LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 2321 du code civil et L. 236-3 du code de commerce ;
Attendu que, sauf convention contraire, la garantie autonome, qui ne suit pas l'obligation garantie, n'est pas transmise en cas de scission de la société bénéficiaire de la garantie ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par contrat des 26 octobre et 9 novembre 2004, la société Hôtel les Grandes Rousses a donné son fonds de commerce d'hôtel-bar-restaurant en location-gérance à la société HMC les Grandes Rousses ; que celle-ci a, en exécution du contrat, remis à la société Hôtel les Grandes Rousses une garantie à première demande consentie le 3 novembre 2004 par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne (la banque) ; que la société Hôtel les Grandes Rousses a, pendant le cours du contrat de location-gérance, fait l'objet d'une scission emportant transmission de sa branche d'activité de l'hôtel les Grandes Rousses au profit de la société Nouvelle les Grandes Rousses ; que la société HMC les Grandes Rousses ayant résilié le contrat de location-gérance, la société nouvelle les Grandes Rousses, après avoir vainement mis cette dernière en demeure d'exécuter ses obligations, a, par lettre du 30 juin 2011, demandé à la banque de mettre en oeuvre la garantie, puis l'a assignée en paiement ;
Attendu que pour dire que la société nouvelle les Grandes Rousses est en droit de revendiquer le bénéfice de la garantie à première demande qui lui a été consentie par la banque, l'arrêt, après avoir retenu que, sauf clause contraire, la transmission universelle du patrimoine qui résulte d'une opération de fusion ou de scission n'est pas incompatible avec le caractère intuitu personae de cette garantie, constate que la société Hôtel les Grandes Rousses, bénéficiaire de la garantie originaire, a fait l'objet d'une scission ayant eu pour effet de transférer à la société nouvelle les Grandes Rousses la totalité de sa branche d'activité hôtelière à compter du 1er novembre 2005, et que la garantie à première demande accordée au titre de la location-gérance de l'hôtel se rattache à l'activité hôtelière cédée ; qu'il en déduit qu'il n'y avait lieu ni de mentionner l'existence de cette garantie dans l'acte de scission, ni de recueillir le consentement exprès de la banque sur le transfert de garantie ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les
autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société nouvelle les Grandes Rousses aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Pyrénées-Gascogne
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la Crcam Pyrénées Gascogne à payer à la société Nouvelle les Grandes Rousses une somme de 248 500 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2011 ;
AUX MOTIFS QUE « la garantie autonome présente un double caractère : autonome et intuitu personæ » (cf. arrêt attaqué, p. 6, § A, 1er alinéa) ; qu'« il en résulte que, sauf clause contraire, l'universalité de la transmission du patrimoine dans le cadre d'une scission-fusion n'est pas incompatible avec le caractère intuitu personæ de la garantie et ne fait pas obstacle à la transmission de la garantie accessoire dans ce cadre-là » (cf. arrêt attaqué, p. 6, § A, 2e alinéa) ; que « cette règle est applicable qu'il y ait apport partiel ou apport total dans la mesure où la transmission universelle des biens, droits et obligations s'opère de plein droit, dès lors que le bien, droit ou obligation, se rattache à la branche d'activité apportée » (cf. arrêt attaqué, p. 6, § A, 3e alinéa) ; qu'« en l'espèce, la sa les Grandes Rousses, bénéficiaire de la garantie originaire, a fait l'objet d'une scission qui a transféré à la société Nouvelle les Grandes Rousses la totalité de sa branche d'activité de l'hôtel les Grandes Rousses à effet du 1er novembre 2005, dûment publiée » (cf. arrêt attaqué, p. 6, § A, 4e alinéa) ; qu'« il n'est pas contesté que la garantie à première demande accordée dans le cadre de la location-gérance de l'hôtel se rattache à l'activité hôtelière cédée » (cf. arrêt attaqué, p. 6, § A, 5e alinéa) ; qu'« en application des principes sus-rappelés, il n'y avait donc lieu ni ne mentionner l'existence de la garantie à première demande dans l'acte de scission, ni de recueillir le consente-ment exprès de la Crcam sur le transfert de garantie » (cf. arrêt attaqué, p. 6, § A, 6e alinéa) ;
