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26/04/2017 | FRANCE | N°16-86840

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 avril 2017, 16-86840


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° X 16-86.840 F-P+B

N° 1057

FAR
26 AVRIL 2017

CASSATION

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

CASSATION sur les pourvois formés par Mme [K] [J], épouse [P], M. [E] [P], contre l'arrêt de la chambre

de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 21 octobre 2016, qui, dans l'information suivie contre eux des ch...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° X 16-86.840 F-P+B

N° 1057

FAR
26 AVRIL 2017

CASSATION

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

CASSATION sur les pourvois formés par Mme [K] [J], épouse [P], M. [E] [P], contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 21 octobre 2016, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs d'exécution d'un travail dissimulé, vente ou mise en vente d'appareil, dispositif ou produit destiné à déceler ou perturber les instruments de constatation des infractions routières, importation non déclarée de marchandises prohibées et infractions à la législation sur les armes, a prononcé sur une requête en nullité d'actes de procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 29 mars 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu l'ordonnance, en date du 30 janvier 2017, du président de la chambre criminelle prescrivant l'examen immédiat des pourvois ;

Vu le mémoire produit commun aux demandeurs et les observations complémentaires ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 81, 151, 152, 173, 206, 591, 593 et 802 du code de procédure pénale, du principe d'impartialité, du principe de l'égalité des armes, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir négatif :

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé une nullité seulement partielle de la commission rogatoire du 13 août 2012 et des actes pris en exécution de celle-ci, en limitant l'annulation à la partie de la mission sollicitant du service des douanes les textes applicables et les éventuels éléments de jurisprudence, aux pièces cotées D 168 à D 196, et en limitant la cancellation ordonnée aux cotes D 154, D 155 et D 164 de la phrase commençant par "textes applicables" et se terminant par "jurisprudence", et a dit n'y avoir lieu à annulation pour le surplus ;

"aux motifs qu'il est rappelé dans l'article 81 du code de procédure pénale que le juge d'instruction "instruit à charge et à décharge" ; qu'en l'espèce, le magistrat instructeur a, dans la commission rogatoire critiquée, chargé les officiers de police judiciaire "d'établir un procès-verbal d'investigations récapitulatif précisant les éléments à charge pour chaque infraction, et pour chacun des deux mis en cause, en indiquant à chaque fois les pièces de procédure visées" ; qu'or à la lecture attentive de cette mission dont la rédaction ne peut qu'être qualifiée de maladroite, il convient de relever que le magistrat n'a pas sollicité la recherche des seuls éléments à charge comme le soutiennent les requérants mais la rédaction d'un document récapitulatif précisant, c'est-à-dire faisant apparaître clairement, les éléments à charge, que son souci évident dans un dossier déjà ancien, était de clarifier les choses ; que, de plus, l'exécution de la commission rogatoire montre que le principe de l'impartialité a été respecté puisque les enquêteurs ne se sont pas contentés des seuls éléments à charge et ont intégré synthétiquement les réponses apportées par les mis en examen lors de leurs auditions et ont noté ce qui pouvait être retenu comme ce qui ne pouvait pas l'être contre chacun des mis en examen ; qu'ils ont présenté ce document sous forme de tableau facilitant la compréhension des faits, permettant en conséquence aux mis en examen d'y apporter des éléments de défense ; que rien ne permet de dire que le juge a manqué à son devoir d'impartialité en demandant un document de synthèse précis sur les charges facilitant leur discussion par la suite et ce d'autant que la réalisation de la commission rogatoire satisfait à l'obligation d'instruire à charge et à décharge ; qu'aucune nullité tirée de ce second moyen n'est donc encourue ;

"1°) alors que le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité ; qu'il instruit à charge et à décharge ; qu'une commission rogatoire donnée afin d'établir un procès-verbal d'investigation récapitulatif précisant uniquement les éléments à charge pour chaque infraction méconnaît la règle précitée ; qu'en refusant d'annuler la commission rogatoire litigieuse, comportant un tel libellé, et les actes pris en exécution de celle-ci, au motif que la rédaction de la mission donnée ne pouvait qu'être qualifiée de maladroite, le juge d'instruction ayant entendu viser un document récapitulatif faisant apparaître clairement les éléments à charge, quand rien dans l'acte critiqué, qui ne disait mot des éléments à décharge, ne permettait d'attribuer son libellé à une maladresse rédactionnelle, la chambre de l'instruction, qui a méconnu la portée des termes de la commission rogatoire, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes susvisés ;

"2°) alors qu'en refusant d'annuler la commission rogatoire litigieuse et les actes pris en exécution de celle-ci au motif que la rédaction de la mission donnée ne pouvait qu'être qualifiée de maladroite, tout en justifiant, par ailleurs, le libellé particulier de la mission par le souci de faciliter la discussion des charges par la suite, conférant ainsi au libellé de la mission un caractère intentionnel, exclusif de toute maladresse, la chambre de l'instruction, qui s'est contredite, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes susvisés ;

