LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 mars 2015) qu'après un contrôle portant sur les années 2008 à 2010, l'URSSAF de Charente, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Poitou-Charentes (l'URSSAF) a notifié à la société Jas Hennessy et Cie (la société) une lettre d'observations portant réintégration dans l'assiette des cotisations et contributions sociales, de sommes versées par l'association Institut social Hennessy au bénéfice des enfants des salariés au titre, d'une part, de bourses d'études, d'autre part, de comptes bancaires ( dit « compte dotal ») pouvant être débloqués à leur majorité, puis une mise en demeure le 21 décembre 2011 de payer un certain montant de cotisations et majorations de retard ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de valider le redressement du chef des sommes versées au « compte dotal », alors, selon le moyen :
1°/ que pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que les versements annuels effectués par l'Institut social Hennessy sur le compte dotal étaient opérés au bénéfice non des salariés de la société Jas Hennessy et Cie, mais de leurs enfants, qui avaient vocation à en bénéficier après leur majorité ; qu'en retenant, pour considérer qu'elles devaient être soumises à cotisations, qu'il était « indifférent que les sommes qui y sont abondées soient versées non au salarié mais à son enfant à l'occasion de ses 19 ans, dès lors que c'est bien à l'occasion de la relation de travail entre société Jas Hennessy et Cie et son salarié que cette somme est versée à son enfant lors de ses 19 ans », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations au regard de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, qu'elle a ainsi violé ;
2°/ qu'en ajoutant, s'agissant du compte dotal, que « de même il importe peu que les sommes figurant au compte dotal soient versées par l'Institut social Hennessy et non par la société dès lors que c'est le financement par l'employeur de cette association qui donne lieu au redressement », quand il résulte des énonciations mêmes de l'arrêt et du jugement et des écritures des parties que le redressement portait sur les sommes versées par l'Institut social Hennessy sur le compte dotal et non sur le financement de l'Institut social Hennessy par la société Jas Hennessy et Cie, la cour d'appel a méconnu les termes du litige qui lui était soumis, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, selon l'article L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail ainsi que les avantages en argent et en nature ; qu'il importe peu, pour l'application de ces dispositions, que les sommes et avantages soient perçues par l'intermédiaire de tiers ;
Et attendu que l'arrêt retient, d'une part, qu'il est indifférent que les sommes qui sont abondées au compte dotal, soient versées non au salarié mais à son enfant à l'occasion de ses 19 ans, dès lors que c'est bien à l'occasion de la relation de travail entre la société JAS Hennessy et cie et son salarié que cette somme est versée à son enfant lors de ses 19 ans, d'autre part, que ce versement a un caractère automatique, annuel et uniforme et à ce titre ne peut s'analyser en un secours exceptionnel dans une situation particulièrement digne d'intérêt, enfin, qu'il est indifférent que cette gratification ait un caractère social certainement apprécié des salariés de la société Jas Hennessy et Cie et de leurs enfants, dès lors qu'elle ne répond pas aux critères d'exonération dérogatoire à un assujettissement de principe des avantages en nature ;
Que de ces constatations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les termes du litige, a exactement déduit que les sommes versées sur le compte dotal ouvert au bénéfice des enfants des salariés par l'Institut social Hennessy dont le financement est assuré par un concours financier de la société, revêtaient le caractère de sommes versées à l'occasion du travail, de sorte qu'elles entraient dans l'assiette de cotisations et contributions sociales dues par la société ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche du moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Jas Hennessy et Cie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Jas Hennessy et Cie et la condamne à payer à l'URSSAF de Poitou-Charentes la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Jas Hennessy et Cie
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé le redressement effectué par l'URSSAF de la Charente à l'encontre de la société JAS HENNESSY et Cie pour la somme de 310.410 euros en principal ;
