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26/05/2016 | FRANCE | N°15-16094

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 26 mai 2016, 15-16094


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X... (l'assuré), chirurgien-dentiste, père de quatre enfants, a, le 15 février 2010, saisi la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes (la Caisse) pour obtenir le bénéfice de la mesure de départ anticipé en retr

aite prévue, en faveur des femmes chirurgiens-dentistes ayant élevé un ou...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X... (l'assuré), chirurgien-dentiste, père de quatre enfants, a, le 15 février 2010, saisi la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes (la Caisse) pour obtenir le bénéfice de la mesure de départ anticipé en retraite prévue, en faveur des femmes chirurgiens-dentistes ayant élevé un ou plusieurs enfants, par les statuts du régime d'assurance vieillesse complémentaire de la section professionnelle des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes ; qu'un refus lui ayant été opposé par la Caisse, il a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la Caisse fait grief à l'arrêt, accueillant partiellement le recours de l'assuré, de juger que les dispositions statutaires litigieuses caractérisent, au détriment des pères, une discrimination prohibée et de dire que l'intéressé pouvait faire valoir ses droits à retraite à partir de soixante et un ans sans coefficient de minoration, en application de l'article 20 ancien des statuts, alors, selon le moyen :
1°/ que, lorsqu'une pièce est mentionnée au bordereau de communication de pièces annexé aux conclusions écrites d'une partie et qu'aucune contestation n'a été élevée quant à la production et la communication de cette pièce, les juges du fond ne peuvent considérer, pour statuer, que la pièce n'a pas été produite, sans interpeller l'auteur de la production pour recueillir ses observations ; que tel n'a pas été le cas en l'espèce ; que l'arrêt encourt la censure pour violation de l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ qu'aucun texte, ni aucun principe ne fait obstacle à ce qu'un assuré invite une caisse à statuer sur sa situation lors de la liquidation de ses droits à retraite, et ce par anticipation ; qu'en traitant la demande du 12 novembre 2006 comme prématurée, pour s'opposer à l'autorité de la chose décidée attachée à la décision du 15 décembre 2006, les juges du fond ont commis une erreur de droit et violé les articles 14 et 20 ancien et 19 nouveau des statuts du régime d'assurance vieillesse complémentaire de la section professionnelle des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, ensemble la règle suivant laquelle une décision d'une caisse devenue définitive est revêtue de l'autorité de la chose décidée ;
3°/ que, dès lors qu'à l'occasion de sa demande du 12 novembre 2006, M. X... a invité la caisse à décider qu'il pouvait bénéficier, au titre des enfants, des mêmes avantages que les femmes exerçant la profession de chirurgien-dentiste et qu'aux termes de sa lettre du 15 février 2010, il a formulé une demande ayant le même objet, l'autorité de chose décidée, attachée à la décision du 15 décembre 2006, s'opposait à la recevabilité de la seconde demande ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 14 et 20 ancien et 19 nouveau des statuts du régime d'assurance vieillesse complémentaire de la section professionnelle des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, ensemble le principe suivant lequel la décision de la caisse devenue définitive est revêtue de l'autorité de la chose décidée ;
4°/ que les juges du fond ont fait état à tort de la jurisprudence résultant de l'arrêt Podesta (CJUE, 25 mai 2000, C-50/99) ; qu'en effet, la solution posée par la Cour de justice de l'Union européenne ne concerne pas les régimes de sécurité sociale procédant de la loi tel que le régime complémentaire géré par la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes ; que de ce point de vue, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ensemble le principe suivant lequel la décision de la caisse devenue définitive est revêtue de l'autorité de la chose décidée ;
Mais attendu que l'autorité attachée à la décision de rejet d'une décision de commission de recours amiable non frappée de recours juridictionnel dans le délai prévu par l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale ne peut être opposée à l'assuré en cas de circonstances nouvelles survenues après cette décision, résultant d'une modification des textes applicables ;
Et attendu que l'arrêt retient qu'une modification des dispositions statutaires a été approuvée par un arrêté ministériel du 13 avril 2011 et que l'irrecevabilité soulevée par la Caisse doit être écartée en l'absence d'identité du texte litigieux ;
Que, par ce seul motif, la cour d'appel a légalement justifiée sa décision ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 19 des statuts du régime d'assurance vieillesse complémentaire de la section professionnelle des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes approuvés par l'arrêté ministériel du 13 avril 2011, ensemble l'article 2 du code civil ;
Attendu que pour accueillir partiellement la demande de l'assuré, né en 1951, et décider que celui-ci peut faire valoir ses droits à la retraite à l'âge de soixante et un ans, sans coefficient de minoration, en application de l'article 20 ancien des statuts, l'arrêt retient que cette disposition statutaire, seule applicable aux faits de l'espèce compte tenu de la date à laquelle est intervenue la décision de la Caisse, établit une discrimination non justifiée au détriment des hommes ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les règles qui déterminent les conditions d'ouverture et le calcul de la prestation de retraite sont celles en vigueur au jour de l'entrée en jouissance de celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir et débouté M. X... de ses autres demandes, l'arrêt rendu le 10 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a déclaré la demande de Monsieur X... recevable, puis décidé que la discrimination directe subie par les pères par application de l'article 20 ancien de la CARCDSF était contraire au principe de non-discrimination tel que prévu par l'article 14 de la CESDH et de l'article 1er du protocole additionnel, ainsi que par l'article 157 du TFUE et la directive n°86/378, et dit que Monsieur X... pouvait faire valoir ses droits à retraite à partir de 61 ans sans coefficient de minoration en application de l'article 20 ancien des statuts de la CARCDSF ;
AUX MOTIFS QUE « la Caisse soutient que par courrier du 12 novembre 2006, Monsieur X... lui avait déjà fait part de sa volonté de bénéficier des dispositions de 14 du Régime Complémentaire en ces termes : « Je vous demande de bien vouloir me taire bénéficier des mesures de l'article 14 du RC comportant une mesure discriminatoire en faveur des femmes. Au cas où vous ne donniez pas une suite favorable à cette requête, je porterai plainte contre la Caisse auprès de la CEDH et de la CHD» ; que la Caisse lui répondait le 5 décembre 2006, que sa requête serait présentée à la Commission de Recours Amiable de la Caisse, réunie le 15 décembre 2006 ; que la Caisse prétend qu'après examen du dossier, les membres de la commission ont refusé de faire droit à cette demande sur le fondement des articles 2 et 7 de la directive 79/7 CEE du 19 décembre 1978 que cette décision aurait été notifiée par courrier recommandé du 15 janvier 2007, que cette décision n'ayant pas critiquée, elle est aujourd'hui définitive ; qu'il n'est aucune produit décision de la commission des recours amiables suite au recours de Monsieur X... en 2006 ni le justificatif de la notification de cette décision ; qu'en outre, Monsieur X... rappelle que sa demande était en tout état de cause prématurée et devait être déclarée irrecevable alors âgé que de 55 / 56 ans et que le dispositif nouveau réglementé par l'article 19 des statuts du régime vieillesse complémentaire des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes dans version issue de l'arrêté ministériel du 13 avril 2011 a fait l'objet d'une nouvelle rédaction conjuguée avec le report de l'âge légal de la retraite porté de 60 à 62 ans, de sorte qu'aucune irrecevabilité ne peut être invoquée en l'absence d'identité du texte litigieux ; qu'enfin, il ajoute que lors de son recours gracieux en 2006, il n'avait pas connaissance de ce que la jurisprudence Griesmar rendue pour des fonctionnaires était applicable également pour son régime de retraite complémentaire selon l'arrêt Podesta de la Cour (cf. CJCE, 25.05.2000, Aff. C-50/99), ce qui ne s'est révélé que lors des modifications législatives intervenues après les arrêts de la Cour de Cassation sur un tout autre fondement en 2009 et 2010 ; que pour toutes ces raisons, la fin de non recevoir doit donc être écartée » ;
ALORS QUE, premièrement, lorsqu'une pièce est mentionnée au bordereau de communication de pièces annexé aux conclusions écrites d'une partie et qu'aucune contestation n'a été élevée quant à la production et la communication de cette pièce, les juges du fond ne peuvent considérer, pour statuer, que la pièce n'a pas été produite, sans interpeler l'auteur de la production pour recueillir ses observations ; que tel n'a pas été le cas en l'espèce ; que l'arrêt encourt la censure pour violation de l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, aucun texte, ni aucun principe ne fait obstacle à ce qu'un assuré invite une caisse à statuer sur sa situation lors de la liquidation de ses droits à retraite, et ce par anticipation ; qu'en traitant la demande du 12 novembre 2006 comme prématurée, pour s'opposer à l'autorité de la chose décidée attachée à la décision du 15 décembre 2006, les juges du fond ont commis une erreur de droit et violé les articles 14 et 20 ancien et 19 nouveau des statuts du régime d'assurance vieillesse complémentaire de la section professionnelle des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, ensemble la règle suivant laquelle une décision d'une caisse devenue définitive est revêtue de l'autorité de la chose décidée ;
ALORS QUE, troisièmement, dès lors qu'à l'occasion de sa demande du 12 novembre 2006, Monsieur X... a invité la caisse à décider qu'il pouvait bénéficier, au titre des enfants, des mêmes avantages que les femmes exerçant la profession de chirurgien-dentiste et qu'aux termes de sa lettre du 15 février 2010, il a formulé une demande ayant le même objet, l'autorité de chose décidée, attachée à la décision du 15 décembre 2006 s'opposait à la recevabilité de la seconde demande ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 14 et 20 ancien et 19 nouveau des statuts du régime d'assurance vieillesse complémentaire de la section professionnelle des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, ensemble le principe suivant lequel la décision de la caisse devenue définitive est revêtue de l'autorité de la chose décidée ;
