LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Max X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'ORLÉANS, chambre correctionnelle, en date du 30 juin 2015, qui pour recel et blanchiment, l'a condamné à vingt mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, 20 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 septembre 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Germain, conseiller rapporteur, MM. Soulard, Steinmann, Mmes de la Lance, Chaubon, Planchon, Zerbib, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Bonnet ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller GERMAIN, les observations de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Max X... a été poursuivi pour avoir, d'une part, recelé des fonds qu'il savait provenir d'escroqueries commises par sa compagne au préjudice de la SA Alombard et de la SA Infraplus, d'autre part, apporté son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect du délit d'escroquerie dont sa compagne a été définitivement déclarée coupable ; que le tribunal a déclaré M. X... coupable de la première infraction et l'a relaxé du chef de la seconde ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel ;
En cet état :
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, 111-4, 121-3, 324-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi, insuffisance de motifs ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de blanchiment, et en répression, l'a condamné, à une peine de vingt mois d'emprisonnement assorti du sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans, outre une amende de 20 000 euros, et le prononcé de peines complémentaires ;
" aux motifs propres que sur le délit de blanchiment reproché à Mme Y...et à M. X... ; que conformément aux dispositions de l'article 324-1 du code pénal, le délit de blanchiment est caractérisé par le fait d'apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit ; que contrairement à ce que retient le premier juge pour fonder la décision de relaxe des prévenus de ce chef la jurisprudence constante de la Cour de cassation retient que l'article 324-1 du code pénal est applicable à l'auteur du blanchiment du produit d'une infraction qu'il a lui-même commise ; qu'il est établi en l'espèce que Mme Y... et M. X... ont réalisé des opérations de placement, et de conversion du produit direct et indirect du délit d'escroquerie commis par la première, infraction pour laquelle Mme Y... est définitivement condamnée, en achetant en commun le 1er décembre 2012 un bien immobilier situé à Ardon pour un montant de 370 000 euros ainsi que divers autres biens mobiliers, avec les fonds détournés au préjudice des sociétés Alombard et Infraplus ; qu'il est, en outre, établi que les fonds détournés par Mme Y... ont été pour une grande partie versés sur le compte bancaire de M. X... qui, comme dit plus haut n'ignorait pas l'origine frauduleuse de ces fonds et les a investis à son profit ou au bénéfice du couple dans des dépenses somptuaires ; qu'il est enfin établi qu'outre les sommes provenant de ces détournements, Mme Y... a fait virer sur le compte bancaire de son concubin son salaire afin d'échapper aux poursuites du fisc, situation connue de M. X..., étant précisé que Mme Y... a effectivement été condamnée pour fraude fiscale le 20 mai 2014 par le tribunal correctionnel de Blois ; qu'en conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a relaxé M. X... et Mme Y... de ce chef et les prévenus déclarés coupables des faits de blanchiment reprochés ;
" 1°) alors que le blanchiment suppose par nature la réalisation d'une opération destinée à opacifier le rapport entre les biens ou revenus détenus par une personne et leur provenance infractionnelle ; qu'il ne saurait y avoir blanchiment en cas d'usage direct de la chose ayant une origine infractionnelle sans que cette chose soit passée dans un circuit de nature à dissimuler son origine, sauf à méconnaître les principes de légalité des délits et des peines et d'interprétation stricte de la loi pénale ; qu'en infirmant le jugement de relaxe des premiers juges constatant que l'acquisition de la maison de maître à Ardon, réalisée en la forme notariée requise sans manoeuvre particulière, ne consistait qu'à l'utilisation des fonds détournés par l'auteur de l'escroquerie et son receleur et en déclarant les prévenus coupables de blanchiment, lorsqu'il ressort des constatations mêmes de l'arrêt que le bien immobilier a été financé quasi exclusivement par Mme Y... au moyen des fonds détournés à hauteur de 314 000 euros sans que celle-ci, en tant qu'auteur des escroqueries, n'ait réalisé aucune opération de nature à opacifier le circuit financier entre les fonds escroqués et l'opération d'achat immobilier, faisant un usage direct des fonds concernés, de sorte que le demandeur lui-même n'a pu participer à aucune opération de blanchiment, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors qu'un même fait ne peut recevoir à la fois la qualification de recel et celle de blanchiment ; que la