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08/02/2017 | FRANCE | N°16-80057

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 février 2017, 16-80057


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Z 16-80.057 FS-P+B

N° 211

JS3
8 FÉVRIER 2017

REJET

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET du pourvoi formé par M. [C] [U], contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 9e chambre, en date du 1

4 décembre 2015, qui, pour agression sexuelle aggravée, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et a pron...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Z 16-80.057 FS-P+B

N° 211

JS3
8 FÉVRIER 2017

REJET

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET du pourvoi formé par M. [C] [U], contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 9e chambre, en date du 14 décembre 2015, qui, pour agression sexuelle aggravée, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 janvier 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Caron, conseiller rapporteur, MM. Castel, Raybaud, Moreau, Mme Drai, M. Stephan, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Beghin, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Wallon ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de la société civile professionnelle BOUTET et HOURDEAUX, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles préliminaire, 388-5, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a seulement implicitement écarté la demande d'actes complémentaires formulée par le docteur, M. [C] [U], a déclaré celui-ci coupable des faits qui lui sont reprochés, est entré en voie de répression à son égard et a statué sur l'action civile ;

"aux motifs que les documents produits par le prévenu apparaissent suffisants pour la complète information de la cour au regard des faits reprochés au prévenu et des éléments du dossier sans que soient nécessaires à la manifestation de la vérité les actes sollicités ;

"1°) alors que les juges du fond sont tenus de statuer sur la demande formée par le prévenu sur le fondement de l'article 388-5 du code de procédure pénale ; qu'au cas particulier, il ne résulte pas du dispositif de l'arrêt attaqué que la cour d'appel aurait statué sur la demande d'actes formée par M. [U] ; qu'entaché d'une omission de statuer, l'arrêt attaqué sera censuré ;

"2°) alors subsidiairement que le juge qui décide d'écarter une demande d'actes formée sur le fondement de l'article 388-5 du code de procédure pénale doit statuer par une décision spécialement motivée ; que pour écarter la demande d'actes formée par M. [U], la cour d'appel a simplement énoncé que les documents produits par ce dernier apparaissaient suffisants au regard des faits reprochés et des éléments du dossier ; qu'en se limitant ainsi à des considérations d'ordre général, non circonstanciées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3°) alors subsidiairement que l'égalité des armes est le principe fondamental d'un procès équitable en ce qu'il assure l'égalité des moyens entre l'accusation et la défense ; qu'au soutien de ses conclusions aux fins de demande d'actes, M. [U] faisait valoir que les termes non contradictoires du rapport de l'expert judiciairement désigné pour analyser la pertinence de l'examen médical pratiqué sur Mme [N] [T] étaient à la fois partiels et sans fondement ; que pour cette raison et pour pouvoir utilement en contester les termes et, surtout, établir le bien-fondé de l'examen et des gestes médicaux qu'il avait pratiqués, il sollicitait l'audition de trois professeurs reconnus en endocrinologie ou de tout autre expert qu'il plairait à la cour d'appel de désigner ; qu'en entrant en voie de condamnation sans faire droit à cette demande d'audition, la cour d'appel a privé M. [U] de la possibilité effective d'exercer ses droits de la défense et l'a, de fait, placé dans l'impossibilité matérielle de contredire les accusations de la partie civile, violant par là même les textes et principes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, pour la première fois en cause d'appel, M. [U] a fait déposer une demande d'actes sur le fondement de l'article 388-5 du code de procédure pénale, laquelle a été rejetée par l'arrêt attaqué par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu que l'opportunité d'ordonner un supplément d'information à la suite d'une demande d'actes formée en application de l'article 388-5 du code de procédure pénale, rendu applicable à la cour d'appel par l'article 512 du même code, est une question de pur fait qui ne relève pas du contrôle de la Cour de cassation ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 222-22, 222-27 et 222-28 du code pénal, de l'article 1134 du code civil, des articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale :

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. [U] coupable d'agressions sexuelles sur la personne de Mme [T], l'a condamné à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, a statué sur les intérêts civils et a ordonné la confiscation des scellés ;

"aux motifs propres qu'il ressort de l'exposé susvisé que Mme [T] a déposé plainte dès le lendemain matin des faits dénoncés à la gendarmerie de son domicile, a été auditionnée à plusieurs reprises et sans complaisance par les enquêteurs, a fait une description précise du comportement du docteur M. [U] lors des différentes consultations et des attouchements qu'elle disait avoir subis, n'a jamais varié dans ses déclarations, tant devant les enquêteurs que devant les experts désignés, déclarations qu'elle a encore réitérées lors de la confrontation et au cours de deux audiences de jugement ; que ses dires sont, par ailleurs, confortés par les sms qu'elle a adressés en temps réel à ses proches, qui correspondent parfaitement à ce qu'elle dit avoir vécu ; que dès sa sortie du cabinet médical, elle s'est confiée en rentrant chez sa mère à ses proches dans les mêmes termes et elle paraissait être choquée ; que contrairement à ce qu'allègue le prévenu, la parole de Mme [T] a été analysée comme exempte de mythomanie ou de fabulation, l'expert relevant au contraire un discours très nuancé et tout à fait adapté, n'ayant pas "l'entêtement des affabulateurs" ; que, de même, dans son histoire médicale et personnelle, aucun élément n'est en faveur de cette thèse d'affabulation ou de mensonge, et si Mme [T] souffrait de troubles du comportement alimentaire, il s'agit d'un phénomène fréquent chez les adolescents ou jeunes adultes, qui ne saurait être présenté comme suspect, le médecin traitant qui la suivait auparavant ayant d'ailleurs mentionné dans son dossier médical : "pas de problèmes importants, va bien" ; qu'il est, par ailleurs, constant qu'il n'y avait pas de différend entre les parties et il n'apparaît aucun intérêt pour la plaignante à une dénonciation mensongère, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par le prévenu, sa plainte ayant au contraire entraîné pour la partie civile un long parcours judiciaire ; que s'agissant de l'impraticabilité, arguée par la défense, des gestes reprochés au mis en cause, le constat d'huissier fait apparaître d'une part que la table d'examen a une assise très solide et est d'une largeur qui permet que l'on se place à califourchon, d'autre part que rien ne s'oppose non plus à ce qu'une patiente soit assise sur cette table, dos contre le médecin qui se trouverait derrière elle, les photographies prises montrant de plus que dans cette situation, la hauteur de la table positionne le bas ventre du médecin au même niveau que la personne assise ; que la parole du prévenu est, quant à elle, loin d'avoir été constante celui-ci ayant fait des déclarations très variables voire fuyantes sur les gestes qu'il a pu pratiquer au niveau des seins et du sexe pour finalement les revendiquer comme des examens de vérifications de l'hypothyroïdie ; que ces examens paraissent des plus surprenants de la part d'un généraliste qui n'a aucune expérience en la matière, qui n'avait pas pratiqué pendant de longues années, étant observé que tous les documents produits émanent de spécialistes, alors qu'il n'y avait aucune situation d'urgence, que Mme [T] avait été vue en consultation huit jours auparavant et que les investigations classiques pouvaient être préalablement réalisées ; qu'or il ne figure dans le dossier médical aucune mention de la palpation mammaire et de la recherche de dépilosité pelvienne qu'il dit avoir effectué à ce titre ; que la même observation peut être faite pour les massages pratiqués qui ne ressortent pas de la compétence du mis en cause, ce dont celui-ci avait visiblement conscience au vu des annotations ensuite portées sur le dossier médical ; que la même observation quant à leur opportunité peut être faite pour les massages pratiqués qui ne ressortent pas de la compétence du mis en cause, ce dont celui-ci avait visiblement conscience au vu des annotations ensuite portées sur le dossier médical ; qu'au regard des seules explications du prévenu, on ne peut que constater que celui-ci a réalisé des massages sur une patiente vêtue d'un string et d'un soutien-gorge, lui a demandé de se retourner pour continuer lesdits massages, a dégrafé son soutien-gorge et a poursuivi sur une patiente alors pratiquement nue, situation qui semble totalement incompatible avec un exercice médical sain et tend à accréditer les dires de celle-ci d'une recherche de plaisir et de gestes qui sont passés de massages en caresses sexuelles, les gestes et paroles dénoncés étant dépourvus d'ambiguïté ; que dans ces conditions, c'est par une juste et exacte appréciation des données de la cause que les premiers juges ont rendu le jugement entrepris qu'il convient de confirmer dans toutes ses dispositions, M. [U] ayant surpris Mme [T] par les attouchements dénoncés sous le prétexte fallacieux d'examen médical clinique, exerçant aussi une contrainte morale sur cette toute jeune fille, se retrouvant seule avec le médecin, une fin d'après-midi d'hiver, à l'abri des regards dans un cabinet médical fermé à clef ;

