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25/05/2016 | FRANCE | N°15-21407

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 25 mai 2016, 15-21407


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 8 avril 2015), que Mme X... a introduit, sur le fondement du règlement CE n° 4/ 2009 du 18 décembre 2008, une demande de déclaration constatant la force exécutoire en France d'une décision rendue le 2 août 2012 par la County Court de Bath (Royaume-Uni), au cours d'une instance en divorce ouverte devant cette même juridiction, condamnant M. Y...à lui verser une certaine somme en capital à titre d'obligation alimentaire ;
Attendu que M

. Y...fait grief à l'arrêt de déclarer cette décision exécutoire en Fr...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 8 avril 2015), que Mme X... a introduit, sur le fondement du règlement CE n° 4/ 2009 du 18 décembre 2008, une demande de déclaration constatant la force exécutoire en France d'une décision rendue le 2 août 2012 par la County Court de Bath (Royaume-Uni), au cours d'une instance en divorce ouverte devant cette même juridiction, condamnant M. Y...à lui verser une certaine somme en capital à titre d'obligation alimentaire ;
Attendu que M. Y...fait grief à l'arrêt de déclarer cette décision exécutoire en France, alors, selon le moyen :
1°/ que, selon l'article 24 du règlement CE n° 4/ 2009 du 18 décembre 2008, la reconnaissance d'une décision rendue dans un Etat membre non lié par le protocole de La Haye de 2007 doit être refusée si cette reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat membre dans lequel la reconnaissance est demandée ; qu'en l'espèce, M. Y...avait exposé que la compétence de la juridiction de Bath avait été retenue sous l'effet d'une fraude de Mme X... qui s'était domiciliée fictivement en Angleterre pour bénéficier de la compétence de la loi et des juridictions anglaises et faire échec à la loi française ; qu'en se bornant à retenir que le juge de Bath avait retenu sa compétence au vu de la domiciliation des époux en Angleterre et qu'il avait tranché le conflit de compétence litigieux, sans rechercher, comme il lui avait été expressément demandé, si la domiciliation de Mme X... en Angleterre, au vu de laquelle le juge de Bath avait retenu sa compétence, n'était pas fictive et propre à caractériser une fraude constitutive d'une atteinte à l'ordre public de nature à faire échec à la reconnaissance en France de la décision étrangère ainsi obtenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;
2°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à une défaut de motifs ; qu'en l'espèce, M. Y...avait exposé qu'« en violation des règles de droit et de compétence, et des droits du mari, Mme X... avait engagé sa procédure en Angleterre en se prévalant d'une fausse domiciliation dans ce pays », que ce fait constituait « une fraude à la loi, ce qui ne saurait être considéré comme conforme à l'ordre public, ni pour le droit anglais ni pour le droit français », de sorte que la décision du juge anglais avait été « rendue en violation de l'ordre public » ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen dirimant, dont il résultait que la décision du juge de Bath ne pouvait être reconnue et exécutée en France, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que, selon l'article 24 du règlement CE n° 4/ 2009 du 18 décembre 2008, la reconnaissance d'une décision rendue dans un Etat membre non lié par le protocole de La Haye de 2007 doit être refusée si la citation du défendeur n'a pas été signifiée en temps utile et de telle manière qu'il ait pu se défendre ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. Y...avait reçu signification en France d'un avis d'audience le 24 juillet 2012 pour une audience fixée à Bath au 2 août 2012, soit un délai de convocation de neuf jours, manifestement insuffisant pour permettre à l'intéressé d'organiser sa défense devant une juridiction étrangère ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les dispositions susvisées, ensemble les principes généraux des droits de la défense et l'article 6-1° de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que, d'une part, après avoir relevé que la juridiction britannique avait tranché la question de la compétence, l'arrêt, répondant par là-même aux conclusions invoquées, en déduit exactement que M. Y...ne peut prétendre que la décision étrangère a été rendue en fraude de ses droits au motif que son épouse serait domiciliée, non en Grande-Bretagne, mais en France ; que, d'autre part, il constate que l'intéressé a été avisé par les conseils de Mme X... des dates d'audience, lesquelles ont fait l'objet de renvois successifs en raison de l'absence de diligences de sa part ; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a rejeté, à bon droit, le recours ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande M. Y...et le condamne à verser à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. Y...

IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR déclaré exécutoire en France la décision rendue par la County Court de BATH le 2 août 2012,
AUX MOTIFS QUE conformément aux exigences de communication posées par l'article 28 du règlement CE n° 4/ 2009 du 18 décembre 2008 applicable au litige Mme X... avait produit les documents exigés par cette disposition, de sorte qu'il appartenait à M. Y...de rapporter la preuve de la réalité de l'un des motifs de refus de reconnaissance tels qu'énumérés à l'article 24 de ce même règlement ; qu'en premier lieu, la juridiction compétente à BATH avait émis le certificat exigé à l'article 28 de ce règlement, de sorte que le caractère exécutoire et définitif de la décision rendue avait été ainsi confirmé ; que dès lors, le projet d'ordonnance établi par les parties avait été approuvé par le juge qui l'avait annexé à sa décision et qui y avait apposé son sceau, de sorte que la décision rendue, telle que produite, remplissait toutes les conditions d'authenticité exigées par ce règlement et ce, d'autant plus que M. Y...avait lui-même invoqué le caractère définitif et exécutoire de cette décision devant le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de QUIMPER qui avait été saisi par son épouse le 12 décembre 2012 ; qu'en second lieu, M. Y...ne pouvait pas plus prétendre que la décision en cause avait été rendue en fraude de ses droits, dès lors que Mme X... était domiciliée non en Grande-Bretagne mais en France, et ce comme en attestait le contenu de la procédure suivie devant le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de QUIMPER ; que M. Y...avait soulevé l'incompétence du juge de BATH au profit du juge français ; que la question de la compétence avait été tranchée par le juge anglais qui avait constaté notamment que les deux époux étaient domiciliés au Royaume-Uni dans l'ordonnance rendue le 23 novembre 2011, soit plus d'un an avant la saisine du Juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de QUIMPER, lequel n'avait en outre aucune compétence pour remettre en cause la décision rendue à BATH ; que dès lors, la fraude alléguée par M. Y..., non caractérisée, ne pouvait être retenue ; que M. Y...faisait également grief à la décision litigieuse d'avoir été rendue sans qu'il eût pu disposer des moyens nécessaires, et notamment de délais, pour assurer sa défense en faisant valoir que l'assignat ion lui avait été délivrée tardivement en France ; que ce motif était tout autant inopérant que le précédent ; qu'en effet, alors que M. Y...avait été avisé par les conseil britanniques de Mme X... des dates d'audience, lesquelles avaient fait l'objet de renvois successifs en raison de l'absence de diligences de sa part, celui-ci avait reçu le 24 juillet 2012 un avis d'audience pour le 2 août 2012 accompagné de plusieurs actes de procédure et du projet d'ordonnance concernant les questions financières qui devaient être tranchées lors de cette audience et sur lesquels il avait été en mesure de présenter toutes observations utiles dès le 26 juillet 2012, de sorte qu'il ne pouvait utilement faire valoir ce grief ; que s'agissant de l'absence d'indication des voies de recours, M. Y...ne pouvait utilement faire valoir que la décision en cause ne pouvait être revêtue de la force exécutoire dans la mesure où elle n'était pas définit ive en raison de cette absence d'information sur les délais et voies de recours susceptibles d'être formées, alors que devant le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de QUIMPER, il avait été amené à revendiquer le caractère définit if de la décision rendue par le tribunal de BATH,
ALORS, D'UNE PART, QUE selon l'article 24 du règlement CE 4/ 2009 du 18 décembre 2008, la reconnaissance d'une décision rendue dans un Etat membre non lié par le protocole de La HAYE de 2007 doit être refusée si cette reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'État membre dans lequel la reconnaissance est demandée ; qu'en l'espèce, M. Y...avait exposé que la compétence de la juridiction de BATH avait été retenue sous l'effet d'une fraude de Mme X... qui s'était domiciliée fictivement en Angleterre pour bénéficier de la compétence de la loi et des juridictions anglaises et faire échec à la loi française ; qu'en se bornant à retenir que le juge de BATH avait retenu sa compétence au vu de la domiciliation des époux en Angleterre et qu'il avait tranché le conflit de compétence litigieux, sans rechercher, comme il lui avait été expressément demandé, si la domiciliation de Mme X... en Angleterre, au vu de laquelle le juge de BATH avait retenu sa compétence, n'était pas fictive et propre à caractériser une fraude constitutive d'une atteinte à l'ordre public de nature à faire échec à la reconnaissance en France de la décision étrangère ainsi obtenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à une défaut de motifs ; qu'en l'espèce, M. Y...avait exposé (conclusions p. 4 et 5) qu'« en violation des règles de droit et de compétence, et des droits du mari, Mme X... avait engagé sa procédure en Angleterre en se prévalant d'une fausse domiciliation dans ce pays », que ce fait constituait « une fraude à la loi, ce qui ne saurait être considéré comme conforme à l'ordre public, ni pour le droit anglais, ni pour le droit français », de sorte que la décision du juge anglais avait été « rendue en violation de l'ordre public » ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen dirimant, dont il résultait que la décision du juge de BATH ne pouvait être reconnue et exécutée en France, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile,
ALORS, EN OUTRE, QUE selon l'article 24 du règlement CE 4/ 2009 du 18 décembre 2008, la reconnaissance d'une décision rendue dans un Etat membre non lié par le protocole de La HAYE de 2007 doit être refusée si la citation du défendeur n'a pas été signifiée en temps utile et de telle manière qu'il ait pu se défendre ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. Y...avait reçu signification en France d'un avis d'audience le 24 juillet 2012 pour une audience fixée à BATH au 2 août 2012, soit un délai de convocation de neuf jours, manifestement insuffisant pour permettre à l'intéressé d'organiser sa défense devant une juridiction étrangère ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les dispositions susvisées, ensemble les principes généraux des droits de la défense et l'article 6-1° de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-21407
Date de la décision : 25/05/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Exequatur - Contestation - Moyen - Fraude - Plaideur défaillant devant la juridiction étrangère - Possibilité (non)

