LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort par une juridiction de proximité, que M. X... et Mme Y..., son épouse (les époux X...), bénéficiant d'un jugement définitif d'une juridiction répressive leur allouant des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'ils avaient subi à la suite du vol de leur véhicule et une somme en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale, ont demandé à leur avocat, Mme Z... (l'avocat), de saisir le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) d'une demande d'aide au recouvrement de ces sommes ; que l'avocat n'ayant effectué aucune diligence, ils l'ont assigné en responsabilité ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 706-15-1 du code de procédure pénale et L. 422-7 du code des assurances ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que toute personne physique qui, s'étant constituée partie civile, a bénéficié d'une décision définitive lui accordant des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait d'une infraction pénale, mais qui ne peut pas obtenir une indemnisation en application des articles 706-3 ou 706-14 du même code, peut solliciter une aide au recouvrement de ces dommages-intérêts ainsi que des sommes allouées en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; que, selon le second, dans le délai de deux mois de la réception de la demande d'aide au recouvrement, le FGTI accorde à la partie civile le paiement intégral des sommes qui lui ont été allouées si leur montant est inférieur à 1 000 euros et une provision correspondant à 30 % du montant de ces sommes si celui-ci est supérieur à 1 000 euros, dans la limite d'un montant de 3 000 euros, sans que le montant de la provision soit inférieur à 1 000 euros ; qu'il en résulte que la somme versée par le FGTI à la partie civile dépend exclusivement de la condamnation prononcée par la juridiction pénale statuant sur intérêts civils ;
Attendu qu'après avoir retenu que l'avocat avait commis une faute en ne déposant pas, dans le délai requis, la demande d'aide au recouvrement des sommes allouées aux époux X... par la juridiction répressive, le jugement énonce que ceux-ci ne justifient pas de leur préjudice consistant en la perte de chance d'être indemnisés par le FGTI, faute de démontrer, qu'ainsi qu'ils le prétendent, la somme que leur a allouée le tribunal correctionnel tient compte de l'indemnisation qu'ils ont reçue de leur assureur ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les époux X... bénéficiaient d'une décision définitive d'une juridiction répressive leur allouant des dommages-intérêts en réparation de leur préjudice subi du fait d'une infraction pénale et une somme en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale, ce dont il s'évinçait que leur préjudice, constitué par la perte de la somme que le FGTI aurait été tenu de leur verser compte tenu du montant de ces condamnations, était certain, la juridiction de proximité n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
Attendu qu'après avoir retenu que l'avocat avait manqué à son devoir d'assistance, le jugement rejette la demande des époux X... tendant à la réparation de leur préjudice résultant des tracas occasionnés par l'absence de réponse de leur conseil et l'énergie dépensée en vain ;
Qu'en statuant ainsi sans donner aucun motif à sa décision, la juridiction de proximité n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 28 septembre 2015, entre les parties, par la juridiction de proximité de Laon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Soissons ;
Condamne Mme Z... et la SCP Ledoux - Ferri - Yahiaoui - Z... - Touchon aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Z... à payer à M. X... et Mme Y... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
En ce que le jugement attaqué a débouté M. François X... et Mme Stéphanie Y... épouse X... de l'intégralité de leurs prétentions dirigées contre Mme Sylvie Z... et la SCP Ledoux - Ferri - Yahiaoui - Z... – Touchon, et les a condamnés à payer à Mme Z... une somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Aux motifs qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que Madame Z..., malgré plusieurs relances de la société Groupama, n'a pas saisi le Sarvi dans les délais requis, rendant très incertain le recouvrement des sommes accordées par le tribunal correctionnel aux époux X.... Cette négligence, qui témoigne d'un manquement aux devoirs d'assistance et de représentation, est constitutive d'une faute. La preuve d'un préjudice