cour d'appel a déclaré le demandeur coupable de recel d'objet provenant d'une escroquerie à raison du virement de pas moins de 600 000 euros provenant des détournements opérés par Mme Y... sur son compte bancaire auprès de la banque postale et de l'emploi par le couple de ces fonds à l'acquisition de biens mobiliers de valeur, l'achat de véhicules, de voyages et d'un bien immobilier situé à Ardon ; que, pour déclarer le demandeur coupable de blanchiment, la cour d'appel a retenu que celui-ci avait acquis un bien immobilier situé à Ardon ainsi que divers autres biens immobiliers ; qu'en déclarant deux fois le demandeur coupable d'un même fait, l'acquisition d'un bien immobilier et de divers biens mobiliers au moyen des fonds provenant des escroqueries, sous les deux qualifications pénales de recel et de blanchiment portant atteinte à la même valeur protégée, la cour d'appel a violé les principes susvisés ;
" 3°) alors que la caractérisation de l'élément moral du blanchiment suppose que le prévenu ait eu une connaissance certaine de l'origine frauduleuse des fonds détenus ; que la présomption d'innocence impose qu'il ne soit laissé aucune place au doute ; que si un professionnel ne peut ignorer l'origine frauduleuse d'un bien détenu à raison des obligations de contrôle qui lui incombent, pareille présomption n'est pas applicable à un concubin qui ne dispose d'aucun moyen d'investigation pour connaître avec certitude l'origine de fonds dont sa compagne est la détentrice ; que, de surcroît, toute intention est nécessairement exclue lorsque le concubin est en mesure d'établir que des éléments matériels sont venus corroborer les déclarations de sa concubine sur l'origine licite des fonds, les juges du fond ayant l'obligation d'examiner effectivement ces éléments de preuve ; qu'en écartant le moyen de défense du prévenu selon lequel il avait cru, suite aux déclarations de sa concubine en ce sens jamais contestées par celle-ci au cours de la procédure et en l'absence de tout moyen réel d'effectuer des investigations sur le patrimoine de celle-ci dont il connaissait uniquement le montant des revenus professionnels, que les fonds litigieux transférés sur son compte bancaire par sa concubine pour un montant d'environ 600 000 euros provenaient de la liquidation du régime matrimonial entre elle et son ex-époux, aux motifs que le divorce serait intervenu en 2005 et que l'ex-époux aurait informé à plusieurs reprises le demandeur que la liquidation était terminée, lorsque le demandeur a versé aux débats des actes notariés établissant que la liquidation du régime matrimonial n'était pas achevée en août 2010 où des opérations d'acquisition d'un bien avaient été réalisées au profit de sa concubine pour plus d'un million d'euros et lorsque les vendeurs du bien immobilier acquis par le demandeur et sa concubine au moyen des fonds détournés, M. et Mme Z..., ont confirmé par attestation que cette dernière avait déclaré devant eux que les fonds investis provenaient du partage des biens d'avec son ex-époux, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
" 4°) alors que toute présomption irréfragable de culpabilité est prohibée ; qu'en déduisant de la communauté de vie entre concubins la nécessaire connaissance par le demandeur de l'origine frauduleuse des fonds transférés sur son compte par sa concubine pour un montant d'environ 600 000 euros sans examiner les moyens développés par la défense du demandeur de nature à établir que ses déclarations, selon lesquelles sa concubine lui avait affirmé que les fonds litigieux provenaient de la liquidation de son régime matrimonial, étaient corroborées par des éléments matériels démontrant la réalisation d'opérations de liquidation pour un montant de plus d'un million d'euros encore en 2010 et la tenue par sa concubine, aux vendeurs de la maison acquise au moyen des fonds détournés, de propos sur l'origine des fonds similaires à ceux tenus auprès du demandeur, la cour d'appel a consacré une présomption irréfragable de culpabilité et a violé la présomption d'innocence ;
" 5°) alors qu'est contraire aux principes de loyauté, du procès équitable et de la présomption d'innocence la déclaration de culpabilité d'une personne du chef de blanchiment déduite exclusivement du témoignage émanant d'une personne qui s'est avérée avoir participé volontairement à plusieurs infractions commises par l'auteur principal qui n'était autre que son épouse, avant et après leur divorce, et y compris au préjudice de la personne poursuivie elle-même ; qu'en fondant la déclaration de culpabilité du demandeur du chef de blanchiment sur les seules déclarations de M. A..., dont elle s'est contentée de relever que la situation judiciaire n'invalidait pas les déclarations, lorsque les éléments de preuve produits par la défense du demandeur démontraient que le témoin avait été condamné pénalement par jugement du tribunal correctionnel de Blois, en date du 20 mai 2014, pour avoir tiré profit de plusieurs chèques illégalement établis par Mme Y... à son bénéfice