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Exequatur - Contestation - Moyen - Fraude - Condition FRAUDE - Conflit de juridictions - Effets internationaux des jugements - Exequatur - Contestation - Moyen - Condition UNION EUROPEENNE - Règlement (CE) n° 4/2009 du 18 décembre 2008 - Reconnaissance et exécution des décisions et coopération en matière d'obligations alimentaires - Article 24 - Déclaration constatant la force exécutoire d'un jugement - Contestation - Moyen - Fraude - Condition

Saisie, sur le fondement de l'article 24 du règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008, d'un recours contre une déclaration constatant la force exécutoire en France d'une décision rendue par une juridiction de Bath (Royaume-Uni), c'est à bon droit qu'une cour d'appel, qui relève que cette juridiction a tranché la question de la compétence, en déduit que le débiteur de l'obligation alimentaire ne peut prétendre que la décision étrangère a été rendue en fraude de ses droits au motif que son épouse serait domiciliée en France et non en Grande-Bretagne. C'est encore à bon droit que la cour d'appel, qui constate que l'intéressé a été avisé des dates d'audience, lesquelles ont fait l'objet de renvois successifs en raison de l'absence de diligences de sa part, rejette le recours


Références :

article 24 du règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la coopération en matière d'obligations alimentaires

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 08 avril 2015

A rapprocher :1re Civ., 29 janvier 2002, pourvoi n° 00-11956, Bull. 2002, l, n° 30 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 25 mai. 2016, pourvoi n°15-21407, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Sassoust
Rapporteur ?: M. Hascher
Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.21407
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