LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 16-81.452 FS-P+B
N° 665
FAR
20 AVRIL 2017
CASSATION PARTIELLE
M. GUÉRIN président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par M. [X] [V], contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-12, en date du 16 février 2016, qui, pour escroquerie et tentative d'escroquerie, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 2 000 euros d'amende, deux ans d'interdiction de gérer et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 février 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Zerbib, conseiller rapporteur, MM. Soulard, Steinmann, Mmes de la Lance, Chaubon, M. Germain, Mme Planchon, MM. d'Huy, Wyon, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. [U] ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller ZERBIB, les observations de Me HAAS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général [U] ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du code pénal, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable des faits d'escroquerie qui lui sont reprochés, l'a condamné à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis, à une peine d'amende de 2 000 euros et à une peine complémentaire d'interdiction de gérer pour une durée de deux ans et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs propres que, c'est par des motifs pertinents qu'elle fait siens et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision attaquée, que les premiers juges ont à bon droit retenu M. [V] dans les liens de la prévention, étant précisé (...), concernant l'infraction d'escroquerie, que MM. [B] [F], [V] [F] et [Z] [Q] ont tous trois déclaré ne pas avoir suivi de stage sur le logiciel Autodesk ; que cela n'a pas empêché le prévenu d'envoyer à l'Adefim une facture de JF consulting et de faire encaisser par cette société la somme de 9 328,80 euros ; qu'il est vrai que M. [V] affirme que la formation Autodesk a eu lieu et a produit une lettre de M. [F] [B] en ce sens ; que cependant, en premier lieu, rien n'explique que MM. [B] [F], [V] [F] et [Z] [Q] déclarent que ces formations n'ont pas eu lieu si elles l'avaient eu ; qu'en second lieu, l'attestation déposée par M. [B] est particulièrement lapidaire ; qu'elle n'est pas datée ; qu'elle ne mentionne pas qu'elle est destinée à être produite en justice ; qu'en réalité, elle n'est pas probante ;
"et aux motifs adoptés qu'il est reproché aux deux prévenus, à Mme [J] "en sa qualité de gérante de droit rémunérée de la société JF consulting depuis le 8 mars 2010" et à M. [V] "en sa qualité de gérant de fait et animateur des sociétés JF consulting et Paradis formation" l'obtention frauduleuse de fonds pour un montant de 9 328,80 euros ; qu'il est établi, et admis par M. [V], que ce montant a été versé à la société JF consulting par l'Adfim par deux chèques de banque en date du 8 janvier 2010 et que ce paiement est censé correspondre à une formation qu'auraient suivie MM. [B] [F], [V] [F] et [Z] [Q], salariés de la société Logicréa, entre les 14 et 28 décembre 2009, formation dispensée par JF consulting ; qu'il est enfin établi, par les pièces figurant au dossier, qu'après la demande préalable de participation au financement d'une action de formation professionnelle faite au nom de la société Logicréa le 23 novembre 2009, ont été également transmises à l'Adefim :
- une convention de paiement de frais pédagogiques censée avoir été conclue le 23 novembre 2009 entre Logicréa et JF consulting et comportant les cachets des deux sociétés permettant au dispensateur de la formation d'être directement payé par l'Opcaim ;
- une facture de JF consulting d'un montant de 9 328,80 euros en date du 29 décembre 2009 ;
- trois attestations de fin de stage censées avoir été signées par les stagiaires à [Localité 1] le 28 décembre 2009, documents sur lesquels figurent également les cachets de JF consulting et de Logicréa ; que, quant à Mme [J], s'il ressort du dossier et des débats qu'elle était effectivement gérante de la société JF consulting depuis le 8 mars 2010, il s'avère que les fonds ont été versés par l'Adefim à l'aide de deux chèques de banque datés du 8 janvier 2010, soit à une période antérieure à sa gérance, qui était assurée, à cette époque, par M. [N] [Z] ; que, par ailleurs, il ne ressort ni du dossier ni des débats d'éléments susceptibles d'établir une quelconque intervention, à quelque titre que ce soit, dans la réalisation des manoeuvres frauduleuses, remontant à novembre et décembre 2009 ;
"alors que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; que M. [V] a été cité devant le tribunal correctionnel pour des faits d'escroquerie commis courant janvier 2010 à février 2011 ; que, pour déclarer le prévu coupable d'escroquerie, la cour d'appel a retenu la réalisation de manoeuvres frauduleuses remontant à novembre et décembre 2009 ; qu'en statuant ainsi, sans qu'il résulte des mentions de l'arrêt ou des pièces de procédure que le prévenu ait accepté d'être jugé pour des faits commis antérieurement au mois de janvier 2010, la cour d'appel a excédé les limites de sa saisine" ;
Vu l'article 388 du code de procédure pénale ;
Attendu que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que M. [V], gérant de la société JF Consulting, a été cité devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'escroquerie pour avoir, à Paris, courant janvier 2010 à février 2011, trompé les associations Opcaim et Adefim en sollicitant auprès de ces organismes, en sa qualité de gérant de fait et animateur des sociétés JF Consulting et Paradis Formation, le financement de formations continues de salariés de la société Logicrea, notamment MM. [Z] [Q], [V] [F] et [B] [F], en transmettant mensongèrement ces demandes au nom de la société Logicrea, et de les avoir ainsi déterminées à la remise de 9 328,80 euros au profit de la société JF Consulting, qui était supposée organiser ces formations fictives ; que reconnu coupable d'escroquerie par le tribunal, il a interjeté appel ;
Attendu que, pour confirmer le jugement le déclarant coupable d'escroquerie, l'arrêt retient, notamment, par motifs propres et adoptés, qu'ont été annexées à la demande préalable, datée du 23 novembre 2009, une fausse convention par laquelle l'employeur des trois salariés permettait le paiement direct de la société JF Consulting par l'association dispensatrice de fonds, une fausse facture établie par la société JF Consulting de frais de formation de 9 328,80 euros et des attestations de fin de stage mensongères ;
Que les juges ajoutent que ces fausses pièces datées de novembre à décembre 2009 et leur transmission aux associations dispensatrices de fonds sont constitutives des manoeuvres frauduleuses qui ont été déterminantes de la remise de la somme de 9 328,80 euros ;
Mais attendu qu'en retenant des manoeuvres qui auraient été réalisées dans une période non visée par la prévention et sans constater que le prévenu avait accepté d'être jugé sur des faits d'escroquerie commis au moyen de ces manoeuvres, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 16 février 2016, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité du chef d'escroquerie, aux peines et à l'action civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt avril deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.