LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite du décès de Christophe X...survenu lors d'un accident de la circulation en Espagne, Mme Virginie Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure, Mathilde X..., a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :
Attendu que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions fait grief à l'arrêt de dire que les prestations servies en exécution du contrat souscrit auprès de la mutuelle Mieux être revêtent un caractère forfaitaire et n'ont pas à être prises en compte dans le préjudice de Mathilde X..., alors, selon le moyen :
1°/ que la commission d'indemnisation des victimes d'infraction doit tenir compte, dans le montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de son préjudice, des prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale ; que tel est le cas des sommes versées en exécution d'un régime de protection sociale complémentaire institué par convention ou accord collectif en application de l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en écartant la déduction des sommes versées à Mathilde X... en exécution d'un contrat de protection sociale complémentaire obligatoire au titre de l'annexe 8 de la convention collective nationale applicable au personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (Syntec), la cour d'appel a violé les articles 706-9 du code de procédure pénale et L. 911-1 et L. 932-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que la commission tient compte dans le montant des sommes allouées à la victime en réparation de son préjudice des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs au titre du même préjudice ; qu'ont un caractère indemnitaire, et doivent donc à ce titre être déduites des sommes allouées, les prestations servies par un organisme de prévoyance au titre du décès de la victime qui ne sont pas indépendantes dans leurs modalités de calcul et d'attribution de celles réparant le préjudice de droit commun, quand bien même le mode de calcul des prestations versées à la victime serait fonction d'éléments prédéterminés ; que tel est le cas de la rente annuelle d'éducation servie aux enfants de la victime par suite du décès de celle-ci et calculée en fonction d'une fraction des revenus annuels de la victime, cette fraction fût-elle prédéterminée au contrat ; qu'en jugeant néanmoins que la rente annuelle d'éducation servie aux enfants de la victime au titre d'un contrat de prévoyance, dont elle a pourtant relevé qu'elle représentait une fraction du plafond annuel de la sécurité sociale, utilisé comme salaire de référence, variant selon la position de cadre ou non cadre de l'affilié et selon l'âge de l'enfant, n'avait pas un caractère indemnitaire, la cour d'appel a violé l'article 706-9 du code de procédure pénale ;
Mais attendu que l'arrêt constate que le montant de la rente éducation versée par la mutuelle Mieux être en application du contrat d'assurance collective obligatoire souscrit par l'employeur de Christophe X... est fixé, en ce qui concerne le personnel non cadre, à 12 % du plafond annuel de la sécurité sociale jusqu'aux 17 ans de l'enfant, puis à 15 % de ce plafond entre 18 et 26 ans dans l'hypothèse où des études sont poursuivies et s'élève, pour le personnel cadre, en fonction des mêmes distinctions, à 24 % ou 30 % du plafond précité ; qu'il relève que Mme Y... est fondée à soutenir que la rente éducation est ainsi calculée par pourcentage du plafond annuel de la sécurité sociale, ce pourcentage étant fixé en fonction du statut de cadre ou non cadre du salarié et qu'il n'est pas tenu compte de la situation personnelle de l'enfant ainsi que de la part de revenus que l'assuré consacrait à son entretien et son éducation ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que cette rente éducation revêtait un caractère forfaitaire et qu'il n'y avait pas lieu de la prendre en compte dans le calcul du préjudice de Mathilde X... ;
D'où il suit que le moyen qui, en sa première branche est nouveau, mélangé de droit et de fait, partant irrecevable, n'est pas fondé en sa troisième ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 706-9 du code de procédure pénale ;
Attendu, selon ce texte, que la commission d'indemnisation des victimes d'infractions tient compte, dans le montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de son préjudice, des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs au titre du même préjudice ;
Attendu que pour juger que les prestations servies en exécution du contrat souscrit auprès de la mutuelle Mieux être revêtent un caractère forfaitaire et n'ont pas à être prises en compte dans le calcul du préjudice de Mathilde X..., sans distinguer entre le capital-décès et la rente éducation, l'arrêt retient encore que les prestations servies en exécution de ce contrat revêtent un caractère forfaitaire puisqu'elles sont calculées en fonction d'éléments prédéterminés par les parties, indépendants dans leurs modalités de calcul et d'attribution de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun après avoir relevé que le capital-décès est, en ce qui concerne l'assuré ayant un enfant à charge, calculé comme suit : 490 % des tranches A, B et C, la tranche A étant définie comme la partie de salaire brut limité au plafond des cotisations du régime général de sécurité sociale, la tranche B comme la partie du salaire brut comprise entre le plafond de la tranche A et un montant limité à quatre fois le plafond de la tranche A et la tranche C comme la partie de salaire brut comprise entre le plafond de la tranche A et le montant limité à huit fois le plafond de la tranche A, le contrat précisant que le capital ainsi défini ne peut être inférieur à 170 % du plafond annuel de la sécurité sociale pour le personnel non cadre et 340 % de ce plafond annuel pour le personnel cadre et prévoyant une majoration pour enfant à charge supplémentaire de 90 % des tranches A, B et C ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'elle constatait que les revenus du défunt étaient pris en considération pour le calcul du montant du capital-décès, ce dont il résultait que celui-ci n'était pas indépendant, dans ses modalités de calcul et d'attribution, de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun et revêtait en conséquence un caractère indemnitaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit, s'agissant du capital-décès, que les prestations servies en exécution du contrat souscrit « avec » la mutuelle Mieux être revêtent un caractère forfaitaire et n'ont pas à être prises en compte dans le calcul du préjudice de Mathilde X..., l'arrêt rendu le 2 juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y..., tant en son nom personnel qu'ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les prestations servies en exécution du contrat souscrit auprès de la Mutuelle Mieux Etre revêtent un caractère forfaitaire et n'ont pas à être prises en compte dans le calcul du préjudice de Mathilde X... ;
Aux motifs qu'au titre de l'article 706-9 du code de procédure pénale, la commission tient compte, dans le montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de son préjudice des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs au titre du même préjudice ; qu'en l'occurrence, l'employeur de Monsieur X... avait souscrit au profit de ses salariés un contrat d'assurance collective obligatoire prévoyance entreprise auprès de la Mutuelle Mieux-Etre ; qu'en application de ce contrat, il a été versé Mathilde X... un capital décès de 298 593, 98 euros et il lui est réglé une rente éducation trimestrielle d'un montant de 1 970, 52 euros ; que Mme Y... soutient que ces sommes ont un caractère forfaitaire et n'ont pas à être déduites de l'indemnisation alors que le FGTI prétend qu'elles sont indemnitaires et qu'il doit en conséquence en être tenu compte en application de l'article 706-9 du code de procédure pénale ; qu'il ressort du contrat souscrit par la société Information Builders France et la Mutuelle Mieux Etre que cet organisme verse : 1°- en ce qui concerne l'assuré ayant un enfant à charge, un capital décès calculé comme suit : 490 % des tranches A, B et C, la tranche A étant définie comme la partie de salaire brut limité au plafond des cotisations du régime général de sécurité sociale, la tranche B comme la partie de salaire brut comprise entre le plafond de la tranche A et un montant limité à quatre fois le plafond de la tranche A et la tranche C comme la partie de salaire brut comprise entre le plafond de la tranche A et un montant limité à huit fois le plafond de la tranche A ; que le contrat précise que le capital ainsi défini ne peut être inférieur à 170 % du plafond annuel sécurité sociale pour le personnel non cadre et 340 % du plafond annuel sécurité sociale pour le personnel cadre ; qu'il prévoit une majoration pour enfant à charge supplémentaire de 90 % des tranches A, B et C, 2°- une rente d'éducation différente pour le personnel non cadre et pour le personnel cadre ; qu'en ce qui concerne le personnel non cadre, jusqu'aux 17 ans de l'enfant, la rente est de 12 % du plafond annuel sécurité sociale et entre 18 et 26 ans, dans l'hypothèse où des études sont poursuivies, de 15 % de ce plafond ; que pour le personnel cadre, en fonction des mêmes distinctions, la rente est soit de 24 % du plafond annuel sécurité sociale, soit de 30 % de ce même plafond ; qu'au titre d'une garantie Double Effet, il est prévu le versement d'un capital supplémentaire égal à 100 % du capital décès toutes causes ; qu'au regard de ces éléments, Madame Y... est fondée à soutenir :- que le capital décès est déterminé en fonction du salaire brut affecté d'un pourcentage résultant d'un barème de référence fixé unilatéralement par la mutuelle en fonction de paramètres qui lui sont propres,- que la rente éducation est calculée par pourcentage du plafond annuel de la sécurité sociale, ce pourcentage étant fixé en fonction du statut de cadre ou de non cadre du salarié,- qu'il n'est pas tenu compte de la situation personnelle de l'enfant et de la part de revenus que l'assuré consacrait à son entretien et son éducation ; qu'elle ajoute sans être démentie que le capital décès est versé à la ou aux personnes désignées dans le bulletin individuel d'adhésion par le souscripteur ce qui correspond ou non avec les ayants droit en droit commun ; qu'il s'ensuit que les prestations servies en exécution de ce contrat revêtent un caractère forfaitaire puisqu'elles sont calculées en fonction d'éléments prédéterminés par les parties, indépendants dans leurs modalités de calcul et d'attribution de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun ; qu'il n'y a pas lieu dès lors de les prendre en compte dans le calcul du préjudice de Mathilde X... et le jugement est infirmé de ce chef ;
Alors que la commission d'indemnisation des victimes d'infraction doit tenir compte, dans le montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de son préjudice, des prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale ; que tel est le cas des sommes versées en exécution d'un régime de protection sociale complémentaire institué par convention ou accord collectif en application de l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en écartant la déduction des sommes versées à Mathilde X... en exécution d'un contrat de protection sociale complémentaire obligatoire au titre de l'annexe 8 de la convention collective nationale applicable au personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (Syntec), la cour d'appel a violé les articles 706-9 du code de procédure pénale et L. 911-1 et L. 932-1 du code de la sécurité sociale ;
Alors, subsidiairement d'une part, que la commission tient compte dans le montant des sommes allouées à la victime en réparation de son préjudice des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteur au titre du même préjudice ; qu'ont un caractère indemnitaire, et doivent donc à ce titre être déduites des sommes allouées, les prestations servies par un organisme de prévoyance au titre du décès de la victime qui ne sont pas indépendantes dans leurs modalités de calcul et d'attribution de celles réparant le préjudice de droit commun, quand bien même le mode de calcul des prestations versées à la victime serait fonction d'éléments prédéterminés ; que tel est le cas du capital-décès servi au titre d'un contrat d'assurance sociale complémentaire et dépendant du montant des revenus du défunt, lequel indemnise même partiellement la perte de revenus ; qu'en jugeant néanmoins que le capital décès servi à la fille de la victime au titre d'un contrat de prévoyance, dont elle a pourtant relevé qu'il était calculé en fonction des salaires bruts de la victime, n'avait pas à être pris en compte au motif inopérant qu'il était fonction d'éléments définis au contrat, la cour d'appel a violé l'article 706-9 du code de procédure pénale ;
Alors, subsidiairement d'autre part, que la commission tient compte dans le montant des sommes allouées à la victime en réparation de son préjudice des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteur au titre du même préjudice ; qu'ont un caractère indemnitaire, et doivent donc à ce titre être déduites des sommes allouées, les prestations servies par un organisme de prévoyance au titre du décès de la victime qui ne sont pas indépendantes dans leurs modalités de calcul et d'attribution de celles réparant le préjudice de droit commun, quand bien même le mode de calcul des prestations versées à la victime serait fonction d'éléments prédéterminés ; que tel est le cas de la rente annuelle d'éducation servie aux enfants de la victime par suite du décès de celle-ci et calculée en fonction d'une fraction des revenus annuels de la victime, cette fraction fût-elle prédéterminée au contrat ; qu'en jugeant néanmoins que la rente annuelle d'éducation servie aux enfants de la victime au titre d'un contrat de prévoyance, dont elle a pourtant relevé qu'elle représentait une fraction du plafond annuel de la sécurité sociale, utilisé comme salaire de référence, variant selon la position de cadre ou non-cadre de l'affilié et selon l'âge de l'enfant, n'avait pas un caractère indemnitaire, la cour d'appel a violé l'article 706-9 du code de procédure pénale.