et à celui de sa société pour plusieurs centaines de milliers d'euros et qu'il avait, au surplus, bénéficié de fonds suite au vol par celle-ci de trois formules de chèques de M. X..., en date des 23 mars, 24 août et 21 septembre 2013 tirés sans cause sur le compte du demandeur et libellés à l'ordre de deux sociétés lui appartenant, et lorsque l'auteur de l'infraction principale a, au surplus, constamment affirmé que le demandeur ignorait l'origine frauduleuse des fonds, la cour d'appel a méconnu les principes du procès équitable et de la présomption d'innocence et a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; " 6°) alors que le blanchiment étant un délit intentionnel, le prévenu, outre qu'il doit avoir eu connaissance de l'origine criminelle ou délictueuse des fonds placés, convertis ou dissimulés, doit également avoir eu la volonté d'apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit ; qu'en ne caractérisant dans aucun de ses motifs la volonté du demandeur d'apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 121-3 et 324-1 du code pénal " ;
Sur le moyen, pris en ses première, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches :
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable de blanchiment, l'arrêt relève qu'il a acheté un bien indivis grâce aux fonds provenant du délit d'escroquerie commis par sa compagne et qui avaient été versés sur son compte ; que les juges ajoutent qu'au regard de l'importance des sommes en cause et de la connaissance par le prévenu de la situation fiscale et judiciaire de sa compagne ainsi que de la situation financière exacte du couple, il ne pouvait raisonnablement ignorer l'origine frauduleuse desdits fonds ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les griefs doivent être écartés ;
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Et sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3, 321-1 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, contradiction et insuffisance de motifs, violation de la loi ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de recel de bien obtenu à l'aide d'une escroquerie et l'a condamné, en répression, à une peine de vingt mois d'emprisonnement assorti du sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans, outre une amende de 20 000 euros, et le prononcé de peines complémentaires ;
" aux motifs propres que sur le recel d'escroquerie reproché à M. X... ; qu'il est jugé de manière constante que la culpabilité du receleur n'implique pas la connaissance précise des circonstances ou de l'espèce de crime ou de délit par lequel ont été obtenus les objets recelés et qu'une connaissance de l'origine frauduleuse suffit ; qu'il est établi que Mme Véronique Y... et M. X... se sont rencontrés en 2009 et vivaient ensemble en concubinage depuis plusieurs années à l'époque de la prévention ; que contrairement aux dénégations de M. X..., celui-ci n'ignorait pas les nombreuses malversations commises par Mme Y... par le passé puisqu'il en avait lui même été victime à la fin de l'année 2010 et au début de l'année 2011, époque à laquelle Mme Y... avait commis d'autres faits d'escroquerie pour lesquels elle a été jugée en 2012 et 2013 ; que M. X... a admis au cours de sa garde à vue qu'il avait été mis en garde par M. A..., ex-époux de Mme Y..., sur les agissements frauduleux passés de celle-ci ; qu'il a également admis qu'il connaissait les déboires fiscaux de Mme Y..., ayant été informé d'une dette fiscale de près de 900 000 euros ; que l'enquête a montré qu'entre février 2012 et février 2014, ce sont pas moins de 600 000 euros provenant des détournements opérés par Mme Y... au préjudice de ses employeurs, les sociétés Alombard et Infraplus, qui ont été virés principalement sur le compte bancaire de M. X... auprès de la Banque postale et ensuite employés par le couple à l'acquisition de biens mobiliers de valeur (notamment des pierres précieuses), l'achat de véhicules, de voyages et d'un bien immobilier situé à Ardon ; que cette somme qui représente près de la moitié du montant des détournements établis à l'encontre de Mme Y..., est sans commune mesure avec les revenus déclarés de M. X... qui exerçait à l'époque la profession d'ostéopathe et déclarait un revenu d'environ mille euros par mois ; qu'elle est également sans rapport avec les revenus annuels déclarés de 36 000 euros par Mme Y..., revenus là encore virés sur le compte de M. X..., ce qui lui permettait d'avoir une connaissance globale des ressources du couple, son compte bancaire fonctionnant selon ses dires comme une sorte de compte joint, sur lequel Mme Y... n'avait toutefois pas de procuration ; que l'examen du fonctionnement du compte de M. X... a mis en évidence de très nombreuses dépenses significatives d'un train de vie dispendieux sans correspondance avec les gains professionnels du couple et dont M. X... a largement profité ; que M. X... qui contrôlait régulièrement ses comptes et n'était pas sans connaissance en matière de gestion, ne peut sérieusement prétendre qu'il pensait