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08/06/2016 | FRANCE | N°16-81912

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 juin 2016, 16-81912


N° R 16-81.912 FS-P+B
N° 3556

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit juin deux mille seize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
CASSATION sur le pourvoi formé par M. X..., contre l'arrêt n° 336 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 11 mars 2016, qui, dans la procédure d'extraditio

n suivie contre lui à la demande du gouvernement ukrainien, a rejeté sa de...

N° R 16-81.912 FS-P+B
N° 3556

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit juin deux mille seize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
CASSATION sur le pourvoi formé par M. X..., contre l'arrêt n° 336 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 11 mars 2016, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement ukrainien, a rejeté sa demande de mise en liberté ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 9 de la Déclaration des droits de l'homme et 66 de la Constitution, 5, § 1, f, et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté ;
"1°) alors que seul le déroulement de la procédure d'extradition justifie la privation de liberté ; que, par arrêt définitif du 24 octobre 2014, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon a émis un avis favorable à la demande d'extradition formée par l'Ukraine ainsi que, par arrêt définitif du même jour, à la demande d'extradition parallèlement formée par la Fédération de Russie, avec priorité accordée à la remise de M. X... à la Russie ; que le gouvernement a consécutivement pris un décret d'extradition en faveur de la Russie le 17 septembre 2015 ; que la décision de la chambre de l'instruction en faveur de la Russie faisant obstacle à la remise de M. X... aux autorités ukrainiennes, le maintien de ce dernier sous écrou extraditionnel dans le cadre de la demande ukrainienne n'est plus justifié par les strictes nécessités de la présente procédure ; que la cassation interviendra sans renvoi et avec remise en liberté immédiate si M. X... n'est détenu pour autre cause ;
"2°) alors que la privation de liberté d'une personne placée sous écrou extraditionnel en vue d'être jugée par un Etat étranger pour des faits de nature correctionnelle et qui, comme en l'espèce, excède le maximum de la détention provisoire autorisée sur le territoire français pour ce type de faits, constitue une rigueur non nécessaire au sens de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et une privation de liberté d'une durée excessive au sens de l'article 5, § 1, f, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"3°) alors que si la procédure d'extradition n'est pas menée par les autorités avec la diligence requise, la détention cesse d'être justifiée au regard de l'article 5, § 1, f, de la Convention européenne des droits de l'homme ; que le fait que l'intéressé ait normalement exercé les voies de recours qui lui sont ouvertes ne décharge pas l'Etat des conséquences d'un retard injustifié ; qu'en déniant à M. X... le droit d'invoquer la durée déraisonnable de sa privation de liberté au motif qu'il a exercé de nombreuses voies de recours et que l'article 5, § 3, de la Convention ne trouve pas à s'appliquer, la chambre de l'instruction a violé l'article 5, § 1, f, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"4°) alors que M. X... est placé sous écrou extraditionnel et privé de liberté depuis le 1er août 2013 ; qu'un délai de plus d'un an s'est écoulé depuis l'arrêt de la Cour de cassation, du 4 mars 2015, ayant rejeté le pourvoi formé contre l'avis favorable de la chambre de l'instruction, sans qu'aucun décret d'extradition n'ait été pris au profit de l'Ukraine, en sorte que la durée de la privation de liberté de M. X... dans le cadre de la présente procédure d'extradition a, de ce seul fait, excédé un délai raisonnable, en violation de l'article 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ; que la cassation interviendra sans renvoi et avec remise en liberté immédiate s'il n'est détenu pour autre cause ;
"5°) alors qu'en s'abstenant de répondre autrement que par un rappel insuffisant des décisions intervenues durant la procédure, aux écritures précises et circonstanciées de M. X... faisant état d'un certain nombre de retards pris du fait des autorités (mandat d'arrêt transmis tardivement, délai de presque cinq mois entre la notification de la demande et son examen le 12 décembre 2013, demande de renvoi du parquet non justifiée par un élément nouveau...) et en ne s'expliquant notamment pas, bien qu'elle y fût expressément invitée, sur l'absence de suite donnée à l'avis favorable à l'extradition devenu définitif depuis le 4 mars 2015, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5, § 1, f, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"6°) alors que l'arrêt n'a pas répondu au moyen tiré de la violation du droit au respect de la vie privée et familiale de M. X..., privant ainsi sa décision de motifs" ;
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Attendu que le moyen, en sa première branche, est nouveau et comme tel irrecevable pour ne pas avoir été proposé par le demandeur dans le mémoire déposé devant la chambre de l'instruction ;
Mais sur le moyen, pris en ses autres branches :
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 5, § 1, f, et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X... a été placé sous écrou extraditionnel respectivement le 1er août 2013 dans le cadre d'une demande d'extradition présentée par le gouvernement ukrainien puis le 5 novembre suivant à la suite d'une demande formée par le gouvernement russe ; que, par arrêts du 24 octobre 2014, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, statuant sur renvoi après cassation, a donné un avis favorable assorti de réserves à chacune de ces demandes ; que les pourvois formés par M. X... ont été rejetés par arrêts de la Cour de cassation du 4 mars 2015 ; qu'un décret du 17 septembre suivant a fait droit à la demande d'extradition présentée par le gouvernement russe, M. X... ayant ensuite exercé un recours devant le Conseil d'Etat contre cette décision ; qu'en revanche, aucun décret n'a été pris concernant la demande présentée par le gouvernement ukrainien ;
Attendu que, pour rejeter la demande de mise en liberté formée par l'intéressé, qui invoquait la durée excessive de sa privation de liberté et l'atteinte injustifiée portée au respect de sa vie familiale, la chambre de l'instruction, après avoir relevé que la procédure avait été menée avec toute la diligence requise, a retenu que la personne réclamée ne pouvait, s'agissant de la durée de sa détention, invoquer la violation du principe du délai raisonnable, prévu par l'article 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, inapplicable en matière d'extradition ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par la personne réclamée dans ses conclusions, si les autorités françaises conduisaient la procédure d'extradition avec une diligence suffisante, de sorte que la durée de la privation de liberté n'excédait pas le délai raisonnable nécessaire pour atteindre le but visé par l'article 5, § 1, f, de la Convention précitée, et, en outre, sans répondre à l'articulation essentielle du mémoire de l'intéressé invoquant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le premier moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 11 mars 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre d'instruction de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guérin, président, Mme Caron, conseiller rapporteur, MM. Castel, Raybaud, Moreau, Mme Drai, M. Stephan, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Béghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Bonnet ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-81912
Date de la décision : 08/06/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

EXTRADITION - Chambre de l'instruction - Détention extraditionnelle - Durée - Délai raisonnable - Appréciation - Diligences suffisantes dans la conduite de la procédure d'extradition - Recherche nécessaire

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté - Privation - Cas - Détention - Détention extraditionnelle - Durée - Délai raisonnable - Appréciation - Diligences suffisantes dans la conduite de la procédure d'extradition - Recherche nécessaire

Lorsqu'elle en est requise, dans des conclusions régulièrement déposées, par la personne placée sous écrou extraditionnel qui demande sa mise en liberté en invoquant la durée excessive de sa privation de liberté au regard des nécessités de la procédure, la chambre de l'instruction est tenue d'examiner si les autorités françaises conduisent la procédure d'extradition avec une diligence suffisante, de sorte que la durée de la privation de liberté n'excède pas le délai raisonnable nécessaire pour atteindre le but visé par l'article 5, § 1, f, de la Convention européenne des droits de l'homme


Références :

article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, 11 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 jui. 2016, pourvoi n°16-81912, Bull. crim. criminel 2016, n° 175
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2016, n° 175

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Bonnet
Rapporteur ?: Mme Caron
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:16.81912
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