LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 15-86.718 F-P+B
N° 5386
ND
30 NOVEMBRE 2016
CASSATION PARTIELLE
M. GUÉRIN président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par M. [R] [X] contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 3-5, en date du 9 septembre 2015, qui, pour non-représentation d'enfant, l'a condamné à intérêts civils, emprisonnement un an dont six mois avec sursis ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 octobre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Caron, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de Me BOUTHORS, de la société civile professionnelle NICOLAŸ, de LANOUVELLE et HANNOTIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAILLARDOT ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 227-5 du code pénal, 132-19 et 132-24 du même code, de l'article préliminaire et des articles 2, 10, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que la cour, après requalification des faits sous l'incrimination de non-représentation d'enfant, a retenu la responsabilité pénale du requérant, prononcé contre lui une peine en partie ferme et alloué des dommages-intérêts à la partie civile ;
"aux motifs que, sur la culpabilité, l'infraction de soustraction d'enfant par ascendant des mains de la personne chargée de sa garde retenue par le tribunal après requalification de l'infraction dont le prévenu était poursuivi de soustraction d'enfant par ascendant pendant plus de cinq jours en un lieu inconnu de ceux chargés de sa garde doit être à son tour requalifiée en non-représentation d'enfant, prévue et réprimée par l'article 227-5 du code pénal, dès lors que l'enfant n'a pas été physiquement soustrait des mains de sa mère par voie de fait, force ou ruse mais n'a pas été restitué par le père à la mère de l'enfant qui en avait la garde juridique, à la fin d'une période au cours de laquelle le père exerçait normalement son droit de visite et d'hébergement organisé par décision de justice du 6 juillet 2012 renvoyant à l'ordonnance du juge aux affaires familiales du 7 juillet 2011 et elle-même homologuant la convention parentale signée le 15 mars 2011, ces faits constituant l'infraction de non-représentation d'enfant prévue et réprimée par l'article 227-5 du code pénal ; que, sur la peine, M. [X] est âgé de 44 ans ; qu'il exerçait à l'époque des faits la profession de déménageur ; qu'il serait en concubinage et aurait deux autres enfants à charge ; son casier judiciaire ne porte mention d'aucune condamnation ; que les faits sont d'une gravité certaine, d'une part, de par les circonstances, le prévenu a délibérément refusé d'exécuter une décision de justice pour un motif qui s'est avéré rapidement infondé puisque le parquet a classé sans suite la plainte qu'il avait cru nécessaire de déposer contre la mère de son enfant, pour atteinte sexuelle sur la personne de l'enfant ; que ce classement sans suite ne l'a pas davantage amené à rendre l'enfant à sa mère ; qu'en second lieu, le prévenu s'était engagé à rendre l'enfant à sa mère lorsqu'il a été entendu par les services de police le 3 juillet 2013 et n'a pas respecté son engagement ; que l'enfant présente des troubles psychologiques importants qui nécessitaient et nécessitent toujours, au vu du rapport de M. [L], médecin, un suivi médical ainsi qu'il résulte des termes du jugement du juge aux affaires familiales du 10 décembre 2013 ; qu'ensuite, étant appelant, le prévenu n'a pas jugé utile de comparaître devant la cour pour s'expliquer sur l'infraction reprochée ; que le comportement inadmissible et pénalement réprimé de M. [X] ne peut qu'être sévèrement sanctionné, à travers le prononcé d'une peine d'emprisonnement en partie ferme, tout autre peine que l'emprisonnement ferme ne constituant pas une réponse adéquate eu égard à la gravité des faits commis compte tenu de ces circonstances ; qu'en conséquence, infirmant le jugement déféré, la cour, après avoir requalifié les faits en délit de non-représentation d'enfant commis à [Localité 1] le 18 novembre 2012, fait prévu et réprimé par l'article 227-5 du code pénal, condamnera M. [X] à la peine d'un an d'emprisonnement dont six mois avec sursis ; que, sur l'action civile, le préjudice moral généré par l'infraction chez la partie civile est important, la mère a été privée de son enfant durant de nombreux mois du fait de l'infraction ; qu'il existe, par ailleurs, les inquiétudes légitimes générées chez la mère par la crainte du devenir de son enfant qui a été ballotté entre le père, la grand-mère paternelle et finalement l'ASE puisque l'enfant a été placé par le juge des enfants ; que le préjudice moral de la partie civile généré par l'infraction sera, dès lors, fixé à 5 000 euros ; que le jugement déféré sera, en revanche, confirmé sur la somme allouée à la partie civile au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, outre un complément de 1 000 euros sur le même fondement en cause d'appel ;
"1°) alors que si la cour d'appel n'est pas liée par la qualification retenue par la poursuite et a le pouvoir et le devoir de restituer à la poursuite sa qualification véritable, c'est sous la réserve expresse, dans tous les cas, de soumettre préalablement cette requalification à la discussion contradictoire des parties ; que cette dernière exigence ne disparaît point quand le prévenu est absent et non représenté, hypothèse dans laquelle la cour d'appel est tenue d'assurer et de faire assurer un contradictoire effectif, sans se contenter de statuer dans le cadre d'un arrêt "réputé contradictoire" ; qu'en l'absence de diligences spécifiques de la cour à cette fin, la requalification opérée a méconnu le principe du contradictoire, ensemble les droits de la défense et les exigences de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"2°) alors qu'en matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement ferme qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine, laquelle ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en prononçant contre le requérant une peine pour partie ferme sans rechercher si une sanction alternative était manifestement inadéquate au regard de l'ensemble des circonstances de la cause et de la situation du prévenu, jamais condamné auparavant, la cour a derechef violé les textes cités au moyen" ;
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. [X], poursuivi devant le tribunal correctionnel sous la prévention de soustraction par ascendant d'un mineur des mains de sa mère chez qui il avait sa résidence habituelle, a été déclaré coupable de cette infraction et a été condamné à cinq mois d'emprisonnement avec sursis par jugement du 25 septembre 2013, dont le ministère public et lui-même ont interjeté appel ; que la cour d'appel, devant laquelle le prévenu n'a pas comparu et n'a pas été représenté, a requalifié les faits en non-représentation d'enfant, en a déclaré M. [X] coupable et l'a condamné à un an d'emprisonnement dont six mois avec sursis ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, dès lors que cette requalification se trouvait déjà dans le débat devant la juridiction du second degré pour avoir été sollicitée devant le tribunal correctionnel par le prévenu, assisté de son avocat, ainsi que l'établissent les notes d'audience versées au dossier, la cour d'appel n'a pas méconnu les dispositions légales ou conventionnelles visées au moyen, lequel doit être écarté en sa première branche ;
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 132-19 du code pénal ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur, et du caractère inadéquat de toute autre sanction ; que si le juge décide de ne pas aménager la peine, il doit, en outre, motiver spécialement cette décision, soit en établissant que la personnalité et la situation du condamné ne permettent pas un tel aménagement, soit en constatant une impossibilité matérielle ;
Attendu que, pour condamner le prévenu à une peine d'un an d'emprisonnement dont six mois avec sursis, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le défaut d'aménagement de la peine d'emprisonnement sans sursis prononcée, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 9 septembre 2015, mais en ses seules dispositions relatives à la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. [X] devra payer à la société civile professionnelle Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale et de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 modifiée ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente novembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.