LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, le dix-huit octobre deux mille seize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BUISSON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE, HAZAN, et les conclusions de M. l'avocat général CUNY ;
Statuant sur les questions prioritaires de constitutionnalité formulées par mémoires spéciaux reçus le 28 juillet 2016 et présentées par :
- M. Ahmed X...,
à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de PARIS, en date du 15 octobre 2015, qui a ordonné la prolongation de sa rétention administrative dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire ;
Attendu que les questions prioritaires de constitutionnalité sont ainsi rédigées :
Question n° 1 :
« Les articles 78-2 al. 7 et 78-2-2 du code de procédure pénale, qui prévoient la possibilité pour le procureur de la République d'autoriser par réquisitions des contrôles d'identité en vue de la recherche et de la poursuite d'infractions qu'il précise, dans un périmètre et pendant une période déterminés, méconnaissent ils les articles 4 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui affirment les principes de liberté individuelle et d'égalité, l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui prévoit que ces droits doivent être garantis et l'article 66 de la Constitution qui fait du juge judiciaire le gardien de la liberté individuelle, en ce qu'ils empêchent ce dernier d'opérer un contrôle effectif des circonstances et motifs ayant justifié le contrôle d'identité et permettent ainsi qu'il soit procédé à des contrôles d'identité généralisés et discrétionnaires voire discriminatoires ? » ;
Question n° 2 :
« Les articles L. 611-1 et L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont-ils contraires aux articles 4 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui affirment les principes de liberté individuelle et d'égalité, à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui prévoit que ces droits doivent être garantis et à l'article 66 de la Constitution qui fait du juge judiciaire le gardien de la liberté individuelle, en ce qu'ils permettent aux autorités de police de procéder au contrôle du droit au séjour d'un étranger et à son placement en retenue pour vérification du droit au séjour à l'issue d'un contrôle d'identité sur réquisitions réalisé sur le fondement des articles 78-2 al. 7 et 78-2-2 du code de procédure pénale, qui ne prévoient pas de contrôle suffisant par le juge judiciaire des circonstances et motifs ayant justifié le contrôle d'identité et donc des conditions dans lesquelles la qualité d'étranger de la personne interpellée est apparue ? » ;
Attendu que les articles 78-2 et 78-2-2 du code de procédure pénale, L 611-1 et L 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont applicables à la procédure ;
Attendu que les articles 78-2, alinéa 6 devenu alinéa 7, et 78 2 2 ont été déclarés conformes à la Constitution, respectivement par les décisions n° 93-323 DC du 5 août 1993 et n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 ;
Que, toutefois, la dépénalisation du séjour irrégulier des étrangers résultant de la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012, relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées, est susceptible de constituer une circonstance nouvelle en ce que l'exécution des réquisitions délivrées en application des articles 78-2 et 78-2-2 susvisés, auxquels renvoient les articles L. 611-1 et L. 611-1-1 précités, peut désormais être l'occasion de constater non seulement des infractions autres que celles visées dans lesdites réquisitions, mais encore des irrégularités du séjour d'étrangers non constitutives d'infractions, emportant des conséquences sur leur liberté individuelle dès lors qu'ils peuvent faire l'objet d'une rétention ;
Attendu que, dans ce nouveau contexte, la question de l'étendue des garanties offertes par les dispositions contestées présente un caractère sérieux ;
D'où il suit qu'il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Par ces motifs :
RENVOIE au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guérin, président, M. Buisson, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, Bonnal, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Cuny ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;