LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Prononce la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre du ministre chargé de la sécurité sociale ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche
Vu l'article L. 323-6, alinéas 2 et 3, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, applicable au litige ;
Attendu, selon ce texte, qu'en cas d'inobservation volontaire des obligations auxquelles est subordonné le service de l'indemnité journalière de l'assurance maladie, la caisse peut retenir, à titre de pénalité, tout ou partie des indemnités journalières dues, les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale contrôlant, en cas de recours formé contre la décision de la caisse, l'adéquation du montant de la sanction prononcée par celle-ci à l'importance de l'infraction commise par l'assuré ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'exerçant simultanément une activité salariée et une activité libérale, Mme X... a bénéficié, à la suite d'un arrêt de travail prescrit du 10 octobre 2005 au 30 décembre 2007, des indemnités journalières de l'assurance maladie ; que l'intéressée ayant poursuivi au cours de la même période son activité libérale, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la caisse) a saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins de paiement à titre de dommages-intérêts d'une certaine somme correspondant au montant des indemnités journalières perçues ;
Attendu que pour faire droit à cette demande, l'arrêt, après avoir rappelé qu'il résulte de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale que l'attribution d'indemnités journalières à l'assuré se trouvant dans l'incapacité physique de continuer le travail est subordonnée à l'obligation pour le bénéficiaire de s'abstenir de toute activité non autorisée par son médecin traitant, constaté que Mme X... a reconnu, sans en justifier utilement, avoir poursuivi une activité libérale de thérapeute pendant ses arrêts maladie indemnisés par la caisse et retenu que le défaut de déclaration de périodes d'activité, dès lors qu'il est à l'origine du maintien de prestations subordonnées à l'arrêt, pour un motif d'ordre médical, de toute activité, est constitutif d'une fraude, en déduit que la fraude imputable au bénéficiaire des prestations emporte, en vertu des dispositions de l'article 1376 du code civil, l'obligation pour celui qui reçoit de restituer les sommes indûment perçues à celui de qui il les tient ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'inobservation de ses obligations par le bénéficiaire d'indemnités journalières de l'assurance maladie ressortit au champ d'application non de l'article 1376 du code civil, mais du texte susvisé, la cour d'appel a violé ce dernier par refus d'application ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Paris aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Mme X... à payer à la CPAM de Paris la somme de 32 990,38 € à titre de dommages et intérêts.
AUX MOTIFS QU'il résulte des dispositions de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale que l'attribution d'indemnités journalières à l'assuré se trouvant dans l'incapacité physique de continuer le travail est subordonnée à l'obligation pour le bénéficiaire de s'abstenir de toute activité non autorisée par son médecin traitant ; que l'article L. 332-1 du même code stipule que l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées se prescrit par deux ans sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, hypothèses dans lesquelles s'applique le délai de prescription de droit commun de 5 ans ; qu'en l'espèce, Mme X... a reconnu, suivant attestations des 7 juillet et 27 octobre 2008, avoir poursuivi une activité libérale de thérapeute pendant ses arrêts maladie indemnisés par la caisse primaire d'assurance maladie et avoir ainsi cumulé cette activité avec les indemnités journalières qui lui ont été versées du 12 octobre 2005 au 30 décembre 2007 ; que si Mme X... prétend avoir été autorisée à exercer cette activité par son médecin traitant, force est de constater qu'elle ne justifie pas d'une telle autorisation, l'attestation médicale qu'elle produit le 30 octobre 2008, soit 10 mois après la période litigieuse et postérieurement à l'enquête effectuée par la caisse, n'étant pas opérante ; que le défaut de