"aux motifs adoptés qu'il résulte de la procédure que le 8 mars 2012 à 9 heures 40, Mme [T], âgée de 21 ans, se présentait à la brigade de gendarmerie de [Localité 1] afin de déposer plainte pour agression sexuelle à l'encontre de son médecin généraliste, M. [U] ; qu'à cette occasion, elle relatait avoir été consulter ce médecin le matin du 7 mars 2012 pour des vertiges mais que de retour à son domicile, elle avait été contactée téléphoniquement par M. [U] qui souhaitait qu'elle se présente à nouveau à son cabinet en fin d'après-midi pour examiner sa glande thyroïde ; que vers 17 h 45, elle était donc une nouvelle fois reçue par M. [U] qui lui prescrivait une prise de sang, l'auscultait et lui massait le ventre pendant 10 minutes avant de s'interrompre et de lui demander de se rendre dans la salle d'attente pendant qu'il recevait un autre patient en consultation ; qu'elle précisait qu'elle trouvait son comportement louche et avait alors envoyé des messages par sms dont un à sa mère pour lui dire de s'inquiéter si elle n'était pas de retour dans une heure ; qu'elle décrivait ensuite qu'après le départ de ce dernier patient, M. [U] l'avait invitée à entrer dans la salle d'examen, à se déshabiller et à s'allonger sur le dos sur la table d'examen, il avait verrouillé la porte d'entrée du cabinet, baissé les stores vénitiens, éteint les lumières et repris son massage du ventre, il lui avait dit qu'il avait chaud puis demandé de se retourner sur le ventre, il avait dégrafé son soutien-gorge et avait poursuivi son massage tout en lui demandant si elle avait quelque chose de prévu ce soir, elle avait répondu être attendue à 19 heures, il lui avait alors demandé de se mettre sur le dos, son soutien-gorge avait glissé et il le lui avait ôté puis avait recommencé à lui masser le ventre et à lui caresser les seins, comme elle lui disait qu'elle avait froid, il lui avait caressé les tétons tout en lui répondant que c'était normal, il s'était alors assis à califourchon sur la table entre ses cuisses et lui avait massé l'entre-jambe en lui disant calmement mais un peu gêné qu'il aimait bien la masser, il avait alors baissé son string jusqu'à mi-cuisse et lui avait touché le sexe, elle lui avait demandé d'enlever sa main car elle sentait qu'il allait la pénétrer avec le doigt puis s'était assise en lui indiquant qu'elle devait partir et qu'elle avait envie d'uriner, il lui avait proposé d'aller aux toilettes du cabinet dans sa tenue du moment, il s'était placé derrière elle, l'avait attirée contre lui en la prenant par les épaules, elle avait alors senti qu'il était en érection, elle s'était rhabillée, il lui avait dit que cela lui avait fait plaisir de la masser et que lui aussi aurait besoin d'un massage, elle l'avait salué en lui serrant la main avant de partir et il avait déclaré que la prochaine fois si elle voulait qu'il la masse, ils iraient dans un endroit plus approprié ; que les réquisitions téléphoniques et divers témoignages confirment les dires de la plaignante s'agissant des messages envoyés à ses proches témoignant de son stress dans la salle d'attente et de ses interrogations sur le comportement de M. [U] qu'elle trouvait "bizarre" allant même jusqu'à écrire à son petit ami "t'imagine s'il me viole ?" ; que M. [U] au terme de ses auditions en garde à vue confirmait avoir reçu cette patiente à deux reprises ce jour-là car il avait suite à la première consultation constaté qu'il n'avait pas effectué tous les examens utiles, il admettait dans un premier temps avoir touché sa poitrine pour vérifier une coulée anormale de lait symptomatique de l'hypothyroïdie pour ensuite revenir sur ses déclarations tout en admettant avoir pu effleurer ses tétons avec ses avant-bras lors du massage du ventre qu'il admettait avoir pratiqué, il contestait toute caresse sur le sexe ou attouchement mais admettait avoir vérifié la pilosité du sexe de la plaignante en passant rapidement un doigt latéralement sur le pubis, il précisait que la patiente exprimait un grand bien-être lors des massages du ventre et qu'il avait donc pensé que cela pouvait être une alternative ou un complément au traitement médicamenteux suivi dans le cadre de ses soins pour une boulimie compulsive ; qu'il admettait également s'être aperçu que cette patiente avait une attirance pour lui car elle avait pu manifester une certain contentement voire lui adresser des messages d'encouragements lors des soins en l'occurrence une absence de gêne lors de la consultation en petite tenue et des regards dont un clin d'oeil en fin d'une précédente consultation ; que lors de leur mise en présence, tant Mme [T] que le docteur, M. [U] ont confirmé leurs dires ; que la saisie du dossier médical de la plaignante et de l'agenda électronique de M. [U] permettait de découvrir une mention ajoutée par le médecin à une date qui ne peut être déterminée avec certitude par l'enquête et qui est relative et rattachée à la consultation du soir du 7 mars 2012, cette mention fait état d'une sensation de bien-être lors de massage profond de la zone épigastrique et de la phrase suivante : "vu l'ambivalence, je lui dis que c'est à poursuivre ailleurs (par femme de préf) pour éviter l'ambiguïté de la relation thérap, sophrologie ? [I] ?)" ; que les deux médecins experts judiciaires se sont exprimés dans le cadre de l'enquête tant sur ce dossier médical que sur la pratique décrite par M. [U] ; qu'ainsi pour le docteur, M. [S] les massages décontracturants ne constituent pas une thérapie classique dans ce cadre, il est en tous cas nécessaire d'expliquer au préalable à la patiente les gestes pratiqués, que tant l'examen de la pilosité du pubis que l'attouchement des seins apparaissent inutiles à l'expert dans le cadre d'une hyperthyroïdie car une prise de sang permet d'obtenir un résultat plus fiable, que dans tous les cas ces gestes doivent être expliqués à la patiente qui doit les autoriser au préalable ; qu'en outre la présence de l'annotation du dossier médical faisant état d'une ambiguïté de la relation thérapeutique permet de dire que M. [U] avait compris que ses gestes n'étaient pas perçus clairement par cette patiente, elle concluait que les gestes décrits par la plaignante relevaient d'une agression sexuelle et ne pouvaient être qualifiés de thérapeutiques ; que le docteur, M. [X], qui a également examiné la plaignante, a indiqué quant à lui s'interroger sur l'intérêt d'une auto stimulation de la zone épigastrique dans la boulimie, il indique en page 9 de son rapport que même si les faits dénoncés se révélaient inexacts, on peut comprendre que cette patiente ait pu être déstabilisée par le cadre pour le moins peu rigoureux que le médecin employait pour procéder à ce qu'il estime être une thérapie, en l'occurrence en pratiquant des massages du ventre pour soigner une boulimie ; qu'à l'audience, M. [U] a contesté les faits qui lui sont reprochés et souligné qu'il existait des incohérences dans les déclarations de la plaignante qui lui reproche des agressions sexuelles et écrit à son petit ami qu'il avait voulu coucher avec elle, qu'il est techniquement impossible pour lui de se mettre à califourchon sur la table d'examen tout comme pour elle de remarquer qu'il était en érection alors qu'il se trouvait près de la table d'examen et l'aurait attirée contre lui ; qu'il contestait l'avoir tutoyée, avoir éteint presque toutes les lumières, avoir tenu