La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2016 | FRANCE | N°15-20783

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 22 septembre 2016, 15-20783


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 412-12, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu qu'au cas où le droit de préemption n'aurait pu être exercé par suite de la non-exécution des obligations dont le bailleur est tenu en application de la présente section, le preneur est recevable à intenter une action en nullité de la vente et en dommages et intérêts devant les tribunaux paritaires dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la vente lui est connue, Ã

  peine de forclusion ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 10 avril 2015...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 412-12, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu qu'au cas où le droit de préemption n'aurait pu être exercé par suite de la non-exécution des obligations dont le bailleur est tenu en application de la présente section, le preneur est recevable à intenter une action en nullité de la vente et en dommages et intérêts devant les tribunaux paritaires dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la vente lui est connue, à peine de forclusion ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 10 avril 2015), que Emile X..., aux droits duquel se trouve M. Christian X..., a donné à bail à ferme diverses parcelles de terre à M. Roger Y..., qui les a cédées à ses trois fils, M. Dominique Y..., M. Jean-François Y...et M. Stéphane Y...(les consorts Y...) ; que M. X...a vendu deux des parcelles louées à M. et Mme Z... ; que les consorts Y...ont sollicité l'annulation de cette vente réalisée en violation de leur droit de préemption ;
Attendu que, pour déclarer la demande des consorts Y...irrecevable, l'arrêt retient que la publication de la vente immobilière rendant opposable l'acte aux tiers, précédée de l'acte de division parcellaire préalable à la vente, dont ont eu parfaitement connaissance les fermiers, et des travaux de modification d'irrigation sur l'une des parcelles concernée par la vente, engagés concomitamment par les consorts Y..., permet d'établir que les fermiers ont eu connaissance de la date de la vente immobilière des parcelles litigieuses, au plus tard, à la date de sa publication ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la publication de l'acte de vente à la conservation des hypothèques ne fait pas, à elle seule, courir le délai de forclusion prévu par le texte susvisé, lequel suppose, de la part du titulaire du droit de préemption méconnu, la connaissance effective de la date de la vente, et sans caractériser la connaissance de cette date qui ne peut ressortir des actes préparatoires à celle-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes en nullité du bail et de la cession, l'arrêt rendu le 10 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. et Mme X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X...et les condamne à payer aux consorts Y...la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour les consorts Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:
En ce que l'arrêt attaqué confirme le jugement déclarant irrecevable l'action diligentée par les consorts Y...concernant le droit de préemption,
Aux motifs qu'en application de l'article L. 412-12 du code rural, le preneur dispose d'un délai de 6 mois à compter du jour où il a eu connaissance de la date de la vente pour agir en justice et faire annuler la vente conclue avec un tiers au mépris de son droit de préemption. Il appartient au bailleur et à l'acquéreur d'établir que le preneur est forclos et cette preuve peut être établie par tous moyens. Le point de départ de ce délai de forclusion est fixé à la date de la connaissance de la date de la vente par le fermier. Il ressort du dossier que, préalablement à la vente des parcelles en cause, un géomètre-expert est intervenu à l'effet de modifier le parcellaire cadastral pour délimiter la propriété des futurs acquéreurs Z.... M. Roger Y...a été convoqué le 29 avril 2009 au bornage en qualité de représentant légal du GFA de Larouset, lequel était alors constitué avec son épouse mais également avec ses fils Dominique Y..., Jean-François Y...et Stéphane Y.... M. Roger Y...a reçu le document de la division parcellaire qui a été adressé le 5 juin 2009 et portant la mention " cession consorts X.../ Z... ". Or les parcelles objet du bail rural de 1981 et notamment les parcelles C402 et C404 ont été cédées à Dominique Y..., Jean-François Y...et Stéphane Y...par l'acte de cession de bail du 5 mars 2002 et sont exploitées depuis 2005 par le GFA de Larouset (porté au parcellaire MSA du 30 novembre 2011 par erreurs sous l'appellation de SCEA Y...en l'absence de modification du nom de l'exploitant précédent). Il y a lieu de retenir que les associés du GFA du Larouset ont donc été nécessairement informés du projet de vente par M. Christian X...aux époux Z... tant en leur qualité de propriétaire voisin appelé au bornage qu'en leur qualité de fermiers des parcelles litigieuses. Les consorts Y..., membres du GFA de Larouset, ne peuvent prétendre sérieusement que les bornes K et L portées sur le plan de bornage n'ont pas été placées sur le terrain, ce, de façon clandestine à leur égard alors que le plan de bornage et de division mentionne expressément que ces points ne sont pas bornés et que l'attestation de l'expert-géomètre établit que cette situation résulte de l'accord commun des parties. Par ailleurs, il résulte des explications concordantes des parties qu'à la suite immédiate des opérations de bornage et de division parcellaire relative à la vente X.../ Z..., les consorts Y..., fermiers, ont modifié le système d'irrigation des parcelles exploitées qui prélevait l'eau sur la parcelle C401 (non comprise dans le bail et vendue par X...à Z...). Ces travaux de modification du système d'irrigation sont manifestement liés à la vente projetée X.../ Z..., la tolérance antérieure de puisage de l'eau au profit des fermiers sur la parcelle C401 et le passage de ce système sur la parcelle C404 devenant caducs du fait du transfert de propriété. Enfin l'acte de vente a fait l'objet d'une publication à la conservation des hypothèques de Muret le 20 novembre 2009. Ainsi, la publication de la vente immobilière rendant opposable l'acte aux tiers, précédée de l'acte préparatoire de division parcellaire préalable à la vente, dont ont eu parfaitement connaissance les fermiers et des travaux de modification d'irrigation sur l'une des parcelles concernées par la vente, engagés concomitamment par les consorts Y..., permettent d'établir que les fermiers ont eu connaissance de la date de la vente immobilière des parcelles litigieuses, au plus tard, à la date de sa publication et non le 30 novembre 2011 comme ils le prétendent ; Et aux motifs du jugement confirmé qu'en droit, le preneur dispose d'un délai de six mois à compter du jour où il a eu connaissance de la date de la vente pour agir en justice et faire annuler la vente avec un tiers au mépris de son droit de préemption (article L 412-23 al 3 du code rural). Il appartient au bailleur et à l'acquéreur d'établir que le preneur est forclos et cette preuve peut être établie par tout moyen. Le point de départ de ce délai de forclusion peut être fixé à la date de connaissance de la vente par le fermier (Cass. 3e Civ., 23 avril 1971, Cass. 3° Civ., 4 mars 1980). Or, il résulte du dossier que, préalablement à la vente des parcelles en cause, un géorriètre-expert est intervenu sur les lieux à 1'effet de modifier le parcellaire cadastral pour délimiter la propriété des acquéreurs futurs les époux Z..., que les fermiers ont été convoqués le 9 avril 2009 à ces opérations avec mention des parcelles en cause sur la convocation, qu'une attestation du géomètre Francesconi fait mention de la présence de Roger Y...aux opérations de bornage du 23 avril 2009, que le nouveau parcellaire a été communiqué par le géomètre à Roger Y...le 5 juin 2009 (document d'arpentage en date du 20 mai 2009 page 4 de 1'acte de vente), qu'il a entraîné notamment la division de la parcelle 404 en deux parcelles 1287 (Z...) et 1288 (X...), ce qui démontre la parfaite connaissance du ou des fermiers du projet de vente, qu'ils ne sauraient donc soutenir valablement n'avoir eu connaissance que fin novembre 2011 d'une modification de la structure de leur parcellaire laissant présager la vente d'une partie des biens loués, qu'ils ont d'ailleurs postérieurement à la vente modifié l'implantation de leur système d'irrigation, que les fermiers sont donc forclos en leur demandes en ayant délivré l'assignation introductive d'instance le 26 mars 2012.
1°/ Alors qu'au cas où le droit de préemption n'aurait pu être exercé par suite de la non-exécution des obligations dont le bailleur est tenu en application de la présente section, le preneur est recevable à intenter une action en nullité de la vente et en dommages-intérêts devant les tribunaux paritaires dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la vente lui est connue, à peine de forclusion ; que la cour d'appel, pour confirmer le jugement déclarant déclarant irrecevable l'action diligentée par les consorts Y...concernant le droit de préemption, a retenu que la publication de la vente immobilière rendant opposable l'acte aux tiers, précédée de l'acte préparatoire de division parcellaire préalable à la vente, dont avaient eu parfaitement connaissance les fermiers et des travaux de modification d'irrigation sur l'une des parcelles concernées par la vente, engagés concomitamment par les consorts Y..., permettaient d'établir que les fermiers ont eu connaissance de la date de la vente immobilière des parcelles litigieuses, au plus tard, à la date de sa publication et non le 30 novembre 2011 ; qu'en statuant ainsi, en constatant seulement la connaissance par les preneurs du projet de vente et la possibilité de connaître par la publicité foncière la vente une fois intervenue et sa date, la cour d'appel a violé l'article L. 412-12, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime ;
2°/ Alors que si le droit à un tribunal, dont le droit d'accès concret et effectif constitue un aspect, n'est pas absolu, les conditions de recevabilité d'un recours ne peuvent toutefois en restreindre l'exercice au point qu'il se trouve atteint dans sa substance même ; que la cour d'appel, pour confirmer le jugement déclarant déclarant irrecevable l'action diligentée par les consorts Y...concernant le droit de préemption, a retenu qu'en application de l'article L. 412-12 du code rural, le preneur dispose d'un délai de 6 mois à compter du jour où il a eu connaissance de la date de la vente pour agir en justice et faire annuler la vente conclue avec un tiers au mépris de son droit de préemption, et que la publication de la vente immobilière rendant opposable l'acte aux tiers, précédée de l'acte préparatoire de division parcellaire préalable à la vente, dont avaient eu parfaitement connaissance les fermiers et des travaux de modification d'irrigation sur l'une des parcelles concernées par la vente, engagés concomitamment par les consorts Y..., permettaient d'établir que les fermiers ont eu connaissance de la date de la vente immobilière des parcelles litigieuses, au plus tard, à la date de sa publication et non le 30 novembre 2011 ; qu'en statuant ainsi, bien que l'effectivité du recours du preneur, bénéficiaire d'un droit de préemption, et auquel les conditions de la vente doivent être notifiées en application de l'article L. 412-8 du code rural et de la pêche maritime, ne soient pas assurée par la simple connaissance d'un projet de vente et de la possibilité de connaître par la publicité foncière la vente une fois intervenue et sa date, la cour d'appel a violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:
En ce que l'arrêt attaqué confirme le jugement « rejetant toutes prétentions contraires des parties », et déclarant irrecevable l'action diligentée par les consorts Y...concernant le droit de préemption,
1°/ Alors que tout jugement doit, à peine de nullité être motivé ; que la cour d'appel, qui a confirmé le jugement « rejetant toute prétention contraire des parties », et déclarant irrecevable l'action diligentée par les consorts Y...concernant le droit de préemption, sans motiver sa décision rejetant la demande d'expulsion, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ Alors, subsidiairement, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé (article 5 du même code) ; que les consorts Y..., ayant demandé devant le tribunal paritaire l'expulsion de tout occupant des lieux sous astreinte ont sollicité devant la cour d'appel, en tout état de cause, l'expulsion de tous occupants des lieux loués (actuellement C402 et 404 en partie), en faisant valoir que le bailleur devait à son preneur une jouissance paisible des biens loués ; que la cour d'appel, qui a confirmé le jugement déclarant irrecevable l'action diligentée par les consorts Y...concernant le droit de préemption, a ainsi déclaré irrecevable la demande d'expulsion de tous occupants, bien que celle-ci n'était pas fondée sur le droit de préemption, mais sur le droit de jouissance du preneur, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ Alors, en tout état de cause, que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de faire jouir paisiblement de la chose louée le preneur pendant la durée du bail ; que la cour d'appel, qui a confirmé le jugement déclarant irrecevable l'action diligentée par les consorts Y...concernant le droit de préemption, a ainsi déclaré irrecevable la demande d'expulsion de tous occupants,


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-20783
Date de la décision : 22/09/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL RURAL - Bail à ferme - Préemption - Nullité de la vente - Délai d'exercice - Point de départ - Publication de l'acte de vente à la conservation des hypothèques - Portée

BAIL RURAL - Bail à ferme - Préemption - Nullité de la vente - Délai d'exercice - Point de départ - Connaissance par le preneur de la réalisation d'actes préparatoires à la vente - Portée BAIL RURAL - Bail à ferme - Préemption - Nullité de la vente - Délai d'exercice - Point de départ - Jour de la connaissance de la date de la vente

Pour l'exercice, par un preneur à bail rural en place, de l'action en nullité prévue par l'article L. 412-12 du code rural et de la pêche maritime, ni la publication de l'acte de vente à la conservation des hypothèques, ni la connaissance par le preneur de la réalisation d'actes préparatoires à la vente ne font, à elles seules, courir le délai de forclusion de six mois imparti par ce texte, ce délai ne courant qu'à compter de la connaissance effective de la date de la vente


Références :

article L. 412-12 du code rural et de la pêche maritime

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 10 avril 2015

Sur le point de départ du délai d'exercice de l'action en nullité de la vente prévue par l'article L. 412-12 du code rural et de la pêche maritime, à rapprocher :3e Civ., 15 février 1995, pourvoi n° 92-18776, Bull. 1995, III, n° 52 (cassation), et les arrêts cités ;3e Civ., 23 novembre 2011, pourvois n° 10-10.788 et 10-15.410, Bull. 2011, III, n° 201 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 22 sep. 2016, pourvoi n°15-20783, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat général : Mme Salvat (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Dagneaux
Avocat(s) : SCP Ohl et Vexliard, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.20783
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award