ALORS QUE, quatrièmement, les juges du fond ont fait état à tort de la jurisprudence résultant de l'arrêt Podesta (CJUE, 25 mai 2000, C-50/99) ; qu'en effet, la solution posée par la CJUE ne concerne pas les régimes de sécurité sociale procédant de la loi tel que le régime complémentaire géré par la CARCDSF ; que de ce point de vue, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ensemble le principe suivant lequel la décision de la caisse devenue définitive est revêtue de l'autorité de la chose décidé.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a déclaré la demande de Monsieur X... recevable, puis décidé que la discrimination directe subie par les pères par application de l'article 20 ancien de la CARCDSF était contraire au principe de nondiscrimination tel que prévu par l'article 14 de la CARCDSF et de l'article 1er du protocole additionnel, ainsi que par l'article 157 du TFUE et la directive n°86/378, et dit que Monsieur X... pouvait faire valoir ses droits à retraite à partir de 61 ans sans coefficient de minoration en application de l'article 20 ancien des statuts de la CARCDSF ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... demande à la cour de constater la discrimination directe subie par les pères par application des dispositions de 19 des statuts de la CARCDSF contraires au principe de non-discrimination tel que protégé par l'article 14 de la CESDH et de l'article 1er du protocole additionnel, ainsi que par l'article 157 TFUE (ancien article 141 du Traité UE) et la directive 86/378 modifiée par la directive 96/97 devenue directive "refonte" 2006/54 ; que l'ancien article 20 des statuts de la caisse, applicable aux faits de l'espèce, prévoyait que : « La liquidation de la pension de retraite est : I. Dans les conditions générales d'ouverture du droit : a) A taux plein sans application de coefficient de minoration . : - A partir de 65 ans (…) ; II. Dans les conditions particulières d'ouverture du droit : Bénéficient de la possibilité d'un départ anticipé entre 60 et moins de 65 ans sans qu'il soit fait application du taux de minoration prévu au b du 1 () ; b) Les adhérents chirurgiens-dentistes ayant élevé un ou plusieurs enfants pendant au moins neuf ans avant leur seizième anniversaire, à leur charge ou à celle de leur conjoint : - à partir de 64 ans pour un enfant; - à partir de 63 ans pour deux enfants ; - à partir de 62 ans pour trois enfants;- à partir de 61 ans pour quatre enfants ; - à partir de 60 ans pour cinq enfants et plus » ; Monsieur X... considère que ces dispositions viennent en contradiction avec le principe de non-discrimination prévu par l'article 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l‘Homme combiné avec l'article 1er du protocole additionnel 11 selon lequel : « Interdiction de discrimination des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » Protection de la propriété :toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent atteinte aux droits que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes» ; que l'appelant estime que le fait de réserver le bénéfice d'une retraite anticipée avant l'âge légal aux seules adhérentes constitue une discrimination directe défavorable aux hommes contraire au principe européen de non-discrimination et y a lieu de déclarer ce texte applicable lors de sa demande initiale contraire au principe de non-discrimination et de dire qu'il est en droit de bénéficier des mêmes dispositions sur un départ anticipée en tant que père de quatre enfants dès l'âge de 61 ans sans coefficient de minoration ; que Monsieur X... invoque les dispositions de l'article 141 du Traité CE (devenu article du TFUE) qui dispose : « 1. Chaque état membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur... ; 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un état membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou à compenser des désavantages dans la carrière professionnelle » ; que la jurisprudence européenne soumet les régimes professionnels de retraite, comme c'est le cas en l'espèce au principe d'égalité des rémunérations rappelé par l'article 119 du traité de la CE. devenu 141 puis 157 du T.F.U.E. ; que la rupture et la discrimination opérée par l'article 20 ancien des statuts de la Caisse au regard des article 14 de la CESDH et 1er du protocole additionnel, 157 TFUE ne peut être sérieusement contestée ; que la Caisse justifie cette rupture d'égalité par le fait que ces dispositions ont pour but de compenser les inconvénients causés à une carrière par l'interruption du service à l'occasion d'une naissance ou de périodes consacrées à l'éducation des enfants et fait appel aux « différences biologiques » qu'elle qualifie de purement objective et incontestable ; que Monsieur X... rétorque que les « inconvénients de carrière » subis par les femmes à raison de la maternité résultent indéniablement de leurs interruptions de carrière éventuelles pendant lesquelles elles n'auront pu cotiser ni valider de trimestres, ce qui reporte l'âge de la retraite ou diminue le montant de leur pension par le mécanisme de la décote ; que dès lors, une disposition permettant d'anticiper le départ à la retraite avant l'âge légal n'apporte aucune compensation sur le montant de la pension finale, même avec suppression de la décote, de sorte qu'il s'agit clairement d'une discrimination qui n'est pas justifiée par un but légitime ni proportionné