est toutefois nécessaire, en son principe et son quantum, et il y a lieu de l'examiner en considération des chances de perte ou de gain du procès, donc en terme de succès judiciaire de l'action. Elle ne saurait prendre en compte l'insolvabilité de l'adversaire ou les aléas du recouvrement. Si les époux X... peuvent solliciter le bénéfice d'un relevé de forclusion, le succès de ce recours n'est nullement garanti eu égard à l'interprétation stricte de la notion de « motif légitime » mentionnée à l'article 706-15-2 du code de procédure civile. En tout état de cause, l'absence de demande de relevé de forclusion ne peut avoir contribué qu'indirectement au dommage subi. Cependant, il ressort des écritures des deux parties que les époux X... ont perçu de leur assureur, la société GROUPAMA, une somme totale de 1,320 euros en indemnisation de leur préjudice. Ces derniers affirment que la condamnation prononcée par le Tribunal correctionnel de CHARLEVILLEMEZIERES en date du 10 décembre 2009 constitue un complément d'indemnisation, correspondant aux frais de procédure, au préjudice moral et à la différence de valeur entre l'estimation du véhicule faite par l'expert (réglée par GROUPAMA) et le prix de rachat d'un véhicule identique. Toutefois, le jugement ne précise à aucun moment que la somme allouée au titre du préjudice matériel et moral tient compte de l'indemnisation accordée aux époux X... par leur assureur, indiquant simplement qu'«il y a lieu de leur accorder, au vu des justificatifs produits, 680 euros pour la réparation de leur préjudice matériel et 200 euros en réparation de leur préjudice moral ». Les demandeurs ne produisent pas davantage le rapport d'expertise, le décompte des sommes versées par GROUPAMA, ni leur police d'assurance, il n'est donc pas permis de vérifier le quantum de l'indemnisation, la nature des préjudices indemnisés ni l'étendue de la garantie contractuelle de la société GROUPAMA. Dans ces conditions, il n'était pas démontré que la perte de chance des époux X... d'être indemnisés par le Sarvi, si celui-ci avait été saisi dans les délais requis, était réelle. Il convient par conséquent de débouter Monsieur François X... et Madame Stéphanie Y... épouse X... de l'ensemble de leurs prétentions à l'encontre de Maître Z... et de la SCP, à défaut de préjudice certain en lien avec la faute contractuelle.
1°/ Alors que dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande d'aide au recouvrement formulée en application de l'article 706-15-1 du code de procédure pénale, le fonds de garantie accorde à la partie civile, si le montant total des dommages et intérêts et des sommes allouées en application des articles 375 ou 475-1 du même code est supérieur à 1 000 euros, une provision correspondant à 30 % du montant desdits dommages et intérêts, et dont le montant ne peut pas être inférieur à 1 000 euros ; que la juridiction de proximité, pour débouter M. et Mme X... de leur demande d'indemnisation contre leur avocat et la société civile professionnelle dont il est membre, n'ayant pas sollicité l'aide au recouvrement dans le délai imparti, a retenu qu'ils avaient perçu une indemnité de leur assureur, que l'absence de production du rapport d'expertise, du décompte des sommes versées par le Groupama et de la police d'assurance ne permettait pas de vérifier le quantum de l'indemnisation, la nature des préjudices indemnisés ni l'étendue de la garantie contractuelle de la société Groupama, et que dans ces conditions, il n'était pas démontré que la perte de chance des époux X... d'être indemnisés par le Sarvi, si celui-ci avait été saisie dans les délais requis, était réelle ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que par jugement du tribunal correctionnel de Charleville Mézières du 10 décembre 2009, M. A... avait été condamné à leur verser la somme de 1330 euros, et bien que l'obtention d'une somme de 1000 euros était de droit, la juridiction de proximité a violé les articles L.422-7 du code des assurances, 706-15-1, 706-15-2 du code de procédure pénale ;
2°/ Alors que tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé ; que la juridiction de proximité, qui a débouté M. et Mme X... de leur demande d'indemnisation contre leur avocat et la société civile professionnelle dont il est membre, au titre du préjudice moral correspondant aux tracas générés par l'absence de réponse de leur conseil et l'énergie dépensée en vain, sans donner de motifs à sa décision sur ce point, n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile.