LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 642-12, alinéa 4, du code de commerce ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que, sauf accord avec le créancier, le cessionnaire d'un bien financé par un crédit garanti par une sûreté portant sur ce bien ne doit s'acquitter que du montant des échéances qui n'étaient pas encore exigibles à la date du transfert de propriété ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Banque Kolb (la banque) a consenti à la société Sifo Sogecom (la société Sifo), par un acte du 17 décembre 2004, un prêt garanti par un nantissement sur les outillages et matériels financés, remboursable en vingt trimestrialités ; que la société débitrice, qui a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, convertie en redressement judiciaire par un jugement du 10 mars 2009, a bénéficié d'un plan de redressement arrêté par un jugement du 31 août 2010, qui prévoyait le rééchelonnement de la dette en dix ans avec maintien du nantissement ; que, le 6 janvier 2012, le tribunal a prononcé la résolution du plan et la liquidation judiciaire de la société débitrice puis, le 27 mars 2012, a arrêté un plan de cession en faveur de la société Sifo Sogecom industrie (la société cessionnaire) ; que, faisant valoir que celle-ci ne s'était pas acquittée des sommes qu'elle devait au titre des échéances du prêt mises à sa charge, la banque l'a assignée en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire du prêt et paiement du solde ;
Attendu que, pour faire droit à la demande de la banque, l'arrêt retient que l'article L. 642-12, alinéa 4, du code de commerce oblige le repreneur à s'acquitter des échéances restant à échoir, après le transfert à son profit du bien grevé acquis grâce à un prêt, dès lors que les obligations restant dues sont nées instantanément ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les sommes réclamées par la banque à la société Sifo Sogecom industrie correspondaient à des échéances du prêt non encore exigibles à la date du transfert de la propriété des outillages et matériels nantis ou à un arriéré dû à cette date sur des échéances laissées impayées par la société Sifo, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société Banque Kolb aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Sifo Sogecom industrie la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Sifo Sogecom industrie
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Sifo Sogecom Industrie à payer à la Banque Kolb la somme de 22.520,33 euros avec les intérêts de retard calculés sur 21.714,48 euros depuis le 1er janvier 2013, et d'avoir débouté la société Sifo Sogecom Industrie de ses demandes reconventionnelles tendant notamment à voir ordonner la radiation de l'inscription de nantissement sur outillage publiée le 19 juillet 2012 et condamner la Banque Kolb à lui payer des dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la Banque a, par acte sous seing privé du 17 décembre 2004, consenti à la société Sifo Sogecom (société Sifo) un prêt de 177.483,25 euros remboursable en vingt trimestrialités pour financer l'acquisition de machines ; que ce prêt était garanti par un nantissement sur les outillages et matériels financés ; que la société Sifo a été placée sous un régime de sauvegarde le 24 février 2009 puis en redressement judiciaire le 10 mars suivant ; que dans le cadre du plan de continuation adopté par jugement du 31 août 2010, le montant restant dû au titre du prêt du 17 décembre 2004 (29 266,68 €) a été rééchelonné en 120 mensualités de 290,94 €, avec maintien du nantissement ; que ces modalités ont été arrêtées par la Banque, la société Sifo ainsi que par les organes de la procédure collective ; que, placée en liquidation judiciaire le 6 janvier 2012, la société Sifo a, par jugement du 27 mars 2012, fait l'objet d'un plan de cession en faveur de la société Sogecom ; qu'il il y a été convenu que la charge des échéances restant dues au titre du contrat de prêt litigieux, était transmise à cette société cessionnaire ; que les engagements pris dans le cadre du plan de continuation n'ayant pas été respectés, la Banque a, par acte du 8 février 2013, fait assigner la société Sogecom devant le tribunal de commerce d'Épinal en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire insérée au prêt susvisé et paiement de 26.520,33 € pour solde impayé outre les intérêts de retard sur 25.714,48 € depuis le 1er janvier 2013, 2.500 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, le tout avec le bénéfice de l'exécution provisoire ; (…) Vu l'article L. 642-12 alinéa 4 du code de commerce ; qu'il ressort de ces dispositions que la charge des sûretés mobilières spéciales garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien, sur lequel portent ces sûretés, est transmise au cessionnaire ; que celui-ci est alors tenu d'acquitter en les mains du créancier les échéances convenues avec lui et qui restent dues à compter du transfert de la propriété (…) ; que dans les circonstances de cette espèce, c'est à raison que la Banque Kolb observe que cet article oblige le repreneur à s'acquitter des échéances restant à