les propos qu'elle lui prête sur le fait de se revoir ailleurs, il soulignait également être depuis cette affaire victime ainsi que sa famille de pressions, d'insultes et de menaces de la part de l'entourage de la plaignante ; que Mme [T] quant à elle maintenait les termes de sa plainte ; qu'il résulte de l'expertise psychiatrique de la plaignante et des éléments de personnalité relatifs recueillis que la jeune femme travaille en tant qu'assistante en bloc opératoire dans un hôpital suisse, au moment des faits elle était âgée de 21 ans et occupait déjà ce poste, son enfance est marquée par la séparation de ses parents alors qu'elle était très jeune et son adolescence par l'arrêt brutal de son activité de gymnastique à haut niveau à la suite d'une blessure ; que l'expert ne note aucune maladie psychiatrique mais fait était d'un suivi médical et psychiatrique pour soigner des troubles de la conduite alimentaire de type boulimie ; qu'il n'était noté par l'expert aucun trait de personnalité évocateur d'une pathologie pouvant faire craindre une tendance à la mythomanie ou à la fabulation, Mme [T] apparaissait à l'expert très nuancé dans ses propos sans manifestation émotionnelle disproportionnée, il était relevé qu'elle n'était pas particulièrement impressionnable ni ne présentait de vulnérabilité, il était constaté une personnalité tout à fait banale, sans attitude de séduction ou de manipulation, la jeune femme ayant adopté un discours adapté sur les faits sans exagération, aucune incidence de ces actes n'étant, par ailleurs, relevée sur le plan psychique ou dans la sphère sexuelle par l'expert même si toutefois une aggravation du trouble du comportement alimentaire était ensuite apparue ; qu'il résulte de l'avis des experts interrogés et du contexte de consultation que la pratique médicale choisie par le docteur, M. [U] pour cette jeune femme apparaît inadaptée, surprenante et de nature à déstabiliser n'importe quelle patiente, que le prévenu a dans un premier temps admis avoir touché la poitrine de la plaignante et également passé un doigt machinalement sur son sexe pour en vérifier la pilosité ; qu'il ne conteste pas également avoir prodigué plusieurs séances de massages sur le ventre, ces éléments, même s'ils ne correspondent pas aux actes précisément décrits par Mme [T], tendent à corroborer ses dires ; qu'en outre la mention ajoutée par le docteur, M. [U] sur le dossier médical de la plaignante, à une date indéterminée en procédure, faisant état d'une ambiguïté thérapeutique tout comme ses déclarations sur le comportement un peu aguicheur de cette patiente à son égard accrédite le climat décrit par Mme [T] lors de cette seconde consultation et apparaissent comme des moyens de défenses maladroits et utilitaires, notamment, lorsqu'ils sont mis en perspective avec la perception de la personnalité de la partie civile par l'expert psychiatre ; qu'en effet tout au long de la procédure ou lors des débats, elle est apparue comme mesurée et constante dans ses déclarations y compris dès le soir des faits lorsqu'elle s'est confiée à sa mère ; qu'il convient en revanche de relever que le docteur, M. [U] est revenu sur certaines de ses déclarations et que son expertise psychiatrique souligne qu'il est un homme intelligent, maître de lui et ne présentant aucune pathologie psychiatrique mais le décrit également comme séducteur ; qu'enfin aucun élément n'est versé à la procédure pour accréditer la thèse d'un complot ourdi par la famille de la plaignante contre le prévenu ; qu'il résulte donc de l'ensemble de ces éléments que les faits reprochés à M. [U] sont établis ; qu'il convient de l'en déclarer coupable et d'entrer en voie de condamnation ;