"3°) alors que ni le souci de "clarifier les choses" ni celui de faciliter la discussion des charges ne justifient une dérogation à la règle d'ordre public selon laquelle le juge d'instruction instruit à charge et à décharge ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et principes susvisés ;

"4°) alors que la régularité d'un acte d'instruction s'apprécie à la date à laquelle il a été pris ; que la violation par un acte de procédure de la règle selon laquelle le juge d'instruction instruit à charge et à décharge ne peut être réparée par la manière dont cet acte est exécuté postérieurement à son édiction ; qu'en écartant la nullité de la commission rogatoire du 23 août 2012 au motif inopérant que la réalisation de cette commission satisfaisait à l'obligation d'instruire à charge et à décharge, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et principes susvisés ;

"5°) alors qu'en toute hypothèse, le tableau synthétique (cotes D 209 à D 211) dont la chambre de l'instruction a déduit que l'exécution de la commission rogatoire avait satisfait à l'obligation d'instruire à charge et à décharge, est introduit par la mention "poursuivant l'enquête en cours, nous procédons à la recherche des éléments à charge pour chaque infraction et pour chacun des deux mis en cause", et se borne, pour l'essentiel, à répertorier les éléments à charge ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la chambre de l'instruction a méconnu la portée des pièces de la procédure, en violation des textes et principes susvisés ;

"6°) alors que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que l'exigence d'impartialité est méconnue dès lors que sont rapportés des éléments pouvant, même en apparence, faire peser un doute raisonnable, objectivement justifié, sur l'impartialité du juge ; que la commission rogatoire donnée afin d'établir un procès-verbal d'investigation récapitulatif précisant uniquement les éléments à charge à l'égard des mis en examen porte atteinte au principe d'impartialité et aux intérêts des mis en examen, dans l'hypothèse même où le magistrat instructeur aurait seulement eu l'intention de clarifier les choses ou de faciliter la discussion des charges ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et principes susvisés" ;

Vu l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles préliminaire et 81 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que le juge d'instruction doit effectuer tous les actes qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité en veillant à l'équilibre des droits des parties et au caractère équitable de la procédure et en instruisant, de façon impartiale, à charge et à décharge ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'une information a été ouverte contre M. [E] [P] et Mme [K] [J], son épouse, tous deux mis en examen, les 26 novembre et 8 décembre 2009, des chefs d'exécution d'un travail dissimulé, vente ou mise en vente d'appareil, dispositif ou produit destiné à déceler ou perturber les instruments de constatation des infractions routières, importation non déclarée de marchandises prohibées et infractions à la législation sur les armes ; que le juge d'instruction a délivré, le 23 août 2012, une commission rogatoire aux services de gendarmerie aux fins "d'établir un procès-verbal d'investigations récapitulatif précisant les éléments à charge pour chaque infraction, et pour chacun des deux mis en cause, en indiquant à chaque fois les pièces de procédure visées" ; que les mis en examen ont demandé, au retour de l'exécution de la commission rogatoire, son annulation en ce qu'elle n'impliquait que l'accomplissement d'investigations effectuées à charge ;

Attendu que pour rejeter partiellement la demande de nullité, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction ne visait qu'à établir les seuls éléments à charge des infractions poursuivies, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le premier moyen de cassation proposé :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 21 octobre 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six avril deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-86840
Date de la décision : 26/04/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Pouvoirs du juge - Actes utiles à la manifestation de la vérité - Régularité - Conditions - Instruction à charge et à décharge - Défaut - Sanction

INSTRUCTION - Commission rogatoire - Objet - Etablissement d'un procès-verbal récapitulatif reprenant uniquement les éléments à charge - Régularité (non) CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de la procédure - Annulation d'actes - Commission rogatoire - Objet - Etablissement d'un procès-verbal récapitulatif reprenant uniquement les éléments à charge CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6, § 1 - Impartialité - Equité - Procédure - Instruction - Commission rogatoire - Objet - Etablissement d'un procès-verbal récapitulatif reprenant uniquement les éléments à charge - Compatibilité (non)

Le juge d'instruction doit effectuer tous les actes qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité en veillant à l'équilibre des droits des parties et au caractère équitable de la procédure, et en instruisant, de façon impartiale, à charge et à décharge. Encourt en conséquence la nullité, une commission rogatoire ne visant qu'à établir les seuls éléments à charge des infractions poursuivies


Références :

articles préliminaire et 81 du code de procédure pénale

article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, 21 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 avr. 2017, pourvoi n°16-86840, Bull. crim. criminel 2017, n° 128
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2017, n° 128

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Bonnet
Rapporteur ?: M. Moreau
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.86840
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