LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 16 juin 2015), que, par acte du 29 décembre 2009, MM. Y..., preneurs à bail rural de parcelles appartenant à la SCI les Roches, ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en régularisation du prix du fermage, restitution de sommes et condamnation au paiement de dommages-intérêts ; que la SCI les Roches a demandé reconventionnellement leur condamnation à payer les fermages et taxes arréragés ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SCI Les Roches fait grief à l'arrêt, rendu après expertise, de classer les terres en troisième catégorie, de fixer le montant du fermage et de la condamner à restituer une somme augmentée des intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que la SCI Les Roches, en ses écritures d'appel, contestait expressément le déclassement par l'expert de la partie de l'îlot 1 constituée d'un peu plus de neuf hectares de la classe 2 à la classe 3 ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors affirmer que les parties acceptaient que, pour cette partie de l'îlot 1, la classe 3 soit retenue sans dénaturer les écritures d'appel de la société exposante en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que la cour d'appel qui a estimé que l'action en répétition des fermages indus, introduite le 29 décembre 2009, était soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, ne pouvait prendre en considération, comme elle l'a fait, l'ensemble des paiements effectués depuis le 1er janvier 2005 sans s'assurer, ainsi qu'elle y était invitée par les écritures d'appel de la SCI, que lesdits paiements étaient imputables aux fermages échus postérieurement au 29 décembre 2004 ; qu'à défaut, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;
3°/ qu'il résulte des termes clairs et précis du tableau récapitulatif des paiements figurant dans le rapport d'expertise que les paiements pour lesquels aucun relevé bancaire n'avait été produit justifiant du débit effectif des chèques correspondant, n'avaient pas donné lieu à un reçu ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis dudit tableau et violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que MM. Y... avaient introduit leur action en justice le 29 décembre 2009, la cour d'appel, qui n'a ni modifié l'objet du litige en fixant la classe applicable aux terres ni dénaturé le rapport d'expertise en arrêtant le montant des paiements justifié et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a retenu, à bon droit, que l'action en répétition des fermages indus était soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, de sorte que les sommes versées antérieurement au 29 décembre 2004 ne pouvaient être restituées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1153, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que, pour condamner la SCI Les Roches à payer à MM. Y... les intérêts au taux légal sur toutes les sommes perçues en exécution du jugement du 16 mars 2011, à compter de la notification de ce jugement valant mise en demeure, l'arrêt retient que l'exécution d'une décision de justice exécutoire à titre provisoire n'a lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit et que MM. Y... ne justifient d'aucun préjudice ayant pour origine ce paiement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la SCI Les Roches n'était débitrice des intérêts sur les sommes perçues en exécution du jugement qu'à compter de la notification valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et, vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la SCI Les Roches à payer à MM. Henri et Eric Y... les intérêts au taux légal sur toutes les sommes perçues en exécution du jugement du 16 mars 2011, à compter de la notification de ce jugement valant mise en demeure, l'arrêt rendu le 16 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la SCI Les Roches à payer à MM. Henri et Eric Y... les intérêts au taux légal sur toutes les sommes perçues par elle en exécution du jugement du 16 mars 2011, à compter de la signification valant mise en demeure de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 16 juin 2015 ;
Condamne la SCI Les Roches aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société Les Roches
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 51,36 le nombre de points à l'hectare, classé en troisième catégorie (50/60) les terres louées à Messieurs Henri et Éric Y..., condamné la SCI des Roches à leur restituer la somme de 12 133,41 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2014 et intérêts capitalisés et fixé à 2 892,51 euros le montant du fermage au 31 décembre 2012 ;
Aux motifs que l'expert a défini les parcelles sous quatre îlots dont il a déterminé la classe de qualité en application de l'arrêté préfectoral du 29 octobre 1997 ; que les parties ne contestent pas le classement retenu pour les parcelles constituant l'îlot 2 (A 407 et 408), l'îlot 3 (A 506) et l'îlot 4 (C 43, 54, 55, 1093) ; que, pour ce qui concerne l'ilot 1, constitué de toutes les autres parcelles d'une surface de 20ha 02a 50ca, elles ne contestent pas qu'il comprend des terres de qualités différentes ; qu'elles acceptent que pour des parcelles d'une superficie de 9ha environ, la classe 3 soit retenue ; que pour ce qui concerne le surplus, constitué de parcelles d'une superficie de 11ha 02a 50ca, les appelants reprochent à l'expert d'avoir retenu la classe 4 et prétendent qu'elles doivent être classées en catégorie inférieure au motif qu'elles seraient inondées toute une partie de l'année ; que cependant si, dans un rapport amiable établi à la demande des appelants, M. A... considère que l'îlot 1 doit être classé en 4ème catégorie, les terres, utilisées en prairie naturelle, n'étant pas en mesure de recevoir plus de 50% des cultures pratiquées dans la région, il faut relever que ce technicien ne différencie pas les terres constituant cet îlot, la parcelle [...], d'une superficie de 3ha 33a 60ca, étant en nature de culture (rotation maïs, ensilage, ray-grass) et que l'arrêté préfectoral attribue bien la classe 4 à une « Terre peu profonde, séchante, aride ou mouillée, avec ou sans cailloux. Terre supportant moins de 50% des cultures pratiquées dans la région sans arrosage » ; que la classe 5 de cet arrêté qui vise une « Mauvaise terre, maigre, impropre à la culture, utilisable pendant une partie de l'année pour le pacage des animaux, landes, coteaux, friches » ne pouvant s'appliquer aux parcelles d'une superficie de 11ha 02a 50ca, le classement proposé par l'expert sera retenu ; qu'en conséquence, il convient de dire que le nombre de points à l'hectare est de 51,36 et que les terres sont classées en 3ème catégorie (50/60) ; que s'agissant de la superficie louée, faute par les appelants de justifier la reprise de certaines parcelles par le bailleur pendant plusieurs années, seule celle figurant au bail, à savoir, 29ha 28a 90ca doit être retenue pour le calcul du fermage ; que MM. Y... ayant introduit leur action en saisissant le tribunal le 29 décembre 2009, leur action en répétition des fermages indus est soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil et les sommes versées antérieurement au 29 décembre 2004 ne peuvent leur être restituées ; que, selon le tableau récapitulatif établi page 44 par l'expert, MM. Y... devaient les sommes suivantes à compter du 1er novembre 2005, le fermage étant payable en deux termes échus les 1er mai et 1er novembre : - fermages du 01/11/05 au 31/10/12 : 19 256,93 - impôt foncier durant la période : 886,00 - loyer chasse du 01/11/05 au 31/10/09 : 304,88 = 20 447,81 € ; à déduire : - dégrèvements -1 032,00 ; Total dû : 19 415,81 € ; que pour ce qui concerne le droit de chasse, si le propriétaire s'est réservé le droit personnel de chasser, il est certain que ce droit était consenti au preneur moyennant le paiement d'un loyer ; qu'il appartient donc à MM. Y... de justifier de leurs paiements, conformément à l'article 1315 du code civil, et s'ils n'ont pas été en mesure, pour certaines échéances du fermage de produire le relevé bancaire correspondant, ils ont produit un reçu ; qu'en conséquence, les paiement justifiés pour la période retenue sont les suivants : - fermages : 31 091,82 - loyer chasse : 457,40 = 31 549,22 € ; que la SCI des Roches doit donc restituer à MM. Y... la somme de 12 133,41 euros (31 549,22 € - 19 415,81 €), augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2014, date de dépôt du rapport d'expertise, et intérêts capitalisés à la condition qu'ils soient dus pour une année entière ; que le fermage du 01/11/11 au 31/10/12 est d'un montant de 2 892,51 euros et c'est ce montant qui sera revalorisé en fonction de l'indice des fermages ; qu'il n'y a pas lieu de dire que les preneurs sont à jour de leurs paiements, en raison du trop-perçu et des sommes versées postérieurement au 31 octobre 2012, la SCI ne leur réclamant pas le paiement de fermages postérieurement à cette date ;
Alors, de première part, que la SCI des Roches, en ses écritures d'appel, contestait expressément le déclassement par l'expert de la partie de l'îlot 1 constituée d'un peu plus de neuf hectares de la classe 2 à la classe 3 ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors affirmer que les parties acceptaient que, pour cette partie de l'îlot 1, la classe 3 soit retenue sans dénaturer les écritures d'appel de la société exposante en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors, de deuxième part, que la cour d'appel qui a estimé que l'action en répétition des fermages indus, introduite le 29 décembre 2009, était soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, ne pouvait prendre en considération, comme elle l'a fait, l'ensemble des paiements effectués depuis le 1er janvier 2005 sans s'assurer, ainsi qu'elle y était invitée par les écritures d'appel de l'exposante, que lesdits paiements étaient imputables aux fermages échus postérieurement au 29 décembre 2004 ; qu'à défaut, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;
Alors, de troisième part, qu'il résulte des termes clairs et précis du tableau récapitulatif des paiements figurant dans le rapport d'expertise que les paiements pour lesquels aucun relevé bancaire n'avait été produit justifiant du débit effectif des chèques correspondant, n'avaient pas donné lieu à un reçu ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis dudit tableau et violé l'article 1134 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCI des Roches à payer à Messieurs Henri et Éric Y... les intérêts au taux légal sur toutes les sommes perçues en exécution du jugement du 16 mars 2011, à compter de la notification de ce jugement valant mise en demeure ;
Aux motifs qu'à l'appui de leur demande de dommages et intérêts, les appelants font valoir que l'intimée leur a réclamé le montant des condamnations mises à leur charge par le tribunal alors qu'elle les savait indues, ce qui a eu pour effet de générer des difficultés économiques à leur exploitation ; que les intimés [sic] répondent que les appelants ne justifient pas de l'ouverture d'une procédure collective et considèrent qu'il [sic] ne peut leur reprocher d'avoir exécuté un jugement assorti de l'exécution provisoire que ces appelants pouvaient faire suspendre ; qu'il est certain que MM. Y... avaient la possibilité de demander au premier président la suspension de l'exécution provisoire du jugement mais il est tout aussi certain que l'exécution d'une décision de justice exécutoire à titre provisoire n'a lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui de restituer le débiteur dans ses droits en nature et par équivalent ; qu'en conséquence, la SCI des Roches sera condamnée à payer à MM. Y... les intérêts au taux légal sur toutes les sommes perçues en exécution du jugement, à compter de la notification de ce jugement valant mise en demeure ; qu'en l'absence de justification d'un préjudice ayant pour origine ce paiement, aucune indemnité supplémentaire ne peut être accordée aux appelants ;
Alors que la partie qui doit restituer les sommes qu'elle détenait en vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ; que la cour d'appel qui a constaté que les consorts Y..., ne justifiant d'aucun préjudice ayant pour origine l'exécution de la décision de première instance, ne pouvaient prétendre à une indemnité supplémentaire, ne pouvait condamner la SCI des Roches à leur payer les intérêts au taux légal sur les sommes perçues en exécution du jugement de première instance à compter de la notification de ce jugement sans violer l'article 1153 du code civil.