échoir, après transfert à son profit du bien grevé acquis grâce à un prêt, dès lors que l'on est en présence d'un contrat dont les obligations naissent instantanément ; qu'il est clair en effet que l'obligation de rembourser naît en une seule fois, soit à l'exact moment de la signature du contrat ; que le plan de cession n'ayant aucun effet novatoire, l'obligation transférée sur la dette du repreneur de payer les échéances de crédit restant à échoir n'entraîne pas décharge du débiteur ; que les dispositions de l'article L. 622-17 § III alinéa 2 et R. 622-14 du code de commerce n'avaient donc pas vocation à s'appliquer et que sur ces constatations et pour ces raisons, le jugement entrepris doit être confirmé dans les termes du dispositif de cette décision, les dispositions de l'article précité devant purement et simplement recevoir application ; que la Banque Kolb justifiant du transfert du nantissement en sa faveur, la demande de la société Sogecom tendant à obtenir la radiation de cette inscription de nantissement ne peut prospérer ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE suivant acte sous-seing-privé du 17 décembre 2004, la Banque Kolb a consenti à la société Sifo Sogecom un prêt de 177.483,25 euros remboursable en 20 trimestrialités de 9755,51 euros ; que ce prêt, destiné à financer l'acquisition de machines, était garanti par un nantissement ; que cette société a été placée en sauvegarde le 24 février 2009, puis en redressement judiciaire le 13 mars 2009 ; que dans le cadre du plan de continuation adopté par jugement du 31 août 2010, la banque Kolb a accepté de rééchelonner le montant restant dues au titre du prêt du 17 décembre 2004 (26 266,68 €) en 120 mensualités de 290,94 € avec maintien du nantissement ; qu'après prononcé de sa liquidation judiciaire (6 janvier 2012), la société Sifo Sogecom a fait l'objet d'un plan de cession (jugement du 27 mars 2012), au terme duquel : - le contrat de prêt ci-avant visé au profit de la société Sifo Sogecom a été expressément transmis au cessionnaire (Sifo Sogecom Industrie) ; - celui-ci devait payer les échéances convenues (290,94 euros par mois) à compter du 1er avril 2012. Le nantissement inscrit par la banque Kolb a été transféré vers Sifo Sogecom Industrie ; que Sifo Sogecom Industrie n'a pas honoré les engagements du plan de cession et n'a pas donné de suites positives aux relances de la banque Kolb ; que le 9 janvier 2013, une sommation de payer l'arriéré (3031,10 euros) lui a été délivrée, au terme de laquelle la banque Kolb faisait connaître son intention de se prévaloir de la déchéance du terme prévu à l'article 8 du contrat ; que la société Sifo Sogecom Industrie n'ayant pas obtempéré, la banque Kolb a constaté la déchéance du terme et réclamé le paiement de la totalité des sommes dues, à savoir 26.520,33 euros ; (…) que le plan d'apurement du passif proposé aux créanciers lors de l'audience du tribunal de commerce d'Épinal en date du 31 août 2010, prévoit pour les créances bancaires (emprunts) : remboursement dans les termes des accords trouvés avec les partenaires bancaires les 20, 21 et 26 mai 2010 ; que le nouveau tableau d'amortissement de la créance vis-à-vis de la banque Kolb a été accepté par le dirigeant de Sifo Sogecom ; qu'à la suite de la liquidation judiciaire suite à la résolution du plan de continuation de la société Sifo Sogecom prononcé par jugement du tribunal de commerce d'Épinal en date du 6 janvier 2012, la banque Kolb fait une déclaration de créance à hauteur de 26 301,01 euros, créance appuyée sur une garantie de nantissement ; que cette créance a été admise par le juge commissaire en date du 9 juillet 2012 ; que le 27 mars 2012, le tribunal de commerce d'Épinal accepte la proposition de la société FOC Outillage en précisant : Prêts transmissibles sur matériel nantis; les trois contrats sont repris (Crédit Mutuel, Banque Kolb, Banque-Populaire Lorraine). Il dit également que la charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement de divers biens sur lesquels porte c'est sûreté, est transmise au cessionnaire. que le greffier du tribunal de commerce d'Épinal a procédé le 19 juillet 2012, par réquisition datée du 17 juillet 2012 présentée par la banque Kolb à la mention suivante : Transfert de l'inscription du 12/10/2009 suite au plan de cession par jugement en date du 27/03/2012 contre la société Sifo Sogecom vers la société Sifo Sogecom Industrie ; que Me X... a écrit à la banque Kolb en date du 8 mars 2012 : La société FOC Outillage veut absolument une solution de cession amiable. Accepteriez-vous un règlement de votre créance de 30.257,76 euros à hauteur de 40 %, à savoir 13 000 € ? ; que dans un nouveau courrier en date du 3 avril 2012, Me X... propose à nouveau une reprise de l'outillage pour la somme de 10 214 € TTC ; que le 14 septembre 2012, la banque Kolb a reçu un chèque émis par Maître Y... de 4000 €, partie du prix de cession fixée par le tribunal pour le matériel gagé à son profit ; que la créance de la banque Kolb est bien établie à travers les différentes opérations de procédures collectives vécues par la société Sifo Sogecom ; que la partie adverse reconnaît dans ses courriers la créance pour en négocier le montant ; que le tribunal confirmera la créance de la banque Kolb, minorée des 4000 € qu'elle a reçus après la cession ; qu'aucune somme n'ayant été versée par le cessionnaire, il constate l'acquisition de la clause d'exigibilité anticipée des sommes dues au titre du prêt de la Banque Kolb ;
1) ALORS QUE la charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire ; que celui-ci est alors tenu d'acquitter entre les mains du créancier les échéances convenues avec lui et qui restent dues à compter du transfert de la propriété ; qu'en l'espèce, le prêt litigieux du 17 décembre 2004 était remboursable en 20 trimestrialités dont la dernière échéance était exigible au dernier trimestre de 2009, et la créance alléguée par la banque portait sur un arriéré d'échéances impayées depuis 2009 ; qu'en faisant peser sur le cessionnaire le paiement d'un arriéré d'échéances échues antérieurement au transfert de propriété du bien nanti, au motif inopérant que le paiement de cet arriéré avait fait l'objet en 2010 d'un échéancier en cours d'exécution postérieurement à la cession, la cour d'appel a violé l'article L. 642-12 alinéa 4 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause ;
2) ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le prêt litigieux du 17 décembre 2004 étant remboursable en 20 trimestrialités dont la dernière échéance était exigible au dernier trimestre de 2009, la créance alléguée par la banque ne portait, non pas sur des échéances du prêt échues postérieurement au transfert de propriété au cessionnaire, mais sur un arriéré d'échéances impayées depuis 2009, peu important que le paiement de cet arriéré ait fait l'objet d'un échéancier en cours d'exécution au moment de la cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 642-12 alinéa 4 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause ;
3) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 4, alinéas 4-7), la Banque Kolb admettait que sa créance portait sur un arriéré d'échéances impayées du prêt du 17 décembre 2004 depuis 2009, et non pas sur des échéances impayées de ce prêt échues postérieurement à la cession ; qu'en jugeant que la créance litigieuse était relative à des échéances du prêt échues postérieurement au transfert de propriété du bien nanti, la cour d'appel a modifié les termes du litige, et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE les juges ne peuvent méconnaître la loi du contrat ; qu'il résulte des propres constatations des juges du fond que le prêt litigieux du 17 décembre 2004 était remboursable en 20 trimestrialités, en sorte que la vingtième et dernière échéance était exigible au dernier trimestre de 2009 ; qu'en énonçant que, dans le cadre du plan de continuation adopté par jugement du 31 août 2010, les parties avaient convenu de « rééchelonner » le montant restant dû au titre du prêt du 17 décembre 2004, la cour d'appel a méconnu la loi du contrat, et a violé l'article 1134 du code civil ;
5) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE le prêt litigieux du 17 décembre 2004 était remboursable en 20 trimestrialités, en sorte que la vingtième et dernière échéance était exigible au dernier trimestre de 2009 ; qu'en énonçant que, dans le cadre du plan de continuation adopté par jugement du 31 août 2010, les parties avaient convenu de « rééchelonner » le montant restant dû au titre du prêt du 17 décembre 2004, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de prêt, et a violé l'article 1134 du code civil ;
6) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'il résulte des propres constatations des juges du fond que le prêt litigieux du 17 décembre 2004 était remboursable en 20 trimestrialités, en sorte que la vingtième et dernière échéance était exigible au dernier trimestre de 2009 ; qu'en énonçant que, dans le cadre du plan de continuation adopté par jugement du 31 août 2010, les parties avaient convenu de « rééchelonner » le montant restant dû au titre du prêt du 17 décembre 2004, la cour d'appel, qui aurait dû requalifier l'accord des parties en échelonnement du paiement d'un arriéré d'échéances du prêt, a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
7) ALORS QU'en énonçant qu'aux termes du jugement du 27 mars 2012 arrêtant le plan de cession, le cessionnaire devait payer les échéances convenues (290,94 euros par mois) à compter du 1er avril 2012, quand ce jugement évoquait uniquement les échéances du prêt restant dues à compter du transfert de propriété, et non pas les échéances de la convention prévoyant l'échelonnement du paiement de l'arriéré d'échéances du prêt, la cour d'appel a dénaturé le jugement précité, en violation de l'article 1351 du code civil ;
8) ALORS QUE l'aveu d'une partie doit porter sur un point de fait, non sur un point de droit ; que la question de savoir si une partie est titulaire d'une créance est relative à un point de droit ; qu'en opposant à la société Sifo Sogecom Industrie la circonstance qu'elle avait reconnu la créance dans ses courriers pour en négocier le montant, la cour d'appel a violé l'article 1354 du code civil.