déclaration de périodes d'activités salariées, dès lors que ce défaut de déclaration est à l'origine du maintien de prestations qui sont subordonnées à l'arrêt, pour un motif d'ordre médical, de toute activité salariée, est constitutif d'une fraude de sorte que Mme X... ne peut se prévaloir de la prescription biennale ; que la fraude imputable au bénéficiaire des prestations, emporte, en vertu des dispositions de l'article 1376 du code civil, l'obligation pour celui qui reçoit de restituer les sommes indûment perçues à celui de qui il les tient ; que la caisse qui a notifié sa demande de remboursement à Mme X... par une mise en demeure en date du 30 novembre 2009, soit dans le délai de prescription quinquennale à compter du paiement des prestations versées du 10 octobre 2005 au 30 décembre 2007, est fondée en son action ; que le jugement pris pour de justes motifs adoptés sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS, adoptés des premiers juges, QU'aux termes de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale « le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation pour le bénéficiaire d'observer les prescriptions du praticien, de se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical prévus à l'article L. 315-2, de respecter les heures de sortie autorisées par le praticien... de s'abstenir de toute activité non autorisée... » ; que, selon l'article L. 332-1 du même code « l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées se prescrit par deux ans, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration » ; que, toutefois, cette procédure spécifique de recouvrement n'est pas exclusive de l'action en responsabilité civile de droit commun lorsque l'assuré a commis une faute au préjudice de la caisse ; que l'exercice de cette action est soumis à la prescription quinquennale conformément aux dispositions de l'article 2224 du code civil, en sa nouvelle rédaction tirée de la loi du 17 juin 2008 ; qu'en l'espèce le premier versement d'indemnités journalières est intervenu au mois d'octobre 2005 alors que la caisse a introduit son action le 08 janvier 2010, date à laquelle la prescription n'était pas acquise ; qu'il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription ; que, sur le fond, l'examen des pièces produites, permet de constater que la caisse a été avisée du maintien de l'activité libérale de Mme X... durant son arrêt maladie, dans un signalement effectué le 07 juin 2007 par le directeur du département addictologie de l'association UDSM au sein de laquelle l'intéressée travaillait depuis 1984 ; que Mme X..., qui fait état d'un handicap physique résultant d'une poliomyélite dans l'enfance et de difficultés pour se rendre sur son lieu de travail, soutient qu'en tout état de cause elle avait été autorisée par son médecin traitant le Docteur Y... à maintenir, pendant son arrêt maladie, une petite activité minimum de psychothérapeute ; que toutefois, le certificat médical produit a été établi le 30 octobre 2008, alors que les indemnités litigieuses ont été versées -à compter du 12 octobre 2005 jusqu'au 30 décembre 2007 et que l'assurée a eu des entretiens avec la caisse sur ce problème les 07 juillet et 27 octobre 2008 ; que ce document est beaucoup trop tardif pour qu'il soit pris en compte à défaut de document médical établi pendant la période considérée, qu'il y a lieu, en conséquence, de considérer que Mme X... n'apporte pas la preuve qu' elle bénéficiait d'une autorisation de travailler au sens de l'article L. 323-6 en son paragraphe 4° ; que le fait d'avoir exercé une activité professionnelle sans autorisation médicale en percevant des indemnités journalières d'assurance maladie constitue une faute au sens de l'article 1382 du code civil qui engage la responsabilité civile de la défenderesse ; que la caisse produit un état complet des sommes indûment versées pour la période du 10 octobre 2005 au 30 décembre 2007 dont le montant non contesté s'élève à 32 990,38 euros se décomposant comme suit : 2005 : 3129,60 €, 2006 : 14 681,88 €, 15 178,90 € ; que les très faibles revenus ayant généré en 2005 un bénéfice annuel de 1 351 euros, en 2006, de 2 022 euros et en 2007 de 1 663 euros, dont fait état Mme X... sont sans incidence sur la réalité et l'étendue du préjudice subi par la caisse et qui s'élève à 32 990,38 euros.
1) ALORS QUE constitue un défaut de motifs la contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision ; que le remboursement d'une somme indûment versée ne constitue pas la réparation d'un préjudice ; que la cour d'appel qui, tout à la fois, a retenu, à l'appui de sa décision, que « la fraude imputable au bénéficiaire des prestations, emporte, en vertu des dispositions de l'article 1376 du code civil, l'obligation pour celui qui reçoit de restituer les sommes indûment perçues à celui de qui il les tient » et confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris, « pris pour de justes motifs adoptés », ayant condamné Mme X... à payer à la CPAM la somme de 32 990,38 € « à titre de dommages et intérêts », a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE nul ne peut faire l'objet d'une double sanction du fait de la même faute ; que, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, applicable au litige, l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, prévoyant l'obligation pour le bénéficiaire d'indemnités journalières de maladie, de s'abstenir de toute activité non autorisée disposait qu'« En cas d'inobservation volontaire des obligations ci-dessus indiquées, la caisse peut retenir, à titre de pénalité, tout ou partie des indemnités journalières dues. » ; que, dans ses conclusions d'appel, Mme X... faisait valoir que la CPAM lui avait d'ores et déjà infligé, du fait du maintien de son activité libérale pendant l'arrêt maladie, des pénalités à hauteur d'un montant de 2 000 € selon décision notifiée le 3 décembre 2008 ; qu'en condamnant cependant l'assurée sociale à verser à la CPAM la somme de 32 990,38 €, soit le montant intégral des indemnités journalières perçues, sans rechercher si, comme le faisait valoir l'assurée, des pénalités n'avaient pas déjà été infligées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe ne bis in idem et l'article 4 du Protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme ;
3) ALORS QUE dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, applicable au litige, l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, imposant au bénéficiaire d'indemnités journalières de maladie, de s'abstenir de toute activité non autorisée, se bornait à prévoir qu'« En cas d'inobservation volontaire des obligations ci-dessus indiquées, la caisse peut retenir, à titre de pénalité, tout ou partie des indemnités journalières dues. » ; que n'était nullement encouru le remboursement d'indemnités journalières de maladie, par ailleurs justifiées par l'état de santé de l'assuré ; qu'en retenant cependant, pour condamner l'assurée sociale à rembourser à la CPAM la somme de 32 990,38 €, soit le montant intégral des indemnités journalières perçues, que « la fraude imputable au bénéficiaire des prestations, emporte, en vertu des dispositions de l'article 1376 du code civil, l'obligation pour celui qui reçoit de restituer les sommes indûment perçues à celui qui les tient », la cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige ;
4) ALORS, en tout état de cause, QUE la fraude implique la volonté de tromper ; qu'en se bornant, pour dire que Mme X... ne peut se prévaloir de la prescription biennale, à affirmer que l'attestation du médecin traitant de l'assurée, tardive, est inopérante et que « le défaut de déclaration de périodes d'activités salariées, dès lors que ce défaut est à l'origine du maintien des prestations qui sont subordonnées à l'arrêt pour un motif médical, de toute activité salariée, est constitutif d'une fraude », sans rechercher si Mme X... avait en connaissance de cause et volontairement caché à l'organisme de sécurité sociale, l'activité libérale qu'elle avait conservée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 323-6 et L. 332-1 du code de la sécurité sociale ;
5) ALORS, subsidiairement, QUE dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, applicable au litige, l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, prévoyant l'obligation pour le bénéficiaire d'indemnités journalières de maladie, de s'abstenir de toute activité non autorisée disposait qu'« En cas d'inobservation volontaire des obligations ci-dessus indiquées, la caisse peut retenir, à titre de pénalité, tout ou partie des indemnités journalières dues. En cas de recours formé contre les décisions de la caisse, les juridictions visées à l'article L. 142-2 contrôlent l'adéquation du montant de la sanction prononcée par la caisse à l'importance de l'infraction commise par l'assuré » ; que, dans ses conclusions, Mme X... faisait valoir, en tout état de cause, que le montant réclamé était disproportionné au regard du fait, d'une part, qu'elle n'avait eu aucune intention d'éluder les dispositions de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale dont elle ignorait, comme, manifestement, son médecin traitant, la teneur, et encore moins de « frauder » et d'autre part, que la sécurité sociale n'avait subi aucun préjudice, son état de santé, et le fait n'était nullement discuté, lui interdisant effectivement la poursuite de son activité salariée ; qu'en condamnant Mme X... à payer à la CPAM la somme de 32 990,38 €, soit le montant intégral des indemnités journalières perçues, sans opérer aucun contrôle entre l'adéquation du montant de la sanction ainsi prononcée à l'importance de l'infraction commise par l'assuré, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale applicables au litige, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.