LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 17-80.136 F-P+B
N° 871
FAR
28 MARS 2017
IRRECEVABILITE
M. GUÉRIN président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
IRRECEVABILITE sur le pourvoi formé par M. [C] [E], contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 20 décembre 2016, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de tentative de vol qualifié, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire d'otage pour faciliter un crime ou un délit commis en bande organisée, association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, recel et infraction à la législation sur les armes, a déclaré sa demande de mise en liberté sans objet ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 mars 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ASCENSI, les observations de la société civile professionnelle LE BRET-DESACHÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 66 de la Constitution de 1958, 148, 144, 147, 201, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt attaqué, a déclaré sans objet la demande de mise en liberté du mis en examen et a ordonné son maintien en détention ;
"aux motifs que : ... il résulte de l'article 148, alinéa 5, du code de procédure pénale la faculté pour le mis en examen de saisir directement la chambre de l'instruction de sa demande de mise en liberté lorsque le juge des libertés et de la détention n'a pas statué dans le délai prévu par le même article en son alinéa 3, à savoir trois jours ; qu'il résulte des pièces de la procédure que la demande de mise en liberté en date du 18 novembre 2016 a été communiquée le jour même au procureur de la république et que le juge d'instruction a rendu son ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention également le jour même ; qu'il n'a pas été statué par le juge des libertés et de la détention dans le délai de trois jours ; que, toutefois, le juge des libertés et de la détention a rendu son ordonnance le 2 décembre 2016, le jour même que la demande de mise en liberté par saisine directe ; que la demande de mise en liberté par saisine directe doit être déclarée recevable étant donné que le mis en examen a pu ne pas avoir connaissance de l'ordonnance le jour où elle a été rendue ; que le non respect du délai de trois jours n'est pas sanctionné par les textes autrement que par la faculté de saisir la chambre de l'instruction ; qu'en conséquence aucune mise en liberté ne doit être ordonnée ; que la demande de mise en liberté doit être déclarée devenue sans objet ;
"1°) alors qu'aux termes de l'article 148 du code de procédure pénale "en toute matière, la personne placée en détention provisoire ou son avocat peut, à tout moment, demander sa mise en liberté, sous les obligations prévues à l'article 147... La demande de mise en liberté est adressée au juge d'instruction, qui communique immédiatement le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions. Sauf s'il donne une suite favorable à la demande, le juge d'instruction doit, dans les cinq jours suivant la communication au procureur de la République, la transmettre avec son avis motivé au juge des libertés et de la détention. Ce magistrat statue dans un délai de trois jours ouvrables, par une ordonnance comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision par référence aux dispositions de l'article 144... La mise en liberté, lorsqu'elle est accordée, peut être assortie de mesures de contrôle judiciaire. Faute par le juge des libertés et de la détention d'avoir statué dans le délai fixé au troisième alinéa, la personne peut saisir directement de sa demande la chambre de l'instruction qui, sur les réquisitions écrites et motivées du procureur général, se prononce dans les vingt jours de sa saisine faute de quoi la personne est mise d'office en liberté sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnée" ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction régulièrement saisie, ne pouvait sans méconnaître sa compétence et sans priver le mis en examen du recours qu'il tenait de la loi, refuser de se prononcer en décidant que la demande dont elle était saisie était "devenue sans objet", après avoir constaté que le juge des libertés et de la détention avait rendu son ordonnance tardivement ;
"2°) alors qu'en vertu de l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1798, Nul homme ne peut être arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites ; que selon l'article 66 de la Constitution "Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi" ; et selon l'article 148, alinéa 5, du code de procédure pénale "faute par le juge des libertés et de la détention d'avoir statué dans le délai fixé au troisième alinéa, la personne peut saisir directement de sa demande la chambre de l'instruction qui, sur les réquisitions écrites et motivées du procureur général, se prononce dans les vingt jours de sa saisine faute de quoi la personne est mise d'office en liberté sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnée" ; que la mise en liberté du mis en examen doit être prononcée d'office en vertu de ce texte faute par le juge des libertés et de la détention d'avoir statué sur sa demande de mise en liberté dans le délai légal, et vu le refus de la chambre de l'instruction de statuer dans les conditions de formes et de fond prévus par les articles 144, 147 et 148 du code de procédure pénale, dans le délai qui lui était imparti, sur le recours dont elle était régulièrement saisie ; que la cassation doit être prononcée sans renvoi, ainsi que la mise en liberté immédiate, sous contrôle judiciaire, du mis en examen" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 9 juin 2016, M. [E] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire ; que, le 18 novembre 2016, il a formé une demande de mise en liberté ; que le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention le jour même ; que, par ordonnance en date du 2 décembre 2016, ce magistrat a rejeté la demande ; que, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 2 décembre 2016 et expédiée le jour même, le conseil du demandeur, en application du cinquième alinéa de l'article 148 du code de procédure pénale, a directement saisi la chambre de l'instruction ; que le greffier de la chambre de l'instruction a attesté avoir reçu cette demande le 6 décembre 2016 ;
Attendu que, pour déclarer la demande de mise en liberté par saisine directe recevable mais sans objet et ordonner le maintien en détention de M. [E], la chambre de l'instruction retient que la demande doit être déclarée recevable étant donné que le mis en examen a pu ne pas avoir connaissance de l'ordonnance le jour où elle a été rendue, mais que le non-respect du délai de trois jours imparti au juge des libertés et de la détention pour statuer sur une demande de mise en liberté n'est pas sanctionné par les textes autrement que par la faculté de saisir la chambre de l'instruction ;
Attendu que, si c'est à tort que la chambre de l'instruction a déclaré sans objet sa saisine au seul motif qu'une ordonnance avait été rendue par le juge des libertés et de la détention au jour où elle devait elle-même statuer, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure dès lors que la juridiction aurait dû déclarer irrecevable la demande de M. [E] comme ayant été reçue et enregistrée au greffe postérieurement à la date à laquelle était intervenue la décision du premier juge ;
Qu'en effet, il se déduit des articles 148, alinéas 3 et 5, et 148-6 du code de procédure pénale que la chambre de l'instruction n'est tenue de statuer sur la demande qui lui est présentée en application de ces textes par la voie d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception que dans le cas où sa saisine, fixée au jour de la réception de la lettre par le greffe, est antérieure à la date de l'ordonnance statuant sur la demande de mise en liberté, rendue par le juge des libertés et de la détention ;
D'où il suit que le pourvoi n'est pas recevable ;
Par ces motifs :
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit mars deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.