Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Yann X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 6e section, en date du 18 février 2016, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de viol, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 septembre 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Buisson, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, Bonnal, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;
Premier avocat général : M. Cordier ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller BUISSON, les observations de la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 27 mai 2016, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des droits de la défense, de l'article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire, des articles 63-1, 63-2, 63-3-1 du code de procédure pénale, et des articles 591 et 593 du même code, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a jugé qu'il n'y avait lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de procédure ;
" aux motifs que l'article 63-1 du code de procédure pénale dispose notamment « la personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire … du fait qu'elle bénéficie … du droit d'être assistée par un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 » ; qu'il ressort des dispositions du premier alinéa de l'article 63-2 que toute personne gardée à vue peut, à sa demande, faire prévenir une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe ; que l'article 63-3-1 édicte en particulier « l'avocat peut également être désigné par la ou les personnes prévenues en application du premier alinéa de l'article 63-2 ; que cette désignation doit toutefois être confirmée par la personne ; qu'en l'espèce l'avocat de M. X... soutient en substance qu'il a été désigné par la mère de celui-ci pour l'assister au cours de sa garde à vue, qu'il a informé les services de police de cette désignation, que ces derniers ont usé d'un stratagème à son égard pour l'empêcher d'intervenir et n'ont pas avisé son client de sa désignation, de sorte que celui-ci a décliné l'intervention d'un avocat et que ces manoeuvres l'ont conduit à faire des déclarations contraires à ses intérêts et à s'auto-incriminer ; qu'il ressort de l'ensemble des procès-verbaux que M. X... a été informé de l'ensemble des droits attachés à la garde à vue, et notamment de celui de bénéficier de l'assistance d'un avocat, tant lors de la notification de cette mesure que lorsqu'elle a été prolongée et qu'il a de façon constante affirmé ne pas souhaiter bénéficier de cette assistance ; qu'il a signé tous les procès-verbaux ; qu'en application des dispositions précitées de l'article 63-3-1, la désignation de l'avocat doit être confirmée par la personne visée à l'article 63-2 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, aucun document ne vient établir que la personne visée à l'article 63-2 soit la mère de M. X..., a confirmé la désignation de Me Seguin, ainsi qu'il est requis par l'article 63-3-1, pour assister son fils lors de la garde à vue ; que le contact téléphonique avec le service enquêteur du 20 janvier 2015 à 17 heures 25 mn et 35 secondes dont fait état Me Séguin, et du 21 janvier 2015 à 16 heures 17 mn et 28 secondes, dont il justifie par la production à l'audience d'un relevé horodaté des appels émis par lui, émanant de la société qui gère sa ligne téléphonique, ne sont pas en eux-mêmes de nature à démontrer l'existence de cette désignation ; que le contenu des appels des 20 et 21 janvier 2015 n'est pas connu ; qu'au surplus, d'une la cour relève que l'avocat de M. X..., ainsi qu'il le soutient lui-même, a pris contact avec les services de police le 20 janvier 2015 à 17 heures 25 et qu'il s'est donc écoulé un jour et 17 heures, jusqu'au 21 janvier 2015 à 12 heures 48, moment où a eu lieu l'interrogatoire de première comparution sans que l'avocat, qui aurait dû être légitimement inquiet que son client ne fasse pas appel à ses services alors qu'il était supposé savoir qu'il avait été désigné pour l'assister, se déplace dans les locaux de police pour s'enquérir des raisons pour lesquelles son client ne faisait pas appel à lui ; que d'autre part, les pressions dont M. X... prétend avoir été victime de la part des policiers reposent sur ses seules déclarations et ne sont étayées par aucun élément objectif du dossier ; qu'en outre, le défaut de mention, dans un procès-verbal, de l'entretien téléphonique du 20 janvier 2015 à 17 heures 25 mn et 35 secondes, et l'absence de référence, dans les procès-verbaux, à ce que le gardé à vue aurait été informé de l'intervention d'un avocat désigné par sa famille, n'est pas de nature, eu égard aux motifs ci-dessus articulés, à faire grief à M. X... à qui a été au demeurant rappelé lors de chaque audition son droit à se faire assister à tout moment par un avocat ainsi que cela ressort des procès-verbaux qu'il a signés sans les contester à aucun moment ; que dans ces conditions le moyen de nullité sera rejeté ;
" 1°) alors que, dès le début de la garde à vue la personne gardée à vue peut demander elle-même à être assistée par un avocat ; que l'avocat peut également être désigné par la ou les personnes prévenues en application du premier alinéa de l'article 63-2 du code de procédure pénale ; que cette désignation faite par un proche doit toutefois être confirmée par la personne gardée à vue ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande d'annulation d'actes de procédure, la chambre de l'instruction a constaté que la mère de M. X... avait désigné un avocat pour assister son fils lors de sa garde à vue, mais « qu'aucun document ne venait établir que la personne visée à l'article 63-2, soit la mère de M. X..., avait confirmé la désignation de Me Séguin, ainsi qu'il était requis par l'article 63-3-1, pour assister son fils lors de la garde à vue » ; que, cependant, la confirmation de la désignation d'un avocat par l'une des personnes citée par l'article 63-2 précité devait être faite par M. X... et non par sa mère, ce qui impliquait pour que la procédure soit régulière que ce dernier ait été informé de cette désignation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que la désignation d'un avocat pour assister une personne lors d'une garde à vue peut être faite, notamment, par la personne gardée à vue elle-même ou bien par l'une des personnes prévues par l'article 63-2 du code de procédure pénale ; que la renonciation du gardé à vue à demander, par lui-même, l'assistance d'un avocat n'emporte pas nécessairement la renonciation à être assisté de l'avocat désigné par sa famille ; que les deux modes de désignation d'un avocat ne s'excluent pas, mais se cumulent ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande d'annulation d'actes de procédure, la chambre de l'instruction a affirmé que, puisque M. X... avait renoncé à désigner par lui-même un avocat et avait signé les procès-verbaux, le fait qu'il n'ait pas été informé de la désignation d'un avocat faite par sa mère à son profit ne lui faisait pas grief ; que, cependant, la circonstance que M. X... n'ait pas souhaité bénéficier de l'assistance d'un avocat désigné par lui-même ne pouvait faire présumer qu'il aurait refusé, s'il en avait été informé, d'être assisté par l'avocat désigné par sa mère ; qu'en considérant que l'absence d'information de la désignation d'un avocat par sa mère ne faisait pas grief, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 3°) alors que pour rejeter la demande d'annulation d'actes de procédure, la chambre de l'instruction a relevé que l'avocat désigné par la mère de M. X... ne s'était pas déplacé immédiatement tandis qu'il « aurait dû être légitimement inquiet que son client ne fasse pas appel à ses services » ; que cette circonstance est parfaitement inopérante à justifier le non-respect des droits de la défense de M. X... qui n'a pas été informé, comme il le devait, de la désignation d'un avocat par sa mère, peu important que cet avocat ne se déplace pas immédiatement mais attende la confirmation de sa désignation, ne pouvant présumer du non-respect par les officiers de police judiciaire de la procédure pénale applicable ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu l'article 63-3-1 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il se déduit de ce texte que, d'une part, tout mis en cause doit pouvoir, à tout moment, bénéficier de l'assistance d'un avocat choisi par lui-même ou désigné par une personne régulièrement avisée de son placement en garde à vue en application de l'article 63-2 du même code, d'autre part, cette dernière désignation doit corrélativement lui être aussitôt notifiée afin qu'il puisse la confirmer ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du dossier de la procédure que Mme A...
Z... ayant déposé plainte pour un viol qu'elle aurait subi, la nuit du 16 au 17 janvier 2015, au domicile d'un prénommé Yann où elle avait été hébergée à l'issue d'une soirée, les investigations consécutives ont permis d'identifier le mis en cause en la personne de M. Yann X... ; qu'interpellé à son domicile le 19 janvier 2015 à 18 heures 05 et aussitôt placé en garde à vue en présence de sa mère qui a été avisée de cette mesure, celui-ci a, lors de la notification de ses droits, renoncé, notamment, à l'assistance d'un avocat ; que recevant notification d'une prolongation de sa garde à vue le 20 janvier 2015 à 17 heures 45, il a, à nouveau, déclaré ne pas souhaiter l'assistance d'un avocat ; que mis en examen du chef de viol le 22 janvier 2015, M. X... a, par une requête qu'a déposée son avocat, sollicité l'annulation d'actes de la procédure en faisant valoir que sa mère a, pendant le temps de la garde à vue, désigné un avocat pour l'assister, lequel n'a pu le rencontrer bien qu'il ait appelé téléphoniquement l'officier de police judiciaire compétent ;
Attendu que pour écarter le moyen de nullité pris de ce que M. X... n'avait pas été informé par l'officier de police judiciaire qu'un avocat avait été désigné par sa mère pour l'assister pendant sa garde à vue, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressort du dossier de la procédure qu'avisée de la garde à vue de son fils par un officier de police judiciaire, Mme X... a, pendant la première journée de cette mesure, désigné un avocat, Maître Séguin, qui a aussitôt pris contact par téléphone avec ledit officier de police judiciaire pour l'informer de cette désignation sans que la personne placée en garde à vue ait été mise en mesure de dire si elle l'acceptait, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 63-3-1 susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 18 février 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre octobre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.