Aux motifs propres qu'en application de l'article L.242-1 alinéa 1er du code de la sécurité sociale, pour le calculs des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérés comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenus pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. La circulaire ACOSS du 14 février 1986 prévoit expressément que doivent être soumises à cotisations les prestations à caractère familial telles que les primes de scolarité, d'études ou de rentrée scolaire. Sont cependant exclus les avantages alloués par le comité d'entreprise s'ils ont le caractère de secours. S'agissant d'une dérogation au principe de l'analyse en avantages en nature soumis à cotisations, cette dérogation doit faire l'objet d'une interprétation stricte. La société JAS HENNESSY et Cie fait valoir que tel est le cas des sommes versées par l'INSTITUT SOCIAL HENNESSY, qui est une association émanation du comité d'entreprise financée par l'employeur, dans le cadre de la promotion d'une politique nataliste ancienne à laquelle sont attachés les salariés, et que les sommes versées sont individualisées et non automatiques pour les bourses d'étude et accordées après étude du dossier, et pour le compte dotal, qui n'est pas perçu par le salarié luimême, visent à aider à l'installation dans la vie des enfants des salariés. L'URSSAF fait valoir qu'il s'agit d'un régime dérogatoire d'interprétation stricte et que le recours à la notion de secours est artificiel, que les bourses sont accordées à tous les enfants de tous les salariés, selon des normes objectives et préétablies et non de manière exceptionnelle et personnalisée, et que l'abondement du compte dotal (130 euros par an) a un caractère automatique en son principe et en son montant. C'est par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la Cour adopte que le Premier juge a tant en ce qui concerne les bourses d'étude que le compte dotal validé le redressement et confirmé la décision de la Commission de recours amiable. S'agissant des bourses d'étude, quand bien même elles sont attribuées par un comité après étude du dossier, il apparaît qu'elles ont un caractère automatique dès lors que la demande est formée et le dossier complet et que leur montant ne correspond pas à un secours situation exceptionnelle digne d'intérêt mais à un montant préfixé qui dépend du niveau d'études, avant ou après baccalauréat, et du dépassement ou non par le salarié d'un revenu annuel pour une famille de deux enfants de 45.000 euros, la bourse étant d'un montant uniforme de 1.700 euros si le revenu est inférieur à cette somme et de 1.000 euros s'il est supérieur, et que la bourse est attribuée selon des normes préétablies et des critères objectifs et non subjectifs. S'agissant du compte dotal, d'une part, il est indifférent que les sommes qui y sont abondées soient versées non au salarié mais à son enfant à l'occasion de ses 19 ans, dès lors que c'est bien à l'occasion de la relation de travail entre société JAS HENNESSY et Cie et son salarié que cette somme est versée à son enfant lors de ses 19 ans. D'autre part, ce versement a un caractère automatique, annuel et uniforme et à ce titre ne peut s'analyser en un secours exceptionnel dans une situation particulièrement digne d'intérêt. Il est indifférent que cette gratification ait un caractère social certainement apprécié des salariés de la société JAS HENNESSY et Cie et de leurs enfants dès lors qu'elle ne répond pas aux critères d'exonération dérogatoire à un assujettissement de principe des avantages en nature. De même il importe peu que les sommes figurant au compte dotal soient versées par l'INSTITUT SOCIAL HENNESSY et non par la société dès lors que c'est le financement par l'employeur de cette association qui donne lieu au redressement. Enfin, au regard des précédents invoqués par l'URSSAF et mentionnés par la société JAS HENNESSY et Cie, d'où il ressort que l'URSSAF a une position constante sur cette question récurrente, nonobstant la renonciation à recouvrement sur une certaine période à la suite d'une intervention politique et une annulation de redressement pour vice de forme, il apparaît que la société JAS HENNESSY et Cie était parfaitement informée du risque de redressement si elle poursuivait cette pratique ;
Et aux motifs adoptés que sur les bourses d'étude, l'article L 242-2 du code de la sécurité sociale pose le principe de l'universalité de l'assiette des cotisations. Ainsi toute somme ou avantage en nature versé à un salarié est soumis à cotisations sauf si son exonération est expressément prévue. En application de ce texte la Cour de cassation a élaboré une jurisprudence constante qui vise à soumettre à cotisation les avantages alloués par les comités d'entreprise, à l'exception de ceux ayant le caractère de secours. Cette jurisprudence retient une acceptation stricte de la notion de secours : cette qualification n'est retenue que pour des versements exceptionnels liés à des situations particulièrement dignes d'intérêt, permettant de faire face à une situation passagère de gêne ou de détresse. En particulier, la notion de secours est exclue lorsque l'attribution des bourses repose sur des critères objectifs et des normes préétablies. En l'espèce, il résulte du procès-verbal de contrôle des inspecteurs de l'URSSAF que les bourses d'études sont susceptibles d'être accordées à tous les enfants des salariés Hennessy. Cette aide n'est pas soumise à condition de ressources : seul le montant varie en fonction du niveau d'études suivi (avant