au regard du principe de non-discrimination prévu par l'article 14 de la CESDH combiné avec l'article 1er de son protocole additionnel ; que Monsieur X... rappelle à bon escient qu‘il existe des dispositions protectrices pour les femmes à raison de la maternité qui sont essentiellement le congé maternité lui-même prévu par le code du travail, ou le récent report au compte du congé maternité au titre de la retraite par la loi 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; que dès lors que les femmes bénéficient d'avantages venant compenser les inconvénients professionnels attachés à la maternité, aucune raison ne objective ne justifie que les hommes ne puissent bénéficier des mêmes droits que les femmes s'ils établissent avoir autant supporté les inconvénients professionnels découlant de leur paternité ; qu'aucune raison objective ne justifie d'écarter les hommes du bénéfice de ces mêmes dispositions des lors qu'ils répondent à ces mêmes exigences ; que par contre, le nouvel article 19 des statuts n'étant applicable qu'à compter d'avril 2011, la réponse de la Caisse étant intervenue sous des textes précédents, il n'y a lieu de se prononcer sur leur conformité aux dispositions conventionnelles ; que cet article maintient la possibilité d'un départ anticipé avant l'âge légal pour les « adhérentes chirurgiens-dentistes, au titre de l'incidence sur leur vie professionnelle de la maternité, notamment de la grossesse et de l'accouchement à raison d 'une année d'anticipation par enfant mis au monde dans la limite de cinq années maximum » et n'est que l'intégration des dispositions de l'article L. 351-4 du Code de la Sécurité Sociale dans les statuts de la Caisse ; que pour ces raisons, il convient de considérer que Monsieur X... peut bénéficier des dispositions de l'article 19 des statuts (ancien article 20) et demander un départ anticipé à 61 ans » ;
ALORS QUE, premièrement, dès lors qu'ils avaient retenu, pour considérer la demande du 4 octobre 2011 recevable, que cette demande se prévalait des textes nouveaux entrés en vigueur à la suite de l'arrêté ministériel du 13 avril 2011 (p. 6, § 1er), les juges du fond étaient tenus d'examiner la demande de Monsieur X... au regard des textes nouveaux ; qu'en décidant qu'il fallait se déterminer au regard des textes anciens, puis en énonçant « par contre le nouvel article 19 des statuts n'étant applicable qu'à compter d'avril 2011, la réponse de la caisse n'étant intervenue sous l'empire des textes précédents, il n'y a pas lieu de se prononcer sur leur conformité aux dispositions conventionnelles », les juges du fond, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé l'article 12 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, et à tout le moins, l'arrêt doit être censuré comme inintelligible, pour violation de l'article 455 du code de procédure civile, pour avoir retenu que les textes nouveaux, entrés en vigueur en avril 2011, étaient applicables, à l'effet de déclarer la demande recevable, puis avoir raisonné, s'agissant du bien-fondé, au regard des textes en vigueur antérieurement à avril 2011.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a déclaré la demande de Monsieur X... recevable, puis décidé que la discrimination directe subie par les pères par application de l'article 20 ancien de la CARCDSF était contraire au principe de non-discrimination tel que prévu par l'article 14 de la CARCDSF et de l'article 1er du protocole additionnel, ainsi que par l'article 157 du TFUE et la directive n°86/378, et dit que Monsieur X... pouvait faire valoir ses droits à retraite à partir de 61 ans sans coefficient de minoration en application de l'article 20 ancien des statuts de la CARCDSF ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... demande à la cour de constater la discrimination directe subie par les pères par application des dispositions de 19 des statuts de la CARCDSF contraires au principe de non-discrimination tel que protégé par l'article 14 de la CESDH et de l'article 1er du protocole additionnel, ainsi que par l'article 157 TFUE (ancien article 141 du Traité UE) et la directive 86/378 modifiée par la directive 96/97 devenue directive "refonte" 2006/54 ; que l'ancien article 20 des statuts de la caisse, applicable aux faits de l'espèce, prévoyait que : « La liquidation de la pension de retraite est : I. Dans les conditions générales d'ouverture du droit : a) A taux plein sans application de coefficient de minoration . : - A partir de 65 ans (…) ; II. Dans les conditions particulières d'ouverture du droit : Bénéficient de la possibilité d'un départ anticipé entre 60 et moins de 65 ans sans qu'il soit fait application du taux de minoration prévu au b du 1 () ; b) Les adhérents chirurgiens-dentistes ayant élevé un ou plusieurs enfants pendant au moins neuf ans avant leur seizième anniversaire, à leur charge ou à celle de leur conjoint : - à partir de 64 ans pour un enfant; - à partir de 63 ans pour deux enfants ; - à partir de 62 ans pour trois enfants;- à partir de 61 ans pour quatre enfants ; - à partir de 60 ans pour cinq enfants et plus » ; Monsieur X... considère que ces dispositions viennent en contradiction avec le principe de non-discrimination prévu par l'article 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l‘Homme combiné avec l'article 1er du protocole additionnel 11 selon lequel : « Interdiction de discrimination des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » Protection de la propriété :toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent atteinte aux droits que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes» ; que l'appelant estime que le fait de réserver le bénéfice d'une retraite anticipée avant l'âge légal aux seules adhérentes constitue une discrimination directe défavorable aux hommes contraire au principe européen de non-discrimination et y a lieu de déclarer ce texte applicable lors de sa demande initiale contraire au principe de non-discrimination et de dire qu'il est en droit de bénéficier des mêmes dispositions sur un départ anticipée en tant que père de quatre enfants dès l'âge de 61 ans sans coefficient de minoration ; que Monsieur X... invoque les dispositions de l'article 141 du Traité CE (devenu article 157 du TFUE) qui dispose : « 1. Chaque état membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur... ; 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un état membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou à compenser des désavantages dans la carrière professionnelle » ; que la jurisprudence européenne soumet les régimes professionnels de retraite, comme c'est le cas en l'espèce au principe d'égalité des rémunérations rappelé par l'article 119 du traité de la CE. devenu 141 puis 157 du T.F.U.E. ; que la rupture et la discrimination opérée par l'article 20 ancien des statuts de la Caisse au regard des article 14 de la CESDH et 1er du protocole additionnel, 157 TFUE ne peut être sérieusement contestée ; que la Caisse justifie cette rupture d'égalité par le fait que ces dispositions ont pour but de compenser les inconvénients causés à une carrière par l'interruption du service à l'occasion d'une naissance ou de périodes consacrées à l'éducation des enfants et fait appel aux « différences biologiques » qu'elle qualifie de purement objective et incontestable ; que Monsieur X... rétorque que les « inconvénients de carrière » subis par les femmes à raison de la maternité résultent indéniablement de leurs interruptions de carrière éventuelles pendant lesquelles elles n'auront pu cotiser ni valider de trimestres, ce qui reporte l'âge de la retraite ou diminue le montant de leur pension par le mécanisme de la décote ; que dès lors, une disposition permettant d'anticiper le départ à la retraite avant l'âge légal n'apporte aucune compensation sur le montant de la pension finale, même avec suppression de la décote, de sorte qu'il s'agit clairement d'une discrimination qui n'est pas justifiée par un but légitime ni proportionné au regard du principe de non-discrimination prévu par l'article 14 de la CESDH combiné avec l'article 1er de son protocole additionnel ; que Monsieur X... rappelle à bon escient qu‘il existe des dispositions protectrices pour les femmes à raison de la maternité qui sont essentiellement le congé maternité lui-même prévu par le code du travail, ou le récent report au compte du congé maternité au titre de la retraite par la loi 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; que dès lors que les femmes bénéficient d'avantages venant compenser les inconvénients professionnels attachés à la maternité, aucune raison ne objective ne justifie que les hommes ne puissent bénéficier des mêmes droits que les femmes s'ils établissent avoir autant supporté les inconvénients professionnels découlant de leur paternité ; qu'aucune raison objective ne justifie d'écarter les hommes du bénéfice de ces mêmes dispositions des lors qu'ils répondent à ces mêmes exigences ; que par contre, le nouvel article 19 des statuts n'étant applicable qu'à compter d'avril 2011, la réponse de la Caisse étant intervenue sous des textes précédents, il n'y a lieu de se prononcer sur leur conformité aux dispositions conventionnelles ; que cet article maintient la possibilité d'un départ anticipé avant l'âge légal pour les « adhérentes chirurgiens-dentistes, au titre de l'incidence sur leur vie professionnelle de la maternité, notamment de la grossesse et de l'accouchement à raison d 'une année d'anticipation par enfant mis au monde dans la limite de cinq années maximum » et n'est que l'intégration des dispositions de l'article L351-4 du Code de la Sécurité Sociale dans les statuts de la Caisse ; que pour ces raisons, il convient de considérer que Monsieur X... peut bénéficier des dispositions de l'article 19 des statuts (ancien article 20) et demander un départ anticipé à 61 ans » ;
ALORS QUE, la demande formulée par un assuré est appréciée à la date à laquelle la demande est formulée et la décision prise ; que si le juge est saisi, il doit en apprécier le bien-fondé en considération des règles applicables à cette date ; qu'en l'espèce, la demande ayant été formée le 4 octobre 2011 et la décision de la commission étant nécessairement postérieure, les juges du fond se devaient de trancher au regard des règles applicables à compter d'avril 2011 ; qu'en se fondant sur les règles antérieures et en considérant qu'en vertu du principe d'égalité, les dispositions antérieures régissant les femmes exerçant la profession de chirurgien-dentiste devaient être appliquées aux hommes, les juges du fond ont violé l'article 2 du code civil, ensemble l'article 19 des statuts du régime complémentaire en vigueur à compter d'avril 2011.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-16094
Date de la décision : 26/05/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Vieillesse - Pension - Ouverture du droit - Règles applicables - Détermination - Portée

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Vieillesse - Pension - Ouverture du droit - Règles applicables - Date - Fixation - Jour de l'entrée en jouissance de la prestation de retraite - Portée SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Vieillesse - Pension - Calcul - Règles applicables - Détermination - Portée SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Vieillesse - Pension - Calcul - Règles applicables - Date - Fixation - Jour de l'entrée en jouissance de la prestation de retraite - Portée

Les règles qui déterminent les conditions d'ouverture et le calcul de la prestation de retraite sont celles en vigueur au jour de l'entrée en jouissance de celle-ci. Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, pour accueillir partiellement la demande d'un assuré, né en 1951, et décider que celui-ci peut faire valoir ses droits à la retraite à l'âge de soixante-et-un ans sans coefficient de minoration, en application de l'article 20 ancien des statuts en vigueur jusqu'au 13 avril 2011, retient que cette disposition statutaire, seule applicable aux faits de l'espèce compte tenu de la date à laquelle est intervenue la décision de l'organisme de sécurité sociale, établit une discrimination non justifiée au détriment des hommes


Références :

Sur le numéro 2 :

arrêté du 13 avril 2011 portant approbation des statuts du régime d'assurance vieillesse complémentaire de la section professionnelle des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes
Sur le numéro 2 : article 2 du code civil

article 19 nouveau des statuts du régime d'assurance vieillesse complémentaire de la section professionnelle des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes
Sur le numéro 2 : article 2 du code civil

article 19 nouveau des statuts du régime d'assurance vieillesse complémentaire de la section professionnelle des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes

arrêté du 13 avril 2011 portant approbation des statut
Sur le numéro 2 : s du régime d'assurance vieillesse complémentaire de la section professionnelle des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 10 mars 2015

n° 1 :Sur l'inopposabilité à l'allocataire d'une décision devenue définitive d'un organisme de sécurité sociale en raison de circonstances nouvelles, à rapprocher :2e Civ., 18 décembre 2014, pourvoi n° 13-28080, Bull. 2014, II, n° 254 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 26 mai. 2016, pourvoi n°15-16094, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat général : Mme Lapasset
Rapporteur ?: M. Poirotte
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.16094
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