que les fonds remis par Mme Y... provenaient des sociétés ayant appartenu conjointement à celle-ci et à son ex-époux alors que le divorce de Mme Y... et de M. A... a été prononcé en 2005 et que M. A..., dont la situation judiciaire n'invalide pas les déclarations, l'avait informé à plusieurs reprises que Mme Y... ne détenait plus aucune part dans ses sociétés ni biens en commun ; que dans ce contexte, eu égard à l'importance des sommes virées, à la connaissance par M. X... de la situation fiscale et judiciaire de Mme Y... ainsi que de la situation financière exacte du couple et aux bénéfices conséquents retirés des fonds transmis, M. X... ne pouvait raisonnablement ignorer l'origine frauduleuse des fonds ayant transités sur son compte bancaire et le délit de recel d'escroquerie est caractérisé en tous ses éléments constitutifs ; qu'aussi le jugement déféré sera confirmé sur la déclaration de culpabilité de ce chef ;
" et aux motifs éventuellement adoptés que l'information judiciaire a permis d'établir que durant deux années, profitant de sa fonction de comptable intervenant dans le cadre d'un contrat de travail d'intérimaire successivement au sein de la société Alombard puis de la société Infraplus filiales du groupe Schneider, Mme Y... a détourné près de 1 306 128, 19 euros ; qu'avec un mode opératoire efficace consistant en l'établissement de faux ordres de virement subtilement insérés dans la masse des factures soumises à l'aval de sa hiérarchie, Mme Y... a reconnu les escroqueries commises ; que les investigations ont permis de retrouver le versement de près de 600 000 euros du compte de Mme Y... sur celui de son concubin M. X... ; que si Mme Y... a indiqué que ce dernier ignorait l'origine frauduleuse des fonds ayant transités plusieurs mois consécutifs sur le compte de son compagnon, la nécessaire intimité qu'ils entretenaient dans leurs rapports quotidiens, y compris financiers invalide cette version ; qu'en effet, les revenus déclarés et mutuellement connus des deux concubins ne pouvaient expliquer l'importance des fonds virés sur le compte de M. X... ; qu'une légitime et prudente curiosité aurait du amener M. X... à s'interroger a minima sur les agissements de sa compagne dont il a reconnu connaître au moins les déboires fiscaux ; que le témoignage univoque de M. A... permet, par ailleurs, d'établir la mauvaise foi de M. X... qui ne pouvait raisonnablement penser que les fonds, très conséquents, qui transitaient sur son compte et dont il a largement profité, provenaient avec une régularité suspecte, des parts sociales que sa compagne aurait détenues dans des sociétés ; qu'il y a donc lieu de retenir la culpabilité des deux prévenus dans les délits d'escroquerie et de recel d'escroquerie respectivement poursuivis ;
" 1°) alors que la caractérisation de l'élément moral du délit de recel suppose que le prévenu ait eu une connaissance certaine de l'origine frauduleuse des fonds détenus ; que la présomption d'innocence impose qu'il ne soit laissé aucune place au doute ; que si un professionnel ne peut ignorer l'origine frauduleuse d'un bien détenu à raison des obligations de contrôle qui lui incombent, pareille présomption n'est pas applicable à un concubin qui ne dispose d'aucun moyen d'investigation pour connaître avec certitude l'origine de fonds dont sa compagne est la détentrice ; que, de surcroît, toute intention est nécessairement exclue lorsque le concubin est en mesure d'établir que des éléments matériels sont venus corroborer les déclarations de sa concubine sur l'origine licite des fonds, les juges du fond ayant l'obligation d'examiner effectivement ces éléments de preuve ; qu'en écartant le moyen de défense du prévenu selon lequel il avait cru, suite aux déclarations de sa concubine en ce sens jamais contestées par celle-ci au cours de la procédure et en l'absence de tout moyen réel d'effectuer des investigations sur le patrimoine de celle-ci dont il connaissait uniquement le montant des revenus professionnels, que les fonds litigieux transférés sur son compte bancaire par sa concubine pour un montant d'environ 600 000 euros provenaient de la liquidation du régime matrimonial entre elle et son ex-époux, aux motifs que le divorce serait intervenu en 2005 et que l'ex-époux aurait informé à plusieurs reprises le demandeur que la liquidation était terminée, lorsque le demandeur a versé aux débats des actes notariés établissant que la liquidation du régime matrimonial n'était pas achevée en août 2010 où des opérations d'acquisition d'un bien avaient été réalisées au profit de sa concubine pour plus d'un million d'euros et lorsque les vendeurs du bien immobilier acquis par le demandeur et sa concubine à Sardon au moyen des fonds détournés, M. et Mme Z..., ont confirmé par attestation que cette dernière avait déclaré devant eux que les fonds investis provenaient du partage des biens d'avec son ex-époux, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
" 2°) alors que toute présomption irréfragable de culpabilité est prohibée ; qu'en déduisant de la communauté de vie entre concubins la nécessaire connaissance par le demandeur de l'origine frauduleuse des fonds transférés sur son compte par sa concubine pour un montant d'environ 600 000 euros sans examiner les moyens développés par la défense du demandeur de nature à établir que ses déclarations, selon lesquelles sa concubine lui avait affirmé que les fonds litigieux provenaient de la liquidation de son régime matrimonial, étaient corroborées par des éléments matériels démontrant la réalisation d'opérations de liquidation pour un montant de plus d'un million d'euros encore en 2010 et la tenue par sa concubine, aux vendeurs de la maison acquise au moyen des fonds détournés, de propos sur l'origine des fonds similaires à ceux tenus auprès du demandeur, la cour d'appel a consacré une présomption irréfragable de culpabilité et a violé la présomption d'innocence ;
" 3°) alors qu'est contraire aux principes de loyauté, du procès équitable et de la présomption d'innocence la déclaration de culpabilité d'une personne du chef de recel déduite exclusivement du témoignage émanant d'une personne qui s'est avérée avoir participé volontairement à plusieurs infractions commises par l'auteur principal qui n'était autre que son épouse, avant et après leur divorce, et y compris au préjudice de la personne poursuivie elle-même ; qu'en fondant la déclaration de culpabilité du demandeur du chef de recel sur les seules déclarations de M. A..., dont elle s'est contentée de relever que la situation judiciaire n'invalidait pas les déclarations, lorsque les éléments de preuve produits par la défense du demandeur démontraient que le témoin, qui avait mis en cause le demandeur pour tenter de se disculper, avait été condamné pénalement par jugement du tribunal correctionnel de Blois, en date du 20 mai 2014, pour avoir tirer profit de plusieurs chèques illégalement établis par Mme Y... à son bénéfice et à celui de sa société pour plusieurs centaines de milliers d'euros et qu'il avait, au surplus, bénéficié de fonds suite au vol par celle-ci de trois formules de chèques de M. X..., en date des 23 mars, 24 août et 21 septembre 2013, tirés sans cause sur le compte du demandeur et libellés à l'ordre de deux sociétés lui appartenant, et ce alors que l'auteur de l'infraction principale a constamment affirmé que le demandeur ignorait l'origine frauduleuse des fonds, la cour d'appel a méconnu les principes du procès équitable et de la présomption d'innocence et a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" 4°) alors que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant que le demandeur avait eu connaissance des condamnations pénales dont avait fait l'objet sa concubine puisqu'il aurait été lui-même victime en 2011 des agissements de celle-ci, époque à laquelle elle avait commis d'autres infractions pour lesquelles elle avait été jugée en 2012 et 2013, et qu'il aurait admis au cours de sa garde à vue avoir été mis en garde par M. A... sur ces agissements frauduleux passés, lorsqu'il ressortait des procès-verbaux d'audition du demandeur au cours de sa garde à vue que celui-ci, qui n'a jamais contesté avoir eu connaissance d'une dette fiscale de sa concubine, non assimilable à la commission d'un délit fiscal, a déclaré lors de son audition du 6 février 2014 à 10 heures 20 qu'en 2011, il s'était vu dérober une formule de chèque par sa concubine, ce qui ne l'a mis en aucune façon au courant des condamnations pénales de celle-ci et, lors de son audition du 6 février à 15 heures 30, qu'il avait eu connaissance de l'existence de déboires fiscaux ayant concerné Mme Y..., M. A... et une société appartenant à celui-ci et que, dans un tel contexte, M. A... lui avait déclaré que Mme Y... lui aurait soutiré une somme d'argent sans d'ailleurs prétendre avoir engagé des poursuites contre elle, la cour d'appel, qui a ainsi dénaturé les déclarations de M. X... et statué par motifs contradictoires n'a pas justifié légalement sa décision " ;
Vu le principe Ne bis in idem ;
Attendu que des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elle concomitantes ;
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable de recel, l'arrêt retient que des fonds provenant de l'escroquerie commise par sa compagne ont été versés sur son compte ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le versement effectué sur le compte du prévenu ne constituait, au moins en partie, qu'une opération préalable nécessaire à l'achat du bien réalisé par ses soins et pour lequel il a été déclaré coupable de blanchiment, la cour d'appel a méconnu le principe énoncé ci-dessus ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Orléans, en date du 30 juin 2015, mais en ses seules dispositions portant sur l'infraction de recel, aux peines et sur les intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bourges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Orléans et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six octobre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.