Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Agness X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 29 octobre 2015, qui s'est déclarée incompétente, dans la procédure suivie contre M. Jon Y...du chef de diffamation publique envers un particulier ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 7 juin 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Finidori, Buisson, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lagauche ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller BONNAL, les observations de Me RÉMY-CORLAY, avocat en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;
Vu les mémoires, personnel et en défense, produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 113-2 du code pénal ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 113-2 du code pénal et 29, 1er alinéa, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de la procédure que Mme X..., de nationalités américaine et japonaise, et sa soeur, Mme A..., de nationalité japonaise, toutes deux domiciliées au Japon, ont fait citer M. Y..., de nationalité sud-africaine, devant le tribunal correctionnel, du chef de diffamation publique envers des particuliers, en raison de deux textes en langue anglaise mis en ligne sur le site internet accessible à l'adresse kickstarter. com et évoquant les relations professionnelles entretenues au Japon par les intéressés ; que les juges du premier degré se sont déclarés incompétents ; que les parties civiles ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer la décision entreprise, l'arrêt énonce que, si les infractions de presse sont réputées commises en tout lieu où les propos incriminés ont été reçus, lorsque ces derniers ont été diffusés sur le réseau internet, la compétence territoriale du tribunal français saisi, qui ne saurait être universelle, ne peut être retenue que si les pages du site les contenant sont à destination du public français ; que les juges ajoutent que, ni les propos, en langue anglaise, qui visent des personnes de nationalité japonaise et/ ou américaine domiciliées au Japon et portent sur des événements qui se sont déroulés dans ce pays, ni le site internet américain sur lequel ils ont été mis en ligne par une personne qui n'était pas de nationalité française, ne sont orientés vers le public français, peu important que ce site soit accessible depuis le territoire national ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, dès lors qu'en l'absence de tout critère rattachant au territoire de la République les propos incriminés, la circonstance que ceux-ci, du fait de leur diffusion sur le réseau internet, aient été accessibles depuis ledit territoire ne caractérisait pas, à elle seule, un acte de publication sur ce territoire rendant le juge français compétent pour en connaître ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que Mme X... devra payer à M. Y...au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze juillet deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.