"1°) alors que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; que pour entrer en voie de condamnation du chef d'agression sexuelle, les juges du fond doivent caractériser en quoi l'atteinte a été commise par le prévenu, avec violence, contrainte, menace ou surprise concomitamment à l'acte de nature sexuelle ; que pour déclarer M. [U] coupable d'agressions sexuelles sur la personne de Mme [T], la cour d'appel a statué par les motifs visés au moyen ; qu'en l'état de ces énonciations qui ne définissent pas les atteintes sexuelles reprochées à M. [U], la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2°) alors que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; que pour entrer en voie de condamnation du chef d'agression sexuelle, les juges du fond doivent caractériser en quoi l'atteinte sexuelle supposée a été commise par le prévenu, avec violence, contrainte, menace ou surprise concomitamment à l'acte de nature sexuelle ; que, pour déclarer M. [U] coupable d'agressions sexuelles sur la personne de Mme [T], la cour d'appel a statué par les motifs visés par le moyen ; qu'en l'état de ces énonciations qui ne caractérisent pas en quoi les supposés attouchements imputés au prévenu auraient été commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3°) alors que la contrainte, élément constitutif du délit d'agression sexuelle, ne peut être tirée de l'âge de la victime s'agissant d'une personne majeure ; qu'en retenant que M. [U] aurait exercé une contrainte morale sur Mme [T] qui, loin d'être une "toute jeune fille", était âgée, au jour de la consultation litigieuse, de vingt-et-un ans, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"4°) alors que la contrainte, élément constitutif du délit d'agression sexuelle, ne peut être tirée de l'autorité supposée du prévenu, laquelle constitue une circonstance aggravante de cette infraction ; qu'en retenant que M. [U] aurait exercé une contrainte morale sur Mme [T] compte tenu de sa qualité de médecin, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"5°) alors que pour retenir comme établie la surprise au sens de l'article 222-2 du code pénal, les juges du fond doivent caractériser l'existence d'un stratagème ou d'une mise en scène ; que pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de M. [U], la cour d'appel a fait état d'attouchements pratiqués "sous le prétexte fallacieux d'examen médical clinique" ; qu'en l'état de ces motifs, impropres à caractériser l'existence d'un stratagème ou d'une mise en scène, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"6°) alors que la cour d'appel a constaté que M. [U] avait effectué sa consultation de fin de journée en deux temps et que Mme [T] avait, dans l'intermède, patienté dans la salle d'attente pendant une vingtaine de minutes ; qu'en retenant que le prévenu aurait surpris le consentement la supposée victime quand celle-ci, à supposer qu'elle se sente véritablement en danger, comme elle l'indiquait à ses proches, avait tout loisir durant cette période de quitter le cabinet médical, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"7°) alors que la présomption d'innocence dont bénéficie le prévenu implique que les juges ne déduisent pas la culpabilité des seules affirmations de la victime ; que constitue une atteinte au droit à un procès équitable et à la présomption d'innocence une condamnation uniquement fondée sur les déclarations de la prétendue victime, sans qu'aucun élément extérieur ne vienne les étayer, les juges se prononçant uniquement au vu de sa sincérité et de la crédibilité des affirmations de cette prétendue victime, sans tenir compte des dénégations du prétendu auteur de l'infraction ; que la cour d'appel a déduit la culpabilité de M. [U] du seul fait que Mme [T] avait maintenu ses déclarations devant sa famille, les services de gendarmerie et les experts médecins, sans prendre en compte les dénégations de M. [U] ni les attestations de confrères qu'il produisait pour établir le bien-fondé de l'examen médical qu'il avait pratiqué ; que s'étant exclusivement fondée sur les seules déclarations de Mme [T] pour retenir M. [U] dans les liens de la prévention, la cour d'appel a méconnu la présomption d'innocence garantie tant par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme que par l'article préliminaire du code de procédure pénale ;

"8°) alors que la présomption d'innocence dispense le prévenu de faire la preuve de son innocence ; qu'ayant énoncé, pour le déclarer coupable des faits visés par la prévention, que M. [U] avait usé de moyens de défense "maladroits et utilitaires" et qu'il avait fait des déclarations "très variables voire fuyantes", la cour d'appel a de nouveau méconnu la présomption d'innocence ;

"9°) alors que le droit à un procès équitable implique que le juge pénal analyse véritablement toutes les pièces produites par le prévenu au soutien de sa défense ; que la cour d'appel a écarté sans les avoir analysées les attestations médicales produites par M. [U] au soutien de sa défense au motif inopérant tiré de ce que ces attestations avaient été rédigées par des médecins spécialistes ; qu'en condamnant M. [U], sans avoir analysé les pièces déterminantes qu'il produisait au soutien de sa défense, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

"10°) alors que le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que pour mettre en évidence qu'il ne pouvait avoir commis les faits qui lui sont reprochés, M. [U] produisait un constat aux termes duquel l'huissier indiquait relever un manque de stabilité de l'assise de la table d'examen après que le demandeur s'est assis dessus à califourchon ; qu'en énonçant que ledit constat faisait apparaître que la table d'examen avait une assise très solide et était d'une largeur permettant qu'on se place à califourchon, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis dudit constat ;

"11°) alors que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que pour retenir la culpabilité de M. [U], la cour d'appel a énoncé que celui-ci avait "surpris Mme [T] par les attouchements dénoncés sous le prétexte fallacieux d'un examen médical clinique, exerçant aussi une contrainte morale sur cette toute jeune fille, se retrouvant seule avec le médecin, une fin d'après-midi d'hiver, à l'abri des regards dans un cabinet médical fermé à clef" ; qu'en statuant ainsi, en des termes incompatibles avec l'exigence d'impartialité, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés" ;

Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme établissent qu'au prétexte d'un examen clinique, dont les experts ont démontré qu'il ne correspondait à aucune justification médicale, M. [U] avait procédé sur Mme [T], qu'il avait fait revenir dans son cabinet après le départ de son dernier patient de la journée, à des massages suivis d'attouchements, notamment, sur le sexe, alors qu'elle était allongée, pratiquement nue sur la table d'examen ; que les juges ajoutent que la victime était parvenue à repousser le médecin, s'était rhabillée puis avait quitté le cabinet, avertissant aussitôt ses proches et portant plainte ; que, pour déclarer le prévenu coupable d'agression sexuelle, l'arrêt retient qu'il a surpris Mme [T] en prétextant un examen médical clinique pour la soumettre en réalité à des attouchements sexuels et qu'il a également exercé une contrainte morale, en se retrouvant seul avec cette jeune patiente, à l'abri des regards, dans un cabinet médical fermé à clé ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a examiné tant la crédibilité des accusations de la victime que l'argumentation en défense présentée par le prévenu, a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées au moyen, lequel ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit février deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-80057
Date de la décision : 08/02/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Procédure devant la cour - Demande d'actes - Application - Conditions - Détermination

Lorsque les poursuites devant le tribunal correctionnel ont été engagées par voie de citation ou de convocation en justice, la procédure de demande d'actes prévue par l'article 388-5 du code de procédure pénale est applicable devant la chambre des appels correctionnels, conformément à l'article 512 du même code


Références :

articles 388-5 et 512 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 14 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 fév. 2017, pourvoi n°16-80057, Bull. crim.Bull. crim. 2017, n° 39
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle Bull. crim. 2017, n° 39

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Wallon
Rapporteur ?: Mme Caron
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
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