. ALORS QUE, dans le cas où la société bénéficiaire de la garantie autonome fait l'objet d'une fusion-absorption ou encore d'une scission, lesquelles entraînent dissolution de la société absorbée ou de la société scindée, le bénéfice de la garantie autonome, laquelle est consentie intuitu personæ, n'est transmis à la société qui vient à ses droits, que si la garantie a été appelée avant la date à laquelle la fusion-absorption, ou la scission, sortit ses effets ; que la cour d'appel constate que la scission intervenue en faveur de la société Nouvelle les Grandes Rousses date du 1er novembre 2005 et que la garantie autonome a été appelée le 30 juin 2011 (arrêt attaqué, p. 7, 3e alinéa) ; qu'en décidant, dans ces conditions, qu'à cause de l'effet translatif de la scission du bénéficiaire de la garantie autonome souscrite par la Crcam Pyrénées Gascogne, cette garantie a été transmise de plein droit à la société Nouvelle les Grandes Rousses, bien qu'à la date de ladite scission (1er novembre 2005) la garantie n'eût pas été encore appelée (30 juin 2011), la cour d'appel, qui ne tire pas la conséquence légale de ses constatations, a violé les règles qui régissent la garantie autonome, ensemble les articles 2321 du code civil et L. 236-3 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la Crcam Pyrénées Gascogne à payer à la société Nouvelle les Grandes Rousses une somme de 248 500 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2011 ;
AUX MOTIFS QU'« il résulte des termes dudit courrier [électronique du 27 juin 2011] qui sont très clairs et très directifs, que Me X... a reçu [de la société Nouvelle les Grandes Rousses] mandat exprès de mettre en jeu la garantie à première demande » souscrite par la Crcam Pyrénées Gascogne (cf. arrêt attaqué, p. 9, 1er alinéa) ; que « l'exécution du mandat par Me X... concrétisée par le courrier du 30 juin 2011 et les lettres subséquentes, vaut acceptation par ce dernier dudit mandat » (cf. arrêt attaqué, p. 9, 2e alinéa) ; qu'« au vu des principes sus-rappelés, le mandat conféré par courrier électronique par la gérante de la société Nouvelle les Grandes Rousses à Me X... est donc valable » (cf. arrêt attaqué, p. 9, 3e alinéa) ; qu'« en conséquence, le moyen développé du chef de l'irrégularité de la mise en oeuvre de la garantie par la Crcam doit être écarté » (cf. arrêt attaqué, p. 9, 4e alinéa) ;
1. ALORS QUE le souscripteur de la garantie autonome doit, en raison de l'autonomie de son engagement, être mis à même de vérifier l'apparente régularité de l'appel qui lui est notifié ; qu'il s'ensuit que, dans le cas où le bénéficiaire de la garantie confie le soin d'appeler cette garantie à un avocat, l'avocat doit disposer d'un pouvoir spécial à cet effet ; qu'en se bornant à énoncer que l'avocat à qui la société Nouvelle les Grandes Rousses a confié le soin d'appeler la garantie autonome dont elle était bénéficiaire, disposait d'un « mandat exprès » à cet effet, la cour d'appel, qui confond les notions de mandat exprès et de mandat spécial, a violé les principes qui régissent la garantie autonome, ensemble les articles 1987, 1988 et 2321 du code civil ;
2. ALORS QUE le souscripteur de la garantie autonome doit, en raison de l'autonomie de son engagement, être mis à même de vérifier l'apparente régularité de l'appel qui lui est notifié ; qu'il s'ensuit que, dans le cas où le bénéficiaire de la garantie confie le soin d'appeler cette garantie à un avocat, l'avocat doit joindre son pouvoir spécial à l'acte par lequel il appelle la garantie ; qu'en validant l'acte par lequel l'avocat de la société Nouvelle les Grandes Rousses a appelé la garantie que la Crcam Pyrénées Gascogne a souscrite en faveur de celle-ci, sans constater que le « mandat exprès » dont cet avocat était pourvu y était annexé, la cour d'appel, qui ne tire pas les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les principes qui régissent la garantie autonome, ensemble l'article 2321 du code civil.