ou après le baccalauréat) et des revenus de la famille : le plafond de prise en charge des dépenses de scolarité pour des études après baccalauréat s'élève à la somme de 1.700 euros pour une famille de deux enfants ayant des ressources annuelles inférieures à 45.000 euros alors qu'il est réduit à la somme de 1.000 euros si cette même famille dispose de revenus supérieurs à 45.000 euros. Ainsi l'attribution de ces bourses d'étude n'est pas liée à des situations particulièrement dignes d'intérêt ou à des situations financières précaires. Le fait que cette aide soit accordée après examen du dossier par une Commission ne confère pas à cet avantage la nature d'un secours. La société JAS Hennessy et Cie ne rapporte pas la preuve que les bourses d'études ne seraient versées que de manière exceptionnelle en tenant compte de l'état de besoins des familles. En conséquence, les sommes versées à ce titre ne peuvent échapper aux cotisations sociales. Sur le compte dotal, la société JAS Hennessy et Cie ne conteste pas qu'il s'agit de sommes versées annuellement au bénéfice de tous les enfants des salariés Hennessy, donc à l'occasion de leur travail et sans considération d'un état de besoin des bénéficiaires. Le montant du versement par enfant et par an est identique, sans considération des ressources et besoins des familles. L'inspecteur a donc, à bon droit, réintégré dans l'assiette des cotisations le montant total des sommes versées aux salariés au titre des bourses d'étude et du compte dotal ;
Alors, d'une part, que pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail ; qu'en soumettant à cotisations les sommes versées par l'INSTITUT SOCIAL HENNESSY au titre des bourses d'études des enfants des salariés de la société JAS HENNESSY et Cie, après avoir constaté qu'elles étaient « attribuées par un comité après étude du dossier », en ce qu'elles auraient cependant « un caractère automatique dès lors que la demande est formée et le dossier complet et que leur montant ne correspond pas à un secours dans situation exceptionnelle digne d'intérêt mais à un montant préfixé qui dépend du niveau d'études, avant ou après baccalauréat, et du dépassement ou non par le salarié d'un revenu annuel pour une famille de deux enfants de 45.000 euros, la bourse étant d'un montant uniforme de 1.700 euros si le revenu est inférieur à cette somme et de 1.000 euros s'il est supérieur », de sorte qu'elles seraient « attribuée(s) selon des normes préétablies et des critères objectifs et non subjectifs » et ne pourraient donc avoir le caractère de secours, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, concrètement, indépendamment du caractère forfaitaire de leur montant, ces bourses d'études n'étaient pas allouées, en fait, au titre des secours prévus par l'article 16 des statuts de l'INSTITUT SOCIAL HENNESSY, selon lequel « lorsque la situation particulière d'un membre de l'entreprise fera apparaître la nécessité d'un secours exceptionnel et spécial, temporaire, la Commission attribuera ce secours avec un montant et des modalités qu'elle fixera, de façon à assurer une aide efficace », non pas de manière régulière et systématique à l'ensemble du personnel dont les enfants poursuivaient leur scolarité mais de façon exceptionnelle, après examen de la situation individuelle de leurs bénéficiaires, lorsque celle-ci était considérée comme particulièrement digne d'intérêt, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale ;
Alors, d'autre part, que pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que les versements annuels effectués par l'INSTITUT SOCIAL HENNESSY sur le compte dotal étaient opérés au bénéfice non des salariés de la société JAS HENNESSY et Cie, mais de leurs enfants, qui avaient vocation à en bénéficier après leur majorité ; qu'en retenant, pour considérer qu'elles devaient être soumises à cotisations, qu'il était « indifférent que les sommes qui y sont abondées soient versées non au salarié mais à son enfant à l'occasion de ses 19 ans, dès lors que c'est bien à l'occasion de la relation de travail entre société JAS HENNESSY et Cie et son salarié que cette somme est versée à son enfant lors de ses 19 ans », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations au regard de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, qu'elle a ainsi violé ;
Et alors, enfin, qu'en ajoutant, s'agissant du compte dotal, que « de même il importe peu que les sommes figurant au compte dotal soient versées par l'INSTITUT SOCIAL HENNESSY et non par la société dès lors que c'est le financement par l'employeur de cette association qui donne lieu au redressement », quand il résulte des énonciations mêmes de l'arrêt et du jugement et des écritures des parties que le redressement portait sur les sommes versées par l'INSTITUT SOCIAL HENNESSY sur le compte dotal et non sur le financement de l'INSTITUT SOCIAL HENNESSY par la société JAS HENNESSY et Cie, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige qui lui était soumis, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile.