sorte de créer sur des personnes, moins ancrées dans la vie que lui, une relation d'emprise lui permettant d'abuser d'elles, y compris sexuellement ; que le mis en examen aurait en quelque sorte un comportement de prédateur sexuel ; qu'il présenterait une dangerosité, à tout le moins criminologique, qui imposerait une réponse pénale adaptée ; que la question de la dangerosité psychiatrique est d'ailleurs déjà posée, les experts psychologue et psychiatre commis procédant à des analyses voisines, partiellement superposables ; que, en effet, l'expert psychologue conclut que M. X... souffre d'un trouble psychotique avec atteinte majeure du sentiment de sécurité et hallucinations ; qu'il relève des pensées délirantes, à connotation paranoïde, avec notion de dissociation ; que, pour sa part, l'expert psychiatrique conclut également à une anomalie mentale et psychique, s'agissant d'un trouble délirant persistant, mais il écarte un syndrome dissociatif ; qu'il n'écarte pas la possibilité d'une " décompensation avec invasion d'idées persécutives qui pourraient le bousculer dans une dangerosité d'ordre psychique justifiant des soins à la demande de l'Etat " ; que plus prosaïquement, tous les membres de l'entourage de M. X... expliquent que, chaque jour, le mis en examen évoque l'acte de nécrophilie dont il a été témoin ; que beaucoup sont interpellés par la façon dont le mis en examen parle de l'islam, religion qu'il a embrassée dans le courant des années 2000 ; que l'attirance de M. X... pour les armes à feu apparaît également inquiétante ; que les relations que le mis en examen a voulu nouer avec un policier et un douanier, se présentant comme un indicateur en puissance, évoquent également une forme de mythomanie ; qu'en conséquence, il n'est pas intellectuellement concevable d'envisager de procéder de manière séparée à des investigations pour des faits présentant des similitudes fortes, commis au cours d'une même période de temps ; que, par suite, la poursuite de l'information s'impose, le magistrat instructeur devant notamment procéder à toutes investigations utiles en direction des trois personnes nées en 1994 et 1995, particulièrement en direction de Mme K...et de M. L...; que, si l'audition de Mme O...et celle de la prénommée " Alizée " ou " Elizée ", dont Mme C...fait état lors de la confrontation du 11 juin 2015, peuvent présenter un intérêt, et sont en conséquence susceptibles d'être envisagées par le magistrat instructeur, elles ne sont toutefois pas déterminantes quant à l'issue de la présente procédure ;
" 1°) alors que la chambre de l'instruction peut, d'office ou sur réquisitions du procureur général, ordonner qu'il soit informé à l'égard des personnes mises en examen ou prévenus renvoyés devant elle sur tous les chefs de crimes, de délits, de contraventions, principaux ou connexes, résultant du dossier de la procédure, qui n'auraient pas été visés par l'ordonnance du juge d'instruction ou qui auraient été distraits par une ordonnance comportant non-lieu partiel, disjonction ou renvoi devant la juridiction correctionnelle ou de police ; que le viol est un acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ; que l'emprise n'est pas visée par l'article 222-23 comme élément constitutif du viol ; que pour ordonner la poursuite de l'information judiciaire, la chambre de l'instruction a énoncé que « cela signifierait que M. X... a agi à plusieurs reprises en sorte de créer sur des personnes, moins ancrées dans la vie que lui, une relation d'emprise lui permettant d'abuser d'elles » ; que ce faisant la chambre de l'instruction a ordonné la poursuite de l'information pour des faits qui n'étaient pas susceptibles de constituer une infraction, en violation des textes susvisés ;
" 2°) alors que la durée de l'instruction ne peut excéder un délai raisonnable au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen, de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité et de l'exercice des droits de la défense ; que devant la chambre de l'instruction, M. X... faisait valoir que les réquisitions du parquet s'opposant à la clôture de l'information et sollicitant un supplément d'information et de nouvelles auditions devaient être rejetées en ce qu'elles aboutiraient à méconnaître son droit à être jugé dans un délai raisonnable, l'information ayant été ouverte depuis deux ans et demi et les nouvelles investigations envisagées reposant sur des faits connus de l'accusation depuis le début de l'information ; qu'en ordonnant la poursuite de l'information judiciaire et en disant qu'il serait fait retour de la procédure au juge d'instruction saisi sans répondre à ces articulations essentielles du mémoire de M. X..., la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés " ;
Vu les article 202 et 205 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que lorsque, sur réquisitions du procureur général ou d'office, la chambre de l'instruction, saisie de l'appel interjeté contre une ordonnance de mise en accusation, estime y avoir lieu, à l'égard d'une personne mise en examen, de poursuivre les investigations sur des infractions résultant du dossier de la procédure mais non visées dans l'ordonnance, elle doit procéder par voie de supplément d'information ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, renvoyé devant la cour d'assises des chefs de viol aggravé sur la personne de Mme C...et délit connexe, M. X... a interjeté appel de l'ordonnance de mise en accusation ;
Attendu que le procureur général, constatant que figuraient au dossier les déclarations de deux autres personnes, Mme K...et M. L..., qui accusaient M. X... d'abus sexuels commis à leur encontre, faits non retenus dans l'ordonnance de mise en accusation, a requis qu'il soit également instruit sur ces faits ; que l'arrêt, infirmant l'ordonnance, a ordonné la poursuite de l'information et le retour du dossier au magistrat instructeur ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il lui appartenait de procéder par voie de supplément d'information, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Angers, en date du 18 janvier 2017, et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Angers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mai deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-81539
Date de la décision : 31/05/2017
Sens de l'arrêt : Cassation et désignation de juridiction
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Pouvoirs - Supplément d'information - Appel des ordonnances du juge d'instruction - Ordonnance de mise en accusation - Infractions non visées dans l'ordonnance - Obligations

Il résulte de la combinaison des articles 202 et 205 du code de procédure pénale que lorsque, sur réquisitions du procureur général ou d'office, la chambre de l'instruction, saisie de l'appel formé contre une ordonnance de mise en accusation, estime y avoir lieu, à l'égard d'une personne mise en examen, de poursuivre les investigations sur des infractions résultant du dossier de la procédure mais non visées dans l'ordonnance, elle doit procéder par voie de supplément d'information


Références :

articles 202 et 205 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Angers, 18 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 mai. 2017, pourvoi n°17-81539, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Wallon
Rapporteur ?: M. Stephan
Avocat(s) : Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:17.81539
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